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Impératif catégorique
L'impératif catégorique est un concept de la philosophie morale d'Emmanuel Kant. Énoncé pour la première fois en 1785 dans Fondation de la métaphysique des mœurs, il sera ensuite repris dans d'autres ouvrages d'éthique de l'auteur. Maintes fois critiquée, cette notion a aussi été reprise par nombres de philosophes. L'impératif est généralement connu essentiellement pour ses trois formulations célèbres :
- « Agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans tout autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen[1]. »
- « Agis selon la maxime qui peut en même temps se transformer en loi universelle[2]. »
- « Agis selon des maximes qui puissent en même temps se prendre elles-mêmes pour objet comme lois universelles de la nature[3]. »
Bien que ces trois énoncés soient différents, ils sont tous des formulations du même impératif catégorique, qui lui est unique.
Sommaire
Deux types d'impératifs
Kant distingue deux types d'impératifs : un impératif peut être hypothétique ou catégorique.
- L'impératif catégorique lui correspond à ce qui doit être fait inconditionnellement. Seules des actions dont la maxime sera conforme à ce principe seront morales. Il n'y a pas ici de fin instrumentale, l'impératif catégorique s'impose de lui-même sans autre justification.
- Les impératifs hypothétiques correspondent à ce qu'il faut faire en vue d'une fin particulière. Si l'on réussit tel projet « X » il faut accomplir telles actions « Y », « Z », etc. Il s'agit d'obligations instrumentales, qui sont liées à un but poursuivi. Elles ne sont obligations que dans la mesure où ce but est recherché et n'ont aucune composante morale.
On voit donc qu'il y a une opposition tranchée entre les impératifs hypothétiques, qui peuvent être nombreux et qui sont reliés à une fin externe, et l'impératif catégorique unique qui vaut par lui-même et non par rapport à un élément extérieur.
Impératif catégorique
- L'impératif catégorique s'inscrit dans la critique de la conception antique de l'Homme : la fin de celui-ci n'est plus d'être heureux, mais d'être moral ; le bonheur n'étant selon Kant qu'une conception empirique et irrationnelle.
- Selon Kant l'action morale doit être jugée non pas en fonction de son résultat mais selon ses motivations ; si la volonté qui la commande est bonne, l'action est moralement juste. L'impératif catégorique de Kant consiste en l'accomplissement du devoir, c'est-à-dire que l'action juste est inexorablement gratuite et désintéressée.
- L'acte gratuit est selon Kant possible du fait même de la liberté humaine. En effet, bien que l'opinion commune pense que la morale s'oppose à la liberté. Selon Kant la moralité consiste à s'affranchir des instincts égoïstes pour agir raisonnablement, i.e. être libre.
- Le devoir n'a pas de contenu fixe mais seulement une forme : il est universalisable. Ce qui est juste pour l'un doit être juste pour tous.
- L'action conforme au devoir dans les faits n'est pas nécessairement juste : par exemple, respecter la loi par peur du châtiment est conforme au devoir, mais immoral car intéressé.
- Il est donc impossible de juger la valeur morale des actes d'autrui puisqu'il est impossible de connaître toutes les motivations de ces actes. Il est d'autre part extrêmement dur de juger ses propres actes du fait de la difficulté de l'introspection nécessaire.
Impératifs hypothétiques
Kant distingue d'autre part deux espèces d'impératifs hypothétiques :
- L'impératif technique représente une action comme nécessaire pour atteindre une des innombrables fins possibles ; quand une fin est possible pour nous, un impératif énonce comment nous pouvons atteindre cette fin. Par exemple : « Pour te rendre à tel endroit, tu dois prendre tel trajet ».
- L'impératif assertorique représente une action comme nécessaire pour arriver au bonheur, c'est-à-dire à une fin qu'on peut supposer réelle chez tous les hommes. Ainsi, une proposition indiquant la façon d'être heureux n'est pas un impératif catégorique (c'est-à-dire inconditionné), mais un impératif hypothétique, puisqu'il concerne le choix des moyens en vue de son bonheur et est donc relatif à une autre fin.
On obtient donc une tripartition, qui se décline à différents niveaux :
- impératif problématique / impératif assertorique / impératif catégorique
- ordre technique / ordre pragmatique / ordre moral.
- habileté / prudence / morale
- règles / conseils / commandements
Critiques de l'impératif catégorique
L'une des premières critiques de l'impératif catégorique fut apportée par Benjamin Constant dans le traité Des réactions politiques. Celle-ci se fonde d'une part sur le fait que l'impératif catégorique ne prend pas en compte le résultat de l'action, et d'autre part sur celui que l'impératif est totalement inconditionnel. Pour Constant le devoir n'est applicable qu'envers ceux qui y ont droit : par exemple dire la vérité n'est un devoir qu'envers ceux qui la disent aussi. Il est, selon lui, en effet indubitable que lorsque les devoirs sont en contradiction les uns par rapport aux autres, il est nécessaire de les hiérarchiser pour éviter les paradoxes que produirait un impératif catégorique.
Une autre critique formulée contre l'impératif catégorique est celle inspirée par ce que Kant appelle "les morales du bonheur" (eudémonisme). Cette position, que Kant voit dans les philosophies d'Aristote et Platon, se concentre autour de la notion de bien. Pour Aristote, le ressort de l'action est la recherche d'un bien, qui est attractif parce que, dans une mesure qu'il convient d'évaluer, il plaît (ευχαρειν). Or telle n'est pas la perspective kantienne : l'impératif catégorique doit être suivi sans aucune condition. L'action morale est faite par devoir et uniquement par devoir, indépendamment de la poursuite d'un bien qui motiverait l'agir. On voit alors mal pourquoi il faudrait être moral, puisque rien ne nous y enjoint ; si dans les morales antiques, on voit très bien ce qui motive l'agir (la recherche du bien), on ne voit pas du tout l'attractivité de la motivation kantienne, qui ne saurait reposer sur un tel bien. L'intention morale kantienne trouve son ressort dans la dignité morale. Mais pourquoi rechercher une telle dignité, si ce n'est que la dignité recherchée est celle qui convient à l'être humain, en tant qu'il est meilleur pour lui de s'accomplir en agissant selon la vertu. Indépendamment d'une philosophie du bien, il semble peu concevable à certains que la morale kantienne puisse être une morale praticable, ou même servir de fondement à une pratique réelle.
Une formule devenue célèbre de Charles Péguy exprime une nouvelle objection contre la morale kantienne : « Le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains. » (Pensées, octobre 1910). Le kantisme serait tout simplement inapplicable, il serait donc moralement "pur", mais seulement de par son inefficacité à penser l'action morale concrète. C'est d'ailleurs sur cette base que se fonde la critique que fait Hegel de la morale kantienne dans les Principes de la philosophie du droit.
Notes
- ↑ Fondation de la métaphysique des mœurs in Métaphysique des mœurs, I, Fondation, Introduction, trad. Alain Renaut, p. 108.
- ↑ Op. cit., p. 118
- ↑ Op. cit. p. 119.
Bibliographie
- Métaphysique des mœurs, I, Fondation, Introduction, trad. Alain Renaut, Paris, Garnier-Flammarion, 1999. (ISBN 2-08070-716-7)
Voir aussi
- Philosophie pratique de Kant
- Fondation de la métaphysique des mœurs
- Critique de la raison pratique
- Éthique de réciprocité
Liens externes
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