- Film noir
-
Le film noir est plus un courant qu'un genre cinématographique apparu aux États-Unis et fortement inspiré des nouvelles de détective de Dashiell Hammett ou Raymond Chandler, elles-mêmes dérivées du naturalisme, un mouvement littéraire basé sur le réalisme[réf. nécessaire]. Il se développe cependant surtout à partir de 1944.
Sommaire
Définition
Bien qu'il s'agisse d'un genre typiquement américain[1], le terme film noir est né sous la plume d'un critique de films français, Nino Frank, par assimilation à la Série noire, une collection de romans de détective. Le film noir met généralement en scène un personnage emprisonné dans des situations qui ne sont pas de son fait et acculé à des décisions désespérées. Le meurtre ou le crime, l'infidélité, la trahison, la jalousie et le fatalisme sont des thèmes privilégiés.
Le Faucon maltais (1941, John Huston) est souvent considéré comme le premier film du genre noir, mais d'autres pensent en premier lieu à Assurance sur la mort (1944, Billy Wilder). Certains le font même remonter jusqu'au film Les Nuits de Chicago (1927, Josef von Sternberg)[1].
Le film noir est pessimiste par essence. L'archétype du protagoniste du film noir est un détective privé de second ordre, cynique et blasé, embauché pour une enquête dont les véritables implications lui sont cachées par son commanditaire. Son enquête l'amène le plus souvent à rencontrer une femme fatale qui le manipule par avidité, causant ainsi leur perte.
La Soif du mal (Touch of Evil), tourné en 1958 par Orson Welles est généralement considéré comme le dernier film noir classique[1]. D'autres films reprenant les canons du film noir, tournés après cette date, sont généralement qualifiés de néo-noirs par les Anglo-Saxons. On compte environ 250 à 400 films qui répondent aux critères de définition du film noir tournés pendant cette période de dix-sept ans.
Historique
Les critiques français Raymond Borde et Étienne Chaumeton ont écrit un livre sur le film noir en 1955, le Panorama du film noir américain 1941–1953[2]. Ils ont souligné qu'il était très difficile de définir le film noir, étant donné que le style comprenait plusieurs sous-types.
Fleurissant pendant les années 1940 et 1950, ce genre n'a souvent bénéficié que de budgets réduits (série B). Il existait en effet à l'époque le double programme dans une séance de cinéma : un ticket donnait le droit de voir deux films longs métrages, précédés de cartoons, de courts métrages et d'actualités. Les deux longs métrages n'étaient pas de même qualité ; l'un appartenait à la série A et répondait aux canons esthétiques et moraux de l'époque, une débauche de stars, des décors luxueux et une lumière flatteuse, et donc un budget important. C'était également ce film qui attirait le spectateur. L'autre film, la série B, dont le principe avait été mis en place au début des années 1940, n'avait qu'un budget réduit, recourait à des acteurs débutants, disposait de peu d'effets spéciaux et de peu de décors.
On relie l'apparition de la femme fatale dans le cinéma américain aux effets de la Seconde Guerre mondiale. Pendant celle-ci, de nombreuses femmes obtinrent des postes à responsabilités, ce qui accrut leur émancipation et désorienta la société américaine.
Le film noir disparaît à la fin des années 1950 sous l'effet conjugué de plusieurs causes, dont les principales sont :
- la suppression progressive de la double séance et donc des films de série B ;
- la concurrence de la télévision, qui traita souvent des mêmes sujets.
Les réalisateurs spécialistes de film noir (et plus largement de série B) partirent souvent en Europe, où ils tournèrent des péplums.
Caractéristiques formelles
Le film noir possède une véritable identité visuelle qui a été largement imitée par la suite. Les éclairages expressionnistes sont fortement contrastés, laissent de larges pans de l'écran dans l'obscurité. Le décor est souvent urbain, et les espaces sont alors restreints (pas d'échappée sur une place ou une grande avenue). La campagne ou la petite ville est idéalisée, représentant l'Amérique des origines. En ville, on retrouve souvent le trottoir humide, comme après une pluie, les scènes nocturnes y sont nombreuses.
Les films noirs mettent souvent en scène des personnages principaux complexes et ambigus, dont le passé est souvent peu reluisant, et des seconds rôles riches et autonomes, en rupture avec les poncifs traditionnels. Dans les années 1950, c'est également l'occasion pour des artistes et techniciens qui ne peuvent plus continuer à exercer leur métier à cause de leur « inclusion » dans la liste noire d'Hollywood. Des techniques inhabituelles, telles que la voix off ou la caméra subjective, affirment le style noir dont l'influence commence progressivement à se faire sentir sur les grandes productions.
Influences
Le film noir apparaît dans la lignée des films de gangsters américains des années 1930, mais des apports stylistiques européens lui ont déjà donné une identité visuelle propre. L'esthétique du film noir doit beaucoup à l'expressionnisme allemand et aux réalisateurs émigrés, tels que Fritz Lang, qui fuyaient la montée du nazisme. Ils apportèrent en particulier les techniques qu'ils avaient développées comme l'éclairage dramatique et la prise de vue subjective, psychologique. L'autre influence principale provient du néoréalisme italien. Après 1945, les films noirs adoptèrent un aspect néoréaliste, filmant dans des extérieurs urbains (plutôt qu'en studio). Une bonne illustration de cette évolution est Assurance sur la mort (Double Indemnity - 1944) qui est souvent considéré comme l'archétype du film noir.
Le film noir a eu à son tour une influence marquée sur d'autres genres, aussi bien d'un point de vue stylistique que narratif. Ainsi des films de science-fiction, tels que Blade Runner (1982) ou Dark City (1998), répondent quasi-religieusement aux règles du genre noir, de même le film fantastique, Angel Heart (1987). Ces dernières années, Hollywood a montré un regain d'intérêt pour ce genre, notamment à travers l'adaptation des romans de James Ellroy (L.A. Confidential, Le Dahlia noir) ou encore à travers Kiss Kiss Bang Bang et Collatéral.
La Nouvelle Vague française a été en connexion directe avec le genre du film noir. Amateurs et défenseurs (dans les Cahiers du Cinéma) d'un cinéma plus créatif aux États-Unis qu'en Europe, les acteurs de la Nouvelle Vague se sont imprégnés du film noir. On peut citer Bande à part ou Tirez sur le pianiste parmi bien d'autres.
Principaux films noirs
Période classique
Les films de cette période suivis d'un astérisque sont en couleurs. Certains contestent la qualité de film noir à ces films[3].
- 1941 : Le Faucon maltais (The Maltese Falcon) de John Huston
- 1942 : Tueur à gages (This Gun for Hire) de Frank Tuttle
- 1942 : La Clé de verre (The Glass Key) de Stuart Heisler
- 1944 : Adieu, ma jolie (Murder My Sweet) de Edward Dmytryk
- 1944 : Assurance sur la mort (Double Indemnity) de Billy Wilder
- 1944 : Laura (Laura) d'Otto Preminger
- 1944 : La Femme au portrait (The Woman in the Window) de Fritz Lang
- 1945 : La Rue rouge (Scarlet Street) de Fritz Lang
- 1945 : Le Roman de Mildred Pierce (Mildred Pierce) de Michael Curtiz
- 1945 : Detour (Detour) de Edgar G. Ulmer
- 1945 : Péché mortel* (Leave Her to Heaven) de John M. Stahl
- 1946 : Le Criminel (The Stranger) d'Orson Welles
- 1946 : Le Grand Sommeil (The Big Sleep) de Howard Hawks
- 1946 : Le facteur sonne toujours deux fois (The Postman Always Rings Twice) de Tay Garnett
- 1946 : Gilda (Gilda) de Charles Vidor
- 1946 : L'Emprise du crime (The Strange Love of Martha Ivers) de Lewis Milestone
- 1946 : Le Dahlia Bleu (The Blue Dahlia) de George Marshall
- 1946 : Les Tueurs (The Killers) de Robert Siodmak
- 1946 : L'impasse Tragique (The Dark Corner) de Henry Hathaway
- 1946 : Lame de fond (Undercurrent) de Vincente Minnelli
- 1947 : Desperate d'Anthony Mann
- 1947 : En marge de l'enquête (Dead Reckoning) de John Cromwell
- 1947 : La Dame du lac (Lady in the Lake) de Robert Montgomery
- 1947 : Le Carrefour de la mort (Kiss of Death) de Henry Hathaway
- 1947 : La Griffe du passé / Pendez-moi haut et court (Out of the past) de Jacques Tourneur
- 1947 : Les Passagers de la nuit (Dark Passage) de Delmer Daves
- 1947 : Le Charlatan (Nightmare Alley) de Edmund Goulding
- 1948 : Key Largo (Key Largo) de John Huston[4]
- 1948 : L'Enfer de la corruption (Force of Evil) d'Abraham Polonsky
- 1948 : Berlin Express de Jacques Tourneur
- 1948 : La Dame de Shanghai (The Lady from Shanghai) de Orson Welles
- 1949 : Ça commence à Vera Cruz (The Big Steal) de Don Siegel
- 1949 : Pour toi j'ai tué (Criss Cross) de Robert Siodmak
- 1949 : L'enfer est à lui (White Heat) de Raoul Walsh
- 1949 : Les Amants de la nuit (They Live by Night) de Nicholas Ray
- 1949 : L'Île au complot (The Bribe) de Robert Z. Leonard
- 1949 : Le Troisième homme (The Third Man) de Carol Reed
- 1949 : Nous avons gagné ce soir (The Set Up) de Robert Wise
- 1950 : Le Démon des armes (Gun crazy) de Joseph H. Lewis
- 1950 : Le Violent (In a Lonely Place) de Nicholas Ray
- 1950 : Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard) de Billy Wilder
- 1950 : Quand la ville dort (The Asphalt Jungle) de John Huston
- 1950 : House by the River (House by the River) de Fritz Lang
- 1950 : Les Forbans de la nuit (Night and the City) de Jules Dassin
- 1950 : Mark Dixon, détective (Where the Sidewalk Ends) d'Otto Preminger
- 1951 : L’Inconnu du Nord-Express (Strangers on a Train) de Alfred Hitchcock
- 1951 : Menace dans la nuit (He ran all the Way) de John Berry
- 1952 : L'Énigme du Chicago Express (The Narrow Margin) de Richard Fleischer
- 1953 : La Femme au gardénia (Blue Gardenia) de Fritz Lang
- 1953 : Le Port de la drogue (Pickup on South Street) de Samuel Fuller
- 1953 : Niagara* (Niagara) de Henry Hathaway
- 1953 : Un si doux visage (Angel Face) d'Otto Preminger
- 1953 : Règlement de comptes (The Big Heat) de Fritz Lang
- 1954 : Du plomb pour l'inspecteur (Pushover) de Richard Quine
- 1954 : Je dois tuer (Suddenly) de Lewis Allen
- 1954 : Plus fort que le diable (Beat the Devil) de John Huston
- 1955 : Association criminelle (The Big Combo) de Joseph H. Lewis
- 1955 : En quatrième vitesse (Kiss Me Deadly) de Robert Aldrich
- 1955 : La Nuit du chasseur (The Night of the Hunter) de Charles Laughton
- 1955 : L'Ultime razzia (The Killing) de Stanley Kubrick
- 1956 : Deux rouquines dans la bagarre* (Slightly Scarlett) de Allan Dwan
- 1958 : La Soif du mal (Touch of Evil) de Orson Welles
- 1958 : Sueurs froides* (Vertigo) d'Alfred Hitchcock
- 1958 : Traquenard* (Party Girl) de Nicholas Ray
Néo-noir
- 1973 : Le Privé de Robert Altman
- 1974 : Chinatown de Roman Polanski
- 1981 : La Fièvre au corps (Body Heat) de Lawrence Kasdan
- 1984 : Sang pour Sang (Blood Simple) de Joel Coen
- 1985 : L'Année du dragon de Michael Cimino
- 1986 : Blue Velvet de David Lynch
- 1995 : Se7en de David Fincher
- 1997 : L.A. Confidential de Curtis Hanson
- 1997 : Lost Highway de David Lynch
- 1997 : U Turn de Oliver Stone
- 1998 : Snake eyes de Brian De Palma
- 2002 : Mulholland drive de David Lynch
- 2005 : Brick de Rian Johnson
- 2005 : The Black Dahlia de Brian De Palma
- 2006 : The Good German de Steven Soderbergh
- 2007 : Film noir de D. Jud Jones
Technoir[réf. nécessaire]
- 1982 : Blade Runner de Ridley Scott
- 1997 : Bienvenue à Gattaca (Gattaca) de Andrew Niccol
- 1998 : Dark City de Alex Proyas
- 1999 : Matrix (trilogie) des Frères Wachowski
- 2005 : Sin City adapté d'une BD de Frank Miller par Robert Rodriguez
- 2008 : The Spirit de Frank Miller
Le genre Noir dans le jeu vidéo
- Blade Runner
- Max Payne
- Max Payne 2: The Fall of Max Payne
- Mafia : The City of Lost Heaven
- Mafia 2
- L.A. Noire
- Grim Fandango
Notes et références
- (en) Submission Guide: Genres sur l'IMDb
- ISBN 978-2080815088 Panorama du film noir américain 1941–1953, coll. Champs Contre-Champs, Éditions Flammarion, Paris, 1993,
- IMDb Par exemple
- La classification de Key Largo en tant que film noir est discutable. Le style, l'endroit, le type de narration, la photographie, et surtout la fin ne font pas penser à un film noir.
Voir aussi
- Noir (2001) série animée japonaise, qui rend hommage au genre du film noir.
- Festival du film noir de Courmayeur, festival italien consacré au genre.
Bibliographie
- Eddie Muller, Dark City : le monde perdu du film noir, Clairac, 2007 (ISBN 978-2352560050)
- Patrick Brion, Le film noir : l'âge d'or du film criminel américain, d'Alfred Hitchcock à Nicholas Ray, Éditions de la Martinière, 2004 (ISBN 2-7324-3144-3)
- Lucci, Gabriele, Le film noir : mots clefs, acteurs et créateurs, films, Hazan, coll. "Guide des arts", 2007 (ISBN 978-2-7541-0163-9)
- François Guérif Le film noir américain, Denoël, 1999 (ISBN 2-207-24557-8)
Liens externes
- (fr) Affiches françaises du Film noir américain
- (fr) Plus d'un millier de films noirs
- (fr) Forum consacré aux films noirs
- (fr) Article runmovies.be
- (en) Les films noirs sur l'IMDb
- (en) Les films noirs sur filmsite.org
Wikimedia Foundation. 2010.