- Droit communautaire dérivé
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Droit de l'Union européenne
Le droit de l'Union européenne ou droit communautaire comprend les règles de droit sur lesquelles est fondée l'Union européenne (UE) et les règles qu'elle édicte.
Il est le droit des Communautés européennes, qui sont une des composantes de l'Union européenne, qui comprend aussi des procédures de coopération : politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et coopération policière et judiciaire en matière pénale (CPJP). Le traité de Maastricht qui a créé l'Union européenne a renommé la Communauté économique européenne (CEE) en Communauté européenne (CE). Les Communautés européennes aujourd'hui sont donc la Communauté européenne (CE) et la Communauté européenne de l'énergie atomique (CEEA), la CECA ayant été fondue dans la CE. Le droit communautaire (des Communautés européennes) ne doit donc pas être confondu avec l'ensemble du droit de l'UE. Le droit communautaire est une des composantes essentielles du droit européen, c'est-à-dire le droit d'application européenne en général, qui comprend également le droit du Conseil de l'Europe, organisation internationale distincte de l'UE (la composante essentielle du droit du Conseil de l'Europe étant la Convention européenne des droits de l'homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui interprète la Convention). La spécificité du droit communautaire est d'être "un système juridique propre, intégré aux systèmes juridiques des États membres" (Cour de justice des Communautés européennes, arrêt Costa contre E.N.E.L., 1964), c'est-à-dire qu'il s'applique immédiatement et confère aux particuliers des droits qu'ils peuvent invoquer en justice, éventuellement à l'encontre d'une règle nationale ne respectant pas la règle communautaire.
C'est la Cour de justice des Communautés européennes (située au Luxembourg) qui est garante de l'application du droit communautaire. Cette source est théoriquement subsidiaire.
En effet, la compétence législative de la Communauté est tenue en respect par le principe de subsidiarité, en vertu duquel la communauté n'agit que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les États membres.
Dans cette limite, cette source projette deux sortes de textes, des règlements et des directives, qui sont animés par une inégale force de pénétration. Les institutions du droit communautaire émettent aussi des décisions, des recommandation et avis qui ont force juridique obligatoire pour les États membres en ce qui concerne les décisions, constat à mesurer pour les avis et recommandations.
Le traité établissant une Constitution pour l'Europe et le traité modificatif qui le remplace suppriment les piliers de l'UE (CE, PESC, CPJP) en conférant à l'UE une personnalité juridique unique. Il n'y aura plus de Communauté européenne avec l'entrée en vigueur de la révision de Lisbonne (le traité CE étant renommé "traité sur le fonctionnement de l'Union"). L'expression de "droit communautaire" ne gardera donc qu'un intérêt historique et didactique, mais seule gardera une pertinence en droit positif l'expression de "droit de l'UE".
Les sources du droit communautaire
On distingue le droit communautaire primaire (ou droit originaire), composé des divers traités et le droit dérivé, ensemble d'actes pris par les institutions communautaires conformément à ces traités. Enfin la jurisprudence de la Cour de justice joue un rôle important parmi les sources du droit communautaire.
Le droit communautaire primaire
- Traité de Paris du 18 avril 1951, instituant la CECA, Communauté européenne du charbon et de l'acier. Ce traité, conclu pour une période de 50 ans, a expiré en 2002 et ne produit donc plus d'effet.
- Traité de Rome-1 du 25 mars 1957 instituant la CEE, Communauté économique européenne.
- Traité de Rome-2 du 25 mars 1957 instituant la CEEA, Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom).
Auxquels il faut ajouter les divers traités qui ont modifié et complété ces traités fondateurs :
- Traité de fusion des exécutifs du 8 avril 1965
- Traité de Luxembourg du 22 avril 1970 modifiant les compétences budgétaires
- Acte unique
- Traité de Maastricht
- Traité d'Amsterdam
- Traité de Nice
Les dispositions de ces traités sont pour la plupart regroupées dans deux traités :
- Traité sur l'Union européenne (traité UE), créé par le traité de Maastricht.
- Traité instituant la Communauté européenne (traité CE), qui correspond au traité de Rome-1 renommé par le traité de Maastricht.
Ces deux traités sont désignés par leurs initiales. Ainsi, l'article 10 CE est l'article 10 du traité instituant la Communauté européenne.
Le droit communautaire dérivé
Le droit communautaire dérivé est composé des autres sources de droit communautaire, définies dans l'article 249 CE :
- règlements, équivalent des lois nationales au niveau communautaire : ils établissent des normes applicables directement dans chaque État.
- directives, au statut juridique original : destinées à tous les États ou parfois à certains d'entre eux, elles définissent des objectifs obligatoires mais laissent en principe les États libres sur les moyens à employer, dans un délai déterminé.
- décisions, obligatoires pour un nombre limité de destinataires.
- recommandations et avis, qui ne lient pas les États auxquels ils s'adressent. La Cour de justice des Communautés européennes estime toutefois qu'une recommandation peut servir à l'interprétation du droit national ou communautaire.
Ce droit dérivé est, de loin, le droit le plus abondant. La plus grande partie du droit dérivé provient du premier pilier de l'Union européenne, en conséquence de l'application du traité de Maastricht.
La jurisprudence
La jurisprudence comprend les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) et du Tribunal de première instance des Communautés européennes, prononcés notamment dans le cadre de recours formés par la Commission, par les tribunaux nationaux des États membres ou par des particuliers. Récemment a été ajoutée aux deux premières juridictions européennes une troisième, le tribunal de la fonction publique. La CJCE a une compétence d'appel sur les deux premiers tribunaux (ainsi dits de première instance).
Cette jurisprudence est particulièrement importante car les traités abordent des sujets très vastes mais sans formuler des dispositions toujours très précises. Elle permet d'assurer une interprétation unifiée des traités au niveau européen.
Les évolutions du traité de Rome de 2004, puis de Lisbonne en 2007
Les États membres ont signé un traité établissant une Constitution pour l'Europe à Rome le 29 octobre 2004. Sa ratification est en suspens depuis le rejet de ce traité par référendum en France et aux Pays-Bas en 2005, mais il n'est pas exclu que certaines de ses dispositions, en particulier institutionnelles, fassent l'objet d'un nouveau traité.
Ce traité remplace par un texte unique les traités UE et CE, ainsi que les traités d'adhésion des États allemands.
Il modifie également les sources du droit communautaire dérivé en prenant acte de la nature quasi-législative de certaines de ces sources. Les règlements, sont divisés en deux catégories : les lois européennes et les règlements.
Le traité de Lisbonne signé le 13 décembre dernier abandonne ces modifications, et conserve les dénominations actuelles de "règlements", "directives" et "décisions".
Un ordre juridique propre
L'ensemble des normes qui constituent le droit communautaire constitue un ordre juridique distinct des ordres juridiques nationaux. Il entretient avec eux des rapports marqués par trois principes : autonomie sans séparation, primauté et effet direct.
L’autonomie du droit communautaire
Selon la formulation de la Cour de justice, le droit communautaire forme un ordre propre, distinct de celui des États membres, issu d'une source autonome[1]. Les normes européennes sont intégrées à l'ordre juridique national mais conservent leur statut et leur autorité de normes communautaires.
Les normes communautaires sont valides quelles que soient les circonstances locales et même en présence de normes locales légales, voire constitutionnelles, contraires. De même, l'interprétation de ces normes doit être unifiée au niveau européen : le juge national n'est pas libre d'interpréter la norme européenne différemment du juge d'un autre pays.
Le principe de primauté sur les droits nationaux
Le principe de primauté a été consacré par l’Arrêt Costa contre ENEL de la CJCE du 15 juillet 1964 (aff. 6/64). L’apport de cet arrêt est primordial. En effet, la Cour va consacrer un principe non contenu dans les traités communautaires et pourtant fondamental puisqu’il signifie que la primauté bénéficie à toutes les normes communautaires et s’exerce à l’encontre de toutes les normes nationales.
La Cour va déduire ce principe d’un raisonnement reposant sur trois arguments :
- L’applicabilité immédiate (c’est-à-dire le fait que le droit communautaire s’intègre de plein droit et en tant que tel dans l’ordre juridique interne des États membres) ainsi que l’applicabilité directe ou effet direct (c’est-à-dire le fait que le droit communautaire crée dans le patrimoine des particuliers des droits que les juridictions nationales doivent sauvegarder) serait lettre morte si un État pouvait s’y soustraire en adoptant un acte législatif opposé aux textes communautaires.
- le système communautaire est basé sur un principe de partage des compétences entre la CE et les États membres. De sorte que si les États pouvaient adopter des textes internes contraires au droit communautaire, et les faire primer, cela reviendrait à nier les partages de compétences qu’ils ont souverainement accepté.
- si chaque État pouvait refuser l’application de normes du droit communautaire par l’adoption de normes internes, cela mettrait à mal l’indispensable uniformité d’application du droit communautaire.
La primauté est ainsi une « condition existentielle » (P. Pescatore) du droit communautaire qui ne peut exister en tant que droit qu’à la condition de ne pas pouvoir être mis en échec par le droit des États membres.
Néanmoins, nombre d’États membres se refusent à adopter la thèse développé par la Cour. La France, notamment, considère que la Constitution est la norme suprême et donc supérieure au droit communautaire. L’affrontement entre cours constitutionnelles nationales et CJCE a connu deux étapes :
- la première dans les années 1970 à propos de la protection des droits fondamentaux
- la seconde encore actuellement sur la question de la souveraineté
L’effet direct de certaines normes européennes
On dit qu'une norme européenne, par exemple un règlement ou une directive, a un « effet direct » lorsqu'elle est directement invoquable par un particulier à l'occasion d'un litige. L'effet direct est « vertical » lorsque le particulier peut utiliser cette norme contre un État. Il est « horizontal » si le particulier peut s'en prévaloir contre un autre particulier.
Le principe d'applicabilité directe est affirmé dans la jurisprudence communautaire dans l'arrêt "Van Gend en Loos c/ administration fiscale néerlandaise" datant du 5/02/1963. Il y est affirmé qu'un citoyen peut invoquer une norme communautaire dans un litige l'opposant à son Administration. En l'espèce, il s'agissait de la part d'un transporteur de contester des droits de douane qui avaient été maintenus par l'Administration néerlandaise alors que l'article 12 du traité de Rome le prohibait. Ce principe est aussi invoquable dans un litige opposant deux particuliers (arrêt Defrere, 8/04/1976, en l'espèce sur la prohibition de toute discrimination entre travailleurs féminins et masculins).
Si les normes européennes bénéficient toutes de la primauté du droit communautaire, elles ne sont pas toutes d'effet direct. D'une manière générale, la Cour de justice des Communautés européennes examine le contenu de l'acte. Si une disposition est suffisamment précise et inconditionnelle, elle peut être invoquée par les particuliers. La Cour de justice indique traditionnellement qu'il faut considérer « l'esprit, l'économie et les termes » de chaque disposition. Certains éléments de ce régime dépendent toutefois de la dénomination de l'acte : règlement, directive, accord international conclu par la Communauté.
Le principe de l'effet direct, constamment mis en avant par la Cour de justice, a contribué à assurer l'effectivité du droit communautaire.
Le principe de l’effet direct
La Cour de justice a posé le principe de l'effet direct avec l'arrêt van Gend en Loos du 5 février 1963. Elle a affirmé à cette occasion que les dispositions du traité CE (alors traité CEE) étaient invoquables par des particuliers devant leurs juridictions nationales. En effet, le traité a institué selon elle un ordre juridique nouveau auquel les États ont transféré définitivement leurs compétences dans certains domaines. Les actes communautaires peuvent donc s'adresser directement aux particuliers. Elle déduit du rôle donné à la Cour de justice par l'article 177 du traité (actuel article 234 CE) que le droit communautaire peut être invoqué par un particulier devant le juge national.
L'effet direct est reconnu pour le règlement communautaire, qui est par définition « directement applicable dans tout État membre » (article 249 CE). Il en est de même des décisions dont les particuliers sont destinataires. Les accords internationaux conclus par la Communauté européenne sont également invoquables par des particuliers, selon la Cour de justice, pour des dispositions suffisamment précises et inconditionnelles.
Les directives peuvent-elles avoir un effet direct ?
La situation est plus incertaine pour les directives communautaires. La position de la Cour de justice diffère sur ce point de celle de certaines juridictions nationales.
La question se pose à l'issue de la période fixée par la directive pour la transposition de ses dispositions en droit interne. Les particuliers peuvent-ils, si l'État n'a pas pris les mesures de transposition d'une directive, se prévaloir des droits que leur donneraient certaines dispositions de cette directive ?
Une lecture littérale de l'article 249 CE amène certaines juridictions nationales à considérer que les directives ne peuvent pas avoir d'effet direct : la directive « lie tout État membre destinataire » et ne créerait donc de droits et d'obligations que pour les États. C'est la position exposée par le Conseil d'État français depuis l'arrêt Cohn-Bendit du 22 décembre 1978.
Or, le particulier peut avoir un intérêt à la mise en œuvre d'une directive communautaire. La Cour de justice affirme, elle, que la directive peut avoir des effets juridiques pour les particuliers, voire pour des États non destinataires de la directive. Il s'agit, selon les termes de l'arrêt Van Duyn du 4 décembre 1974, d'assurer l'« effet utile » de la directive, c'est-à-dire sa mise en œuvre effective. Ici encore elle reprend le critère de « la nature, l'économie et les termes » des dispositions concernées.
Toutefois, la Cour de justice n'admet qu'un effet direct vertical : conformément à l'article 249 CE, une directive « lie tout État membre » et ne produit donc pas d'obligation à la charge des particuliers. Elle a ainsi refusé d'accorder à un particulier la possibilité de se prévaloir contre une entreprise d'une disposition d'une directive non transposée dans le droit national[2].
Les recours contentieux
Le traité CE crée cinq principaux recours et actions permettant d'assurer l'application effective du droit communautaire.
Le renvoi préjudiciel
Fondement article 234 CE Ouvert à tout juge national par voie préjudicielle Le renvoi préjudiciel permet à un juge national d'interroger la Cour de justice des Communautés européennes lorsqu'un point de droit communautaire se pose au cours du déroulement d'un procès. L'objet du renvoi préjudiciel est d'assurer l'unité d'application du droit communautaire dans l'ensemble des États membres. Il a deux principaux champs d'application :
- l'interprétation du droit communautaire primaire et du droit dérivé (ex : un article du traité CE ou un règlement communautaire).
- la validité ou la non-validité d'un acte communautaire, droit communautaire dérivé (ex : une directive est-elle conforme aux traités européens ou aux principes généraux du droit communautaires ?).
D'après l'article 234 du traité CE, cette saisine est facultative pour les juridictions qui ne sont pas de dernier ressort (juges du fond dont la décision est susceptible d'appel ou de cassation au niveau national). Elle est en revanche obligatoire pour les juridictions de dernier ressort telles que la Cour de cassation ou le Conseil État en France.
Concernant les renvois en interprétation, certaines juridictions nationales de dernier ressort estiment qu'elles n'ont pas toujours l'obligation de renvoyer. Le Conseil d'État français fait une application large de la théorie de « l'acte clair » selon laquelle le juge national n'est tenu de renvoyer la question à la Cour de justice que s'il existe une difficulté réelle d'interprétation ou de validité[3].
La Cour de justice reconnaît au juge national la possibilité de ne pas faire usage du renvoi préjudiciel si la règle de droit communautaire « ne laisse place à aucun doute raisonnable »[4]. Mais cet arrêt ne valide pas la théorie de l'acte clair car il encadre de façon stricte cette possibilité. Le juge national doit notamment tenir compte des risques de divergences d'interprétation dues aux différentes versions linguistiques, les notions juridiques propres au droit communautaire.
L'objectif est d'éviter toute divergence de jurisprudence entre les juridictions internes des États membres. Concernant les renvois en appréciation de validité, la Cour a ainsi estimé que les juridictions nationales ne peuvent en aucun cas déclarer invalide un acte communautaire, pouvoir qui n'appartient qu'à la Cour de justice elle-même[5]. Seule la Cour de justice, par exemple à l'occasion d'un renvoi préjudiciel ou d'un recours en annulation, peut déclarer invalide un acte communautaire.
La réponse de la Cour s'impose non seulement au juge national qui lui a posé la question dans le cadre de l'affaire concernée, mais également à l'ensemble des juridictions nationales des États membres : toutes devront interpréter les règles de droit communautaire dans le même sens que la Cour de justice.
Le recours en annulation
Article détaillé : Recours en annulation en droit européen communautaire.Fondement articles 230 et 231 CE Ouvert à - Requérants privilégiés : les États membres, le Conseil, la Commission, le Parlement européen depuis le Traité de Nice (contre tout acte communautaire ayant des effets juridiques)
- la Cour des Comptes, la Banque centrale européenne (recours tenant à la sauvegarde de leurs prérogatives)
- toute personne physique ou morale (contre une décision qui la concerne directement et individuellement)
Le recours en carence
Article détaillé : Recours en carence.Fondement article 232 CE Ouvert à États membres et institutions de la Communauté Contre le Parlement européen, le Conseil ou la Commission lorsqu'ils s'abstiennent de prendre un acte prévu par le traité CE L'action en manquement
Article détaillé : Recours en manquement.Fondement articles 226 à 228 CE Ouvert à Commission ou (théoriquement) États membres Contre un État membre, pour manquement à une obligation qui lui incombe en vertu du traité CE Ce recours peut être initié par la Commission européenne (article 226 TCE). Après avoir mis en mesure l’État en question de présenter ses observations, la Commission va émettre un avis motivé auquel l’État doit se conformer. Le cas échéant, la Commission pourra saisir la CJCE.
Du fait de l’article 227 TCE, l’État peut également être à l’origine du recours en manquement. Dans ce cas, l’État devra au préalable en saisir la Commission qui pourra émettre un avis dans un délai de 3 mois. Néanmoins, l’absence d’avis ne fait pas obstacle à la saisine de la CJCE.
L’article 228 TCE prévoit deux procédures différentes.
- recours en constatation : par le biais de l’art. 228-1, le juge ne peut que « reconnaître » qu’un État a manqué à une de ses obligations. L’État est alors tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour dans les délais les plus brefs.
- recours en sanction pécuniaire : l’art. 228-2 permet une sanction pour non-exécution, exécution incorrecte ou incomplète d’un arrêt de la CJCE. On se trouve donc dans l’hypothèse d’un manquement sur manquement. La Cour dans ce cadre, va pouvoir condamner l’État récalcitrant au paiement d’une amende ou d’une astreinte. La nouvelle saisine de la Cour ne pourra être faite qu’à l’initiative de la Commission, après avis motivé (où est indiqué l’amende ou l’astreinte qu’elle estime adaptée dans les circonstances de l’espèce) fixant un délai à l’État pour rétablir la situation.
Ainsi, le contentieux de l’article 228 va être un contentieux soit déclaratoire soit répressif.
À l’origine, existait seulement la constatation en manquement mais sans sanction. Du fait de la multiplication des manquements sur manquement, la Cour a appelé à une réforme du recours en manquement ; réforme qu’elle a obtenu lors de l’adoption du TUE 92 qui a institué cette procédure de l’article 228§2.
L'action en responsabilité
Article détaillé : Action en responsabilité.Fondement article 288 CE Ouvert à toute personne, institution ou État pouvant faire état d'un préjudice Contre les institutions ou les agents de la Communauté Les libertés de circulation du droit communautaire
Les articles 3 et 14 du traité CE prévoient l'instauration entre les États membres d'un marché intérieur caractérisé par la libre circulation :
- des marchandises,
- des personnes,
- des services,
- des capitaux.
La libre circulation des marchandises
Le système communautaire a mis en place un principe voulant que l’ensemble des échanges de marchandises soit soumis à la liberté de circulation ; sachant que cette liberté s’applique « à tout produit, appréciable en argent et susceptible de former l’objet de transaction commerciale ».
Elle est garantie par deux dispositifs distincts : celui des articles 23 à 25 qui vise à supprimer les obstacles tarifaires et celui des articles 28 à 30 qui s’intéresse aux limitations quantitatives des importations et exportations.
L’éradication des obstacles tarifaires
Les articles 23 à 25 éradiquent les obstacles tarifaires en prévoyant :
- d’une part, « l’interdiction, entre les États membres, des droits de douane à l’importation et à l’exportation et de toutes taxes d’effet équivalent »
- d’autre part, « l’adoption d’un tarif douanier commun dans leurs relations avec les pays tiers »
Les articles 23 à 25 du TCE ont vocation à s’appliquer tant aux produits qui sont originaires des États membres qu’à ceux qui se trouvent en libre pratique dans les États membres.
La définition d’un produit en libre pratique est posée à l’art.24 TCE. Est ainsi un produit en libre pratique, un produit originaire d’un État tiers à l’Union européenne, qui remplit trois conditions :
- les formalités d’importation ont été accomplies
- les droits de douanes et taxes d’effet équivalent ont été perçus par l’un des États membres lors de son entrée sur le territoire communautaire
- il n’y a pas eu de ristourne totale ou partielle de ces droits ou taxes
Le produit mis en libre pratique va ainsi être assimilé à un produit fabriqué dans la Communauté européenne et bénéficier donc également de la libre circulation des marchandises. Le but est ainsi d’éviter que les produits originaires d’un pays tiers soient taxés à chaque passage de frontière intracommunautaire, ce qui remettrait en cause l’objet même d’une Union douanière.
Dans le cadre des obstacles de type tarifaire, il faut distinguer 2 catégories d’obstacles :
- les tarifs douaniers et taxes équivalentes (art.25 TCE)
- les impositions intérieures discriminatoires (art. 90 TCE)
Les tarifs douaniers et taxes équivalentes (art.25 TCE)
«Les droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent sont interdits entre les États membres. Cette interdiction s'applique également aux droits de douane à caractère fiscal.
»— Article 25 TCE
Aux termes de l’article 25 TCE, tous tarifs douaniers et taxes d’effet équivalent doivent être éradiqués.
En ce qui concerne les droits de douane :
L’interdiction concerne les droits à l’importation mais également les droits à l’exportation qui vont frapper les produits originaires d’un État membre mais également les produits mis en libre pratique.
En ce qui concerne les taxes d’effet équivalent aux droits de douane (TEE) :
Pour être estimée équivalente à un droit de douane, la taxe s’entend de toute charge pécuniaire, même minime, autre qu’un tarif douanier proprement dit, imposée par un État membre ou par une collectivité compétente de celui-ci (Carbonati, 2004) et ce, quelles que soient son appellation et sa technique.
Ainsi, une TEE va venir frapper les marchandises nationales ou étrangères en raison du fait qu’elles franchissent la frontière, en augmentant leur coût de revient final.
Peu importe qu’elle n’exerce aucun effet discriminatoire ou protecteur. De même, aucune justification social, environnemental ou culturel (ou autres d’ailleurs) ne peut être avancé. C’est une interdiction totale des TEE. La seule exception concerne la charge pécuniaire qui viserait à la stricte « rémunération d’un service, nettement identifiable et effectivement rendu à l’opérateur économique » (Cadsky, 1975).
Les impositions intérieures discriminatoires (art. 90 TCE)
« Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires. En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions. »— Article 90 TCE
La condamnation par l’article 90 TCE des impositions intérieures discriminatoires vient compléter la précédente, en ce sens qu’une même imposition ne saurait appartenir simultanément aux deux catégories. Ici, on est dans le cadre de discriminations fiscales.
Ainsi, l’article 90 TCE impose une double prohibition :
- alinéa 1 : interdiction des impositions intérieures qui conduiraient à surtaxer un produit importé par rapport à un produit national similaire ;
- alinéa 2 : interdiction d’une surtaxation d’un produit importé en vue de protéger les autres produits nationaux.
L’interdiction des obstacles quantitatifs
L’interdiction des restrictions quantitatives et des mesures d’effet équivalent aux restrictions quantitatives
Définition
Les articles 28 et 29 du TCE prévoit l’interdiction des restrictions quantitatives (RQ) et des mesures d’effet équivalent aux restrictions quantitatives (MEERQ) tant à l’importation qu’à l’exportation. Ces deux textes visent ainsi à la prohibition des quotas ou des mesures visant à limiter quantitativement l’importation ou l’exportation de certaines marchandises.
La notion de MEERQ a été définie par l’arrêt CJCE, 11 juillet 1974, Dassonville[6] : C’est une réglementation commerciale d’un État membre susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intracommunautaire.
Champ d’application
Il ressort des articles 28 et 29 TCE que les RQ et MEERQ sont interdites tant à l’importation qu’à l’exportation. Néanmoins, cela vaut également pour les produits qui ne sont qu’en transit sur le territoire d’un État membre.
Cela ressort explicitement de l’art.30 TCE (qui concernent la justification et donc la légalité de certaines restrictions). La Cour l’a également affirmé implicitement, dans l’arrêt CJCE, 9 décembre 1997, Commission contre France[7] puis explicitement dans l’arrêt CJCE, 12 juin 2003, Schmidberger contre République d’Autriche[8].
En outre, se posait également la question de savoir s’il pouvait y avoir RQ ou MEERQ en cas d’inaction de l’État membre. En effet, on visualise facilement l’idée d’une action positive d’un État mettant en place par exemple un quota de marchandises autorisées à l’importation. Néanmoins, une abstention peut avoir le même effet.
Tel était le cas dans l’affaire Commission contre France puisque l’entrave n’était pas le fait de l’État mais de particuliers. L’État français, en ne prenant pas de sanctions à leur égard, mettait à mal la libre circulation des marchandises.
La Cour a ainsi considéré que les abstentions peuvent également constituer une MEERQ. Cela ne ressort donc pas directement de l’article 28 mais de sa lecture combinée avec l’article 10 TCE qui obligent les États membres à prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du traité et à s’abstenir de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité.
Dans ce domaine, un règlement de 1998 est intervenu : le terme « entraves à la liberté de circulation » remplace MEERQ. De plus, il prévoit que l’inaction peut constituer une entrave et que le simple transit est concerné par la notion d’entrave.
L’arrêt Keck et Mithouard ou la distinction des MEERQ
La notion de MEERQ a été définie par l’arrêt CJCE, 11 juillet 1974, Dassonville (aff.8/74) : C’est une réglementation commerciale d’un État membre susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intracommunautaire.
Dans l’arrêt Cassis de Dijon, la notion de MEERQ avait été explicitement élargie car il s’agissait d’une mesure indistinctement applicable et d’une mesure touchant à la fabrication du produit et non purement commerciale
D’où : peut être une MEERQ, une mesure directement ou indirectement applicable, actuellement ou potentiellement applicable, indistinctement ou pas indistinctement applicable et finalement, tout type de mesure ( commerciale, de fabrication, ...).
La conséquence de cet élargissement va être que les opérateurs économiques vont essayer de casser toutes les mesures non-libérales. Ce qui va entraîner une multiplication du contentieux. En effet, les réglementations non-libérales ont forcément un impact sur le volume des ventes sur tout le territoire et donc a fortiori sur le volume des ventes des importations et peuvent donc par là-même constituer une MEERQ.
Parallèlement, la jurisprudence de la CJCE va être confuse, appliquant une sorte de règle des minimis pourtant prohibé en cette matière.
Le système va donc être modifié, concernant les MEERQ, par l’arrêt CJCE, 24 novembre 1993, Keck et Mithouard[9]. La Cour opère une distinction entre :
- une réglementation concernant le produit lui-même (mesure de commercialisation). : mesure concernant « leur dénomination, leur forme, leurs dimensions, leur poids, leur composition, leur présentation, leur étiquetage, leur conditionnement... » Dans ce cas, vont s’appliquer les interdictions prévues aux articles 28 et 29 TCE.
- une réglementation concernant les modalités de vente :
La Cour va ici opérer un revirement en jugeant que « n’est pas apte à entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce entre les États membres, … l’application à des produits en provenance d’autres États membres de dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente,
- pourvu qu’elles s’appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire nationale,
- et pourvu qu’elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d’autres États membres.
Il s’agit ici de tout ce qui est publicité, présentation des produits, marges, prix, délai de rétractation pour le consommateur, clauses contractuelles...
Pour les modalités de vente donc, en principe, on ne recherchera même plus si c’est une MEERQ ou non.
La justification des entraves
Pour établir une infraction au traité, il ne suffit pas qu’il y ait une restriction de principe relevant des articles 28 et suivants imputables à l’État membre. Une telle restriction peut être justifiée sur la base de l’article 30 CE ou conformément à la ligne jurisprudentielle « Cassis de Dijon ».
L’article 30 TCE
Aux termes de l’article 30 CE, les articles 28 et 29 ne font pas obstacles « aux interdictions ou restrictions d’importation, d’exportation, de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale ». Cela vaut, à condition qu’elles ne constituent « ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres ».
La jurisprudence a précisé les conditions d’applicabilité et d’application de cet article. Ainsi, cet article ne peut être appliqué que :
- si l’on constate que la mesure constitue une RQ ou une MEERQ
- la mesure doit être nécessaire pour atteindre les objectifs visés par le Traité
- il ne doit pas exister d’harmonisation dans le domaine en cause (car dans ce cas, c’est le texte spécial qui s’applique et non pas le traité général).
Il peut donc ici s’agir aussi bien d’une mesure indistinctement applicable, qu’une mesure qui ne vise que les importations ou exportations. En outre, la justification va être acceptée si la mesure est apte, nécessaire et proportionnée ; la charge de la preuve incombant à l’État auteur de la mesure.
L’arrêt « Cassis de Dijon »
L’arrêt CJCE, 20 février 1979, Rewe-Zentral (dit « Cassis de Dijon »), va introduire une nouvelle justification aux entraves perpétrées par des mesures indistinctement applicables. Il s’agit des exigences impératives. Ainsi, dès lors qu’une entrave est nécessaire pour satisfaire à des exigences impératives, telles que l’efficacité des contrôles fiscaux, la loyauté des transactions commerciales ou la défense du consommateur, elle sera acceptée. Néanmoins, la mesure en cause doit répondre à la double condition de nécessité et de proportionnalité.
Le système liminaire des clauses de sauvegarde
Si un pays s’aperçoit qu’un même produit arrive en quantité énorme, ce qui pourrait entraîner une déstabilisation économique alors une procédure est prévue au sein de la Communauté pour permettre des restrictions.
Synthèse du système des MEERQ
Mesures destinées aux importations
- art. 28 : possible MEERQ
- justification possible par le biais de l’art.30 TCE
- justification impossible par le biais des exigences impératives car il ne s’agit pas de mesures indistinctement applicables.
Mesures indistinctement applicables
- modalités de vente : pas contrôle mais néanmoins principe de non-discrimination pris en compte (cf. ne doit pas empêcher ou gêner plus les produits importés que nationaux.)
- condition liée au produit :
- art.28 : possible MEERQ
- justification possible par le biais de l’art.30 TCE
- justification possible par le biais des exigences impératives (seulement si aucune directive d’harmonisation n’est intervenue)
La libre circulation des personnes
Cette liberté a trois volets. Elle concerne :
- d’une part les travailleurs salariés (art. 39 à 42 TCE)
- d’autre part la liberté d’établissement (art. 43 à 48 TCE)
- enfin, les prestations de service (art. 49 à 55 TCE)
La libre circulation des capitaux
Le texte fondateur de la libre circulation des capitaux est la directive 88/361[10].
Importance du droit communautaire
Droit communautaire primaire
la Constitution française a dû être révisée à quatre reprises depuis 1992 :
- en 1992, au moment de la ratification du traité de Maastricht,
- en 1993 pour les accords de Schengen,
- en 1999 pour le traité d'Amsterdam,
- en 2003 en ce qui concerne le mandat d'arrêt.
Droit communautaire dérivé
Chaque année, le Conseil adopte plus de 600 règlements et plus d'une centaine de directives, sur proposition de la Commission européenne.
En France, selon le rapport de Bernard Carayon, la Délégation à l'Union européenne de l'Assemblée nationale a soumis 231 textes à la délibération des députés durant l'année parlementaire 2004-2005. Dans la majorité des cas, la loi a pour objet d'appliquer une disposition communautaire, soit au titre d’une transposition formelle, soit parce que la matière est de compétence communautaire.
Le secrétariat général du gouvernement estime que la proportion du droit communautaire dans la production législative est d'environ 60 à 70 % des textes nouveaux. Il est prévu de mesurer cette proportion.
Source : Rapport À armes égales de Bernard Carayon juillet 2006
Notes et références
- ↑ Cour de justice des Communautés européennes, arrêt Costa contre ENEL, 15 juillet 1964.
- ↑ Arrêt Faccini-Dori, CJCE, 14 juillet 1994.
- ↑ Ainsi l'arrêt « Arcelor » du 8 février 2007 définit-il une méthode par laquelle le juge national peut concilier les règles internes et le droit communautaire en se réservant, dans certains cas, la faculté d'apprécier la conformité des actes communautaires à des règles ou principes constitutionnels nationaux.
- ↑ Cour de justice des Communautés européennes, arrêt CILFIT, 6 octobre 1982.
- ↑ Cour de justice des Communautés européennes, arrêt Foto-Frost, 22 octobre 1987.
- ↑ Arrêt de la Cour de justice, Dassonville, affaire 8-74 (11 juillet 1974).
- ↑ Arrêt de la Cour du 9 décembre 1997. - Commission des Communautés européennes contre République française - Affaire C-265/95.
- ↑ Arrêt de la Cour du 12 juin 2003 - Eugen Schmidberger, Internationale Transporte und Planzüge contre Republik Österreich. - Affaire C-112/00.
- ↑ Arrêt de la Cour de justice, Keck et Mithouard, affaires jointes C-267/91 et C-268/91 (24 novembre 1993).
- ↑ Directive 88/361/CEE du Conseil du 24 juin 1988 pour la mise en oeuvre de l'article 67 du traité .
Compléments
Articles connexes
- Principe de subsidiarité du droit communautaire
- Processus de décision dans l'Union européenne
- Constitution française : articles 88-1 à 88-5
- La particularité du contrôle de conventionnalité et du contrôle de constitutionnalité des traités dans l'article Conseil constitutionnel (France)
Liens externes
- Le texte original de 1957.
- Livre blanc sur la gouvernance européenne (travaux préparatoires), rapport sur l'application du droit communautaire par les États membres et sur le contrôle de celle-ci par la commission, contenant des recommandations en vue de les améliorer du point de vue de la gouvernance démocratique européenne 25 juillet 2001
- Le texte (consolidé) du Traité instituant la Communauté européenne (TCE).
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