Acoustique musicale

Acoustique musicale
Acoustique musicale
Gamme musicale
Gammes et tempéraments
Mesure des intervalles

L'acoustique musicale est le domaine de l'acoustique consacré à la place et à l'utilisation du son dans l'élaboration et la perception de la musique. Née du souci d’explorer des relations entre des grandeurs physiques et des réactions d’ordre qualitatif, propres à chaque individu, cette science tente de rationaliser les correspondances entre l'émission et la perception de la musique. Cette discipline, encore jeune, se place alors sur le terrain des sciences humaines (notamment de la psychoacoustique) et non pas sur celui des sciences exactes.

« La musique est une science qui doit avoir des règles certaines ; ces règles doivent être tirées d’un principe évident, et ce principe ne peut guère nous être connu sans le secours des mathématiques. »

— Jean-Philippe Rameau, Traité de l'harmonie réduite à ses principes naturels

Le son est un phénomène physique perçu par notre sens auditif. L'acoustique, science traitant des phénomènes sonores, nous apprend que le son est produit par les vibrations d'un corps, se propageant dans l'air et perçues par notre ouïe.

Par rapport à un son physique quelconque, le son musical se caractérise essentiellement par son timbre, identifiable par l'harmonicité de son spectre et l'évolution temporelle de ses harmoniques.

Sommaire

Paramètres du sonore et attributs du musical

D'une infinie variété, les sons musicaux sont classés selon quatre caractéristiques : la durée, la hauteur, l'intensité et le timbre.

Durée

La durée d'un son est le laps de temps pendant lequel on perçoit ses vibrations (les sons pouvant évidemment durer plus ou moins longtemps).

De même que l'on dira que le temps peut nous paraître plus ou moins long, la perception des valeurs de durée, qui nous paraît aller de soi, est en fait fort relative : en général l’exécution métrique des notes (blanche, noire, notes pointées, …) ne convient pas à une sensibilité musicale. La musique occidentale, ou musique savante, repose sur cette information écrite, appelée solfège, mais elle n’utilise en fait qu’une information partielle. À contrario, l’exécution oblige à penser les valeurs des durées que l’on souhaite faire entendre en des termes relatifs et non plus absolus. La dynamique de l'œuvre repose sur cette interprétation.

Hauteur

La hauteur d'un son correspond entre autres à sa vitesse de vibration. Il s'agit, en termes scientifiques, de la fréquence sonore (nombre de vibrations périodiques par seconde) que l'on mesure en hertz. Plus la vibration est rapide, plus le son est dit aigu ; au contraire, plus la vibration est lente, plus le son est dit grave. Le seuil de reconnaissance de la hauteur est défini à 1/100e de seconde en moyenne (pour des fréquences de l'ordre de 440 Hz) pour l'homme. Plus bref, le son perçu n’a pas de hauteur définie et est qualifié par les acousticiens de « claquement ».

Pourtant la hauteur ne dépend pas uniquement de la fréquence. L’attribut de hauteur est aussi dépendant de l'intensité. Harvey Fletcher a montré expérimentalement qu’un son pa­raît baisser dès que l’on augmente son volume pour les fréquences inférieures à 2 000 Hz. Pour des fréquences supé­rieures à 3 000 Hz, un accroissement d’intensité élève la hauteur per­çue. Heureusement, ce phénomène ne concerne que les sons purs, et il n’affecte donc pas les instruments de musique.

En musique, un intervalle entre deux notes est souvent pensé de façon linéaire. Un ton ou un demi-ton serait une différence de fréquence (∆f = k) ; or depuis Pythagore, qui a fait peser des marteaux qui rendaient ensemble un son harmonieux pour constater qu'il y avait un rapport juste entre eux, et l’acoustique expérimentale de Savart et Helmholtz nous savons qu’il faut penser les intervalles comme des rapports (par exemple f2/f1 = f3/f2). Si l'on cherche empiriquement à reproduire l’expérience et la transposer on serait tenté d’abord intuitivement d’exprimer la représentation mathématique comme une différence de fréquence (∆f) pour s’apercevoir in fine que la relation n’est pas transposable (∆f ≠ constante). Le recours à la notion de rapport, concept de base de la psychologie de la perception, rend ensuite plus simple la compréhension de la définition du 1/2 ton tempéré, support essentiel de notre gamme tonale moderne.

En allemand, le vocabulaire reconnaît pour le même concept de son, deux notions que le français, lui, ne distingue pas :

  • le Ton[1], une hauteur tonale : celle qui varie lorsque l’on passe de do à ré.
  • le Schall[2], une hauteur spectrale : celle qui varie lorsqu’on déplace une distribution de fréquences fixes.

Ainsi la hauteur tonale est liée aux variations de fréquence, et la hauteur spectrale à la position du centre de gravité des composantes du spectre. Cette hauteur spectrale caractérise la brillance d’un instrument. Si, comme peut le faire la synthèse des sons par ordinateur, on réussit à séparer la variation de la hauteur tonale (par déplacement de la fondamentale) et celle de la hauteur spectrale (par modification de l’enveloppe spectrale), on peut réussir à créer des variations de hauteurs paradoxales.

Intensité

L'intensité d'un son (on dit aussi la force) est la caractéristique permettant de distinguer un son fort d'un son faible ; les musiciens parlent de nuances pour exprimer la dynamique créée par les différents niveaux d'intensité. Il s'agit, en termes scientifiques, d'une grandeur liée au logarithme de l'amplitude de la vibration qui se mesure en décibels.

L’appréciation de l’intensité est corrélative de la fréquence et ne dépend donc pas uniquement de l’amplitude, de l’énergie vibratoire : l’intensité perçue s’évalue par une unité sans dimension, appelée phone. Cette unité caractérise les niveaux de perception équivalente de l’intensité, ce que l’on dénomme l’isosonie d’un son ou d’un bruit. Cette autre échelle de mesure, subjective, la sonie, est une dimension propre à la perception et à la psychoacoustique. Dans cette dimension, comme dans celle de la hauteur, un son doit avoir une durée suffisamment longue pour que son intensité soit correctement appréciée ; en effet, la sensation ne s’établit que progressivement et un son très bref, même s’il est intense, est perçu comme faible. Ce n’est que si sa durée se prolonge que la sonie croît. Le seuil de perception pour que la sonie corresponde à l’intensité réelle, dans ce cas de figure, est mesuré à 1/10e de seconde. Ce seuil explique certains phénomènes appelés effets de masque, puisqu’un son intense, perçu rapidement, peut en masquer un autre qui l’a précédé, ou tout au moins en diminuer le niveau apparent.

Timbre

Le timbre d'un son est en quelque sorte la couleur propre de ce son. Il varie en fonction de la source sonore, et ceci, indépendamment des trois premières caractéristiques. Du point de vue acoustique, le timbre est une notion très complexe qui dépend de la corrélation entre la fréquence fondamentale, et les harmoniques (ou partiels suivant leurs rapports avec la fréquence fondamentale). L'intensité respective de chaque harmonique est déterminante dans la caractérisation du timbre. Plus les fréquences de ces harmoniques sont proches des multiples entiers de la fréquence fondamentale, plus le son est pur ou harmonique (clavecin). Plus elles s'éloignent des multiples entiers, plus le son est inharmonique (piano, cloche).

Le timbre dépend également de l'attaque du son, qui est d'une grande importance dans le message musical. D'un point de vue musical il occupe également une place très importante pour l'articulation. L'étude de l'attaque passe par celle des transitoires d'attaque, qui la caractérisent. Le timbre et l'attaque des sons nous permettent par exemple, d'identifier sans le voir un instrument de musique quelconque, reconnaître au téléphone la voix d'une personne familière avant que celle-ci ne se soit présentée. Plusieurs expériences en laboratoire ont montré qu'un son dont l'attaque est supprimée devient totalement impossible à reconnaître du point de vue de son timbre.

Article connexe : Spectre harmonique.

Notes et fréquences

Fréquence des notes
note fréquence
do 261,6 Hz
do# / réb 277,2 Hz
293,7 Hz
ré# / mib 311,1 Hz
mi 329,6 Hz
fa 349,2 Hz
fa# / solb 370,0 Hz
sol 392,0 Hz
sol# / lab 415,3 Hz
la 440 Hz
la# / sib 466,2 Hz
si 493,9 Hz

Une note de musique est caractérisée entre autres par sa hauteur et cette hauteur est reliée à la fréquence fondamentale du son qu'elle représente.

Dans la gamme tempérée, on peut calculer la fréquence des notes avec la formule suivante :

 f = ref \times 2^{ (octave - 3) + \frac {ton - 10} {12} }

où « octave » et « ton » sont des nombres entiers, et « ref » la fréquence de référence.

Les constantes « 3 » et « 10 » de la formule permettent de choisir « ref » comme étant le la à 440 Hz de l'octave 3, on s'accorde ainsi avec la norme fixée par la Conférence internationale de Londres en 1953, et on peut ainsi déterminer précisément les autres fréquences pour les tons de 1 à 12 soit de do à si.

Le tableau ci-contre donne les fréquences des notes dans l'octave du la de référence (octave 3). Il faut multiplier les fréquences par 2 pour une octave au-dessus, et les diviser par 2 pour une octave en dessous.

D'une part, ceci ne concerne que les notes de la musique occidentale, et d'autre part, cette formule ne s'applique qu'à la gamme tempérée et ne différencie pas les demi-tons diatoniques et chromatiques (voir aussi « Comma »). Par ailleurs, assimiler fréquences et notes est loin d'être suffisant pour caractériser une note jouée par un instrument. Il faut aussi pouvoir prendre en compte si une note est piquée (pizzicato) ou liée (legato), préciser de quel instrument elle provient, sans compter tous les effets possibles tels que le glissando, le vibrato, etc. Pour cela, il convient de représenter une note par l'évolution de son spectre au cours du temps.

Il est ainsi possible de voir sur un « sonagramme » l'évolution de tous les harmoniques. D'un point de vue physique, un résonateur comme la corde d'un violon, a une multitude de modes propres, d'oscillateurs harmoniques couplés, par une loi de dispersion non linéaire: le musicien, par son archet, son souffle ou sa percussion donne de l'énergie à la fondamentale et à toutes les harmoniques. Ces harmoniques échangent et dissipent cette énergie d'une manière caractéristique de l'instrument. La non-linéarité est caractéristique de certains instruments non accordés comme le tablâ.

Intervalles sonores et logarithmes

Article détaillé : Intervalle (musique).

L'oreille identifie des « intervalles », grandeur additive que nous percevons comme une différence de « hauteur », quand la physique identifie des rapports de fréquences.

Soient trois sons A, B, C tels que nous analysons les intervalles relatifs B-A et C-B comme identiques. Notons respectivement hA, hB et hC les « hauteurs » de ces trois sons : nous écrivons donc : hAhB = hBhC, soit h_B = \frac{h_A + h_C}2 c'est-à-dire que la hauteur du son B est la moyenne arithmétique des hauteurs des sons A et C.

Si nous notons fA, fB, fC leurs fréquences relatives, celles-ci satisfont à l'équation

\frac{f_A}{f_B}=\frac{f_B}{f_C} soit f_B = \sqrt {f_A.f_C} c'est-à-dire que la fréquence fB est la moyenne géométrique des fréquences fA et fC.

La fonction « logarithme » est, en mathématiques, celle qui permet de transformer des multiplications en additions (et les divisions en soustractions), ainsi :

log(fA / fB) = log(fA) − log(fB)
log(fB / fC) = log(fB) − log(fC)

donc log(fA) − log(fB) = log(fB) − log(fC)
expression équivalente à :
hAhB = hBhC.

Ceci nous permet de « quantifier » la hauteur d'un son, en la définissant comme le logarithme de sa fréquence. Les intervalles (notion initialement subjective) prennent alors une signification mathématique que nous pouvons dorénavant soumettre au calcul. Pour faire des additions et soustractions d'intervalles, nous devrons faire des multiplications ou divisions de rapports de fréquences.

Il y a plusieurs unités de mesure des intervalles musicaux, correspondant à différents rapports de fréquences λ parmi lesquels :

  • le savart : une octave vaut environ 301 savarts ; \lambda^{301} = 2 \iff \lambda = \exp(\log(2)/301)\sim 0,1\%
  • le prony : une octave vaut exactement douze pronys ; \lambda^{12} = 2 \iff \lambda = \exp(\log(2)/12)\sim 2,54\%
  • le centième (de prony) ou cent : une octave en vaut exactement 1 200. \lambda = \exp(\log(2)/1200)\sim 0,025\%

Cette dernière unité est la plus pratique pour comparer des intervalles et elle est la seule utilisée couramment. On remarque qu'un savart vaut environ 4 cents.

De nombreux phénomènes sensitifs ont une loi qui fait intervenir les logarithmes, par exemple la puissance sonore est mesurée en décibels, ce qui s'explique de manière physiologique à l'aide des probabilités. La base physique de la pertinence de l'échelle logarithmique dans les fréquences est ici toute autre: un résonateur comme une corde tendue, a naturellement des harmoniques dont la longueur d'onde divise la longueur de la corde, pincée aux deux bouts. Donc les fréquences émises par la corde vibrante, dont toutes les harmoniques sont plus ou moins excitées, sont des multiples de la fondamentale, la première harmonique, de fréquence double, est ressentie comme très consonnante, et définit l'octave. Les multiples successifs amènent à la notion de gamme.

Articles connexes : Gamme pythagoricienne et Gamme naturelle.

Harmoniques et accords

En regardant attentivement le tableau ci-dessous reprenant valeur des fréquences et notes correspondantes, les musiciens vont reconnaître une correspondance entre les fréquences harmoniques d'une fréquence fondamentale et la constitution des accords à partir de cette note (accords parfaits majeur, septième de dominante, etc). Les harmoniques d'une note sont données par les fréquences multiples de la fondamentale. Ainsi pour un do 0 à 32,7 Hz les harmoniques sont :

Harmonique 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Fréquence 32,7 65,4 98,1 130,8 163.5 196,2 228,9 261,6 294,3 327 359,7 392,4
Note Do Do Sol Do Mi Sol ( Si b ) Do Mi ( Fa # ) Sol

Les 7e et 11e harmoniques ne correspondent pas à des notes utilisées en musique occidentale, elles sont en dehors du cycle des quintes. Le nom indiqué correspond à celui de la note la plus proche.

Quelques remarques :

  • Sur un piano, enfoncer doucement la pédale et faire résonner une note, permet de les écouter lorsque l'intensité sonore diminue : les cordes correspondant aux harmoniques vibrent par sympathie; la série indiquée ci-dessus est alors relativement audible. On comprend mieux la constitution de l'accord parfait qui correspond aux premières harmoniques.
  • Sur un violon ou une guitare (ou violon alto, violoncelle ou contrebasse), il est possible d'entendre relativement bien les harmoniques successives d'une note en ne faisant qu'effleurer la corde avec sa main gauche à différentes positions (notamment à la quinte et à l'octave), pendant un jeu à vide.
  • Dans le cas particulier des cloches, la tierce mineure est également clairement audible, du fait de sa constitution même, qui fait apparaître des modes particuliers de vibration dans lesquels les harmoniques ne sont pas en rapports entiers. Ceci ajoute le mi bémol dans la série des harmoniques « naturelles » d’un do.
  • Par ailleurs, dans un son percussif, la quinte est très présente, surtout dans la phase transitoire (attaque de la note), avant que le régime établi de vibration de la corde ne s’installe. On peut donc entendre, pendant la frappe de la corde par le marteau, la même série d’harmoniques issues de la quinte du do : ce sont les notes sol, si, ré, et fa. En y ajoutant la tierce mineure issue du sol (tierce mineure de la cloche), et en les ajoutant aux harmoniques du do, on trouve la série de notes suivantes : do, ré, (mi, mi bémol), fa, sol, la, (si, si bémol) et do. Ceci explicite la constitution des gammes mineures et majeures, comme étant la suite des harmoniques naturelles du son fondamental (tonique) et de sa quinte (dominante).

C'est le bon ajustement entre elles des harmoniques de deux notes entendues simultanément qui validera la consonance de l'intervalle ou de l'accord entendu.

Rationalisation et mathématisation de la musique

Pythagore, théoricien du rapport entre musique et fractions.

Les propriétés de l'onde sonore furent mises en valeur par les Grecs, maîtres de l'architecture des théâtres et premiers « expérimentateurs » des relations numériques entre longueur de la corde vibrante et hauteur du son.

Le monocorde

Dans cette expérience, la vibration est mathématiquement reliée à la hauteur du son par des valeurs numériques. Communément attribuée à Pythagore, la relation numérique entre la longueur d'une corde vibrante et les hauteurs musicales renvoie aux conceptions mystiques que les Grecs se faisaient de la puissance des nombres.

De fait, la théorie grecque de l'essence de la musique considérait que la beauté (notamment musicale) est tout entière contenue dans la proportion, et donc dans le nombre.

De façon totalement empirique, les pythagoriciens ont découvert cette notion essentielle de rapport entre grandeurs physiques et hauteurs des sons musicaux, à l'aide de cette corde tendue le long d'un résonateur, instrument qui sera appelé par la suite, monocorde.

Cet instrument fut donc un des premiers dispositifs de « recherche musicale ». Si la corde tendue est maintenue à une tension constante, sa vibration émet un certain son. En divisant la corde par un coin (sorte de chevalet), on élève la fréquence du son émis, le son est plus aigu. Afin de ne pas faire d'anachronisme, il faut cependant souligner que les Grecs anciens ignoraient que la hauteur du son est fonction de sa fréquence. Cela ne sera établi qu'au XVIe siècle.

La proportion

Le rapport entre la longueur totale et la portion de corde pincée établit certaines relations exprimées sous forme de fractions, qui correspondent à des intervalles musicaux (1/2 = octave ; 2/3 = quinte ; 3/4 = quarte ; 4/5 = tierce majeure ; 5/6 = tierce mineure). On sait aujourd'hui que ces relations fractionnaires proviennent de la nature physique des ondes sonores, qu'elles expriment la périodicité des sons musicaux et la décomposition harmonique qui en résulte.

Une échelle musicale fut ainsi bâtie sur le raisonnement, en multipliant par 3/2 la fréquence fondamentale, c'est-à-dire en réalisant une échelle en quinte parfaite, réduite à l'intérieur d'un intervalle de quarte (et non sur une échelle octaviante comme la nôtre). Des chercheurs ont émis l'hypothèse que ce choix avait été dicté de façon pragmatique par les intervalles des quatre cordes de la lyre. En fait, la notation grecque utilise des centaines de signes qui sont totalement impénétrables à nos esprits aujourd'hui habitués à une échelle qui repose sur l'octave.

Ni la précision des instruments ni la discrimination auditive n'ont pu atteindre la finesse des intervalles ainsi dévoilés par le seul calcul. Pour la première fois la rationalisation du calcul mathématique prenait une place importante dans la phase de modélisation musicale. L'univers des mathématiques, rationnel, permettait de correspondre avec cet autre univers, irrationnel, celui de la création, en principe réservée dans la mythologie grecque à des divinités.

Décomposition harmonique

La théorie des harmoniques qui se déduit de ces relations numériques, date de Gioseffo Zarlino. Dans ses Institutioni harmoniche, en 1558, il apparaît comme le premier théoricien de l'accord parfait. Sa vision du vertical annonce toute la musique baroque et la progression vers la tonalité. Son traité est contemporain du traité des proportions d'Albrecht Dürer (1528). Tous deux offrent à l'artiste un statut de chercheur, capable de diriger sa composition vers une perception particulière.

La théorie fut reprise par Descartes (1618, Musicae Compendium) et surtout par Joseph Sauveur (1653-1716). Sauveur est un scientifique qui a pressenti l'application musicale d'une décomposition harmonique ; mais c'est à Jean-Philippe Rameau que revient la paternité du Traité de l'harmonie réduite à ses principes naturels (1722) qui crée la science harmonique, la science des accords. La théorie musicale de Rameau fonde la pratique de la composition : en expliquant le principe de renversement des accords, il démontre l'invariance de « l'état fondamental ». Cette évolution vers la simplification permit la mise en place de la basse continue et un nouveau traitement de la dissonance. Elle contient en germe les forces directrices de rationalisation de la tonalité mises en place à l'époque baroque : la réduction de l'accord à une superposition de tierces (accord parfait), permet de contenir l'ensemble de la gamme autour de trois accords pivots (I / IV / V).

La perception de la musique

Les paramètres du son n'en font pas la caractérisation. La psychoacoustique étudie ces liens entre les paramètres sonores et les attributs perceptifs. On comprend alors que les attributs perceptifs de la musique sont surtout le résultat d’un mécanisme de décision au niveau neurophysiologique.

Le contrôle des attributs perçus peut s’effectuer aujourd'hui de manière indirecte par des outils de plus en plus performants (l'ordinateur et la synthèse sonore entre autres). Ces outils nous fournissent, sur les états et les transformations physiques des phénomènes, des renseignements plus assurés que la référence à la source énoncée auparavant dans la confrontation subjective d’auditeurs témoins. La perception qui se situe plus dans l’histoire subjective, ne permet plus que l’expérimentation se suffise d’une soi-disant collaboration avec nos sens pour atteindre à l’objectivité scientifique.

En tant que véritable science « objective », l’acoustique musicale va mettre plusieurs décennies à s’installer. Aujourd'hui, les modèles reconnus vont permettre d'analyser certains phénomènes qui ont une part prépondérante dans la perception de la musique.

L'acoustique musicale, grâce à la synthèse sonore, a ainsi pu mettre en relief certains phénomènes particuliers d'interprétation psychoacoustique : les illusions auditives. Ces illusions ont été particulièrement étudiées par John Chowning puis par Jean-Claude Risset, chercheurs et compositeurs, qui, à l'aide de l'ordinateur ont créé plusieurs formes d'illusions intégrées dans leurs œuvres.

Fusion

Certains phénomènes sensibles et la plupart des phénomènes musicaux sont par nature plus difficiles à représenter et donc à modéliser. Ce sont par exemple les phénomènes de fusion qui mesurent l’instant où l’ajout de vibrations sinusoïdales fait passer le complexe sonore d’une image harmonique à une image timbrale. La fusion auditive ne s’opère que dans la mesure où ces phénomènes possèdent un certain degré de cohérence qui permet de distinguer intuitivement les proportions mathématiques et la logique propre aux modulations des fréquences harmoniques contenues à l’intérieur de cette masse sonore.

Ces représentations sont délicates dans la mesure où fusion et cohérence ne sont pas des phénomènes sensibles du premier degré (appartenant donc à notre conscience primaire).

Comment alors fusionner ou séparer ? Le compositeur essaye de créer une représentation telle que l’auditeur fusionne ce qui est en soi cohérent par rapport à notre environnement habituel, ou il peut chercher à séparer les perceptions en introduisant des états incohérents, des effets de discontinuités à l’intérieur du bloc sonore ou instrumental. La mise en pratique du phénomène de fusion et celle de sa contrepartie, le phénomène de ségrégation mélodique, remontent à des temps anciens. Les suites pour violoncelle seul de Johann Sebastian Bach recourent souvent à cet artifice pour donner une illusion de polyphonie. Bach y enchevêtre deux lignes mélodiques ; si le tempo est assez rapide la musique est perçue comme étant composée de deux lignes séparées.

Avec l'ordinateur et la synthèse sonore on a pu franchir un cap supplémentaire : l’analyse des composantes harmoniques d’un son de hautbois a permis d’imposer, lors de la resynthèse, certaines incohérences vibratoires, en l’occurrence des modulations de fréquence différentes pour les partiels pairs et pour les partiels impairs. À l’audition, le son est scindé en deux : le premier, formé des harmoniques impairs évoque le timbre d’une clarinette, le second, formé des harmoniques pairs évoque plutôt une voix située une octave plus haut. Roger Reynolds a utilisé ces résultats dans son œuvre Archipelago, œuvre mixte pour bande et hautbois.

Intégration

La fusion est très proche d’un autre phénomène : l’intégration ; il ne s’agit plus alors de la perception de vibrations élémentaires sinusoïdales, c’est-à-dire de la dimension de hauteur, mais de l’aptitude de l’auditeur à distinguer les jeux de différents instruments à l’intérieur d’une masse orchestrale. Une étude tenue à l'IRCAM a prouvé que l’oreille effectue deux opérations simultanées : l’une consiste à séparer les sons des différents instruments, et l’autre à les additionner. Au terme de cette étude, il semble que si l’auditeur peut distinguer différents timbres dans un ensemble hétérogène, c’est parce que, même si ceux-ci sont suffisamment bien accordés entre eux pour que leur combinaison soit musicalement viable, ils n’ont pas une précision suffisante dans leur synchronisme vibratoire . Depuis les travaux fondamentaux de Stumpf dans ce domaine, on savait que la reconnaissance du timbre passe principalement par celle des transitoires, et qu’un asynchronisme, même mineur, des attaques des partiels d’un son complexe suffisait à en différer la fusion (Carl Stumpf fit paraître en 1883 son ouvrage Tonpsychologie. Sa théorie va à l'encontre de celle d'Helmholtz, purement psychophysique). On découvre à présent que le cerveau sait intégrer les harmoniques d’un instrument qui sont parfaitement synchrones et reliées par des proportions entières mais qu’il opère une ségrégation entre deux instruments du fait qu’il existe toujours un décalage même infime entre leurs harmoniques, alors même qu’ils jouent la même note. L’intervalle entre deux harmoniques ne semble donc pas jouer de rôle prédominant dans la perception consciente de la simultanéité. Si une voix soliste peut se distinguer par dessus l’orchestre qui l’accompagne, l’expérience prouve que la raison en est, en partie, dans le caractère asynchrone de leurs harmoniques, et pas seulement dans leurs intensités respectives (heureusement pour la voix).

Le traitement du son

L'acoustique musicale fournit certains outils de plus en plus fins, de plus en plus précis, et qui s'intègrent à la création et à la production de la musique. L'enjeu d'un traitement du son est de soutenir au mieux la création musicale au travers d'appareils électriques, électroniques ou de logiciels informatiques spécialisés, pour une diffusion électroacoustique qui prenne en compte toutes les démarches des compositeurs sur le temps et sur l'espace. C'est la qualité du travail de l'ingénieur du son ou, dans certaines institutions de l'assistant musical, qui permettra de soutenir la création. Il est possible depuis l'apparition de ces techniques d'utiliser des procédés de traitement du son pour créer un « inouï », par exemple des paradoxes musicaux ou des reconstitutions d'instruments évoluant dans une espace acoustique virtuel, c'est-à-dire une musique vraiment neuve quant à son fond plus que quant à sa forme. L'accroissement des moyens mis à la disposition des compositeurs fonde dès lors une création utilisant de plus en plus nos connaissances en acoustique et en acoustique musicale, pour les intégrer dans la composition et en faire un élément constructeur.

En pratique, les progrès de la synthèse sonore et de l'informatique musicale ont grandement amélioré nos connaissances en acoustique musicale. La reproduction électronique des sons utilise de nos jours des appareils entièrement numériques (synthétiseurs) pour créer des sons nouveaux, ou bien des échantillonneurs (samplers) pour mémoriser un son et le rejouer avec des effets variés. Il devient ainsi possible de jouer un concerto pour violon avec n'importe quel son pré-enregistré et traité avec un échantillonneur. Il est à la portée de tout-un-chacun de créer des sons et de les assembler à l'aide d'un ordinateur sans connaître particulièrement les fondements de la musique.

Applications

L'acoustique des salles de concert se conçoit en fonction des avis des acousticiens spécialisés, en complément de la sonorisation. Elle utilise parfois des panneaux mobiles, que l'on déplace, pour que l'acoustique soit ajustée (absorption, réfraction), en fonction du type de musique jouée, du nombre d'auditeurs, de la réverbération de la salle, ...

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Notes

Références

  • Patrice Bailhache, Une histoire de l'acoustique musicale, Paris, CNRS Éditions, 2001.
  • Jean-Baptiste Barrière (collectif sous la direction de), Le timbre, métaphore pour la composition, Paris, Christian Bourgois, Ircam, coll « Musique/Passé/Présent », 1991.
  • Émile Leipp, Acoustique et Musique, Paris, Masson, 1971.
  • Robert Frances, La perception de la musique, Paris, J Vrin, 1958.
  • Jean-Claude Risset, Acoustique musicale, Rapport IRCAM 8/78, Paris, IRCAM Centre Georges Pompidou.
  • Arlette Zenatti (collectif sous la direction de), Psychologie de la musique, Paris, PUF, coll « Psychologie d'aujourd'hui », 1994.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Acoustique musicale de Wikipédia en français (auteurs)

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