- Courbe de Jordan
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Théorème de Jordan
En mathématiques, le théorème de Jordan est un théorème de topologie plane. Il est célèbre par le caractère apparemment intuitif de son énoncé et la difficulté de sa preuve. « En fait, il n'y a pratiquement aucun autre théorème qui apparaisse aussi évident en apparence que n'importe quel axiome de géométrie élémentaire et dont la preuve est tout sauf évidente »[1] précise M. Dostal à son sujet.
Si, à l'aide d'un crayon, on dessine une ligne continue (on le lève pas le crayon) qui ne se croise pas et qui termine là où elle commence, la zone de la feuille non dessinée se décompose en deux parties, l'intérieur de la figure, qui est borné, et l'extérieur, qui ne le serait pas si la feuille ne l'était pas. Pour s'en rendre compte, il suffit de découper la feuille à l'emplacement de la ligne, on obtient bien deux morceaux.
Ce théorème est l'un des piliers de la topologie du plan, qui correspond à l'étude des transformations, sans arrachage ni recollement (le plan est considéré comme formé d'une baudruche infiniment souple mais indéchirable). Une manière ludique d'en comprendre son intérêt est l'énigme des trois maisons. On considère dans le plan trois maisons représentées par des points et trois fournisseurs d'eau, de gaz et d'électricité. L'objectif est de relier chaque maison aux trois fournisseurs par des lignes, sans que deux de ces lignes ne se croisent. Le théorème de Jordan permet de montrer que c'est impossible. Il est utilisé pour mieux comprendre les équations différentielles. On le trouve encore en analyse complexe, à travers la théorie des résidus, et en géométrie différentielle.
Bernard Bolzano est le premier mathématicien à considérer le résultat de l'article comme une question mathématique. Il formalise les définitions à l'origine de la démonstration. Camille Jordan rédige la première démonstration, qui reste d'actualité de par la simplicité des outils mathématiques utilisés. Dans son Cours d'analyse, Jordan présente la partie facile de la preuve sous forme d'un exercice dont la solution n'est pas rédigée. Ceci amène souvent à considérer la démonstration de Veblen, plus tardive, comme la première preuve complète.
Sommaire
Préambule
Énoncé
Une courbe de Jordan dans un plan affine réel est une courbe fermée simple, on parle aussi de lacet simple. Autrement dit, une courbe de Jordan est l'image d'une application φ, continue et injective d'un cercle vers un plan ou encore une bijection du cercle dans son image. Comme le cercle est compact, l'image par φ d'un fermé est un fermé, ce qui montre que sa réciproque est continue, on parle d'homéomorphisme sur son image. Par abus, et comme souvent[2], dans cet article les termes de courbe fermée simple et de lacet simple, désignent à la fois l'application φ et son image. Certains auteurs plus précis[3] considèrent que le terme de courbe fermée simple désigne uniquement l'image de l'application φ et que le terme de courbe fermée est synonyme d'arc paramétré défini sur un segment.
Intuitivement, un connexe est un espace topologique d'un seul tenant. Les connexes du théorème ont une propriété particulière : on peut aller d'un point à un autre d'un même connexe en empruntant un chemin qui ne quitte pas le connexe, on parle alors de connexe par arcs. Une composante connexe est un connexe maximal pour l'inclusion. Autrement dit, si l'on ajoute une partie quelconque du complémentaire à une composante, l'ensemble n'est plus connexe. Le terme de frontière correspond à l'idée intuitive que l'on s'en fait. Tout disque de rayon non nul et de centre un point de la frontière, contient des points d'au moins deux composantes connexes.
Le théorème dit de Jordan s'énonce ainsi :
Théorème de Jordan[4] — Le complémentaire d'une courbe de Jordan S dans un plan affine réel est formé d'exactement deux composantes connexes distinctes, dont l'une est bornée et l'autre non. Toutes deux ont pour frontière la courbe de Jordan S.
Difficulté du théorème
L'approche intuitive est trompeuse, on imagine généralement des lacets simples un peu rudimentaires, relativement proche d'un cercle, à l'image de la figure introductive de l'article. Cependant, une courbe de Jordan peut être beaucoup plus complexe. La figure de gauche illustre un exemple[5] disposant de nombreux enroulements. Savoir si le point rouge est ou non dans à l'intérieur du lacet n'est pas aussi facile qu'on aurait pu le penser de prime abord.
Un lacet simple peut être vu comme un élastique circulaire déformé à volonté, de telle manière à ce que deux points distincts ne se touchent jamais. L'élastique est supposé être infiniment élastique. Autrement dit, il peut acquérir une longueur infinie. Cela revient à dire que le dessinateur de l'introduction est supposé être capable de tracer une ligne infiniment rapidement avec une précision infinie. Sur une idée de Karl Weierstrass[Note 1], le mathématicien Helge von Koch trouve un lacet simple[6] nulle part dérivable. Le motif qui le constitue est répété à l'infini, un peu comme un flocon de neige dont les branches supporteraient d'autres branches plus petites qui en contiendraient encore d'autres... Cette construction correspond à une géométrie fractale et la dimension de la frontière est strictement plus grande que 1. Savoir s'il existe un chemin reliant deux points profondément imbriqués dans les petites radicelles de la figure n'est plus aussi intuitif que pourrait le laisser penser une lecture rapide de l'énoncé[7] .
D. Leborgne indique que : « Ce qui est remarquable [...] est, d'une part l'extrême simplicité (apparente) des énoncés, et, d'autre part, la difficulté importante de leur démonstration. »[8]. La grande généralité du théorème, c'est à dire le fait qu'il soit vrai sans supposer d'hypothèse de régularité comme la dérivabilité ou au moins le caractère lipschitzien de la courbe de Jordan, complexifie en réalité plus l'énoncé qu'elle ne le simplifie.
Usages
Le théorème de Jordan intervient dans des branches fort différentes des mathématiques. Son domaine naturel est la topologie. Une manière d'illustrer son usage est l'énigme des trois maisons, illustrée sur la figure de gauche et posée pour la première fois par H. E. Dudeney en 1917[9]. Comment relier chacun des trois points rouges du bas à chacun des trois points rouges du haut de telle manière à ce que les liens ne se chevauchent pas ? Le théorème de Jordan permet de montrer qu'il n'existe pas de solution. De manière moins anecdotique, le résultat de l'article est la cheville ouvrière de la démonstration du théorème de Kuratowski, le résultat clé des graphes planaires[10].
Un usage plus classique est associé à une meilleure compréhension d'une famille d'équations différentielles. Elle correspond à celles de la forme x' = f(x) où f est une fonction suffisamment régulière[Note 2] de la variable réelle dans le plan. On peut l'imaginer comme l'équation d'un bouchon sur un étang parcouru d'un courant modélisé par la fonction f. Si une solution est bornée, elle ne peut quitter un disque de rayon suffisamment grand. Le théorème de Cauchy-Lipschitz indique que la solution ne peut passer deux fois par le même point, cette contrainte lui impose soit de converger vers un point, soit vers un cycle limite. Autrement dit, le bouchon finit par s'immobiliser ou tourner indéfiniment autour d'un lacet de Jordan. Ce résultat est connu sous le nom de théorème de Poincaré-Bendixson.
L'analyse complexe étudie les fonctions de la variable complexe à valeurs dans les complexes. Si la fonction, notée ici f, est dérivable (au sens complexe) elle est développable en série entière en chaque point de son domaine de définition et le rayon de convergence de cette série, en un point du domaine, n'est jamais nul. Une telle fonction est dite méromorphe. Elle peut comporter des singularités, un peu de même nature que les zéros du dénominateur des fractions rationnelles. Soit γ un lacet simple du plan complexe, ne passant par aucun zéro de f ni aucune singularité. Le lacet γof fait autant de fois le tour des racines que l'intérieur du lacet contient de zéros. La valeur de l'intégrale curviligne du lacet γof est intimement associée aux singularités qui se trouvent à l'intérieur du lacet γ, ce résultat est connu sous le nom de théorème des résidus. Pour ces différentes raisons, il n'est guère possible d'écrire un livre sur l'analyse complexe sans présenter le théorème de Jordan[11].
La géométrie différentielle n'est pas en reste[12]. Il permet d'orienter tout lacet simple[13] et montre que la courbure totale d'un lacet simple dérivable est égale à 2π[14]. Ces différentes raisons font écrire à D. Leborgne que le résultat de l'article est l'un des : « grands théorèmes concernant la topologie des espaces de dimension finie. »[15].
Histoire
Préhistoire
Le théorème de Jordan apparaît tout d'abord dans l'histoire comme une vérité intuitive en deçà des mathématiques. Dessiner une boucle, par exemple rectangulaire, permet de délimiter une zone de l'espace. Cette technique correspond à celle d'un dessinateur de bande dessinée traçant des cadres pour séparer les différentes images narratives. La culture originelle des tchokwés, attestent d'un usage ancien de cette technique graphique pour séparer les membres d'un clan (illustrés à l'intérieur d'une courbe) et les autres (à l'extérieur)[16].
Pour passer d'un pays à un autre, un voyageur traverse nécessairement la frontière. Jusqu'au début du XIXe siècle, ce type de vérité n'a pas à être démontrée. Emmanuel Kant formalise cette vision des choses et estime que les mathématiques sont fondées sur l'évidence intuitive des choses[17].
Des raisons philosophiques poussent Bernard Bolzano, un mathématicien du début du XIXe siècle, à refuser cette vision. J. Sebestik précise que, pour ce mathématicien : « une démonstration qui fait appel à l'intuition ne fournit que la certitude et ne peut être acceptée que pour des raisons pédagogiques ou heuristiques, seul une démonstration qui fonde une vérité en la rattachant à l'ensemble des vérités d'une science peut être appelé rigoureusement scientifique. »[18].
Bolzano cherche à démontrer le théorème des valeurs intermédiaires, qui indique en substance que toute personne montant des escaliers pour aller d'un rez de chaussé à un deuxième étage, passe toujours par un premier étage. L'une des difficultés consiste à formuler les bonnes définitions, un résultat atteint en 1814[19]. Bolzano découvre alors des résultats non nécessairement intuitifs : une fonction qui vérifie la propriété de la valeur intermédiaire n'est pas nécessairement continue[Note 3]. Sa définition est toujours d'actualité. Ce mathématicien formalise aussi la notion de connexité[20]. Sa définition correspond à ce que l'on appelle maintenant un connexe par arcs, concept moins général que la définition actuelle, mais plus adaptée aux démonstrations qu'il essaye d'établir.
Ces résultats lui permettent d'exprimer en termes de question mathématique le théorème de l'article, qui quitte le monde des certitudes intuitives pour entrer dans celui des conjectures. Le mathématicien en a conscience et tente des démonstrations. « Comme en témoignent les manuscripts, Bolzano y revient sans cesse. »[21], précise J. Sebestik. Ne disposant pas d'idée originale sur cette question, ses tentatives sont des échecs.[Note 4]
Démonstration de Jordan
Des décennies sont nécessaires pour que cette conjecture devienne importante et pour que les progrès dans la compréhension de la question permettent enfin une démonstration. Augustin Louis Cauchy développe les prémisses de la théorie des résidus en analyse complexe[22]. L'image d'un lacet simple par une fonction méromorphe[Note 5] f est encore un lacet, les propriétés de ce lacet sont étroitement liées aux singularités de la fonction f situés à l'intérieur du lacet. Montrer que les termes intérieur d'un lacet font sens, est riche de conséquences. L'apparente simplicité d'un lacet simple est petit à petit battue en brèche. Karl Weierstrass prouve en 1872 qu'il existe des courbes partout continues et nulle part dérivables[23]. A la même époque que la démonstration du théorème, Giuseppe Peano montre l'existence de courbes qui remplissent toute une aire plane, un carré en l'occurence[24]. Ce type de pathologie ne peut arriver dans le contexte de l'article, car si la courbe est un lacet, elle ne peut pas être simple. En revanche, elle met en valeur le rôle non nécessairement intuitif de certaines hypothèses comme l'injectivité du lacet simple.
Camille Jordan trouve une idée permettant de conclure[25]. À un point du complémentaire du lacet dans le plan, il associe une demi-droite et compte le nombre de points d'intersection entre cette demi-droite et le lacet. Si ce nombre est fini et à quelques exceptions près, la parité de ce nombre ne dépend pas de la demi-droite choisie. Pour contourner la difficulté représentée par les exceptions, Jordan étudie d'abord le cas des polygones, il ne considère que les demi-droites qui ne passent pas par un sommet, ce qui retire toutes les exceptions. La fonction qui à un point associe la parité est continue et prend deux valeurs, paire pour l'extérieur et impaire pour l'intérieur. Jordan conclut (et c'est la partie difficile) que tout lacet simple est suffisamment proche d'un polygone pour que le résultat reste valable[26].
La preuve de Jordan est largement critiquée. Pour le mathématicien O. Veblen, la démonstration est vue comme : « l'étape la plus importante en direction d'une rigueur mathématique parfaite. »[27], propriété qu'il n'accorde pas à la démonstration de Jordan et qui l'amène à en écrire une autre[27]. Cette opinion est largement répandue[28]. Deux mathématiciens, Courant et Robbins précisent « La démonstration de Jordan n'est ni courte ni simple, l'étonnement s'accroît lorsqu'il apparaît que sa preuve n'est pas valable et qu'il faut encore un effort considérable pour résoudre les lacunes laissées dans son raisonnement. »[29]. L'objection majeure est que dans sa première édition de sa preuve (en 1887), les détails de la validité du théorème pour le polygone ne sont presque pas données, dans sa seconde édition (en 1893) ils sont expédiés en huit lignes et précisés uniquement sous la forme d'un exercice. Seule la partie véritablement difficile, à savoir la généralisation à tous les lacets simples, est explicitée[30]. En 1996, un article reprenant les idées de Jordan est publié[31]. Son auteur M. Reeken qualifie la preuve de Jordan comme « essentiellement valable »[32]. Si la méthode de Jordan, à l'aide des polygones, est toujours d'actualité de par sa simplicité, celle de Veblen est tombée dans l'oubli[32].[Note 6]
Postérité du théorème
Dès sa naissance, le théorème de Jordan se trouve à la croisée de plusieurs branches des mathématiques. L'enjeu de Bolzano, c'est-à-dire de bâtir les mathématiques sur une base axiomatique et non pas sur des évidences intuitives, est toujours présent au début du XXe siècle. C'est dans le contexte d'une rigueur mathématique parfaite que Veblen est amené à reprendre les travaux de Jordan. Les travaux d'Henri Poincaré sur l'équation différentielle montre l'importance d'une meilleure compréhension des propriétés que l'on qualifie maintenant de topologiques et que Poincaré appelle analysis situ[33]. La démonstration actuelle du théorème de Poincaré-Bendixson utilise explicitement le théorème de Jordan. Ce théorème est incontournable en analyse complexe à partir des années 1920. Constantin Carathéodory ne publie pas son livre sur ce sujet, car il ne parvient pas à trouver une preuve personnelle du théorème de l'article[34].
La branche naturelle du domaine du théorème reste néanmoins la topologie. Luitzen Brouwer cherche à établir les résultats fondamentaux de la topologie d'un espace euclidien, il généralise le résultat de Jordan à une dimension quelconque[35]. Ce résultat est relativement intuitif en dimension trois : si une bouteille est hermétiquement fermée (ce qui revient à dire que la frontière du liquide contenu dans la bouteille peut se déformer continument[Note 7]) le liquide contenu à l'intérieur ne peut s'échapper. L'un des intérêts de la démonstration de Brouwer réside dans les méthodes utilisées, elles sont à l'origine de l'homologie[36], clé de la topologie algébrique moderne.
Le XXIe siècle n'est pas en reste avec le théorème de Jordan. Un enjeu moderne est la vérifiabilité d'une démonstration. Celle de Andrew Wiles pour le dernier théorème de Fermat demanda plus d'un an pour être nettoyée de toute erreur et acceptée par la communauté mathématique[37]. Une technique consiste à élaborer une preuve formelle, vérifiable par ordinateur. En Janvier 2005, Thomas C. Hales apporte une preuve de cette nature[38].
Principes de démonstrations
Par l'orientation
Article détaillé : Orientation (mathématiques).Une méthode pour trouver des idées de démonstration du théorème est la recherche de contre-exemple. La figure de gauche représente un ruban de Möbius. S'il est découpé selon la ligne verte, on obtient un connexe, correspondant à une portion de cylindre deux fois plus longue et deux fois moins large que le ruban original. La ligne verte correspond à un contre-exemple du résultat de l'article et le théorème de Jordan est faux sur le ruban de Möbius.
Une spécificité de ce ruban est d'être non orientable[39]. Pour s'en rendre compte, le plus simple est de parcourir la courbe dans le sens de la flèche et de peindre en rouge le coté gauche. Après un tour, le coté peint en rouge est devenu le droit, ce qui indique que le coté gauche est devenu le droit, ou encore que sur une telle géométrie les mots droite et gauche n'ont pas de sens global.
Cette remarque est la source d'une démonstration. On considère une courbe de Jordan, continument dérivable, à valeurs dans un plan et illustrée en noir (entre les zones bleue et rouge) sur la figure de droite. Son sens (une courbe, continument dérivable et définie dans le plan, possède toujours une orientation) est décrit par la flèche noire. On considère la zone en rouge immédiatement à droite de la courbe et la zone en bleu immédiatement à gauche. Il est assez simple de montrer que les zones rouge et bleue sont des connexes par arcs, si les bandes sont choisies suffisamment étroites. On considère un point P à l'extérieur de la courbe et une demi droite reliant P et la courbe de Jordan. Si cette demi-droite intersecte d'abord la zone bleue, elle est dans la composante connexe bleue, car l'union de la zone bleu et de la demi-droite est connexe par arcs. Sinon, la demi-droite intersecte d'abord la zone rouge et elle est dans la composante extérieure. On en déduit qu'il existe au plus deux composantes connexes.
Il reste encore à montrer que l'intérieur et l'extérieur ne sont pas connexes. Soit deux points dans la même composante connexe et tel que le premier est dans l'intérieur. Pour chacun des deux points, il existe un arc reliant le point à un point d'une zone choisie bleue pour le premier et de couleur indéfinie pour le second. Les deux extrémités sont dans les zones bleue ou rouge. On relie les deux extrémité par un arc qui ne croise pas la courbe de Jordan et qui ne quitte pas les zones bleue et rouge (obtenu par exemple en projetant un arc quelconque qui relie les deux extrémités sur les zones bleue et rouge), cet arc ne peut croiser la courbe de Jordan, elle reste donc toujours du coté bleu. Cela signifie que toute demi-droite d'extrémités A, située à l'intérieur de la courbe et un point de la courbe rencontre d'abord la zone bleue, et que si B est située à l'extérieur, la demi-droite équivalente rencontre d'abord la zone rouge. Cela montre encore qu'il existe exactement deux composantes connexes.
Cette remarque conclut la démonstration pour les courbes de Jordan continument dérivables[40]. La partie la plus délicate reste à montrer que, comme toute courbe de Jordan est proche d'un lacet continument dérivable, la propriété est encore vraie pour les courbes non dérivables[41].
Par l'analyse complexe
Article détaillé : Indice (analyse complexe).Une preuve ne fait appel qu'à l'analyse complexe[42]. On considère que la courbe de Jordan γ (représenté en noir sur la figure de droite) est à valeurs dans C, l'ensemble des nombres complexes. On suppose encore que γ est continument dérivable et qu'elle dispose d'une abscisse curviligne, c'est à dire que le module de la dérivée est toujours égale à 1. On considère ε un réel strictement positif, suffisamment petit et les deux courbes γ+ en rouge et γ- en bleu définies par :
Ces deux courbes jouent le même rôle que l'orientation du paragraphe précédent. Un point A qui rencontre d'abord la courbe γ+ est dans la composante connexe de γ+ et un point B qui rencontre d'abord la courbe γ- est dans celle de γ-. Par l'analyse, on démontre ainsi qu'il existe au plus deux composantes connexes.
La suite du raisonnement diffère du paragraphe précédent. On suppose maintenant que le point A est une source de lumière qui en produit une quantité égale à 1. Quand la lumière se diffuse dans le plan (à la différence de la physique, on suppose ici que l'univers est de dimension deux et non pas trois), elle s'étale sur un cercle. Un point du cercle à une distance r de A reçoit donc une quantité de lumière égale à 1/2.πr. Comme toute la lumière finit par traverser et sortir de la courbe de Jordan, on dispose de l'égalité[43] :
Cette valeur est appelée indice du point A relativement au lacet γ. Le même calcul, si la source est maintenant le point B donne 0. En effet, comme le point B est à l'extérieur du lacet, toute la lumière qui entre finit par sortir. Ce calcul d'indice montre l'existence de deux composantes connexes. En effet, sur le complémentaire du support de la courbe de Jordan γ, la fonction qui à un point associe son indice est continue. Son image n'est pas connexe car égale à {0, 1}, l'ensemble de départ ne peut pas l'être non plus.
Par le théorème du point fixe de Brouwer
Article détaillé : Théorème du point fixe de Brouwer.Une autre figure qui ne vérifie pas le théorème de Jordan est le tore. Cette figure est un peu équivalente à la surface d'un pneu. Le plus grand cercle que l'on peut dessiner sur un tore est une courbe de Jordan, mais elle ne sépare pas la figure en deux composantes connexes. Une fois encore, il existe un théorème valable sur un rectangle (une courbe de Jordan sur un plan est bornée, il existe donc un rectangle dont l'intérieur la contient) et faux sur un tore. Toute application continue définie sur un rectangle et son intérieur, à valeurs dans la même zone, admet un point fixe, ce résultat est connu sous le nom de théorème du point fixe de Brouwer. La rotation d'un quart de tour par rapport à l'axe du tore ne laisse invariant aucun des points du tore. Cette géométrie ne vérifie donc pas non plus le théorème du point fixe de Brouwer.
Une conséquence du théorème de Brouwer est qu'un chemin qui part de l'arête supérieure d'un rectangle pour rejoindre l'arête inférieure, sans quitter l'intérieur du rectangle, croise tout chemin qui part de l'arête de gauche pour rejoindre l'arête de droite, aussi sans quitter l'intérieur du rectangle[44]. Ce résultat est illustré sur la figure de gauche avec les deux chemins bleus. Si les chemins sont tout deux à l'extérieur du rectangle, le résultat est encore vrai. Il est illustré sur la figure de gauche par les chemins rouges. La figure de droite montre que ce résultat n'est pas valide sur un tore, les deux chemins rouges ne se croisent pas.
Cette remarque est à l'origine de la preuve détaillée du théorème de Jordan contenue dans cet article.
Extensions et approfondissements
Le théorème de Jordan-Brouwer
Démontré par L. E. J. Brouwer en 1912, cet énoncé généralise sans hypothèse supplémentaire le théorème de Jordan en dimensions supérieures :
Théorème de Jordan-Brouwer — Soit n un entier (supérieur ou égal à 1) et X une application continue et injective de la sphère Sn de dimension n vers l'espace Rn+1 de dimension n+1. Alors le complémentaire de l'image de X dans l'espace est formé de deux composantes connexes, dont l'une est bornée et l'autre non. Toutes deux ont pour frontière l'image de X.
Théorème de Jordan-Schönflies
Article détaillé : Théorème de Jordan-Schönflies.Par définition, une courbe de Jordan est un cercle déformé. Autrement dit, il existe un homéomorphisme entre un cercle et une courbe de Jordan. Pour le complémentaire de cette courbe dans le plan, le théorème de l'article indique juste qu'il est composé de deux composantes connexes, l'une bornée l'autre non. Ceci amène naturellement la question de la nature topologique de ces deux composantes connexes.
La figure de droite laisse penser que l'intérieur correspond aussi à un disque ouvert déformé, c'est à dire qu'il existe un homéomorphisme du disque fermée dans la courbe de Jordan et son intérieur. Sur la figure de droite, cet homéomorphisme fait correspondre la frontière du fer à cheval, correspondant à la courbe de Jordan au cercle noir du bas. Il fait aussi correspondre chaque zone de couleur de l'intérieur du fer à cheval avec la zone de même couleur dans la figure circulaire du bas. Ce théorème, démontré par Arthur Schönflies en 1906, complète l'information fournie par le théorème de Jordan, en précisant la topologie des régions délimitées par la courbe :
Théorème de Jordan-Schönflies[45] — Soit γ une courbe de Jordan ayant pour ensemble de définition un cercle C d'un plan. L'application γ se prolonge en un homéomorphisme Γ du disque de frontière C dans l'adhérence de l'intérieur de la courbe de Jordan.
A l'aide d'une inversion, il est simple de vérifier que le théorème est aussi vrai sur la composante connexe non bornée. Autrement dit, la zone illustrée sur la figure de droite en jaune et vert à l'extérieur du lacet correspond à une déformation de la zone aussi illustrée en jaune et vert à l'extérieur du cercle. La compacité de la courbe de Jordan montre qu'il est possible de recoller les deux homéomorphismes. On en déduit qu'il existe un homéomorphisme du plan dans lui même qui a pour image du cercle C celle de la courbe de Jordan[46].[Note 8]
Théorème de Schönflies généralisé
Cherchant à étendre le théorème de Schönflies en dimensions supérieures, le topologue J. W. Alexander découvre en 1924 un contre-exemple inattendu en dimension 3 : la sphère à cornes d'Alexander[47]. Le théorème de Jordan-Schönflies ne se généralise pas simplement en dimensions supérieures, et il peut même arriver qu'un ensemble homéomorphe à une sphère dans R3 limite un ouvert borné dont la topologie est sensiblement plus compliquée que celle d'une boule[48].
Cette sphère à corne d'Alexander est illustrée sur la figure de droite. Étonnamment, elle est simplement connexe, c'est à dire que tout lacet est homotope à un point, ou encore se rétracte continument en un point, à la différence d'un tore ou d'un cercle. Plus on avance dans la structure, plus elle devient fine. Autrement dit, elle n'est pas différentiable.
Cette remarque rend possible une généralisation du théorème de Schönflies en dimensions supérieures, à condition de faire une hypothèse supplémentaire de régularité sur le plongement considéré de la sphère Sn, mais il faut attendre sensiblement plus longtemps pour que cela soit démontré. Le théorème de Schönflies généralisé, prouvé par Morton Brown et Barry Mazur en 1960, étend le théorème de Jordan-Schönflies en dimension quelconque, sous une hypothèse technique sur l'homéomorphisme X est un difféomorphisme. Cette condition est remplie notamment si on suppose que l'image de la sphère est une variété différentiable ou linéaire par morceaux[49],[50].
Démonstration
Résultats préliminaires
On utilise les notations suivantes, soit S un lacet simple d'un plan euclidien identifié à R2. Le complémentaire de S dans R2 est noté R2 - S. S est l'image par une application continue φ du cercle, noté ici R/Z dans R2. Ici R/Z désigne le groupe quotienté par son sous-groupe Z. La fonction φ peut encore être vue comme une fonction périodique de période 1. Si l'application φ est vue comme une fonction de R/Z, dire que le lacet est simple revient à dire que φ est injective.
Deux résultats préliminaires sont simples à établir :
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- Les composantes connexes de R2 - S sont des ouverts connexes par arcs[51].
Ce premier résultat simplifie la démonstration, il existe des théorèmes puissants, valables sur les connexes par arcs, particulièrement ceux issus de l'homotopie, comme le théorème du point fixe de Brouwer. Celui là est l'argument clé de la démonstration proposée ici.
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- Il existe une unique composante connexe de R2 - S non bornée[51].
Cette proposition limite le théorème à montrer l'existence d'une unique composante connexe bornée.
Démonstrations-
- Les composantes connexes de R2 - S sont des ouverts connexes par arcs :
En effet, soient x un point de R2 - S, Cx sa composante connexe et y un point de Cx. Comme S est l'image du compact R/Z par l'application continue φ, S est compact, donc fermé et R2 - S est ouvert. En conséquence, il existe un disque D ouvert de centre y et de rayon strictement positif inclus dans R2 - S. L'union de Cx et de D est connexe car union de deux connexes d'intersection non vide. On en déduit que l'union de Cx et de D est incluse dans la composante connexe de x dans R2 - S, comme cette composante connexe est égale à Cx, l'ensemble Cx contient D. Autrement dit, tout point y de Cx contient un disque de centre y et de rayon strictement positif, ce qui montre que Cx est ouvert. De plus, tout ouvert connexe de R2 est connexe par arcs[Note 9], ce qui montre que les composantes connexes de R2 - S sont connexes par arcs.
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- Il existe une unique composante connexe de R2 - S non bornée :
Soit A et B deux points de R2 - S éléments d'une composante connexe non bornée. L'objectif est de montrer qu'ils sont éléments de la même composante connexe, ou encore de montrer qu'il existe un chemin d'extrémités A et B dans l'ensemble R2 - S. Le principe de la démonstration est illustré sur la figure de droite. L'ensemble S est compact, il existe un disque D (en orange sur la figure) contenant le lacet S. Comme les composantes connexes de A et de B sont non bornés, il existe des points A1 et B1 situés respectivement dans les composantes connexes de A et B et appartenant au complémentaire du disque D. On peut alors construire des chemins d'extrémités respectives A, A1 (en marron) et B, B1 (en bleu), situés dans R2 - S. Comme le complémentaire du disque D ne rencontre pas S, il est simple de construire un chemin de A1 à B1 qui ne rencontre pas S (illustré en violet sur la figure). La juxtaposition des chemins reliant A à A1, puis A1 à B1, puis enfin B1 à B forme un chemin reliant A et B et d'intersection vide avec S. Cette juxtaposition montre que A et B sont dans la même composante connexe et termine la démonstration.
Lemmes techniques
Le premier lemme correspond à celui explicité dans le paragraphe intitulé Par le théorème du point fixe de Brouwer et illustré sur figure de droite. L'ensemble C désigne le carré [a, b]x[c, d] où a, b, c et d sont des nombres réels tels que a (resp. c) est strictement plus petit que b (resp. d). Les lettres h et v désignent deux fonctions de [-1, 1] dans C, l'une plutôt horizontal et l'autre plutôt vertical. On note les coordonnées de la fonction h (resp. v) hx et hy (resp. vx et vy). On dispose, par hypothèse, des égalités :
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- Lemme[52] 1 : Il existe un couple (x0, y0) de valeurs de prises dans l'intervalle [-1, 1] tel que h(x0) = v(y0).
Autrement dit, les courbes v et h se croisent. Ce résultat est une conséquence du théorème du point fixe de Brouwer.
Le deuxième lemme concerne la frontière des composantes connexes du complémentaire d'une courbe de Jordan dans un plan. Ici, la lettre γ désigne une courbe de Jordan.
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- Lemme[51] 2 : Chaque composante connexe du complémentaire de γ possède pour frontière la courbe γ.
Ce lemme utilise non seulement le théorème du point fixe de Brouwer, mais aussi le théorème de prolongement de Tietze. Ce dernier indique que, dans un espace métrique, il est toujours possible de prolonger une application continue définie sur un fermé et à valeurs dans un segment de R en une application continue définie sur l'espace entier et à valeurs dans le même segment.
Démonstrations-
- Il existe un couple (x0, y0) de valeurs de prises dans l'intervalle [-1, 1] tel que h(x0) = v(y0) :
Le principe de la preuve est un raisonnement par l'absurde. On suppose que le couple n'existe pas, on construit alors une fonction φ de C dans lui-même qui n'admet aucun point fixe.
Soit ||.|| la norme qui à un couple de R2 associe la plus grande de ses coordonnées, en valeur absolue. Comme, par hypothèse, les images de h et de v ne s'intersecte pas, la fonction φ du carré [-1, 1]2 dans lui-même, est bien définie :
Par construction, elle prend ses valeurs à la frontière du domaine, c'est là qu'il faut rechercher les points fixes de φ. Un point de la forme (x, -1), où x est un réel en valeur absolue plus petit que 1, ne peut être un point fixe car la deuxième coordonnée de son image est positive. Un point de la forme (x, 1) ne peut non plus être un point fixe, car la deuxième coordonnée de son image est négative. En vérifiant les deux autres zones frontières, on conclut que φ ne peut posséder de point fixe, ce qui contredit le théorème du point fixe. Cette contradiction termine la démonstration du lemme.
-
- Chaque composante connexe du complémentaire de γ possède pour frontière la courbe γ :
Si le complémentaire ne possède qu'une unique composante connexe, la proposition est évidente. Sinon, soit U une composante connexe et Uc son complémentaire (à priori réunion de plusieurs composantes connexes). Si U n'est pas borné, son complémentaire Uc l'est, d'après un résultat précédent. On suppose, dans un premier temps, que U est borné.
L'intersection de l'adhérence de U et de Uc est inclus dans γ. En effet, soit p un point de cette intersection, il ne peut être dans une composante connexe autre que U car toutes les composantes connexes d'un ouvert sont ouvertes, il ne peut non plus être dans U par définition du complémentaire, il est donc dans γ. On suppose que cette intersection n'est pas égale à γ, c'est à dire que l'inclusion est stricte. Il existe alors un arc injectif α défini sur l'intervalle [0, 1] tel que son image contienne l'intersection.
On considère un point A élément de U et D un disque de centre A et contenant la composante connexe U. On considère l'application rα identité de α dans α. Comme α est homéomorphe au segment [0, 1], on peut appliquer le théorème de prolongement de Tietze, qui indique que l'on peut prolonger l'application rα en une application r continue de D dans α. On définit la fonction f comme égale à r sur U et à l'identité sur la zone de D ne rencontrant pas U. La définition de f sur la frontière de U et sur le complémentaire de U dans D coïncide, c'est l'identité, ce qui montre que f est continue. Cette application est de plus l'identité sur le bord du disque D.
L'application f possède une image contenant un trou : tout point de U n'a pas d'antécédent par f, en particulier, le point A n'est pas couvert par l'image de f. Soit p la projection du disque D de centre A sur sa frontière, cette application est définie sur tout le disque à l'exception du point A. Comme f possède une image ne contenant pas A, la composition pof est une application bien définie, elle est définie sur D et à valeurs dans la frontière de D, qu'elle laisse invariante. Soit maintenant l'application d, consistant à associer à un point de la frontière de D, son antipode. La fonction dopof est continue, du disque D dans lui-même et ne possède aucun point fixe, ce qui contredit le théorème du point fixe de Brouwer.
Si U n'est pas borné, Uc l'est, le raisonnement précédent s'applique encore, à condition de remplacer U par Uc.
Preuve
Les éléments de la démonstration sont maintenant rassemblés. Soit γ une courbe de Jordan, illustrée en bleu sur la figure en haut à gauche. Il est déjà établi qu'une composante connexe du complémentaire possède pour frontière la courbe γ et qu'il existe une unique composante connexe non bornée. Il reste à montrer l'existence d'une unique composante connexe bornée.
La courbe γ est bornée car image d'un compact par une application continue. Soient a et b deux points de γ tels que la distance entre ces deux points soit maximale. La compacité garantit encore l'existence de tels points. Quitte à opérer sur la courbe d'abord une rotation, puis une translation et enfin une homothétie, on peut fixer comme coordonnées aux deux points a et b : (-1, 0) et (1, 0). On considère ensuite le rectangle K couvrant la surface [-1, 1]x[-2, 2], il contient l'intégralité de la courbe γ et sa frontière intersecte la courbe en deux points uniques a et b. On définit enfin les points c et d de coordonnées respectives (0, 2) et (0, -2).
La démonstration se décompose en trois étapes. Dans un premier temps on construit un point x, dans un deuxième temps on montre que la composante connexe de x est bornée, enfin on montre que toute composante connexe bornée contient x.
Le lemme 1 montre que la courbe γ croise le segment [c, d]. Soit m l'intersection de deuxième coordonnée maximale et γc la portion d'arc de γ qui relie a et b et qui contient m. Soit l l'intersection de γc et du segment [c, d] de deuxième coordonnée minimale (qui peut, dans certains cas, être confondu avec m). Soit enfin de γd la deuxième portion d'arc de γ reliant a et b. Ces différentes notations sont illustrées sur la figure en haut à droite.
Montrons que le chemin γd croise le segment [l, d] (en violet sur la figure en bas à gauche). Le chemin vert et violet croise γd, d'après le lemme 1. Ce chemin se décompose en trois parties. La première, en vert, est composée par le segment [c, m], qui ne peut croiser γd car ce segment ne croise γ qu'au point m, qui fait partie de γc. La deuxième partie en vert est la portion de chemin de γd comprise entre m et l, qui ne peut croiser γd car γ est définie par une application injective. La seule zone possible pour l'intersection est donc le segment [l, d] en violet. Soit k l'intersection d'ordonnée maximale et x un point de l'intervalle ]k, l[.
La composante connexe de x, illustrée en rose sur la figure en bas à gauche, est celle que l'on va maintenant démontrer être bornée. On raisonne par l'absurde et l'on suppose que x est dans la composante connexe non bornée. Cette composante connexe est ouverte, elle est en conséquence connexe par arc. Considérons un chemin reliant x à un point hors du rectangle [-1, 1]x[-2, 2], qui ne croise pas γ. Soit α la restriction de ce chemin telle que l'extrémité différente de x soit élément de la frontière du rectangle. Le chemin α est illustré en rouge sur les figures de droite. Si cette extrémité comporte une deuxième coordonnée négative, la première figure à droite montre l'existence, en vert et rouge, d'un chemin reliant c et d qui ne croise pas γd. Ce résultat est en contradiction avec le lemme 1 et cette contradiction montre que la deuxième coordonnée est positive. Cependant la deuxième figure de droite montre alors l'existence d'un chemin reliant c à d qui ne croise pas γc, cette configuration ne peut pas non plus se produire. En conclusion, tout chemin reliant x à la frontière du rectangle croise la courbe γ, ce qui montre que la composante connexe de x est bornée.
Le deuxième lemme permet de montrer l'unicité de la composante connexe bornée. Supposons qu'il existe une autre composante connexe bornée, noté C. Le lemme 2 montre que sa frontière est égale à γ et C contient un point arbitrairement proche de a et un autre arbitrairement proche de b. Comme C est connexe, ces deux points sont connectés par un chemin β. En utilisant le lemme 1, on montre que ce chemin engendre une contradiction. On considère le chemin correspondant à la zone orange, verte et violette de la figure en bas à droite. Il coupe le rectangle en deux parties et croise le chemin β. Il ne peut le croiser dans la partie orange car les points de ces segments sont dans la composante non bornée. Le chemin β ne peut le croiser dans la partie verte car cette partie est incluse dans la frontière γ. Enfin, la partie violette est constituée de points de la composante connexe de x, ils ne peuvent pas non plus faire partie du chemin β.
Ce dernier raisonnement conclut la démonstration. On a montré l'existence d'une unique composante connexe non bornée, d'une unique composante connexe bornée et le lemme 2 indique que la frontière de ces composantes connexes sont les points de la courbe de Jordan[53].
Références
Notes
- ↑ Ce mathématicien montre l'existence de courbes continues et nulle part dérivables : J. Thim Continuous nowhere differentiable function Lulea University of Technology (2003) p. 20.
- ↑ Le terme de régulier signifie ici que la fonction f est localement lipschitzienne
- ↑ Un contre exemple célèbre est la fonction de R dans R qui à x associe sin(1/x) si x est différent de 0 et f(0) = 0. elle n'est pas continue en 0. Plus de détails, sont donnés dans l'article théorème des valeurs intermédiaires
- ↑ Ce paragraphe est essentiellement issu de la source : J. Sebestik Logique et mathématique chez Bernard Bolzano Vrin (2002) (ISBN 711610675)
- ↑ Une fonction méromorphe est une fonction développable en série entière en chaque point où elle est définie, elle admet des singularités, un peu comme la fonction x ->1/x en 0.
- ↑ Ce paragraphe est essentiellement une compilation de l'article : C. Hales Jordan's proof of the Jordan curve theorem University of Pittsburg (2007)
- ↑ Le concept mathématique sous-jacent est celui d'homéomorphisme
- ↑ Les informations de ce paragraphe sont disponibles dans : E. E. Moise Geometric topology in dimensions 2 and 3 Springer (1977) (ISBN 0387902201).
- ↑ Voir à ce sujet l'article Connexité par arcs
Références
- ↑ Traduction libre de M. Dostal R. Tindel The Jordan curve theorem revisited Jber d Dt Math. Verein 80 (1978)
- ↑ C'est aussi le choix de : V. & F. Bayart Courbe de Jordan par le site Bibmath.net
- ↑ Marcel Berger, Bernard Gostiaux, Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces [détail des éditions] p. 335.
- ↑ R. Maehara The Jordan curve theorem via the Brouwer fixed point theorem University of Ruykyu Okinawa (1984) p 641
- ↑ Cet exemple est issu de : Marcel Berger, Bernard Gostiaux, Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces [détail des éditions] p. 344.
- ↑ J. Thim Continuous nowhere differentiable function Lulea University of Technology (2003) p. 34.
- ↑ Le choix du flocon de Koch, pour illustrer la difficulté du théorème, est relativement fréquent on le trouve dans le site : N. Lygeros Courbe de Jordan et Calcul de Carathéodory
- ↑ D. Leborgne Calcul différentiel et géométrie Puf 1982 (ISBN 2130374956) p. 15.
- ↑ M. Gardner The Sixth Book of Mathematical Games from Scientific American University of Chicago Press pp 92-94 (1984) (ISBN 0226282503)
- ↑ T. Chomette graphe planaire p 7 Département de mathématiques appliquées École Normale Supérieure
- ↑ Cette opinion est exprimée par : M. Dostal R. Tindel The Jordan curve theorem revisited Jber d Dt Math. Verein 80 (1978)
- ↑ Par exemple le livre Marcel Berger, Bernard Gostiaux, Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces [détail des éditions] lui consacre les pages 339 à 344
- ↑ Marcel Berger, Bernard Gostiaux, Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces [détail des éditions] p 343
- ↑ Marcel Berger, Bernard Gostiaux, Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces [détail des éditions] p 353
- ↑ Plus précisément, cette citation concerne la généralisation dite de Jordan-Brouwer du théorème : D. Leborgne Calcul différentiel et géométrie Puf 1982 (ISBN 2130374956) p 14
- ↑ Marcia Ascher, Mathématiques d'ailleurs, Nombres, Formes et Jeux traditionnels, Éditions du Seuil, 1998 ; p. 55.
- ↑ J. Sebestik Logique et mathématique chez Bernard Bolzano Vrin (2002) p 26 (ISBN 711610675)
- ↑ J. Sebestik Logique et mathématique chez Bernard Bolzano Vrin (2002) p 37 (ISBN 711610675)
- ↑ La première définition de la continuité date de 1814 et le théorème des valeurs intermédiaires fait l'objet de deux publications en 1817 : J. Sebestik Logique et mathématique chez Bernard Bolzano Vrin (2002) p 83 (ISBN 711610675)
- ↑ J. Sebestik Logique et mathématique chez Bernard Bolzano Vrin (2002) p 60 (ISBN 711610675)
- ↑ J. Sebestik Logique et mathématique chez Bernard Bolzano Vrin (2002) p 71 (ISBN 711610675)
- ↑ Voir, par exemple : A. L. Cauchy Mémoires sur des formules générales qui se déduisent du Calcul des résidus et qui paraissent devoir concourir notablement aux progrès de l'Analyse infinitésimale C. R., t. XII, p 871 (1841)
- ↑ J. Thim Continuous nowhere differentiable function Lulea University of Technology (2003) p 20
- ↑ G. Peano Sur une courbe, qui remplit toute une aire plane Mathematische Annalen Vol 36 (1890) pp 157–160
- ↑ C. Jordan Cours d'analyse de l'École Polytechnique Gauthier-Villars (1887) pp 587-594
- ↑ La preuve détaillée de Jordan est analysé par : C. Hales Jordan's proof of the Jordan curve theorem University of Pittsburg (2007)
- ↑ a et b O. Veblen Theory on plane curves in non-metrical analysis situs Trans. Amer. Math. Soc. 6 N° 1 (1905) pp 83-98
- ↑ C. Hales Jordan's proof of the Jordan curve theorem University of Pittsburg (2007) p 45
- ↑ R. Courant H. Robbins What Is Mathematics? An Elementary Approach to Ideas and Methods Oxford University Press (1996) (ISBN 0195105192)
- ↑ C. Hales Jordan's proof of the Jordan curve theorem University of Pittsburg (2007) P 46
- ↑ V. Kanovei M. Reeken A non standard proof of the Jordan curve theorem Real Anal. Exchange 24 (1998/99) N° 1 pp 161 169 (preprint 1994)
- ↑ a et b C. Hales Jordan's proof of the Jordan curve theorem University of Pittsburg (2007) p 46
- ↑ E. Picard L'œuvre de Henri Poincaré Annales scientifiques de l'E.N.S. 3ième série Tome 30 (1913) p 468
- ↑ M. Dostal R. Tindel The Jordan curve theorem revisited Jber d Dt Math. Verein 80 (1978)
- ↑ L. Brouwer Zur Invarianz des n-dimensionalen Gebiets, Mathematische Annalen 72 (1912), p 55-56
- ↑ N. Basbois L'émergence de la notion de groupe d'homologie
- ↑ J J O'Connor and E F Robertson Fermat's last theorem, par le site de l'Université de St Andrew (1996)
- ↑ Thomas C. Hales, the Jordan curve theorem, formally and informally, Amer. Math. Monthly 114 (2007) 882-894
- ↑ Marcel Berger, Bernard Gostiaux, Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces [détail des éditions] p 168
- ↑ Détaillée proprement, une démonstration un peu analogue quatre pages : Marcel Berger, Bernard Gostiaux, Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces [détail des éditions] p 340
- ↑ Les détails sont donnés dans la démonstration : M. Dostal R. Tindel The Jordan curve theorem revisited Jber d Dt Math. Verein 80 pp 118-124 (1978)
- ↑ Celle proposée ici provient du site pour agrégatif : B. Loustau Théorème de Jordan par le site Dynamaths
- ↑ E. Amar E. Matheron Analyse complexe Vuibert p. 175 (2003) (ISBN 2842250524)
- ↑ Ce résultat est démontré au lemme 2 de : R. Maehara The Jordan curve theorem via the Brouwer fixed point theorem University of Ruykyu Okinawa (1984) p 642
- ↑ D. Rolfsen Knots and Links Publish Or Perish (1976) p 9 (ISBN 0914098160)
- ↑ On trouve cette version du théorème dans : V. Mouquin Complexes simpliciaux et triangulation École Polytechnique Fédérale de Lausanne (2006).
- ↑ J. Matousek J. Nesetril Introduction aux Mathématiques Discrètes Springer (2004) p 193 (ISBN 228720010X)
- ↑ Le texte original est : J. W. Alexander An Example of a Simply Connected Surface Bounding a Region which is not Simply Connected Proc. nat. Acad. Sc. U. S. A., t. 10 (1924), p. 8-10
- ↑ B. Brown A proof of the generalized Schoenflies theorem Bull. Amer. Math. Soc. Vol. 66, pp. 74-76 (1960)
- ↑ B. Mazur On embeddings of spheres Bull. Amer. Math. Soc. Vol. 65 pp 59-65 (1959)
- ↑ a , b et c Cette idée est issue de l'article : R. Maehara The Jordan curve theorem via the Brouwer fixed point theorem University of Ruykyu Okinawa (1984) p 641
- ↑ R. Maehara The Jordan curve theorem via the Brouwer fixed point theorem University of Ruykyu Okinawa (1984) p 642
- ↑ Cette démonstration aussi est disponible dans : S. Greenwood J. Cao Brouwer’s Fixed Point Theorem and the Jordan Curve Theorem Université d'Auckland Nouvelle Zélande
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