Christianisme gnostique

Christianisme gnostique

Gnosticisme

Page d'aide sur l'homonymie Cet article traite des gnostiques des premiers siècles de l'ère chrétienne. Pour une vision plus générale voir l'article Gnose

Le gnosticisme est un mouvement religieux regroupant des doctrines variées du bassin méditerranéen et du Moyen-Orient qui se caractérisent généralement par la croyance que les hommes sont des âmes divines emprisonnées dans un monde matériel créé par un dieu mauvais ou imparfait appelé le démiurge. Le mouvement connut son apogée au cours du IIe siècle[1].

Le démiurge peut être considéré comme une incarnation du mal, ou comme un dieu bon mais imparfait. Il existe aux côtés d'un autre être suprême plus éloigné et dont la connaissance est difficile, qui incarne le bien. Afin de se libérer du monde matériel inférieur, l'homme a besoin de la gnose, soit la connaissance spirituelle ésotérique disponible à travers l'expérience directe ou la connaissance (gnose) de l'être suprême. Jésus de Nazareth est identifié par certains cultes gnostiques comme une incarnation de l'être suprême qui s'incarne pour apporter la gnose aux hommes.

Le terme gnose, du grec γνώσις / gnốsis (« connaissance »), désigne « des tendances universelles de la pensée qui trouvent leur dénominateur commun autour de la notion de connaissance[2] ». Ainsi, le manichéisme, le mandéisme, la Kabbale et l'hermétisme, entre autres, peuvent être considérés comme des formes de Gnose.[3] Par contre le terme gnosticisme a une connotation historique précise.

Selon la définition du néoplatonicien Plotin, adversaire des gnostiques, ceux-ci sont:

« Ceux qui disent que le Démiurge de ce monde est mauvais et que le Cosmos est mauvais.[4] »

Ainsi [5], à leurs yeux, L'homme est prisonnier du temps, de son corps, de son âme inférieure et du monde.

Les gnostiques en concluent : « Je suis au monde, mais je ne suis pas de ce monde[6] », et de ce point de vue, le monde et l'existence dans le monde apparaîtront mauvais parce qu'ils sont mélange de deux natures et de deux mondes d'êtres contraires et inconciliables. Le gnostique sera celui qui retrouvera son moi véritable et qui prendra conscience de la condition glorieuse, divine qui était la sienne dans un passé immémorial[7].

Les gnostiques chrétiens se référaient tant aux textes canoniques qu'apocryphes, le plus célèbre étant l'évangile de Thomas. D'inspiration chrétienne, le gnosticisme fut qualifié d'hérésie par les Pères de l'Église de ce qui allait devenir la « Grande Église » chrétienne. Irénée de Lyon, dans la deuxième moitié du Ier dans sa Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur (ou Contre les hérésies) en a laissé le témoignage antique le plus important et le nom qui leur restera. Il est possible que certains de ces groupes aient revendiqué le terme. Les sectes gnostiques disparurent presque complètement à partir du IIIe siècle, mais leurs doctrines influencèrent d'autres religions comme le manichéisme, le marcionisme et le catharisme.

Jusqu'au milieu du XXe siècle on ne disposait que de très peu de sources directes sur les gnostiques, celles-ci ayant été falsifiées ou détruites. Les principaux témoignages viennent de leurs détracteurs, notamment les pères de l'Église. La découverte en 1945 de la Bibliothèque de Nag Hammadi (la première traduction complète étant publiée en 1977), a permis de renouveler la recherche sur le sujet.

Sommaire

Gnose et gnosticismeProblèmes de définition et de catégorisation

En 1966 se tint à Messine une conférence au sujet de la Gnose. Parmi ses différents objectifs se trouvaient la définition d'un programme pour la traduction de la bibliothèque de Nag Hammadi récemment acquise et le besoin d'arriver à un consensus sur la définition du terme Gnosticisme. C'était une réponse à la tendance dominante depuis le dix-huitième siècle d'utiliser le terme 'gnostique' non pas en relation à ses origines, mais plutôt comme une catégorie interprétative pour des mouvements philosophiques et religieux contemporains. Par exemple en 1835 le spécialiste du Nouveau Testament Ferdinand Christian Baur avait construit un modèle de développement du gnosticisme culminant avec la philosophie religieuse de Hegel ; ou encore plus récemment les tentatives du critique littéraire Harold Bloom d'identifier des éléments gnostiques dans la religion américaine contemporaine, ou l'analyse de Eric Voegelin des pulsions totalitaristes à travers le filtre interprétatif du gnosticisme.

Au sujet de gnosticisme, la conférence aboutit au prudent consensus suivant :

« Dans le document de conclusion de Messine, la proposition fut de désigner sous le nom de gnosticisme, 'par l'application simultanée des méthodes historiques et typologiques'[...] ' un groupe particulier de systèmes du deuxième siècle ap. J.C., et d'utiliser le terme 'gnose' pour définir une conception de la connaissance, indépendamment des époques, décrite comme une 'connaissance des mystères divins réservée à une élite[8]. »

— Markschies, Gnosis: An Introduction, p. 13.

En substance, il avait été décidé que le gnosticisme devenait un terme spécifique historiquement, réservé aux mouvements gnostiques répandus au IIe siècle, alors que la gnose serait un terme universel pour désigner un système de connaissances réservées à une élite privilégiée. Cependant, cet effort de clarté apporta aussi une certaine confusion conceptuelle, car le terme historique gnosticisme était une invention moderne, alors que le terme gnose avait une histoire : on appelait gnosticisme ce que les anciens théologiens avaient appelé Gnosele concept de Gnose inventé à Messine était presque inutilisable dans un sens historique[9].

Du fait de ces problèmes,les ambiguïtés sur la définition précise du gnosticisme ont persisté. Néanmoins l'utilisation de gnosticisme dans un sens historique, et de Gnose dans un sens universel, est restée courante. Mais même l'utilisation de 'gnosticisme' pour désigner une catégorie de religions du IIe siècle et IIIe siècle a récemment été remis en question. En particulier dans l'ouvrage de Michael Allen Williams Repenser le gnosticisme (Rethinking Gnosticism: An Argument for the Dismantling of a Dubious Category), dans lequel l'auteur examine les termes qui définissent le gnosticisme en tant que catégorie, et en les comparant précisément avec le contenu des textes gnostiques (en particulier ceux de Nag-Hamadi).

Williams affirme que les fondements conceptuels de la catégorie gnosticisme sont hérités des hérésiologues. L'accent a trop été mis sur le dualisme, sur le rejet du corps et de la matière et sur l'anticosmisme, sans que ces hypothèses aient été « testées » correctement. Ce faisant, Williams juge la catégorisation douteuse, et conclue que le terme doit être remplacé pour mieux refléter les mouvements qu'il comprend. Les remarques de Williams ont suscité le débat, mais à ce jour sa proposition de terme de remplacement « tradition biblique démiurgique » n'a pas été reprise largement.

Les écrits gnostiques

La plupart des essais anciens, faute de pouvoir sappuyer sur des documents originaux, héritèrent des erreurs dappréciation des réfutateurs chrétiens qui combattirent les gnostiques aux IVe et Ve siècles. Ces textes parfois se recopient les uns les autres, et sans tenir compte des mythologies orientales sur les vestiges desquelles le gnosticisme s'était développé[10].

L'une des principales sources concernant le gnosticisme est Irénée de Lyon (IIe siècle). Il décrit dans les détails les doctrines gnostiques qu'il combat, de manière à prouver qu'il n'y a que peu de choses en commun entre la gnose et le christianisme. À cette époque, des gnostiques grecs se faisaient baptiser, mais tenaient à concilier leurs doctrines avec leur nouvelle religion. L'une des principales différences entre gnose et christianisme tient à la conception du Salut. Le christianisme exotérique le propose à tous tandis que la gnose, dans son ésotérisme, le réserve aux initiés. (ref nécessaire)

Les plus anciens témoignages des réfutateurs datent du Nouveau Testament qui dénonce les hérésies et les faux prophètes, dont Simon de Samarie et le diacre Nicolas.

Pour la période jusquau IIIe siècle, on ne possède que les récits des hérésiologues, c'est à dire les réfutateurs des gnostiques [10] .

Létablissement dune histoire précise des mouvements gnostiques est impossible à cause de ce flou, et des livres dont les titres changent dune version à lautre et dont les véritables auteurs restent anonymes. Très peu de monuments ou objets relatifs aux gnostiques furent retrouvés[10].

Sur la période du IIIe au Ve siècles, les sectes se sont étendues en Égypte, le sable conserva des écrits en copte. Cest pourquoi on retrouva, à partir de 1800, des textes dans les nécropoles égyptiennes.

LÉvangile de Marie, le Livre secret de Jean et la Sophia de Jésus-Christ ont été achetés en 1896 en Égypte, dans un même lot de parchemins. En décembre 1945, plus de 40 écrits perdus furent retrouvés dans une jarre à Nag Hammadi, dont en premier lieu des écrits de sectes orientales, mais aussi des apocryphes chrétiens et des gnostiques. Cependant, cette bibliothèque nest quun « instantané » de la pensée gnostique de l'époque, les textes y étant constamment remaniés et modifiés.

Quelques traités gnostiques :

Le cas de l'Évangile selon Jean

Bien qu'il serait inexact de l'appeler gnostique, l'évangile de Jean contient bien quelques éléments laissant à penser à une influence ou des croisements possibles avec le gnosticisme[11]. …

Quelles sont les origines du gnosticisme  ?

Trois hypothèses principales ont été proposées faisant remonter l'origine du gnosticisme au Ie siècle[12]:

  • La première, émise notamment par Adolf von Harnack fait du gnosticisme une hellénisation du christianisme naissant.
  • Le gnosticisme pourrait aussi être un retour aux sources orientales du christianisme, ou un syncrétisme oriental.
  • Enfin le gnosticisme pourrait être d'origine juive.[13]

En effet, la vision des gnostiques est celle d'une dualité, développée d'une façon incroyablement variée et qui peut paraître paradoxale. Elle différait cependant des doctrines de leur époque sous trois formes :

Comme le dit Ioan P Couliano:

  • "Les doctrines religieuses de l'époque connaissaient trois variantes, fixant le rôle de l'homme dans l'univers (le Cosmos).
  • "Ce monde a été créé pour cet homme" et cet homme a été créé pour ce monde (variantes bibliques)
  • "Ce monde a été créé comme cet homme" et "cet homme a été créé comme ce monde " (variantes platoniciennes).

Mais la conception des gnostiques est au contraire:

  • "L'homme a été créé contre le monde.
  • "L'homme est supérieur à ses créateurs".[14]

On peut qualifier cette attitude d"'anti-cosmisme".

Les gnostiques, à l'image des "initiés" de ce temps, voyaient en Jésus, non un personnage historique, d'une vierge et capable de marcher sur les eaux mais un être mythique, et le but de tout initié chrétien était de devenir un Christ.

Force est de constater que l'on retrouve des éléments gnostiques en marge des grandes religions, mais souvent en leur sein même et il en fut de même dans le christianisme naissant. Elaine Pagels a remarqué que les similitudes entre le gnosticisme et le bouddhisme ont incité certains universitaires à s'interroger sur leurs relations mutuelles et à se demander "si le "bouddha vivant" pourrait justement dire ce que l'Evangile de Thomas attribue au Jésus vivant, pour peu que les noms soient changés". Bien qu'intriguée, elle soutient à juste titre qu'une telle ressemblance n'est pas concluante, des traditions parallèles pouvant apparaître dans des cultures différentes sans qu'il y ait d'influence directe.[15]

Expansions et fins du gnosticisme

Selon les témoignages des historiens anciens, cest dans un cadre géographique allant de la vallée du Jourdain à lAsie Mineure que les communautés gnostiques se manifestèrent à lépoque des apôtres. Simon par exemple enseignait la Gnose. On retrouve la trace des Nicolaïtes à Samarie, Nicolas à Antioche. Leur réflexion sur des textes de lAncien et du Nouveau Testament, dont certains considérés aujourdhui comme apocryphes, marqués de lhellénisme. Parmi ces livres, le livre des Jubilés et le Livre d'Hénoch sont parmi les plus significatifs[16].

Vers 120, les gnostiques gagnent Alexandrie[17], autour de Basilide, Carpocrate et Valentin (Valentinus ou Valentinius). Valentin se rendit à Rome, sa gnose voila ses mythes orientaux dune exégèse philosophique mêlée de christianisme. À Rome, des sectes fortement influencées par les éléments orientaux continuent daffluer. Les sectes se propagent, notamment en Espagne[16]. On peut mesurer l'influence du gnosticisme à la force et au nombre de ses réfutations.

En Iran : Mani qui fait une vaste synthèse des nombreux enseignements, et Audi, un chrétien qui se sépare de lÉglise après Nicée. De lOrient, le gnosticisme sétendit jusquà la Chine[16].

On retrouve aussi  :

Parenté et survivance des mythes gnostiques

Il est difficile de déterminer la manière dont resurgissent et d' proviennent les idées gnostiques. Avons-nous affaire à une filiation ininterrompue et souterraine qui relie les époques ?

On les trouve chez les grands précurseurs que furent Platon ou Pythagore, tout comme elles ont perduré jusqu'à Hegel ou Jean-Paul Sartre de nos jours.

Elles sembleraient procéder, comme le dit Joseph Campbell, d'une même "anatomie", c'est-à-dire de quelque chose d'inhérent à la nature humaine. Campbell croyait que toutes les religions du monde, tous les rituels et les déités n'étaient que lesmasquesd'une seule et même vérité transcendante, laquelle seraitinsaisissable" (inconnaissable). Il décrivait le christianisme et le bouddhisme, que lobjet en fûtla conscience de Buddhaoula conscience du Christ”, comme un niveau de perception au-dessus desoppositions binairestelles que le bien et le mal. De telles conceptions unificatrices sont parfois mal reçues...

L'idée gnostique est présente au sein du bouddhisme[18], du judaïsme (Kabbale) [19] et plus tard de l'Islam avec l'ismaélisme.

Mais elles circulèrent parmi les bogomiles et cathares du Moyen Âge, sans qu'on sache s'ils descendent de groupes gnostiques ayant survécu depuis l'Antiquité, ou s'il s'agit de résurgences suscitées par la transmission décrits gnostiques déguisés en apocryphes chrétiens.

Les survivances de la gnose la plus philosophique se décèlent dans la littérature alchimique, notamment les textes attribués à Hermès Trismégiste. Peut-on dire que la gnose, avec le mythe d'Hiram, sa résurrection et sa mort, fait partie des racines de la franc-maçonnerie ?

De même, il y a intercommunication entre la littérature juive kabbalistique et certaines doctrines du gnosticisme hellénisé.

  • En Orient...les gnostiques s'intégrèrent à lIslam.

Aux confins de la Mésopotamie et de lIran certaines sectes survécurent jusqu'au XIIe siècle. On trouve, en effet, une influence du gnosticisme chez les musulmans chiites, mais aussi dans la foi druze.

On trouve des traces de pensée gnostique chez les ranters, le Libre-Esprit et divers mouvements millénaristes. [20]

Le dualisme n'est d'ailleurs pas une spécificité des gnostiques des premiers siècles mais se retrouve dans le zoroastrisme, qui lui est du reste bien antérieur, et dans de nombreux cultes à mystères autour du bassin méditérranéen.

  • En terre d'Islam

Le sens du mot "gnostique" ne revêt pas la même signification en Islam ce terme est quasiment équivalent à mystique. Ainsi, les soufis se désignent souvent par le terme "gnostique" au sens de "possesseur de la connaissance de Dieu", cette connaissance étant conforme aux dogmes musulmans mais dans un état plus "avancé". Ainsi, stricto sensu, le gnostique musulman est un musulman et non un hérétique.

Gnosticisme et Christianisme naissant

Comme le dit Elaine Pagels - "ce sont les vainqueurs qui écrivent l'histoire... à leur façon. Il n'est pas étonnant qu'ils soient les premiers à en définir les termes. ... Ensuite ils démontrent que leur triomphe était historiquement inévitable ou, en termes religieux, qu'ils étaient guidés par le Saint-Esprit." L'opinion courante veut que le gnosticisme soit une branche déviante de ce qui allait devenir le catholicisme.

L'idée dominante serait que le gnosticisme est une adaptation juive des anciens Mystères païens. La future religion d'état instituée par Constantin se serait ainsi purifiée et séparé d'éléments déviants. S'appuyant sur la foi plus que tiède de Constantin, elle fermait les temples antiques, interdisait les cultes à Mystères et détruisait ou falsifiait les textes. Ces textes auraient peut être pu donner une vision différente de l'antiquité, de la Gnose et du Gnosticisme.

Les thèmes principaux

Les auteurs gnostiques abordent la plupart des thèmes mythologiques et eschatologiques, les réinterprètent en passant par la révélation dune « histoire secrète », d'un mythe total : lorigine et la création du Monde ; lorigine du Mal ; le drame du Rédempteur divin descendu sur Terre afin de sauver les hommes ; la victoire finale du Dieu transcendant, conduisant à la fin de lHistoire et lanéantissement du Cosmos [21].

Le point de départ est la considération, par lindividu, de sa situation face au monde : que suis-je, pourquoi ce monde me semble-t-il étranger, quétais-je à lorigine et comment (éventuellement) revenir à cette situation ? Cest la prise de conscience dune déchéance impliquant que le Bien et le Mal sont deux éléments inconciliables, absurdement mêlés ici-bas par un accident contraire à la volonté divine. La révolte intime contre le Mal est la preuve de lappartenance au Bien, à un absolu parfait extérieur à ce monde [21].

Lhumanité est divisée en trois catégories :

  • ceux qui se sentent (donc, se savent) pourvus dune perfection innée dont la nature est esprit : les pneumatiques; Pneuma veut effectivement dire esprit, en grec sont les spirituels, ceux qui sont prédestinés au salut
  • ceux qui nont quune âme et point desprit, mais chez qui le Salut peut encore être introduit par instruction : les psychiques, ceux qui possèdent une âme et peuvent être sauvés au prix d'un effort personnel et d'une conversion [22]
  • enfin, les êtres dépourvus desprit et dâme, uniquement constitués déléments charnels voués à la destruction : les hyliques.

Le but premier du gnostique est la délivrance de sa parcelle divine, aliénée dans un monde matériel corrompu, et sa remontée vers les sphères célestes. Cette délivrance passe par la Gnose, la connaissance parfaite de la nature de lesprit, des structures de lunivers, de son histoire passée et future[21].

Le premier aspect de la Gnose porte sur les origines du monde matériel et de lhomme, le Mal sexpliquant par la chute accidentelle déléments supérieurs dans un cosmos matériel, temporel et sexué, au fond duquel ils se sont disjoints, dispersés et emprisonnés sans pour autant perdre leur pureté.Le second aspect de la Gnose vise la Destinée de lhumanité et du Cosmos, aboutissant à la dissolution finale de la matière, à la libération de lesprit et au retour à l'unité parfaite intemporelle dont les élus, ici-bas, gardaient le souvenir. Le monde supérieur ayant seul été organisé par une intelligence authentiquement créatrice, le matériel nen est quune copie maladroite. De même, lhomme terrestre est limage imparfaite dun modèle céleste. On voit lidée de Décadence, puis de Rédemption. Pour les Élus, le Salut peut être personnel, alors que pour les autres le rachat se fera par une eschatologie générale ayant pour terme la destruction de lunivers matériel [21].

Du Pro-Père au Démiurge

  • À lorigine de tout,

Il y a un Eon parfait, invisible, inconcevable et éternel, habité par un Être absolu et immuable, le Pro-Père, replié sur lui-même et coexistant avec sa Pensée qui est, elle, Silence absolu. [23]

De cette unité primitive du Pro-Père et de sa Pensée émane une seconde image du Père. Cette première émanation est dégagée de lisolement primordial et capable dengendrer. Elle suscite alors lapparition des trente éons hiérarchisés du Plérôme.

  • La présence du Plérôme

Le Plérôme [24]est un terme grec signifiant "plénitude" et qui désigne le monde céleste formé par l'ensemble des éons, que le gnostique atteindra à la fin de son aventure terrestre On y retrouve : Monogène, Logos, Mère céleste, Homme primordial, Fils de cet Homme (ou Seth céleste), grande Génération des Fils de lHomme primordial, Sophia (Sagesse, parfois qualifiée de lascive), etc. Ces éons vont par couples, féminin/masculin, appelés syzygies. Les éons sont, en même temps que des personnifications de concepts, des univers à part entière, infinis et éternels, reproduisant le schéma général du Plérôme tout entier et de lInengendré suprême. [23]

  • Dualisme radical ou mitigé

Lopposition entre le monde idéal de la Lumière et celui, imparfait, des Ténèbres et de la Matière peut suivre 3 schémas.

Les plus radicaux situent, à lorigine de la création du monde matériel, une subite agression des eaux ténébreuses préexistantes contre la Lumière den haut, attaque qui se déroule dans lespace intermédiaire dun troisième principe, air ou vide. On retrouve ce thème chez les bogomiles et les manichéens.

Plus fréquemment, la Lumière den-haut préexiste seule à toute création. Un accident survenu dans le monde supérieur engendre une puissance difforme et ignorante, Ialdabaôth, autour de qui se forme un éon ténébreux, notre bas monde. La Lumière entreprend une œuvre salvatrice pour anéantir cet éon maléfique. Selon une première variante, Sabaôth, le fils dIaldabaôth, va découvrir la Lumière et sera mis par les puissances supérieures à la place de son père pour engager le cosmos vers le salut. Une seconde variante montre Ialdabaôth revenant lui-même au bien [21] .

Les diverses divinités sont considérées comme perverses, liées au monde matériel, tel le Démiurge de la Bible. Les gnostiques nemploient pas le terme « Dieu » pour désigner lÊtre infini dont tout le monde supérieur émane[21] .

  • La rédemption

Ainsi, Sophia est prise dégarement, elle séprend damour pour la matière vers laquelle elle descend et elle senlise. Une autre version dit que Sophia, emportée par sa vanité, voulait ressembler à lEntité suprême en engendrant seule sans sa contrepartie masculine. Sensuit lapparition dun être difforme, Ialdabaôth, que Sophia cacha sous un voile qui formera le ciel, limite entre les mondes supérieurs et le monde matériel. Sous ce voile, Ialdabaôth ignorait tout de la Lumière, ne disposant en son sein que dune étincelle céleste héritée de sa mère. Sophia fut exilée du monde supérieur après sa faute. Du fond de labîme Ialdabaôth engendra la matière, il est le Démiurge. Il sunit à sa propre Ignorance pour engendrer les archontes correspondant aux zodiaques et aux planètes. Des archanges et anges leur sont associés. Le repentir de Sophia touche les puissances suprêmes qui la tirent de labîme et létablissent aux abords inférieurs du monde de la Lumière, purgatoire elle attendra dêtre plus complètement relevée de sa déchéance.[23]

  • L'éternel féminin

Le principe féminin a un rôle important dans les éons, des figures féminines vont jouer des rôles prophétiques, les gnostiques ne semblent pas considérer la femme comme inférieure à lhomme. Mais le retour de lélément féminin à sa contrepartie masculine reste une condition indispensable à laccès à la perfection céleste, et Sophia est responsable de lerreur qui a conduit la chute vers la matière. Par exemple, l'Évangile de Marie-Madeleine accordera à la figure de celle-ci une place au moins aussi importante qu'aux apôtres[25].

La personne de Jésus

Malgré leurs différences, les évangiles canoniques décrivent Jésus comme un personnage historique et se présentent comme l'accomplissement des prophéties de l'Ancien Testament. Mais pour certains chrétiens gnostiques cette réalité paraissait secondaire par rapport à la signification qu'on lui prêtait. L'Évangile de Thomas indique : "Ses disciples lui dirent - Vingt-quatre prophètes ont parlé en Israël et ils ont tous parlé de toi. Et il leur dit: Vous avez délaissé celui qui est vivant en votre présence et vous avez parlé de ceux qui sont morts".

Pour le gnostique, la réalité apparaît secondaire par rapport à la signification qu'on lui prête[26]. Il n'y a donc pas d'autorité absolue dans le monde matériel, dans le royaume des ténèbres ou mondes des morts. La réalité est pour le gnostique le monde spirituel, le monde de la Vie, le divin. Ainsi on peut comprendre l'extrait de l'Évangile de Thomas qui précède ainsi:

  • "Vingt-quatre prophètes ont parlé en Israël et ils ont tous parlé de toi" dans le sens "tous les prophètes annonce la même bonne nouvelle : le chemin de l'éveil de l'esprit (Christ) en l'homme"
  • "Vous avez délaissé celui qui est vivant en votre présence" dans le sens "Vous avez oublié l'étincelle d'esprit du monde divin qui git en vous"
  • "vous avez parlé de ceux qui sont morts" dans le sens "vous avez parlé de l'homme matériel, ceux qui sont voués à la mort, ce qui est poussière".

De plus, il y a, chez ces gnostiques, une réflexion profonde sur la personnalité de celui qu'ils nomment le "Sauveur". Selon Madeleine Scopello, le sauveur gnostique reste fondamentalement étranger au monde matériel. En effet, il est du monde spirituel, il est aussi appelé Christ. On retrouve ainsi ce thème : Le Sauveur descend sur terre pour le salut des hommes et à son tour, il assume, pour un temps leur destinée. Non dans le but de donner un sens au monde à la souffrance ici-bas, mais pour délivrer les parcelles lumineuses qui s'y sont dévoyées.[27].

Le seul "sens au monde à la souffrance ici-bas" est de permettre par l'expérience, la libération de l'esprit endormi en l'homme.

Le destin de l'Homme

Parmi les éons, il y a lHomme (primordial, originel) ainsi que le Fils de lHomme. Cest à partir de son reflet que le Démiurge et ses archontes décident de fabriquer lhomme, Adam. Le Père, grâce à ses anges déguisés en archontes, suggère au Démiurge dinsuffler son esprit, la Lumière dont il sétait emparé, à Adam. La Lumière est ainsi passée à lhumanité. De rage, les archontes emprisonnent Adam dans l'Éden, vu comme un lieu terrible. Les puissances den-haut cachèrent la Gnose et la Vie dans le fruit défendu, et envoyèrent un Sauveur sous la forme du serpent pour inciter Adam et Ève à semparer de ces secrets[25].

Les archontes installent en Adam un second esprit, le contrefacteur, qui va sans cesse combattre les mouvements de l'esprit tiré vers le haut. Le premier couple est expulsé de l'Éden par le Démiurge, furieux. Il souille Ève de sa lubricité, ce qui explique la génération dAbel et Caïn. La vraie postérité dAdam ne commence quavec Seth, dont seule la descendance, les parfaits, est promise au salut. Le Démiurge envoie le Déluge pour anéantir les parfaits, mais Noé sabrite avec les siens dans lArche et au final cest la race née de lunion des anges du Démiurge et des filles de la terre qui est anéantie[25] .

Les archontes sont liés à la voûte céleste, au mouvement des planètes. Chaque partie de lhomme, physique ou psychique, appartient souverainement à la puissance de la voûte céleste qui la façonnée. Dans ce corps assemblé descend une âme qui, traversant lun après lautre chacun des cieux des planètes, y reçoit, en fonction du moment de ce passage, telle ou telle disposition par laquelle lindividu restera soumis aux astres. Enfin, les puissances insinuent dans le fœtus lesprit contrefacteur destiné à contrarier les pulsions éventuelles de lhomme vers le salut[25].

Le mélange de tous ces facteurs entraîne des degrés de perfections fort différents qui expliquent les 3 grandes catégorisations de lhumanité (pneumatique, psychique ou hylique)[25].

Leschatologie

Le Démiurge ne cesse denvoyer contre les parfaits des cataclysmes et persécutions. Il faut éveiller les élus en leur rappelant leurs origines (racines) célestes. Pour cela, des sauveurs et des prophètes sont envoyés den-haut pour dispenser confidentiellement leurs révélations. Lacte final du salut de lhumanité est la descente dune puissance de la Lumière jusquau fond des Enfers[28]

Lœuvre salvatrice est associée à la descente de la Mère Céleste dans les abîmes lhumanité est prisonnière, mythe remontant à la descente dIshtar aux Enfers. Seth aurait eu une incarnation céleste, et les mages (Zoroastre, etc.) sont les prophètes gardiens de lenseignement secret de Adam et Seth. La figure de la Mère sera remplacée par celles de Seth puis du Christ[28].

Annoncé par un signe des cieux, le Sauveur va descendre, dabord déguisé en archonte des cieux inférieurs, puis revêtu de toute sa gloire. Les gnostiques répugnant à lidée dincarnation, le Sauveur est incorporel. Dans certaines versions du mythe le Sauveur doit subir les conséquences humiliantes de lincarnation pour transmettre son message à quelques élus avant de retourner au Ciel. Parfois il oublie sa mission et doit être lui-même sauvé (mythe du « Sauveur sauvé »)[28].

Lamnésie, l'oublie de la condition originale est une image spécifiquement gnostique. En se tournant vers la Matière, lâme oublie sa propre identité. Cest la mort spirituelle. Le mythe du Sauveur Sauvé tourne autour de cette notion damnésie, quillustre l'Hymne de la Perle, dans les Actes de Thomas. La découverte du principe transcendant à lintérieur de Soi-même constitue lélément central de la religion gnostique. Cette redécouverte, lanamnèse, est obtenue grâce à un messager divin et grâce à la gnose[28]. Dans les Évangiles, l'aspect de oublie est bien éclairé quand Jésus sur la croix dit: "Mon peuple se perd faute de connaissance".

Le symbole du sommeil est également utilisé dans ces mythes. Cest un symbole archaïque universellement répandu dans la quête de linitiation, signifiant le retour au point de départ, à l'origine. Ne pas être endormi c'est s'adresser à l'étincelle d'esprit qui git en l'homme. Être « éveillé », c'est être non seulement pleinement conscient mais vivant selon l'esprit, ce qui veut dire : être présent au monde de lesprit. L'état de mort est souvent utilisé par les gnostiques dans le même sens que sommeil. D'ailleurs dans le Bouddhisme le sommeil est appelé aussi la petite mort. Dans l'Evangile de Luc, chapitre 3 versets 31-40, Jésus, dans une parabole, rappelle a tout homme qu'il doit rester éveillé et prêt à l'avènement du Fils de l'homme.

Finalement, le rédempteur remontera aux Cieux, occasion dun bouleversement céleste qui fixera les archontes aux planètes, traversant la voûte céleste à lendroit dun X gigantesque considéré comme la Croix céleste. Ce phénomène de la crucifixion sur le X céleste est déjà attesté à Rome au moment de lavènement du règne dAuguste, à qui on attribue déjà labolition de la Fatalité astrale [28].

Les gnostiques se croyaient presque parvenus à la fin des temps. Les livres prétendument gardés secrets venaient dêtre ressortis de leurs cachettes. Pour les Parfaits, lenseignement portait sur les mystères de la descente et de lascension du Sauveur/Christ à travers les 7 cieux habités par les anges, et sur leschatologie individuelle, c'est-à-dire litinéraire mystique de lâme après la mort. Cette tradition fait écho à lésotérisme (juif et dailleurs), à lascension de lâme et aux secrets du monde céleste[28].

Lâme après la mort

Lhomme est asservi aux puissances des cieux visibles qui lont façonné. Les gnostiques pensent pouvoir réduire leur puissance en employant des conjurations contenant les noms secrets de ces puissances. Ils mettent également en place des rites pour échapper aux égarements de "lesprit contrefacteur". Au moment de la mort, un élu muni de tous les sacrements de la gnose fait son ascension à travers les cieux sans retour : il présente les sceaux aux gardiens pour que les portes lui soient ouvertes. Des autres, les moins souillés sont purifiés dans les purgatoires des espaces célestes, montant parfois dune sphère à lautre lors dune conjonction astrale. Mais bien des malheureux sont rejetés vers le bas, tourmentés en Enfer, avant dêtre soumis à loubli de leur vie précédente et rejetés dans de nouveaux corps[29]

La morale

Les gnostiques, voyant le corps charnel asservi dans ses actes et ses passions à la souveraineté des planètes, ou encore se croyant pourvus d'une grâce d'en-haut qui délivre des actes ici-bas, n'ont pas de notions de moralité individuelle très strictes.

La gnose peut donc aussi bien conduire à un ascétisme rigoureux qu'à de curieuses immoralités, avec la volonté de contredire en tout la loi biblique. La chair appartenant à la matière et ne sachant participer au Salut, peu importe qu'elle fût souillée. Les pratiques licencieuses de certains groupes gnostiques sont réprouvées par dautres groupes gnostiques comme par les réfutateurs chrétiens.

Enfin l'héritage de certains mystères grecs (par exemple chez les Naassènes) put être à l'origine de comportements immoraux en leur donnant une valeur mystique.

La hiérarchie et les rites

Il y aurait eu trois grades : les « commençants », les « progressants » et les « parfaits ». Lenseignement ésotérique aux fidèles portait sur le symbolisme du baptême, de leucharistie, de la Croix, sur les Archanges et sur linterprétation de lApocalypse. L'enseignement gnostique était secret dans le sens qu'il se transmettait de manière oral. Pour éviter d'être repérée, la Gnose se dissimulait, évitant d'imposer des manières de vivre voyantes. On connaît mal l'organisation interne des sectes. Des témoins anciens, seul Épiphane a essayé de pénétrer la vie des sectes[30]

Les parfaits sont voués au respect de tous les préceptes de la Gnose et leur identité première s'efface devant quelque surnom mystique. Les simples fidèles continuaient leur existences impures en subvenant aux besoins des élus. Les premiers fondateurs, et parfois leurs successeurs, sétaient présentés comme des prophètes ou des incarnations de puissances célestes. À des fins de propagande, les gnostiques se présentaient d'abord aux chrétiens comme leurs frères, ne dévoilant que les croyances les plus proches, puis en posant des questions ébranlant l'interlocuteur. De même, ils travestissaient certains de leurs textes en leur donnant une apparence plus orthodoxe[30] .

Enfin, tout comme le christianisme se répand par la thaumaturgie, la gnose attire par la magie et l'astrologie, très répandue au début de lère chrétienne, qui tiennent une place très importante dans leurs écrits[30].

Les rites étaient divers. Les uns individuels, les autres collectifs, destinés aux divers échelons des initiés, et donc plus ou moins secrets. Il s'agissait principalement de baptêmes, d'onctions, d'impositions des mains, de communions, d'agapes et d'unions spirituelles plus ou moins symboliques. Dans certains groupes, la frontière entre la Gnose et les magies gréco-orientales est très perméable[31].

Les maîtres gnostiques

Simon et Dosithée étaient des gnostiques qui officiaient en Samarie.

Ménandre, disciple de Simon, introduisit le gnosticisme à Antioche. Son héritier, Satornil, fut actif à Antioche de 100 à 130. À Antioche, également, Nicolas le diacre.

Cérinthe, un judéo-chrétien contemporain de Jean, voit Jésus comme le fils de Joseph et de Marie. Jésus reçut en lui le Christ, mais plus tard. Cérinthe sétablit ensuite à Alexandrie. , Carpocrate proclama une théorie analogue concernant Jésus.

À Alexandrie on retrouve Basilide (disciple de Ménandre), Carpocrate et Valentin. Ce dernier se rendit ensuite à Rome.

Simon le Magicien

Article détaillé : Simon le Magicien.

Il est vu comme le premier hérétique et lancêtre de toutes les hérésies. Ses disciples sont devenus gnostiques après la catastrophe de 70 (la destruction du Temple de Jérusalem), formant la secte des séthiens (?).

Il était adoré comme le « premier Dieu », et sa compagne Hélène, découverte par Simon dans un bordel de Tyr, était considérée comme la dernière et la plus déchue incarnation de la « Pensée » de Dieu. Rachetée par Simon, elle est devenue le moyen de la rédemption universelle. Lunion du magicien et de la prostituée assure le salut universel, car cette union est en réalité la réunion de Dieu et de la Sagesse divine.

Selon la légende, Simon annonça à Rome son ascension au Ciel, mais la prière de lapôtre Pierre le fit retomber lamentablement.

Basilide

Article détaillé : Basilide.

Basilide exerça son activité de 125 à 155 à Alexandrie. Il fut un des premiers maîtres gnostiques. Il écrivit 24 livres dexégèse de lÉcriture, synthèse des doctrines enseignées par les disciples de Simon le Magicien. Mais cest surtout par ses observations critiques quon connaît ses idées, reprises par son disciple et fils Isidore, puis par toute une école théologique.

Il professait la transcendance absolue de Dieu, de qui la Pensée, puis la Parole, puis la Prudence, la Sagesse et la Force avaient émané. De étaient sortis les anges et les puissances constituant le premier ciel, puis les 365 cieux qui séparaient Dieu du groupe des anges les plus modestes, lesquels avaient créé le monde et sétaient réparti entre eux les peuples.

Yahvé, le Dieu paléo-testamentaire, était un personnage querelleur et autoritaire qui avait semé le désordre et dont le peuple était constamment agressif. Dieu intervint alors en envoyant dans le monde sa Pensée comme Christ.

À tous les niveaux, sauf le plus élevé, lignorance conduisait chacun des êtres célestes intermédiaires à se prendre pour le Dieu Suprême.

Le salut était apporté par la Connaissance (Gnôsis) révélée par le Christ et les maîtres inspirés. Avec cette gnose, le Mal était surmonté puisquil nétait que lœuvre du méchant Yahvé. La souffrance des justes était vue comme une expiation pour les péchés de chacun des croyants.

Valentin

Article détaillé : Valentin (gnostique).

Il fut le plus important des maîtres gnostiques. Il naquit en Égypte et fut éduqué à Alexandrie. Il enseigna à Rome entre 135 et 160. L'Évangile de vérité, ainsi que dautres textes découvert à Nag Hammadi, se rattachent à lécole valentinienne.

Dentre les grands gnostiques, il ny a guère que les valentiniens qui, lorsquils se réfèrent aux enseignements chrétiens, le fassent daprès les évangiles canoniques.

Le Père, premier principe absolu et transcendant, est invisible et incompréhensible. Il sunit à sa compagne, la Pensée (Ennoia) et engendre les 15 couples des éons, formant le Plérôme. Le dernier des éons, Sophia, veut connaître le Père et provoque une crise qui entraînera lapparition du mal et des passions. Sophia et ses créations sont rejetées, produisant une sagesse inférieure.

En haut, un nouveau couple est créé, le Christ et son partenaire féminin le Saint-Esprit. Le Plérôme, de nouveau pur, engendre le Sauveur Jésus. En descendant dans les régions inférieures, le Sauveur mélange la matière, provenant de la sagesse inférieure (hylique), avec les éléments psychiques, engendrant le Démiurge, le dieu de la Genèse, qui se croit seul Dieu. Celui-ci crée le monde et le peuple de deux catégories dhommes, les hyliques et les psychiques. Mais des éléments venant de la Sophia supérieure sintroduisent dans le souffle du Démiurge, donnant naissance aux pneumatiques. Le Christ descend alors sur Terre pour révéler la connaissance libératrice. Les pneumatiques, réveillés par la gnose, remonteront vers le Père.

La rédemption du dernier pneumatique sera accompagnée par lanéantissement du Monde, de la Matière.

La Matière a une origine spirituelle, cest un état, une « expression externe solidifiée » de lÊtre absolu. Lignorance (laveuglement de Sophia) est la cause première de lexistence du Monde. La connaissance constitue la condition originelle de lAbsolu.

Marcion

Article détaillé : Marcion.

Marcion (v.85- v.160) est un personnage capital du christianisme primitif mais c'est aussi le premier grand hérétique[32]. Marcion est dans une famille chrétienne du Royaume du Pont. Cest un représentant typique des élites chrétiennes non juives. Son père, riche armateur, fut épiscope de Sinope. Il part en Asie Mineure avant de se rendre à Rome vers 135 il est le premier à amener les lettres de Paul inconnues auparavant. Il devint membre influent de lÉglise de Rome en lui faisant une importante donation avant d'être excommunié par celle-ci pour ses positions. Ce rejet est sans influence en Bithynie il s'en retourne reprendre la charge sacerdotale de son père[33]

Il publia les Antithèses, il dit que le Dieu de Jésus na rien à voir avec le Créateur de lAncien Testament, divinité ignorante, brutale et matérialiste. Il rejette les anciennes Écritures, ne gardant quune sélection des nouveaux écrits[34] . Exclu de lÉglise de Rome en 144, il se lance dans des campagnes missionnaires, fonde de nombreuses églises lon pratiquait une morale très austère, comportant la renonciation à la sexualité et à la vie de famille, tout en se préparant au martyre. Son Église qui sétend « à tout le monde habité » rivalisera longtemps avec la Grande Église avant de disparaître vers le IXe siècle.[35]

Du fait que Marcion retenait certains textes chrétiens du Nouveau Testament considérés ultérieurement comme canoniques, bien des critiques refuseront de considérer Marcion comme un gnostique. Adolf von Harnack en fait une des figures les plus importantes de lhistoire de lÉglise entre Paul de Tarse et Augustin d'Hippone.

Marcion partage lessentiel du dualisme gnostique, sans inclure les implications apocalyptiques. Il oppose la Loi et la Justice, instituées par le Dieu Créateur de lAncien Testament, Yahvé, à lAmour et à lÉvangile, révélés par le Dieu Bon à travers Jésus. Par la prédication de Jésus, le Démiurge apprend lexistence du Dieu Transcendant, et il se venge en livrant Jésus à ses persécuteurs. Par son sacrifice, Jésus rachète lhumanité au Dieu Créateur. Mais les fidèles continueront dêtre persécutés jusquà la fin des temps, lorsque le Dieu Bon se fera connaître, quil les recevra dans son royaume, et quil anéantira la Matière et le Créateur/Démiurge.

Bibliographie

Textes

  • Jean-Pierre Mahé et Paul-Hubert Poirier : Écrits gnostiques Gallimard, "Bibliothèque de la Pléiade" 1830 p., 2007 Recension [1]
  • Écrits gnostiques. Codex de Berlin, trad. Michel Tardieu, Paris, Éditions du Cerf, 1984, 518 p

Études générales

(par ordre alphabétique)

  • Jean Doresse, article « Le gnosticisme » dans Histoire des religions, Gallimard, coll. Folio essais
  • Mircéa Eliade, Histoire des religions et idées religieuses, Bibliothèque historique Payot
  • Serge Hutin, Les gnostiques, PUF, coll. "Que sais-je ?"
  • Jacques Lacarrière, Les Gnostiques, Collection Idées, Gallimard 1964 ;
  • Hans Leisegang, La Gnose, Collection Petite bibliothèque Payot, 1951
  • Madeleine Scopello, Les Gnostiques, Paris, Cerf, « Fides ».
  • Michel Tardieu, « Gnostiques » dans Dictionnaire de l'histoire du christianisme, Paris, Albin Michel, 2000, pp. 453 et 463-474.

Études spécialisées

  • Assaraf, Albert, L'Hérétique, Elicha ben Abouya ou l'autre absolu, Paris, Balland, 1991.
  • Boyarin, Daniel, Border Lines The Partition of Judaeo-Christianity.
  • Doresse, Jean, Les Livres secrets des gnostiques d'Égypte Plon, 1958.
  • Grant, Robert, traduit par JH Marrou. La Gnose et les origines chrétiennes, Seuil, 1964.
  • Painchaud, Louis, La Bibliothèque copte de Nag Hammadi, in L'Étude de la religion au Québec : Bilan et prospective, sous la direction de Jean-Marc Larouche et Guy Ménard, Les Presses de l'Université Laval, 2001
  • Pagels, Elaine, Les Évangiles secrets, Gallimard, 1982, -édité 2006
  • Puech, Henri-Charles, En quête de la gnose
  • Tardieu, Michel, et Dubois, Jean-Daniel, Introduction à la littérature gnostique, tome Ier : Collections retrouvées avant 1945, Éditions du Cerf et Éditions du CNRS, 1986, 152 p.
  • Jean-Daniel Dubois en sont les problèmes du gnosticisme ? Dialogues d'histoire ancienne, 1981, vol. 7, n° 1, pp. 273-296. [2]

Romans

Poésie

Films

Notes et références

  1. « Gnocticism » dans l'Encyclopædia Britannica, version en ligne consultable au 12/04/2009.
  2. Madeleine Scopelloles Gnostiques
  3. Madeleine Scopello.les gnostiques
  4. Plotin, Ennéades II,9
  5. Serge Hutin, Les Gnostiques, chapitre 2.
  6. Puech, in Ann. du collège de France, 55e année p. 176
  7. Serge Hutin,les Gnostiques Puf
  8. In the concluding document of Messina the proposal was 'by the simultaneous application of historical and typological methods' to designate 'a particular group of systems of the second century after Christ' as 'gnosticism', and to use 'gnosis' to define a conception of knowledge transcending the times which was described as 'knowledge of divine mysteries for an élite'
  9. something was being called "gnosticism" that the ancient theologians had called "gnosis" ... [A] concept of gnosis had been created by Messina that was almost unusable in a historical sense' (Markschies, Gnosis: An Introduction, 14-15)
  10. a, b et c Jean Doresse, La Gnose, origines des sectes gnostiques dans Histoire des Religions, t2, La Pléïade, 1972, p. 365-370 .
  11. (en) Stephen L. Harris, Understanding the Bible, Palo Alto: Mayfield, 1985.
  12. Nag Hammadi: Evangile selon Thomas. Textes gnostiques aux origines du christianisme présentés par F. Kuntzmann et J.-D. Dubois (Supplément au Cahier Evangile, 58), Paris: Cerf, 1987
  13. Jacques Matter. Histoire critique du Gnosticisme. La Gnose y est définie comme "l'introduction dans le sein du christianisme de toutes les spéculations cosmologiques et théosophiques qui avaient formé la partie la plus considérable des anciennes religions de l'Orient et que les nouveaux platoniciens avaient adopté également en Occident
  14. p. 19 introduction aux "Gnoses dualistes d'occident")
  15. Elaine Pagels, The Gnostic Gospels, New-York, Random House, 1979, réédition 1989, pp. xx-xxi.
  16. a, b, c et d Jean Doresse, La Gnose, origines des sectes gnostiques dans Histoire des Religions, Tome2, La Pléïade, 1972, p.374-379
  17. Jean Doresse (La Pléïade, "Histoire des religions, Tome 2, p.375"
  18. Cf. paroles du Bouddha - "tout est souffrance, tout est non-vérité", semble-t-il plus spécialement au sein du Hinayana qui oppose "Samsara" et Nirvana.
  19. Couliano " en est la question du dualisme ?"
  20. Jean Doresse, La Gnose, origines des sectes gnostiques dans Histoire des Religions, Tome 2, Pléïade, 1972, p. 417-421.
  21. a, b, c, d, e et f Jean Doresse, La Gnose, origines des sectes gnostiques dans Histoire des Religions, Tome2, La Pléïade, 1972, p.379-385
  22. Madeleine Scopello. "Glossaire des Gnostiques" ed du Cerf
  23. a, b et c Jean Doresse, La Gnose, origines des sectes gnostiques dans Histoire des Religions, Tome2, La Pléïade, 1972, p.385-389
  24. selon M Scopello "Glossaire gnostique"
  25. a, b, c, d et e Jean Doresse, La Gnose, origines des sectes gnostiques dans Histoire des Religions, Tome2, La Pléiade, 1972, p.389-393
  26. Elaine Pagels, "Les évangiles secrets" page 185
  27. Madeleine Scopello "Les gnostiques", page 89 Éd du Cerf
  28. a, b, c, d, e et f Jean Doresse, "La Gnose, origines des sectes gnostiques dans Histoire des Religions", Tome2, La Pléiade, 1972, p.393-397
  29. Jean Doresse, "La Gnose, origines des sectes gnostiques dans Histoire des Religions", Tome2, La Pléiade, 1972, p.397-399
  30. a, b et c Jean Doresse, "La Gnose, origines des sectes gnostiques dans Histoire des Religions", Tome2, La Pléïade, 1972, p.400-402
  31. Jean Doresse, "La Gnose, origines des sectes gnostiques dans Histoire des Religions", Tome2, La Pléiade, 1972, p.402-406
  32. Mordillat et Prieur, LOrigine du christianisme. Rompre avec le Judaïsme, transcription sur le Bulletin de lErmitage
  33. Adolf von Harnack, Marcion. L'Évangile du Dieu étranger, éd. du Cerf, Paris, 2005
  34. Voir Mordillat et Prieur, op.cit.
  35. Adolf von Harnack, ibid.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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