- Seth
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Seth Divinité égyptienne Nom en hiéroglyphes
ou
ou
Translittération unicode Swtḫ Représentation oryctérope du Cap ou chacal Autre nom « dieu rouge »
dieu « grand de force » (ˁȝ phty)modifier Seth est une divinité guerrière de la mythologie égyptienne. Par Seth grondent les orages, il s'oppose toujours à l'harmonie des choses et des arrangements, il est la force brûlante, capable de détruire toute forme de vie. Il a été associé au Typhon grec, qui pouvait de ses mains étendues toucher l'Orient et l'Occident.
C'est l'un des dieux les plus complexes et ambigus ; les mythes relatifs à Seth le dépeignent comme un dieu ambitieux, comploteur, manipulateur, quand il ne se résume pas tout simplement à un assassin. Bien peu de vertus sont donc à l'actif de ce personnage que Rê, le Maître de Monde, défendit contre l'avis de toute sa famille, la protection de Rê venant du fait que Seth est le protecteur du Soleil.
De son père Geb, un des quatre éléments primordiaux, il a reçu la terre stérile, tandis que son frère Osiris bénéficiait des sols fertiles ; également par sa mère, Nouth, un autre élément originel, il se rattache à la Grande Ennéade héliopolitaine.
Sa figure animale n'a pas été formellement identifiée. Bien que l'on ait souvent considéré qu'il s'agissait d'un animal imaginaire, une hypothèse y verrait l'oryctérope du Cap, un animal nocturne d'Afrique subsaharienne[1] ou le chacal.
On l'appelle aussi le « dieu rouge », le dieu « grand de force » (ˁȝ phty), maître du tonnerre, de la foudre et du désordre, dieu du désert et de l'aridité, des pays étrangers : les Égyptiens s'en méfiaient beaucoup, sauf sous les Ramessides où il était vénéré quasiment sur un pied d'égalité avec Horus : les Égyptiens le vénéraient tout en le redoutant.
Les personnes aux cheveux roux ou châtains étaient considérées de son obédience. D'autres Égyptiens lui vouaient des cultes secrets qui exigeaient des sacrifices humains ; ces sectes furent toujours maudites et poursuivies par les pharaons. Dans un certain sens, le christianisme a récupéré Seth sous le nom du « diable ».
Seth est associé à deux grands mythes :
- Le mythe héliopolitain qui le met en scène avec Rê, dont il est le petit-fils né de l'union de Geb et de Nout la déesse du ciel. Il est ainsi vu comme un dieu bénéfique représentant la force et l'énergie, défenseur de la barque solaire contre Apophis le serpent, le Mal incarné qui menace l'équilibre du monde.
- Le mythe osirien où il assassine son frère Osiris (Ausare), pour régner à sa place et s'oppose à Isis et au fils qu'elle a eu d'Osiris, Horus qui réclame le trône et l'héritage de son père. Les ruses dont il fait preuve, le procès auquel il se trouve confronté, tout dans sa vie fait de lui un dieu au profil très humain.
La principale source pour le mythe osirien est le long texte narratif du papyrus Chester Beatty I (XXe dynastie), publié en 1931, que les égyptologues connaissent sous le titre moderne des « Aventures d'Horus et Seth » (« Contendings of Horus and Seth »)[2].
Sommaire
La prétention de Seth
Jaloux de son frère qui règne sur l'Égypte, Seth organise un complot et tend un piège à Osiris[3]. Il l'assassine en le noyant dans le Nil. Isis, l'épouse d'Osiris, retrouve le dieu noyé, l'embaume et lui donne une sépulture dans le delta du Nil. Seth retrouve la sépulture de son frère, et de rage, le dépèce et disperse les morceaux du corps dans toute l'Égypte. Isis, infatigable veuve, retrouve treize des quatorze parties de son bien-aimé (la partie manquante étant le sexe d'Osiris, dénommé à cette occasion son « talisman »). Puis Isis le reconstitue, lui insuffle le souffle de la vie éternelle, et par sa magie conçoit avec lui un fils, Horus (Hor).
Au-delà de l'assassinat d'Osiris par Seth, sans cesse poussé par son insatiable jalousie, Seth eut tôt fait de reporter sa haine sur Horus.
Seth et Horus ; une lutte sans fin
Horus, fils d'Osiris, en est aussi l'héritier : la couronne d'Égypte lui revient donc de droit. Mais Seth, jaloux et considérant la primauté de ses propres droits, s'en est emparé par la force et ne lui cède rien. Horus, appuyé de sa mère Isis, fait convoquer le tribunal des dieux à toute fin de régler ce contentieux. Rê préside, tandis que Thot tient le rôle du greffier.
Quatre-vingts ans s'écoulent pourtant sans que le débat ait progressé. Le tribunal est même partagé entre les tenants de la royauté légitime (revenant à Horus), et Rê qui voit en Seth son perpétuel défenseur contre Apophis. Les débats, qui tournent en rond, nécessitent un avis extérieur. C'est donc à Neith, déesse de Saïs, réputée pour son infinie sagesse, que Thot s'adresse. Sa réponse est sans ambigüité : la couronne revient à Horus. Cependant pour ne pas pénaliser Seth, Neith propose de lui offrir les déesses Anat et Astarté comme épouses.
Si le tribunal se réjouit de cette solution, Rê, lui, reste sceptique. Horus ne serait-il pas un peu jeune pour assumer la direction du royaume ? Isis, excédée par tant de tergiversations, propose de déplacer les débats à Héliopolis (Onou) devant Atoum et Khépri. Le ton monte ! Seth, furieux, s'y oppose et ordonne que les débats se fassent en l'absence d'Isis. Mais c'était compter sans la ténacité de la déesse.
Elle se réintroduit dans l'enceinte du tribunal sous les traits d'une belle jeune femme qui ne manque pas d'attirer rapidement l'attention de Seth. Tous deux finissent même par converser. Troublé par tant de beauté, Seth s'égare dans des propos compromettants, reconnaissant même sous la cape la légitimité filiale d'Horus. Isis se dévoile alors. Le coup de théâtre laisse Seth sans voix. Quant à Rê, il a pu juger de l'imprudence de Seth, qui se confia à une inconnue sans prendre garde. Aussi la couronne revient-elle à Horus des mains de Rê lui-même.
La revanche
Seth, éternel jaloux, ne semble pas décidé à en rester là. Il propose à Horus des jeux sportifs. Parmi eux, une épreuve aquatique où les deux dieux se transforment en hippopotames. À celui qui restera le plus longtemps sous l'eau de devenir roi. Mais Isis, qui suit de près les mésaventures de son fils, perturbe la partie et s'attire au final le mécontentement des deux protagonistes. Les trois dieux se déchirent en violentes disputes.
Rê, désespérant d'assister enfin à une réconciliation entre l'oncle et le neveu, les invite à faire la paix autour d'un banquet. Seth fait mine de se réconcilier avec Horus ; il l'attire chez lui pour y « passer un bon moment » ; la journée passe, les deux dieux se couchent et, durant la nuit, Seth pénètre Horus et jouit sur ses cuisses (ou entre les mains d'Horus) :
« Cependant, le soir tombé, on leur prépara le coucher ; ils s’allongèrent, les deux hommes, mais pendant la nuit, Seth durcit son membre et le glissa entre les cuisses d’Horus. Horus plaça ses mains entre ses cuisses et recueillit le sperme de Seth. »
L'attentat, destiné à féminiser Horus et à le rendre indigne du pouvoir, finit par se retourner contre Seth. Et la querelle reprend de plus belle. Osiris, resté silencieux, intervient alors et met directement en cause le tribunal qu'il juge trop laxiste. En tant que dieu de la végétation, il menace de couper les vivres à l'Égypte. Les dieux, bousculés par tant d'autorité, ne tardent pas à rendre un verdict favorable à Horus. Mais Seth n'est pas oublié. Placé aux côtés de Rê, il devient « celui qui hurle dans le ciel » pour que soit fait place devant le dieu créateur. Alors Rê-Horakhty dit : « Que Seth me soit donné, pour qu'il vive avec moi et soit mon fils. Il tonnera dans le ciel, et il sera redouté. »
Seth, défenseur de la barque solaire
Depuis le premier jour, Rê voyage dans le ciel à bord de sa barque qui l'emmène le jour d'est en ouest, puis la nuit d'ouest en est. Si le voyage diurne se fait sans ambages, la traversée nocturne du monde de dessous s'avère beaucoup plus périlleuse. Car, noyée dans l'obscurité qu'elle fend à vive allure, la barque est épiée depuis les profondeurs des ténèbres par Apophis, le serpent du chaos. Terrifiant, rapide, le monstre surgit et se dresse, gigantesque devant l'esquif solaire. Mais c'est compter sans Seth placé à la proue de la barque et qui, d'un coup de pique, envoie le serpent monstrueux s'en retourner aux confins du monde.
Hélas, la scène est sans cesse recommencée, au même titre que les nuits et les jours alternent indéfiniment. Cette lutte perpétuelle symbolise la victoire de l'ordre sur le chaos. On comprend dès lors que Rê ait pour Seth une certaine estime. Une estime telle qu'elle vaut à ce dernier d'être soutenu par le dieu des dieux, même lorsque son cas est indéfendable.
L'homosexualité de Seth
Cet épisode avec Horus dans les Aventures[4] a longtemps passé pour un trait ribaud isolé qui témoignerait de la culture populaire, ipso facto vulgaire, de l'Égypte tardive (la période des Ramsès étant l'apogée, et les derniers feux de la période pharaonique) ; ainsi l'éditeur princeps, Alan Gardiner, critiquait la valeur à la fois littéraire et morale de l'œuvre, qu'il imaginait récitée par un conteur, à la veillée, devant des auditoires de paysans[5]. De même, on a pu estimer que les Aventures, en raison de cet épisode de promiscuité et d'autres passages scandaleux comme la décollation d'Isis, appartiennent à une branche spéciale de la littérature égyptienne[6]. Mais deux autres passages homosexuels, l'un connu depuis plus d'un siècle, le papyrus de Lahun / Kahun (du Moyen Empire égyptien), où Seth interpelle Horus en vantant la belle croupe de ce dernier, à la suite de quoi Horus raconte à Isis que Seth veut le prendre sexuellement et celle-ci explique à son fils comment le duper durant le rapport ; l'autre annoncé seulement en 1977 et publié en 2001 (un des textes des pyramides inédit, datant de la Ve dynastie (trouvé dans l'antichambre de la pyramide de Pépi Ier), où Seth et Horus sont décrits en toutes lettres comme se sodomisant mutuellement, démentent cette conclusion et laissent à penser que l'homosexualité[7] de Seth, tour à tour sexuellement agressif et passif (hmty), doit être un trait de sa personnalité divine comme figure de la confusion et du chaos[8],[9].
Dans les textes des pyramides, une scène raconte comment Seth eut une relation homosexuelle avec Horus, en tenant avec celui-ci le rôle actif[10]. Par ailleurs, une autre tradition mythologique attribue à Seth une relation homosexuelle, prolongée et consentie cette fois-ci, avec le dieu libyen Ach[11].
Principaux lieux de culte du dieu Seth
Temple dédié à Lieu Seth Avaris/Pi-Ramsès Seth Noubt/Naqada Seth Deir el-Hagar (Oasis d'Ad-Dakhlah) Seth Mut el-Kharab (Oasis d'Ad-Dakhlah) Seth Khargeh Seth, aujourd’hui
En comparant Seth et Horus à deux tendances qu'il a isolées dans le moi, Roland Khater a vu en Seth la tendance égoïste du moi qui agresse la tendance à s’intégrer dans l’ordre général et à respecter autrui (Horus). Ce Seth complexe et ambigu fait le mal mais il est pourtant un dieu et non un démon. En fait, il correspond exactement à la tendance du moi que l’auteur a décrite comme étant nécessaire et raffermissante du moi. Petit à petit, cette tendance égoïste devra se réformer jusqu’à se concilier avec l’activité respectueuse du moi (Horus). Sa fonction est de consolider le moi dans ses acquisitions et sa progression alors que la fonction de la tendance à respecter autrui (Horus) est de permettre au moi de s’ouvrir au monde qui l’entoure. Si Seth est mauvais, il ne l’est pas pour toujours et sa destinée est de changer et de jeter ses armes destructrices. C’est ce que la religion osirienne traduit en disant qu’il est un dieu et non un démon et qu’il finira par être émasculé par Horus.
Notes
- Institut français d'archéologie orientale, 105, 2005, p. 1-20. P. de Maret, L’oryctérope, un animal « bon à penser » pour les Africains est-il à l’origine du dieu égyptien Seth ?, Bulletin de l’
- M. Broze, Mythe et roman en Égypte ancienne, p. 13-124 Texte, traduction et notes en sont donnés en dernier lieu chez
- Égypte Ouser, Weser, Ausare en égyptien ; dieu roi de l'
- Broze 1996.
- Gardiner 1931, p. 10-11.
- Patanè 1991, p. 91-93.
- Colin Spencer, Histoire de l'homosexualité, p. 36-37, Pocket, 1999
- Velde 1967, p. 32-53.
- Velde 1967, p. 43 : « Seth has sexually abused Horus, and Horus has tricked Seth. Thereby cosmic powers have been wasted. Seth's homosexual act threatens to change the cosmos into chaos. »
- George Hart, Mythes égyptiens, p. 64-66, Seuil, 1993
- Set dans egyptiandreams
Bibliographie
- Michèle Broze, Mythe et roman en Égypte ancienne. Les aventures d'Horus et Seth dans le Papyrus Chester Beatty I, Louvain, Peeters, 1996 ;
- Alan Henderson Gardiner, The Library of A. Chester Beatty. Description of a Hieratic Papyrus with a Mythological Story, Love Songs, and Other Miscellaneous Texts, n°1, Londres, sans éditeur, 1931 ;
- Massimo Patanè, « Existe-t-il dans l'Égypte ancienne une littérature licencieuse ? », dans Bulletin de la société française d'égyptologie, no 15, 1991 ;
- Herman te Velde, Seth, God of Confusion. A Study of his Role in Egyptian Mythology and Religion, Leyde, Brill, 1967 (réimpr. 1977) ;
- Jean-Fabrice Nardelli, Homosexuality and Liminality in the Gilgamesh and Samuel, Amsterdam, Hakkert, 2007
On trouvera beaucoup de données et de bibliographie dans ce livre très documenté p. 59-61 (le Papyrus de Kahun) et 78-93 (réexamen de tout le dossier de l'homosexualité des deux dieux). Il conclut p. 91 que :
« The more one looks at the evidence witnessing Seth’s homosexuality from the viewpoint of textual internal motivation for such a behaviour in each myth where it appears, the less one feels bound to suspect that Seth indulges in it for its own sake, so as to satisfy his libido in keeping with his fundamental nature of the divinity of the margins and confusion rather than of plain darkness. If, as it turns out in specific passages, same-sex happens to be a means to attain other goals of his, all the better, but I am confident that, with varying degrees of predominance, sensual pleasure is what Seth desires most in his coupling with Horus. »
- Fernand Comte, Le Larousse des Mythologies du Monde.
- Roland Khater, Décryptage de la religion de l'Egypte Ancienne.
Voir aussi
- Astrologie égyptienne
- Seth, le personnage de la Bible
Catégories :- Divinité égyptienne
- Divinité de la guerre
- Homosexualité en Égypte
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