- Brunehilde (reine)
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Brunehilde ou, de façon moins savante, Brunehaut[1] (en latin Brunichildis[2]), née vers 547 en Espagne wisigothique, morte exécutée en 613 à Renève (actuelle Côte-d'Or), est une princesse wisigothe devenue reine des Francs qui dans les faits va régner sur au moins un royaume mérovingien (Austrasie et/ou Burgondie) pendant 33 ans. Elle est assez célèbre, sous le nom de Brunehaut, en association avec une autre reine franque, Frédégonde.
Sommaire
Contexte historique : les territoires francs au VIème siècle
Le VIème siècle en Gaule franque est marqué par les partages qui ont lieu à la mort de Clovis (511) et à la mort de Clotaire I, fils de Clovis (561).
En 511, quatre royaumes sont créés avec pour capitales : Reims, Soissons, Paris et Orléans, l'Aquitaine étant répartie séparément.
En 561, les quatre fils de Clotaire effectuent un partage analogue du royaume franc : Sigebert à Reims, Chilpéric à Soissons, Caribert à Paris, Gontran à Orléans, ce dernier royaume incluant maintenant le territoire burgonde (Burgundia, Burgondie, Bourgogne) conquis entre temps. Ils se répartissent de nouveau l'Aquitaine séparément.
Très vite, Sigebert déplace sa capitale de Reims à Metz ; Gontran déplace la sienne d'Orléans à Chalon.
A la mort de Caribert en 567, sa part est partagée entre les trois survivants : en particulier, Sigebert (Metz) reçoit Paris et Chilpéric (Soissons) Rouen.
Vers la fin du VIème siècle, apparaissent les deux nouvelles dénominations d'Austrasie pour le royaume de Metz et de Neustrie pour le royaume de Soissons et ses dépendances.
Biographie de Brunehilde
Elle est la fille d’Athanagild, roi des Wisigoths, et de Goïswinthe. Étant princesse wisigothe, elle a été élevée dans la religion arienne.
Sa longévité lui a permis de jouer un rôle durant les règnes de son époux, de son fils et de ses petits-fils ; c'est sous le règne de son arrière petit-fils qu'elle est livrée à un roi ennemi et mise à mort.
Mariage avec Sigebert[3]
Au printemps 566, ayant abjuré l'arianisme, elle épouse à Metz Sigebert Ier, roi de Metz.
Le mariage de Brunehilde est évoqué dans le livre de Grégoire de Tours et dans un poème de Fortunat. La princesse est alors présentée sous un jour favorable.
De ce mariage, naissent :
- Ingonde, qui épousera le prince wisigoth Herménégild ;
- Clodosinde ;
- Childebert en 570.
Le règne de Sigebert et la défaite de 575[4]
Un peu après le mariage de Brunehilde[5], la sœur aînée de Brunehilde, Galswinthe épouse Chilpéric, dont une concubine, Frédégonde, aspire fortement à devenir reine.
Le meurtre de Galswinthe vers 570, suivi par le remariage de Chilpéric avec Frédégonde, déclenche une longue guerre entre l’Austrasie et la Neustrie, au nom de la faide germanique. Avec l'appui de Gontran, Brunehilde obtient à titre de composition (wergeld) la cession à Brunehilde du douaire[6] de Galswinthe, consistant en plusieurs cités d'Aquitaine.
Mais Chilpéric ne tient pas son engagement et se lance au contraire dans une guerre contre Sigebert.
En 575, celui-ci réplique en lançant à partir de Paris deux attaques, d'une part vers Rouen, d'autre part vers la Picardie. Chilpéric s'enferme dans Tournai, tandis que Sigebert obtient le ralliement d'une partie de son armée à Vitry, près d'Arras : il est alors « hissé sur le pavois » (reconnu comme roi). Mais il est assassiné juste après par deux envoyés de Chilpéric.
Chilpéric s'empare alors de Paris où Brunehilde est faite prisonnière et emmenée à Rouen ; en revanche, Childebert est emmmené à temps par un fidèle, Gondovald ; la noblesse du royaume de Sigebert le proclame ensuite roi à Metz et il reçoit l'appui de Gontran, qui devient son tuteur.
En 576, Brunehilde réussit à séduire et à épouser le fils de Chilpéric, Mérovée. Chilpéric réagit à cet acte de rébellion en faisant tonsurer Mérovée qui est ensuite assassiné (577). Mais cet épisode permet à Brunehilde d'échapper à Chilpéric.
Le règne de Childebert[7]
Brunehilde rejoint son fils à Metz. Elle se heurte alors à une forte opposition des grands du royaume, dont les principaux Aegidius, évêque de Reims et le duc Gontran Boson. Grégoire de Tours rapporte un épisode au cours duquel Brunehilde aurait été directement menacée par un proche d'Aegidius, Ursion : « Éloigne-toi de nous, femme… Maintenant, c'est ton fils qui règne… Éloigne-toi, pour que les sabots de nos chevaux ne t'écrasent pas sur leur passage. »[8]
En 584, Chilpéric Ier est assassiné, laissant un fils âgé de seulement quatre mois, Clotaire.
En 585, la majorité de Childebert est proclamée, ce qui permet à Brunehilde de retrouver une meilleure position. Un rapprochement avec Gontran a lieu en 587, avec le traité d'Andelot[9] : au cas où un des deux rois mourrait sans fils, l'autre hériterait de son royaume (les droits éventuels de Clotaire, fils de Chilpéric, étant donc laissés de côté).
À la mort de Gontran en 592, Childebert hérite comme prévu de la couronne de Burgondie et sa mère Brunehilde règne de fait sur l’Austrasie et sur la Burgondie, mais doit faire face aux attaques de Frédégonde, régente de Neustrie pour le compte de son fils Clotaire II âgé de 8 ans.
Childebert meurt en 595, très probablement empoisonné, peut-être à l’instigation de Frédégonde, laissant deux fils Théodebert en Austrasie et Thierry en Burgondie.
Les règnes de Théodebert II et de Thierry II
Théodebert reçoit l'Austrasie et Thierry la Burgondie. Brunehilde est chargée de la régence. Elle reste d'abord auprès de Théodebert à Metz.
Frédégonde lance une offensive, mais elle meurt en 597, ce qui suspend provisoirement les hostilités, Clotaire II n'ayant que 13 ans.
En 596, Brunehilde arrête une attaque avar en payant un tribut[10]
Mais elle est en butte à l’opposition de l’aristocratie qui finit par la rejeter, à l'occasion de la mort du duc Wintrio[réf. nécessaire].
- Régence de Burgondie à partir de 601
En 601[11], Brunehilde se réfugie auprès de Thierry II, roi de Burgondie.
En 603, elle nomme maire du palais Protadius, un fidèle, qui seconde sa volonté de renforcement du pouvoir royal, en particulier à travers l'impôt. Protadius est tué par des grands en 605.
- Le conflit entre Théodebert et Thierry (610-612)
L'objet du conflit est l'Alsace, attribuée à Thierry à la mort de Childebert. Théodebert élève des revendications et passe à l'offensive en 610.
Après plusieurs péripéties, Théodebert est fait prisonnier, puis il est assassiné à Chalon-sur-Saône en 612.
Thierry II, devenu roi d'Austrasie, meurt à Metz en 613, peut-être empoisonné, mais plus probablement de mort naturelle.
Il laisse quatre fils, mais Brunhilde soutient l'avènement sous sa régence d'un seul d'entre eux, Sigebert II, âgé de 12 ans.
Le règne de Sigebert II et la mort de Brunehilde
Une partie de la noblesse d’Austrasie, menée par le maire du palais Warnachaire qui détestait Brunehilde, se révolta et décida de soutenir le roi de Neustrie Clotaire II. Abandonnée par ses armées, Brunehilde s’enfuit dans le Jura suisse, où elle est rejointe par le connétable de l’armée de Neustrie, Herpon qui l’arrête et la livre à Clotaire.
Celui-ci fait exécuter trois des quatre arrière-petits-fils de Brunehilde ; le dernier est tonsuré, puis enfermé dans un couvent colombanien.
Il fait supplicier Brunehilde durant trois jours, à Renève sur Vingeanne. Puis il la fait exposer nue sur le dos d’un chameau. Finalement, elle est attachée par les cheveux, un bras et une jambe à la queue d’un cheval indompté. Son corps brisé est ensuite brûlé. Ses restes sont apportés et enterrés à l’abbaye de Saint-Martin d'Autun qu’elle avait fondée (fin de l’année 613).
Historiographie
Brunehilde/Brunehaut
Elle est nommée Brunehaut à partir du XIIIe siècle[12]. Certains historiens contemporains comme Roger-Xavier Lantéri préfèrent la forme Brunehilde. Cependant, d’autres historiens comme Bruno Dumézil conservent la forme traditionnelle pour la distinguer du personnage mythologique, la valkyrie Brunehilde.
Les sources
Les sources concernant Brunehilde sont les suivantes[13] :
- Grégoire de Tours, Histoire des Francs
- Grégoire le Grand
- Venance Fortunat, Poèmes
- Chronique de Frédégaire
- Vie de saint Colomban
- Vie de Didier de Vienne
Les trois dernières sources sont nettement hostiles a priori à Brunehilde.
Une personnalité maltraitée par l’historiographie traditionnelle
Dans un monde où s’imposait la coutume des Francs, elle a constamment cherché à préserver les restes d’une conception romaine de l’État et de la justice. La misogynie de l’époque et des temps postérieurs expliquent en grande partie les légendes noires dont est encore victime sa mémoire[14].
Abhorrée par certains chroniqueurs, elle est décrite comme très autoritaire, énergique, altière, souvent rusée, belliqueuse, manipulatrice et marquée par la tradition germanique de la faide qui déchira les Mérovingiens sous son « règne ». Brunehilde, comme sa rivale Frédégonde, est restée dans l’Histoire comme une assez « mauvaise » figure. Elle était pourtant très cultivée, fait plutôt rare pour l’époque même parmi les rois et la noblesse, et avait une très haute conscience de sa qualité de reine, fille de roi. Elle eut des partisans parmi la noblesse franque austrasienne et bourguignonne. Trois fois régente des royaumes d’Austrasie et Burgondie, d’abord pour son fils Childebert, puis pour ses petits-fils Théodebert et Thierry et enfin pour son arrière-petit-fils Sigebert, elle s’est efforcée de conserver l’autorité royale sur une aristocratie souvent rebelle et prompte à la confisquer.
Notons qu’elle avait une conception de l’État très contemporaine. Elle s’est vu reprocher par le « pape de Rome », de laisser les juifs et les chrétiens de son royaume fêter les jours de Pâque ensemble dans les mêmes lieux de culte… Elle répondit que les problèmes religieux étaient de la responsabilité des « papes » (les évêques), et non de la sienne.
L'ouverture de sa sépulture (1632)
Le 25 août 1632, son tombeau à l'abbaye de Saint-Martin d'Autun est ouvert, le jour de la Saint-Louis à quatre heure de l'après-midi, afin de savoir s'il contenait réellement ses restes.
On y trouve un coffret de plomb, dans lequel reposaient ses restes, consistant en cendres, poudres et ossements, ainsi qu'une molette d'éperon et quelques morceaux de charbon. Le coffret est remis dans le sépulcre[15].
Postérité
Chaussées Brunehaut
Elle s’attacha à entretenir les routes de communication, ainsi les nombreuses voies romaines qu’elle restaura portent le nom de chaussée Brunehaut.
Comme Mélusine, elle est dans le légendaire des « bâtisseuses ».
La figure de Brunehilde dans la littérature
Romans historiques
- Jacques-Marie Boutet de Monvel et Marie-Antoinette Duchesne, Frédégonde et Brunéhaut, 1775.
- François Cavanna, Le sang de Clovis, éditions Albin Michel, 2001 (ISBN 2226127259).
- François Cavanna, Les Reines rouges, éditions Albin Michel, 2002, (ISBN 2226135421).
- François Cavanna, L’Adieu aux reines, éditions Albin Michel, 2004, (ISBN 2226150854).
- Jean-Louis Fetjaine, Les Voiles de Frédégonde, Belfond, Paris, 2006 (ISBN 978-2-298-00115-0).
- Jean-Louis Fetjaine, Les Larmes de Brunehilde, Belfond, Paris, 2007, (ISBN 978-2-714-44266-6).
Pièces de théâtre et opéra
- Étienne Aignan, Brunehaut ou les Successeurs de Clovis, tragédie, Paris, 1810 (disponible sur Gallica).
- Népomucène Lemercier, Frédégonde et Brunehaut, tragédie, Paris, 1821.
- Th. Gardie, Mérovée ou une vengeance de Frédégonde, tragédie, Paris, 1851.
- Ernest Guiraud et Camille Saint-Saëns, Frédégonde, opéra, Paris, 1895.
Bibliographie
- Ouvrages généraux sur le Haut Moyen Âge
- Stéphane Lebecq, Les Origines franques, Points/Seuil, 1990, pages 105-119 (première partie, chapitre 5 : « La faide royale (561-603) »).
L'auteur utilise le nom de Brunehaut, mais signale, sans plus de commentaires, page 110 : « Il faudrait dire Brunehilde »). - Noêlle Deflou-Leca, Alain Dubreucq (dir.), Sociétés en Europe mi VIè-fin IXè siècle, Atlande, coll. Clefs Concours, 2003, pages 406-411 (fiche biographique : « Brunehaut »)
- Biographies
- Antoine Flobert, Étude sur Brunehaut, 1860.
- Roger-Xavier Lanteri, Brunehilde : la première reine de France, Perrin, Paris, 1995 (ISBN 2-7028-1396-8).
- Alberto Magnani, Brunilde regina dei Franchi, Milano, Jaca Book, 2001.
- Bruno Dumézil, La reine Brunehaut, Paris, Fayard, 2008 (ISBN 978-2-213-63170-7).
Notes et références
- Voir le paragraphe Brunehilde/Brunehaut infra et la page de discussion où le problème est largement évoqué.
- Grégoire de Tours, Historiarum, livre IV, 38, 51 (texte latin). ; ce nom d'origine germanique signifie déesse cuirassée, cf. page Brunehilde. Rappelons qu'à l'époque mérovingienne, les noms des gens sont connus à travers leur transcription en latin.
- Source : Lebecq, Origines franques, pages 108-111
- Lebecq, pages 111-112.
- Le mariage de Galswinthe semble postérieur à celui de Brunehilde. Cf. Lebecq, page 110.
- Ce que les Germains appellent Morgengabe : don de l'époux à l'épouse au lendemain de la nuit de noces.
- Lebecq, pages 113-114.
- Cité par Deflou-Lucas, page 407.
- Andelot se trouve dans l'actuelle Haute-Marne.
- Deflou-Leca, page 486 (chronologie).
- Date à vérifier.
- p. 9. Dumézil (2008),
- Deflou-Luca, page 406.
- Cet énoncé devrait être explicité.
- Abbaye de Saint-Martin d'Autun, Charte N° CLXIII. Cartulaire de l'
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