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François Cavanna
François Cavanna est un écrivain et dessinateur humoristique français né le 22 février 1923 à Nogent-sur-Marne d'un père italien et d'une mère française.
Sommaire
Biographie
La famille Cavanna
Son père[1], Luigi (1880-1954), était venu de Bettola, village[2] du Val de Nure (province de Plaisance en Emilie-Romagne). Sa mère, Marguerite, née Charvin (1890-1976), était originaire du village de Sauvigny-les-Bois dans la Nièvre. Luigi Cavanna travaille comme maçon, la plupart du temps pour l'entreprise Taravella et Cavanna[3]. Suite à des menaces de renvoi en Italie pendant les années 30, il demande la naturalisation qu'il obtient le 25 octobre 1939[4]. François Cavanna est leur fils unique.
Les études
Durant son enfance[5], il fait preuve d'un goût exceptionnel pour la lecture et réussit très bien à l'école, malgré une attitude très dissipée. Il passe le Certificat d'études primaire à 12 ans, suit les cours de l'Ecole primaire supérieure (EPS) de Nogent et obtient le Brevet en 1939. Mais il n'est pas motivé pour poursuivre des études et entre à la Poste en septembre 1939[6].
Le début de la Seconde Guerre mondiale
Il est affecté[7] comme manipulant auxiliaire dans un bureau de poste parisien. En juin 1940, il reçoit, comme les autres employés, l'ordre de partir pour Bordeaux. Il quitte Paris à vélo au milieu des colonnes de réfugiés de l'Exode et, par Melun, Fontainebleau et Nemours, atteint Gien où il voit pour la première fois des soldats allemands. Un peu plus loin, près de Saint-Amand-Montrond, il est bloqué par un poste de contrôle allemand et est obligé de rentrer à Paris.
Il perd son emploi à la Poste (compressions de personnel) ; il est d'abord commis d'un marchand de fruits et légumes, puis travaille dans plusieurs entreprises du bâtiment. Fin 1942, il est recruté comme maçon par le service d'entretien d'une firme nogentaise, mais presque aussitôt se trouve requis pour le STO (début 1943).
Le Service du travail obligatoire
Après un assez éprouvant voyage en train[7], son groupe de requis arrive dans la banlieue sud-est de Berlin, au camp de Baumschulenweg, dans le district de Treptow (actuellement : Köpenick-Treptow). Ils sont affectés à l'entreprise de munitions Graetz A.G. François Cavanna, ne parvenant pas à obtenir le rendement exigé pour la production d'obus, se retrouve très vite dans un commando disciplinaire chargé du déblaiement des gravats après les bombardements alliés. À l'usine Graetz, conduisant sa machine, il était assisté par deux requises soviétiques, dont Maria Tatartchenko[8], avec laquelle il va rester lié pendant les deux années suivantes.
Début 1945, à l'approche de l'armée soviétique, les requis de Baumschulenweg sont transférés près de Stettin pour creuser des tranchées anti-char. Le 4 avril, l'ordre de repli est donné ; François Cavanna et Maria quittent la colonne des réfugiés et entrent en contact avec l'armée soviétique dans un village du Mecklembourg. Il est alors séparé de Maria, dont il perd la trace ; pendant un mois et demi, il essaie de la retrouver, puis renonce. Il est amené de Schwerin à Lübeck, en zone américaine, et rapatrié fin mai 1945.
L'après-guerre
Il reprend d'abord[9] son emploi d'avant le STO, puis est employé par l'Association des Déportés du travail, fournissant aussi une bande dessinée au journal Le Déporté du travail. De nouveau victime d'une compression de personnel, il se lance pour une première période comme dessinateur à plein temps, en particulier pour un journal pour enfants, Kim (série : Micou et son chien Tomate). Il reprend un travail salarié en 1948-49, puis redevient dessinateur de presse, activité dont il parvient à tirer un revenu qu'il juge convenable. Il adopte alors le pseudonyme de Sépia, qu'il utilise jusque dans les années 60.
De Zéro à Charlie-Hebdo
En janvier 1954[10], il devient collaborateur[11] d'une publication toute nouvelle, le magazine Zéro, créé par Jean Novi, dont il va devenir rédacteur en chef. Il s'agit d'un « journal de colportage » : parmi les colporteurs apparaît bientôt un ex-engagé en Indochine, Georges Bernier, que son efficacité comme vendeur mène au rang de directeur des ventes[12]. Cavanna abandonne l'activité de dessinateur pour se consacrer à l'écriture, tout en se formant aux aspects techniques du journalisme (mise en page...). Mais il se sent à l'étroit sous la direction de Jean Novi, qui impose des limites au contenu du magazine, d'ailleurs rebaptisé Cordées, nom jugé moins provocant que Zéro.
Après la mort de Jean Novi (1959 ou 1960), Cavanna s'associe avec Georges Bernier et quelques autres pour fonder le magazine Hara-Kiri (mensuel), puis en 1969 de Hara-Kiri Hebdo qui deviendra ensuite Charlie Hebdo.
En mai 1968, François Cavanna est brièvement hospitalisé pour une crise hemorroïdaire. Il ne peut donc pas, à son grand regret, participer aux événements. Cet épisode est raconté avec humour dans son ouvrage Les yeux plus grands que le ventre.
Durant les années 70, un épisode important de l'histoire de Charlie Hebdo a été le départ de Delfeil de Ton. Cavanna et lui se sont gravement brouillés au début des années 70. L'un comme l'autre, ainsi que leur ami Gébé, ont laissé ce qu'il fallait comme clés pour que l'on puisse comprendre à demi-mot pourquoi : il s'agit clairement d'une affaire non pas politique, ni littéraire, mais personnelle. Cavanna se montrera navré de la décision de DDT de quitter Charlie Hebdo, ce qui affecte quelque temps sa production littéraire dans l'hebdomadaire. Il le défendra contre des attaques de Jacques Martin, insistera sur le fait que « Delfeil a sa place ici à Charlie Hebdo et peut revenir quand il le voudra », peine perdue : la rupture est consommée.
Les prises de position de Cavanna
Créateur d'un style de narration très particulier et vivant, toujours complice du lecteur, il s'est positionné comme un grand défenseur des valeurs républicaines et de la langue française. Sa prise de position virulente (en compagnie de Delfeil de Ton et d'autres écrivains) et argumentée contre une réforme de l'orthographe par l'Académie française fut très remarquée.
Au nom de ces valeurs, Cavanna a sa vie durant mené un combat contre tout ce qu'il considérait irrationnel ou injuste, entre autres l'usage de la souffrance des animaux comme agent de distraction des humains.
- Stop-crève (1976)
Cavanna se montra quelque temps obsédé par les questions d'immortalité physique de l'homme. Ses amis de Charlie Hebdo y feront souvent référence de façon mi-admirative, mi-ironique (Wolinski dans quelques dessins, Delfeil de Ton par quelques allusions mordantes, Gébé en rêvant de façon poétique sur la question dans quelques-uns de ses articles).
- Son avis sur « Choron Dernière »
En janvier 2009 sort sur les écrans "Choron Dernière", un documentaire du réalisateur Pierre Carles consacré à Georges Bernier, alias « Professeur Choron », qui fut dans les années 60 le complice de Cavanna et un membre éminent de l'équipe de Hara-Kiri, Hara-Kiri Hebdo et Charlie Hebdo première mouture. Le film accuse la direction du Charlie Hebdo actuel – celui relancé en 1992 – d'avoir délibérément fait l'impasse sur l'héritage du Professeur Choron en cherchant à occulter sa mémoire et sa contribution à la création du journal. En retour, Philippe Val (directeur de la publication et de la rédaction de Charlie Hebdo), Cabu (directeur artistique) et Jean-Baptiste Thoret (critique cinéma) critiquent sévèrement le film et dénoncent un parti-pris abusif. Cabu, notamment, accuse Georges Bernier d'être directement responsable de la faillite financière de Hara-Kiri, Charlie-Mensuel et Charlie Hebdo première version. Cavanna, pour sa part, défend un point de vue moins tranché dans cette polémique qui oppose Pierre Carles à la direction du journal actuel. Il estime que « ceux qui, aujourd’hui, divinisent Choron ne le font que pour mieux démolir ce qu’est Charlie Hebdo aujourd’hui », mais reconnaît, face à Cabu, les mérites de Choron (qu'il décrit comme « une intelligence - non, pas « fulgurante », mais fort vive -, un esprit déroutant, alerte, s’adaptant très vite, d’une audace saisissante, d’une agilité souvent imprévisible ») et rappelle que sans lui, « il n’y aurait pas eu d’aventure Hara-Kiri, ni, conséquemment, de Charlie Hebdo »[13].
Hommages à Cavanna
Georges Brassens, qui partage beaucoup des points de vue de Cavanna, demandera sa participation et celle de l'équipe de Charlie Hebdo pour un clip de sa chanson Le roi.
Il fut considéré par Pierre Desproges comme l'un des derniers grands écrivains vivants. « Seule la virulence de mon hétérosexualité m'a empéché à ce jour de demander Cavanna en mariage ». Desproges qui collabora à Charlie Hebdo (première mouture) pendant la dernière année (1981-1982) admirait le talent de Cavanna qu'il comparait à un Rabelais moderne. Selon lui Cavanna était un des derniers honnêtes hommes de ce siècle pourri (le XXe) et l'inventeur d'une nouvelle presse.
Dans le film La sociologie est un sport de combat (2001), une militante déclare que selon elle Cavanna et Pierre Bourdieu sont les deux « mythes vivants » de notre temps.
Bibliographie
Récits et documents autobiographiques
- Les Ritals, Belfond, Paris, 1978, (ISBN 2-7144-1168-1).
- Les Russkoffs, Belfond, Paris, 1979.
- Bête et méchant, Belfond, Paris, 1981.
- Les yeux plus grands que le ventre, Belfond,Paris, 1983.
- Maria, Belfond, Paris, 1985.
- L'Oeil du Lapin, Belfond, Paris, 1987
- Cavanna raconte Cavanna, Charlie-Hebdo, Paris, hors-série no 24, novembre 2008, en lien avec une exposition tenue à la Bibliothèque municipale, au Musée et aux Archives de Nogent-sur-Marne du 15 novembre 2008 au 31 mai 2009.
Ecrits divers (ordre alphabétique)
- 4, rue Choron (Hara-Kiri, 1965)
- Cavanna : Les pensées
- Cavanna par Cavanna (Albin Michel, 1992)
- Cœur d'artichaut (Albin Michel, 1995)
- Coups de sang (P. Belfond, 1991)
- De Coluche à Mitterrand (l'Archipel, 1993)
- Dieu, Mozart, Le Pen et les autres (Presses de la Cité, 1999)
- Gauche, droite, piège à cons (J.-J. Pauvert, 1978)
- L'Aurore de l'humanité I : Et le singe devint con (P. Belfond, 1984)
- L'Aurore de l'humanité II : Le con se surpasse (P. Belfond, 1986)
- L'Aurore de l'humanité III : Où s'arrêtera-t-il ?
- La belle fille sur le tas d'ordures (L'Archipel, 1991)
- La couronne d'Irène
- La déesse mère (Albin Michel, 1997)
- La Grande Encyclopédie Bête et Méchante (Albin Michel, 1981)
- La Nouvelle Encyclopédie Bête et Méchante
- Le Hun Blond
- Le saviez-vous ? (Éditions du Square)
- Le temps des égorgeurs
- Le voyage (Albin Michel, 2006) roman
- Les Aventures de Napoléon (P. Belfond, 1988)
- Les Écritures « Les aventures de Dieu et du petit Jésus » (Belfond, 1982)
- Les fosses carolines (P. Belfond, 1986)
- Les grands imposteurs
- Les Mérovingiens 1 : Le Hun blond (Albin Michel, 1998, 320 pages)
- Les Mérovingiens 2 : La hache et la croix (Albin Michel, 1999, 336 pages)
- Les Mérovingiens 3 : Le dieu de Clothilde (Albin Michel, 2000, 352 pages)
- Les Mérovingiens 4 : Le sang de Clovis (Albin Michel, 2001)
- Les Mérovingiens 5 : Les reines rouges (Albin Michel, 2002, 336 pages)
- Les Mérovingiens 6 : L'adieu aux reines (Albin Michel, 2004)
- Lettre ouverte aux culs-bénits (Albin Michel, 1994)
- Louise la Pétroleuse (P. Belfond, 1981) théâtre
- Maman, au secours !
- Mignonne, allons voir si la rose… (P. Belfond, 1989 ; Albin Michel, 2001)
- Nos ancêtres les Gaulois
- Stop-crève (J.J. Pauvert, 1976)
- Tonton, Messaline, Judas et les autres (Éd. Hors collection : Presses de la Cité, 1993)
Notes et références
- ↑ Il figure en photo à la Cité nationale de l'histoire de l'immigration à Paris.
- ↑ Bettola était aussi le village d'origine de Lazare Ponticelli.
- ↑ Cette entreprise a été fondée en 1911 par deux cousins, Domenico Taravella et Domenico Cavanna, originaires de Rocca de Ferriere dans le Val de Nure (il n'y a cependant pas de liens familiaux entre ces familles et celle de François Cavanna). L'entreprise se prolonge jusque dans les années 60. Actuellement, la famille Taravella (les petits-enfants de Domenico) est encore active dans les secteurs du bâtiment ou de l'immobilier. Certains biens immobiliers sont désignés immeubles Taravella. Source : http://barthes.ens.fr/clio/revues/AHI/articles/volumes/chalea.html
- ↑ Cavanna raconte Cavanna, 2008, page 15.
- ↑ Cf. Les Ritals.
- ↑ Reçu facilement au concours des bourses pour l'accès à l'EPS, il aurait certainement pu réussir le concours d'entrée à l'Ecole Normale d'Instituteurs.
- ↑ a et b Cf. Les Russkoffs.
- ↑ La principale dédicataire du livre Les Russkoffs.
- ↑ Cf. Bête et méchant
- ↑ Cf. Bête et méchant.
- ↑ Il réalise son premier travail pour le numéro 2 de Zéro en collaboration avec Fred. Il s'agit d'un test : Madame, êtes-vous une bonne épouse ?. Une des questions : Secouez-vous les chemises de votre mari avant de les laver pour vérifier qu'il n'est plus dedans ?. Mais par ailleurs, Jean Novi recourait à des textes recyclés de personnalités en vue, comme André Maurois, textes fournis par l'Agence parisienne de presse.
- ↑ Zéro était vendu 200 francs (anciens), dont 100 revenaient au colporteur. Un bon vendeur arrivait à 40 ventes par jour, soit une rémunération très correcte de 4000 francs. Dès son arrivée, Georges Bernier réalise 80 ventes.
- ↑ « Le malaise Choron (suite) », Charlie enchaîné, 23 janvier 2009.
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