Théorème de Glivenko-Cantelli

Théorème de Glivenko-Cantelli

Le théorème de Glivenko-Cantelli est parfois appelé « le théorème fondamental de la statistique » car il exprime en quoi une loi de probabilité peut-être révélée par la connaissance d'un (grand) échantillon de ladite loi de probabilité.

Sommaire

Notations

En statistiques, une fonction de répartition empirique est la fonction de répartition de la loi de probabilité discrète μn , qui attribue la probabilité 1/n à chacun des n termes d'un échantillon: soit

X_1,\ldots,X_n

un échantillon de variables iid à valeurs dans \scriptstyle\ \mathbb{R},\ variables iid dont la loi de probabilité commune, notons la μ , a pour fonction de répartition F(x). La fonction de répartition empirique \scriptstyle\  F_n(x)\ basée sur l'échantillon  X_1,\ldots,X_n est une fonction en escalier définie par

\begin{align}F_n(x)&= \frac{ \mathrm{nombre~d'\acute el \acute ements}\  \leq x\ \mathrm{dans~ l'\acute echantillon}}{n}\\
&= \tfrac{1}{n} \sum_{i=1}^n I(X_i \le x),\end{align}

I(A) est la fonction indicatrice de l'événement A.

Le théorème de Glivenko-Cantelli stipule la convergence uniforme de la fonction de répartition empirique Fn , déduite d'un échantillon d'une loi de probabilité μ, vers la fonction de répartition F de cette loi de probabilité. Or on sait qu'une loi de probabilité est caractérisée par sa fonction de répartition, et, qui plus est, la convergence simple de Fn vers F entraine la convergence en loi de μn vers μ.

Remarque. La loi de probabilité μn définie plus haut comme combinaison linéaire de masses de Dirac :

\mu_n\ =\ \tfrac1n\,\delta_{X_1}\ +\ \tfrac1n\,\delta_{X_2}\ +\ \dots\ +\ \tfrac1n\,\delta_{X_n},

souvent appelée loi empirique, est une loi de probabilité aléatoire, ou encore une variable aléatoire à valeur mesure. En effet, soit \scriptstyle\ \left(\Omega,\mathcal A,\mathbb P\right)\ l'espace probabilisé sur lequel les variables aléatoires \scriptstyle\ X_n,\ n\ge 1,\ sont définies. Il faut alors écrire plus précisément, pour chaque \scriptstyle\ \omega\in\Omega,\

\begin{align}F_n(x,\omega)&=\tfrac{1}{n} \sum_{i=1}^n I(X_i(\omega) \le x),
\\
\mu_n(\omega)&=\tfrac1n\,\delta_{X_1(\omega)}\ +\ \tfrac1n\,\delta_{X_2(\omega)}\ +\ \dots\ +\ \tfrac1n\,\delta_{X_n(\omega)}.\end{align}


Énoncé

Théorème de Glivenko-Cantelli[1] —  Presque sûrement, la convergence uniforme \scriptstyle\ F_n\to F\ a lieu, ou bien, de manière équivalente :

\mathbb{P}\left(\lim_n\ \|F_n-F\|_\infty=0\right)=1.

La loi forte des grands nombres, dans le cas de variables aléatoires de Bernoulli, implique que

\forall x\in \R,\quad\mathbb{P}\left(\lim_n\ |F_n(x,\omega)-F(x)|=0\right)=1,

mais il n'en découle pas nécessairement que

\mathbb{P}\left(\forall x\in \R,\quad\lim_n\ |F_n(x,\omega)-F(x)|=0\right)=1,

puisqu'une intersection non dénombrable d'ensembles de probabilité 1 (ensembles presque sûrs) n'est pas nécessairement de probabilité 1. Cette intersection serait-elle de probabilité 1 qu'on n'aurait alors prouvé que la convergence simple, au lieu de la convergence uniforme stipulée par le théorème de Glivenko-Cantelli.

Démonstration

La preuve du théorème de Glivenko-Cantelli s'apparente à celle du deuxième théorème de Dini, bien que les hypothèses du théorème de Glivenko-Cantelli soient parfaitement générales, contrairement à celles du deuxième théorème de Dini : en particulier, ici, F n'est pas supposée continue.

Soit \scriptstyle\ \left(\Omega,\mathcal A,\mathbb P\right)\ l'espace probabilisé sur lequel les variables aléatoires \scriptstyle\ X_n,\ n\ge 1,\ sont définies. Comme toutes les fonctions de répartition de loi de probabilité, les fonctions \scriptstyle\ x\to F_n(x,\omega)\  et \scriptstyle\ x\to F(x)\ sont croissantes et continues à droite sur tout \scriptstyle\ \R,\  et par ailleurs elles tendent vers 0 (resp. vers 1) en \scriptstyle\ -\infty\  (resp. en \scriptstyle\ +\infty\  ). Ainsi, pour tout nombre réel x, et pour tout \scriptstyle\ \omega\in\Omega,\ les limites à gauches \scriptstyle\ F_n(x-,\omega)\  et \scriptstyle\ F(x-)\  sont-elles bien définies. De plus, comme

\lim_{y\uparrow x} I(X_i(\omega) \le y)\ =\ I(X_i(\omega) < x),

on en déduit que :

F_n(x-,\omega)\ =\ \tfrac{1}{n} \sum_{i=1}^n I(X_i(\omega) < x).

Ainsi, étant la somme de variables de Bernoulli indépendantes et de même loi, \scriptstyle\ nF_n(x,\omega)\  (resp. \scriptstyle\ nF_n(x-,\omega)\  ) suit une loi binomiale de paramètres n et \scriptstyle\ F(x)=\mathbb P(X_i \le x)\  (resp. de paramètres n et \scriptstyle\ F(x-)=\mathbb P(X_i < x)\  ). De plus, en vertu de la loi forte des grands nombres[2], les ensembles

A_{x}\ =\ \left\{\omega\in\Omega\ \left|\ \lim_{n}F_n(x,\omega)=F(x)\right.\right\},\quad B_{x}\ =\ \left\{\omega\in\Omega\ \left|\ \lim_{n}F_n(x-,\omega)=F(x-)\right.\right\}

sont presque sûrs.

Notons G la réciproque généralisée de F, définie pour \ \scriptstyle x \in]0,1[\ par

G(x)=\inf\left\{u\in\mathbb{R}\ |\ F(u)\ge x\right\},

et, pour \scriptstyle\ 1\le k\le m-1,\ notons

x(k,m)\ =\ G\left(\tfrac km\right)

l'image de k/m par G. Par définition de G, en considérant, successivement, une suite strictement croissante de nombre réels convergeant vers x(k,m), puis une autre suite, cette fois strictement décroissante vers x(k,m), et en utilisant la continuité à droite de F, on obtient

F(x(k,m)-)\ \le\ \frac km\ \le F(x(k,m)),

et, par conséquent

\begin{align}F(x(k,m)-)-F(x(k-1,m))&\le\ \frac 1m,\\F(x(1,m)-)&\le\ \frac 1m,\\1-F(x(m-1,m))&\le\ \frac 1m.\end{align}

Ainsi, pour un nombre réel x tel que \scriptstyle\ x(k,m)\le x<x(k+1,m),\ 1\le k\le m-2,\ on a successivement

\begin{align}F_{n}(x,\omega)-F(x)&\le\ F_{n}(x(k+1,m)-,\omega)-F(x)\\
&\le\ F_{n}(x(k+1,m)-,\omega)-F(x(k,m))\\
&\le\ F_{n}(x(k+1,m)-,\omega)-F(x(k+1,m)-)+\tfrac 1m,\\
F_{n}(x,\omega)-F(x)&\ge\ F_{n}(x(k,m),\omega)-F(x)\\
&\ge\ F_{n}(x(k,m),\omega)-F(x(k+1,m)-)\\
&\ge\ F_{n}(x(k,m),\omega)-F(x(k,m))-\tfrac 1m.\\
\end{align}

Si \scriptstyle\ x<x(1,m),\ la première inégalité reste inchangée et la deuxième devient \scriptstyle\ F_{n}(x,\omega)-F(x)\ \ge\ -\tfrac 1m. Si \scriptstyle\ x\ge x(m-1,m),\ c'est la deuxième inégalité qui reste inchangée, la première devenant \scriptstyle\ F_{n}(x,\omega)-F(x)\ \le\ \tfrac 1m. Quoi qu'il en soit, on en déduit que pour tout réel x,

\left|F_{n}(x,\omega)-F(x)\right|\le\ D_{n}(\omega)+\tfrac 1m,

\scriptstyle\ D_{n}(\omega)\ est le supremum de l'ensemble fini :

\left\{|F_{n}(x(k,m)-),\omega)-F(x(k,m)-)|,\,|F_{n}(x(k,m)),\omega)-F(x(k,m))|,\ 1\le k\le m-1\right\}.

En d'autres termes,

\sup_{x\in\R}\left|F_{n}(x,\omega)-F(x)\right|=\|F_{n}(.,\omega)-F(.)\|_{\infty}\le\ D_{n}(\omega)+\tfrac 1m.

Posons

\Omega_{m}\ =\ \bigcap_{k=1}^{m-1} \left(A_{x(k,m)}\cap B_{x(k,m)}\right).

L'ensemble \scriptstyle\ \Omega_{m}\ est presque sûr, comme intersection finie d'ensembles presque sûrs. Pour \scriptstyle\ \omega\in\Omega_{m},\

lim nDn(ω) = 0,

donc

\limsup_{n} \|F_{n}(.,\omega)-F(.)\|_{\infty}\ \le \ \tfrac 1m+\limsup_{n}D_{n}(\omega) \ \le \ \tfrac 1m.

Finalement l'ensemble

\bar{\Omega}=\bigcap_{m\ge 1}\Omega_{m}

est presque sûr, comme intersection dénombrable d'ensembles presque sûrs, et pour \scriptstyle\ \omega\in\bar{\Omega},\

\limsup_{n} \|F_{n}(.,\omega)-F(.)\|_{\infty}\ \le\ \inf_{m\ge 1}\tfrac 1m\ =\ 0,

ou, de manière équivalente,

\lim_{n} \|F_{n}(.,\omega)-F(.)\|_{\infty}\ = \ 0.

À voir

Notes

  1. p. 232 de Billingsley, Probability and measure.
  2. démontrée en 1909 dans le cas qui nous intéresse ici, i.e. le cas des variables de Bernoulli : Émile Borel, « Les probabilités dénombrables et leurs applications arithmétiques », dans Rendiconti del Circolo Matematico di Palermo, vol. 27, no 1, décembre 1909, p. 247-271 (ISSN 0009-725X et 1973-4409) [texte intégral, lien DOI] .

Bibliographie

  • (en) Galen R. Shorack et Jon A. Wellner, Empirical Processes With Applications to Statistics, Society for Industrial & Applied Mathematics, 4 septembre 2009, 998 p. (ISBN 0-89871-684-5 et 978-0898716849) 
  • van der Vaart, A.W. and Wellner, J.A. (1996) "Weak Convergence and Empirical Processes", Springer. ISBN 0-387-94640-3.
  • Billingsley, Probability and measure, p. 232.

Pages liées

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