Lucretia Wilhelmina van Merken

Lucretia Wilhelmina van Merken
Lucretia Wilhelmina van Winter
Portrait dessiné par H. Pothoven en 1771, gravé par Reinier Vinkeles en 1792, tiré du De waare geluksbedeeling (La vraie dispensation du bonheur)[1].
Portrait dessiné par H. Pothoven en 1771, gravé par Reinier Vinkeles en 1792, tiré du De waare geluksbedeeling (La vraie dispensation du bonheur)[1].

Nom de naissance Lucretia Wilhelmina van Merken
Activités Femme de lettres
Dramaturge
Poétesse
Naissance 21 août 1721
Amsterdam
Provinces-Unies Provinces-Unies
Décès 19 octobre 1789 (à 68 ans)
Leyde
Provinces-Unies Provinces-Unies
Langue d'écriture français
néerlandais
Mouvement Siècle des Lumières
Genres Poésie
Tragédie[2]

Lucretia Wilhelmina van Merken, née à Amsterdam, le 21 août 1721, et décédée à Leyde, le 19 octobre 1789, est une poétesse et dramaturge néerlandaise[2].

Sommaire

Biographie

Vie pré-maritale

Elle est la fille de Jacob van Marken (1691-1754) et de Susanna Wilhelmina Brandt (1687-1759)[3]. Le 26 septembre 1768, à Amsterdam, elle épousa Nicolaas Simon van Winter (1718-1795), poète et courtier en colorants. Le couple n’eut pas d’enfants[2],[4].

Lucretia Wilhelmina van Merken grandit à Amsterdam au Keizersgracht dans une famille de remonstrants issus de la bourgeoisie aisée. Son père était commerçant de fourrures ; sa mère appartenait à une bonne famille : Elias[2]. À un jeune âge, Lucretia se montra intéressée par la poésie, et sa mère l’encouragea à écrire, comme d’ailleurs son cousin plus âgé, le poète Frans de Haes. Sybrand Feitama[3] et Vondel furent des exemples stimulants pour elle. Dans sa jeunesse, Van Merken écrivit de nombreux poèmes de circonstance pour le cercle étendu des amis de ses parents ; poèmes, aussi, qui nous apprennent à connaître ce milieu. Parmi ces amis figuraient David van Mollem, propriétaire du domaine Zijdebalen, et Gerard Aarnout Hasselaar, bourgmestre d'Amsterdam[2].

Au cours des années cinquante du XVIIIe siècle, Van Merken perdit toute sa famille proche : son père en 1754, sa mère en 1759, Wilhelmina, sa sœur de deux ans sa cadette, restée célibataire, en 1760[2],[5]. En 1761, alors que sa santé s'était fortement dégradée, elle se prépara sérieusement à la mort, comme elle l'écrivit plus tard, en 1781, dans une lettre à son beau-fils Pieter van Winter, dans laquelle elle revenait sur sa vie passée[2]. Elle décrivit ses chagrins et ses deuils, mais aussi le réconfort apporté par la foi, dans son poème didactique Het nut der tegenspoeden (L'utilité des adversités, 1762). Cet ouvrage devint rapidement populaire ; il le restera plusieurs décennies[5],[6].

Lucretia van Merken écrivit sa première œuvre majeure, à l'âge de vingt ans à peine : il s’agit de la tragédie Artemines, de 1745, jouée plusieurs fois et parue sous la devise La Vertu pour guide[2],[3],[7] chez l’éditeur Izaak Duim. Vers 1760, Van Merken rejoignit la société Laus Deo, Salus Populo, non pas une société poétique formelle, mais un groupe de poètes partageant les mêmes convictions, qui se réunissait chez Pieter Meijer, libraire-éditeur, dans le but d’élaborer une alternative à la vieille version des psaumes mis en rimes par Dathenus. De ce groupe de huit membres, dont son futur mari Nicolaas van Winter, ce fut Van Merken qui écrivit le plus grand nombre de psaumes ; 39 en tout. Ce ne fut qu’en 1773 qu’une versification officielle vit le jour, choisie parmi les recueils de Hendrik Ghyzen, Eusebius Voet et Laus Deo, Salus Populo[2],[8],[9]. De Laus Deo, 58 psaumes furent incorporés dans ce nouveau psautier[3],[8] ; parmi ceux-ci dix-sept de la plume de Van Merken, entre autres le fameux Hijgend hert, der jagt ontkomen (psaume 42 ; Comme un cerf altéré brame)[2],[10].

Vie post-maritale

Van Merken se maria à l'âge de 47 ans avec Nicolaas van Winter, veuf de son amie récemment décédée, Johanna Mühl (1718-1768)[6]. Van Winter demanda sa fiancée en mariage « en style », c’est-à-dire par un poème auquel Van Merken répondit à son tour par un autre poème. Peu de temps après le mariage, Van Winter transmit son négoce en colorants à Amsterdam à son seul fils, Peter. Le couple Van Winter-Van Merken déménagea au Rapenburg 41 à Leyde ; ils entretinrent une correspondance abondante avec les membres de la famille et les amis à Amsterdam, avec leurs éditeurs Pieter Meijer, Gerrit Warnars et Pieter Uylenbroek, avec leur beau-fils, Pieter, en particulier. L'été, ils retrouvaient leur maison de campagne au Bijdorp, près de Zoeterwoude[9]. Ils y recevaient leurs nombreux amis poètes, dont Peter Meijer et son épouse Mary van Havik[2].

Illustration gravée du frontispice de De Camisards[11] de Lucretia Wilhelmina van Merken, tirée de Tooneelpoëzy (Poésie de scène) de Nicolaas Simon van Winter, et Lucretia Wilhelmina van Merken, publiée à Amsterdam chez Pieter Meijer, 1774-1786

Après leur mariage, Van Merken et Van Winter publièrent ensemble leurs pièces de théâtre Tooneelpoëzij (Poésie de scène, en deux volumes parus en 1774 et 1786)[9]. Si les tragédies classiques françaises de Van Merken apparaissaient très souvent dans le répertoire des opéras à Amsterdam, Rotterdam, La Haye et Leyde, la poétesse ne pouvait cependant pas interférer avec les représentations, et elle n'assistait jamais à une répétition. Le 14 septembre 1774, le nouveau théâtre d’Amsterdam fut officiellement inauguré par la première de sa tragédie Jacob Simonszoon de Rijk[12]. Jusque tard dans le XIXe siècle, la pièce fut jouée lors d'événements spéciaux, tels que le spectacle de gala au théâtre de la capitale, le 30 novembre 1840, en présence de Leurs Majestés, comme indiqué sur l'affiche[2].

En 1774, Van Merken et son mari reçurent le titre de citoyens d'honneur de Leyde — la tragédie Het beleg der stad Leyden (Le siège de la ville de Leyde, 1774) de Van Merken avait certainement joué un rôle dans cette double nomination[2],[13]. À Leyde, Van Merken se tint à l'écart du monde littéraire. En dehors de la société Laus Deo « ad hoc », elle ne s'intégra dans aucune association poétique. À plusieurs reprises, mais en vain, la jeune Betje Wolff essaya d’arranger une rencontre avec l’autrice tant admirée. Vers 1777, le jugement qu'elle portait sur elle changea brusquement, se transformant en un rejet catégorique de celle qu’elle considéra dorénavant — une de ses lettres en témoigne — comme l’idole d’une coterie de « lèche-bottes » (« d'afgodin van 't Likkers Veem »), c’est-à-dire le cercle autour de la maison d’édition et de la librairie de Meijer[2].

Vers la fin des années 70, la relation de camaraderie que van Merken entretenait avec l'éditeur Meijer, pour qui elle avait été pendant de nombreuses années un des auteurs les mieux vendus, se détériora. Des désaccords en matière d’affaires conduisirent Meijer, juste avant sa mort en 1781, à une rupture. Ce litige fut poursuivi par son successeur, mais le couple Van Merken et Van Winter, après avoir envisagé d’intenter une action en justice, y renonça en raison de leur vieille amitié pour Meijer. Pour Van Merken, ce furent les années les plus difficiles, sa santé continuant en outre à se dégrader[2].

Dans les tragédies de Van Merken, qui ont fréquemment pour sujets des événements historiques, le rôle principal est interprété par un vaillant héros, ou, plus souvent encore, par une héroïne constante, mais sensible et pieuse. C’est surtout dans les lettres d’héroïnes qu’elle étale cette préférence : Charlotte de Bourbon, Marie de Médicis, Louise de Coligny, Jeanne Grey et Élisabeth Ire d'Angleterre[6]. C'est à peine si l’œuvre publié de Van Merken puise son inspiration dans l’actualité. Seul Aan de Britten (Aux Britanniques) révèle l’aversion que lui inspirent les Anglais. On détecte, cependant, dans les nombreuses lettres conservées du couple, une inclinaison modérément patriotique. Particulièrement remarquable est un poème en langue française écrit en hommage à George Washington, qu’elle envoya personnellement à celui-ci en 1784[2],[14]. Si la préférence de Van Merken allait aux sujets sérieux et aux genres graves, ses tragédies par exemple, elle ne dédaignait pas les épopées ; elle en écrivit deux : David (en douze livres, 1767)[15],[9] et Germanicus (en seize livres, 1779)[2],[4],[9]. Comme dans Het nut der tegenspoeden (L'utilité des adversités), De ware geluksbedeeling, sa dernière œuvre publiée en 1792 en même temps que quelques lettres en rimes et des poèmes de circonstance[2],[16], est une réflexion sur la vie, sur la douleur incontournable à la vie, et sur le réconfort que peut offrir une grande confiance en Dieu[2].

Renom

Cinq jours après sa mort à Leyde, Lucretia Wilhelmina van Merken fut enterrée dans la Vieille Église de sa ville natale. Quelques années plus tard, son mari fut enseveli au même endroit. Le monument en l’honneur de Van Merken, projeté par la société Kunst Wordt door Arbeid Verkreegen (L’art est engendré par le labeur) de Leyde, n'a jamais dépassé le stade de l’avant-projet[2].

En 1828 une société de Leyde, Genootschap voor Uiterlijke Welsprekendheid (Société pour l’éloquence physique), fit apposer une plaque dans la Vieille Église, en mémoire du couple de poètes — cette plaque commémorative se trouve toujours sur le côté droit du grand orgue. Dix ans plus tard, Nut der tegenspoeden (L’utilité des adversités) de Van Merken est mentionné dans la célèbre Camera Obscura de 1839, de Nicolaas Beets, dans un passage où est décrite une soirée de récitation dans la famille Stastok. Cet épisode est le témoignage que Nut était encore lu à cette époque, même si l'on pouvait s’en moquer. Dès le milieu du XIXe siècle, les œuvres de Van Merken tombèrent dans l'oubli, malgré la parution d'une anthologie de ses poèmes, en 1851, et d'un recueil de ses tragédies édité par Hendrik Tollens, en 1852. En 1909, Willem Kloos écrivit un plaidoyer pour une réévaluation de la poésie de van Merken ; en vain. La poétesse fut néanmoins l'objet des éloges de ses contemporains : elle était généralement considérée comme « la Sappho de notre âge » — les Lykdichten ter gedachtenisse van de grootste der Nederlandsche dichteressen, vrouwe Lucretia Wilhelmina van Merken (Les élégies en mémoire de la plus grande des poétesses néerlandaises, madame Lucretia Wilhelmina van Merken, 1790) sont la preuve de cette admiration. Dans des réflexions poétiques et de nombreux magazines, des poètes débutants prirent exemple sur elle[2].

Par ses œuvres, Van Merken faisait preuve d'une très grande maîtrise du vocabulaire, ainsi que de l’imagerie. Les vers étaient construits à l’instar des alexandrins de Vondel. Ses travaux étaient soignés, érudits, faciles à comprendre, protestants et réconfortants ; ils glorifiaient des épisodes de l'histoire patriotique et, en outre, accordaient une attention particulière aux femmes fortes, inébranlables. Pour les Néerlandais du XVIIIe siècle, Lucretia Wilhelmina van Merken était littéralement « exemplaire » : elle représentait l'idéal de la citoyenne cultivée et civilisée. Pourtant, de même que cet idéal, la renommée de Van Merken fut éclipsée par l'esprit ardent du romantisme[2].

Liens externes

Sources

Références


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Lucretia Wilhelmina van Merken de Wikipédia en français (auteurs)

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