Juno (fusée)

Juno (fusée)
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Une Juno I similaire à celle qui a mis en orbite le premier satellite américain lance Explorer 2 (1958)
Le point commun des fusées Juno : les étages supérieurs constitués de fagots de fusée à poudre Recruit
Une fusée Juno-II lance le satellite Explorer-7 (1959)

Les Juno I (aussi appelée Jupiter-C) et Juno II constituent avec la fusée Vanguard les premiers lanceurs utilisés par les États-Unis pour tenter de placer en orbite des satellites. Ces deux lanceurs sont développés par Wernher von Braun respectivement à partir des missiles balistiques Redstone et Jupiter en 1957/1958.

La mise en orbite du satellite soviétique Spoutnik lance la course à l'espace entre américains et soviétiques. le lanceur Juno I est chargé de relever le défi soviétique en remplaçant au pied levé la fusée Vanguard qui devait assurer le premier lancement d'un satellite américain mais dont la mise au point n'était pas achevée.

À sa première tentative le lanceur Juno I met en orbite le premier satellite américain Explorer 1 le 31 janvier 1958. Dans la continuité de la Juno I, la Juno 2, deux fois plus puissante, est développée pour lancer certaines des sondes spatiales Pioneer vers la Lune. Le point commun des deux lanceurs est d'utiliser en guise d'étages supérieurs des fagots de fusées à poudre Recruit. Mais cet assemblage, qui avait eu le mérite de permettre une mise au point très rapide, est peu performant (de 20 à 40 kg de charge utile en orbite basse) et, après avoir assuré le lancement de quelques satellites, les 2 lanceurs laissent la place aux fusées Delta et Atlas.

Sommaire

Contexte

Article détaillé : Course à l'espace.

En juillet 1955, les États-Unis et l'URSS annoncent, chacun de leur côté, qu'ils lanceront un satellite artificiel dans le cadre des travaux scientifiques prévus pour l'Année géophysique internationale (juillet 1957—décembre 1958)[1]. Le mois précédent les dirigeants américains, avaient décidé dans cette perspective de développer un nouveau lanceur de trois étages, la fusée Vanguard (en français l'« avant-garde »), qui comportait un grand nombre d'innovations techniques par rapport aux fusées développées jusque là. À l'époque d'autres propositions moins radicales sont repoussées : les décideurs n'ont pas conscience de l'enjeu politique qui va se greffer par la suite sur ce projet à connotation scientifique. Les capacités et l'avance soviétique sont également sous-estimées. À la surprise générale, le 4 octobre 1957, l'Union soviétique est la première à placer en orbite le satellite Spoutnik 1. En cette période de guerre froide, c'est un choc pour les responsables et l'opinion publique américains, jusqu'alors persuadés de la supériorité de la technique américaine. Le projet Vanguard qui a progressé lentement, n'a pu à l'époque que tester le premier étage en vol. Pour effacer l'« affront soviétique », les développements en cours sont accélérés. Deux tentatives de lancement d'un satellite en novembre et décembre 1957 se soldent par un échec[2].

De la Redstone à la Jupiter C

Wernher von Braun est à l'époque responsable de la conception du missile balistique Redstone au sein de l'Army Ballistic Missile Agency, une unité de l'armée de terre américaine. Le missile Redstone manque de puissance pour placer en orbite un satellite mais von Braun a commencé à mettre au point dès 1955 une version plus puissante, baptisée Jupiter-C (pour Jupiter Composite Re entry Test Vehicle). Cette fusée est développée pour tester la rentrée atmosphérique des têtes nucléaires du missile balistique à portée intermédiaire Jupiter dont le développement est en cours sous sa supervision. La poussée du moteur de la Jupiter-C a été accrue en remplaçant le carburant de la Redstone (de l'alcool) par un dérivé de l'hydrazine. La Jupiter-C est dotée du système de guidage inertiel du futur missile Jupiter et comporte trois étages constitués de manière sommaire de fagots de fusées à poudre Recruit (Baby Sergeant) : 11 fusées pour le deuxième étage, trois fusées pour le deuxième et 1 fusée pour le dernier étage. L'objectif de ce montage est d'obtenir le profil de vol du missile Jupiter pour étudier le comportement de sa tête nucléaire lorsque celle-ci soumise à l'énorme échauffement dû aux frottements dans l'atmosphère aux vitesses hypersoniques ; ce problème constitue à l'époque un des principaux défis techniques rencontrés dans la mise au point des missiles balistiques[3].

Une occasion manquée : le projet Orbiter

Von Braun sait que la Jupiter-C peut mettre en orbite une petite charge utile : ce projet dit Orbiter, élaboré dès 1954, a été repoussé en 1955 par le comité scientifique chargé de sélectionner le lanceur du premier satellite américain. Le comité applique en effet les directives du président américain Dwight Eisenhower : celui-ci veut que le projet conserve un caractère civil. L'utilisation d'un missile mis en œuvre par une unité de l'Armée de Terre ne répond pas à ces critères[4].

Une version de la Jupiter-C sans étages supérieurs, la Jupiter-A, est d'abord testée. La Jupiter-C vole 3 fois avant la date de lancement de Spoutnik : le propergol du dernier étage est à chaque fois remplacé par du sable conformément aux directives du président pour s'assurer que la charge utile ne sera pas mise en orbite «par accident». Après le lancement de Spoutnik le 4 octobre, la Jupiter-C qui avaient été mise en sommeil depuis août est réactivée. Mais von Braun n'a pas immédiatement le feu vert car la fusée Vanguard a toujours la priorité. Ce n'est que le 8 novembre 1957, à la suite du lancement de Spoutnik 2 qui plonge tout le pays dans un grand émoi, que le Département de la Défense demande à von Braun le de mettre son projet à exécution[4].

Le lancement du premier satellite américain Explorer 1

Le Jet Propulsion Laboratory est chargé de concevoir et fabriquer un satellite adapté à la fusée. Cette dernière est transportée en décembre par voie maritime depuis Huntsville (implantation de l'ABMA où sont conçus et mis au point les missiles de von Braun) jusqu'à la base de lancement de Cape Canaveral en Floride. Les différents sous-ensembles du lanceur sont montés et testés. Le 31 janvier 1958 la Jupiter-C rebaptisé Juno 1 place au premier essai en orbite basse le satellite Explorer 1 (il ne recevra son nom de baptême qu'après son lancement). Le satellite, avec ses 14 kg en comptant le corps de la dernière fusée Recruit, est loin de la masse des Spoutniks déjà satellisés (Spoutnik 2 : 508 kg), mais l'honneur de l'astronautique américain est sauf. La faible charge scientifique emportée révèle l'existence des ceintures de Van Allen[5].

Caractéristiques techniques la Juno I / Jupiter C

Le premier étage du lanceur Juno I reprend les principales caractéristiques du missile Redstone. Le moteur qui consomme un mélange d'hydrazine (60%) et de d'oxygène liquide (40%) fournit grâce à cet artifice une poussée de 370 kN au lieu des 333 kN du missile ce qui a permis d'allonger l'étage et d'accroitre la durée de la poussée. Le premier étage est long de 17,6 mètres pour un diamètre de 1,30 mètre et pèse 28,4 tonnes (3,4 tonnes à vide). Chaque fusée à poudre Recruit qui constitue les étages supérieurs, pèse environ 27 kg (6 kg à vide) est long de 1 mètre pour un diamètre de 44 cm et fournit une poussée de 0,66 tonne durant 6 secondes. Le lanceur peut placer 20 kg sur une orbite de 500 km d'altitude. Pour stabiliser l'orientation des étages supérieurs ceux-ci sont mis en rotation rapide (460 tours par minute) avant leur séparation avec le premier étage. Le lanceur dispose d'un système de guidage à inertie[5].

Les autres lancements de la Juno I

Cinq autres lancements ont lieu. Malgré sa conception rudimentaire, il réussit à placer en orbite 3 satellites de la série Explorer en 6 tirs (3 échecs) étalés entre février et octobre 1958. Le développement de ce lanceur s'arrêta là car von Braun utilise par la suite le missile Jupiter plus puissant pour lancer ses satellites[5]. La Mercury Redstone, version remaniée de la Redstone, est utilisée pour lancer les premiers astronautes américains dans le cadre du programme Mercury entre 1961 et 1962.

La Juno II

Dans la continuité des travaux sur la Juno I, la Juno II est développée par von Braun sur la base du missile PGM-19 Jupiter de portée intermédiaire. Pour le transformer en lanceur, il ne fut pas nécessaire de modifier sa propulsion car il était d'origine suffisamment puissant pour placer 41 kg en orbite basse et 6 kg en orbite interplanétaire une fois surmonté des 3 étages improvisés pour la Juno I. La mise à feu des étages supérieurs est télécommandée par radio depuis le sol ce qui fut à l'origine de la perte d'un des satellites victime d'un brouillage. Un des 10 lancements effectués ne comportait que 3 étages[5].

Les lancements ont lieu entre 1958 et 1961 depuis Cap Canaveral. Sur les 10 lancements, 6 sont des échecs. Deux des tirs emportent une sonde spatiale Pioneer, 7 des satellites de la série Explorer. Le lanceur ne connut aucun développement ultérieur[5].

Historique des lancements des Juno I et II

Historique des lancements. Sources : Juno I[3] - Juno II[6]
Tir n° Date (UTC) Numéro de série Nombre d'étage Base de lancement Satellite Type de satellite Masse satellisée
(masse de la charge utile)
Orbite Remarque
Lancements de la Juno I/Jupiter-C
1 31 janvier 1958 4 Cape Canaveral Air Force Station Explorer 1 Étude des rayons cosmiques 13,91 kg (8,32 kg) Orbite basse de 360 km de périgée et 2535 km d'apogée Succès Premier satellite américain. Les émissions radio s'arrêtent le 23 mai 1958 après épuisement des batteries. Le satellite restera en orbite 12 ans avant de rentrer dans l'atmosphère le 31 mars 1970.
2 5 mars 1958 4 Cape Canaveral Air Force Station Explorer 2 Étude des rayons cosmiques 14,22 kg (8,54 kg) Orbite basse Échec Le 4ème étage ne s'est pas allumé.
3 26 mars 1958 4 Cape Canaveral Air Force Station Explorer 3 Étude des rayons cosmiques et des micrométéorites 14 kg (8,41 kg) Orbite basse  : périgée de 119 km apogée de 1740 km Succès
4 26 juillet 1958 4 Cape Canaveral Air Force Station Explorer 4 Étude des ceintures de Van Allen 16,86 kg (11,68 kg) Orbite basse Succès
5 24 août 1958 4 Cape Canaveral Air Force Station Explorer 5 16,86 kg (11,68 kg) Orbite basse Échec Collision du premier et deuxième étage après la séparation.
6 23 octobre 1958 4 Cape Canaveral Air Force Station Beacon 1 Satellite ballon de 3,7 mètres de diamètre 14,3 kg (8,3 kg) Orbite basse Échec Le second étage se sépare prématurément du 1er étage.
Lancements de la Juno II
1 6 décembre 1958 AM-11 4 Cape Canaveral Air Force Station Pioneer 3 Sonde spatial pour un survol de la Lune 5,9 kg La sonde monte jusqu'à une altitude 102300 km avant de retomber Succès partiel Le premier étage s'arrête trop tôt.
2 3 mars 1959 AM-14 4 CC LC-5 Pioneer 4 Survol de la Lune 5,9 kg Orbite héliocentrique Succès
3 16 juillet 1959 AM-16 4 CC LC-5 Explorer 6 Satellite scientifique : étude des rayons cosmiques, du champ magnétique terrestre et des micrométéorites 42 kg Orbite basse Échec Le contrôle de la fusée est perdu au bout de 5 secondes.
4 14 août 1959 AM-19B 3 CC LC-26B Beacon 2 Satellite ballon 5 kg Orbite basse Échec Le premier étage s'arrête trop tôt. Les étages suivants ne répondent pas aux commandes.
5 13 octobre 1959 AM-19A 4 CC LC-5 Explorer 7 Etude des rayons cosmiques 42 kg Orbite basse Succès
6 23 mars 1960 AM-19C 4 CC LC-26B Explorer 8 Etude des ceintures de Van Allen 16 kg? Orbite basse Échec Le troisième étage ne s'allume pas, le contact est perdu avec la station au sol.
7 3 novembre 1960 AM-19D 4 CC LC-26B Explorer 8 (S-30) Etude de l'Ionosphère 41 kg Orbite basse Succès
8 25 février 1961 AM-19F 4 CC LC-26B Explorer 10 Etude de l'Ionosphère 34 kg Orbite basse Échec Le troisième étage ne s'allume pas.
9 27 avril 1961 AM-19E 4 CC LC-26B Explorer 11 Astronomie gamma 37 kg Orbite basse Succès
10 24 mai 1961 AM-19G 4 CC LC-26B Explorer 12 Etude de l'ionosphère 34 kg Orbite basse Échec Le deuxième étage ne s'allume pas.

Références

  1. Homer E. Newell (NASA), « Beyond the Atmosphere: Early Years of Space Science - CHAPTER 5 THE ACADEMY OF SCIENCES STAKES A CLAIM », 1980. Consulté le 11 octobre 2009
  2. Roger D. Launius (NASA), « Sputnik and the Origins of the Space Age ». Consulté le 11 octobre 2009
  3. a et b Mark Wade, « Redstone »
  4. a et b Explorer 1, Spaceline.org
  5. a, b, c, d et e Die Juno / Vanguard Trägerraketen, Site Bernd Leitenberger
  6. Mark Wade, « Jupiter »

Voir aussi

Liens internes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Juno (fusée) de Wikipédia en français (auteurs)

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