Philippe Sarchi

Philippe Sarchi
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Extrait de la page de titre de la grammaire hébraïque de 1828.

François Philippe Sarchi, originellement Samuel Morpurgo, né à Gradisca d'Isonzo en Italie vers 1765, mort à Paris en 1830, est un juriste, linguiste, philologue d'origine illyrienne, spécialisé dans l'italien et l'hébreu.

De formation juridique et linguistique, il devient professeur à l'université de Vienne ; il écrit alors divers ouvrages sur la langue, la grammaire et la poésie italiennes. Il est ensuite notaire à Trieste, puis linguiste et traducteur à Paris et à Londres.

Il se consacre alors à l'étude de la littérature et de la philologie hébraïque. Ses travaux principaux sur le sujet sont un ouvrage sur la poésie hébraïque, et une grammaire hébraïque.

Sommaire

Biographie

Philippe Sarchi, ou François Philippe Sarchi, est né à Gradisca d'Isonzo en Frioul-Vénétie julienne, en 1764 ou en 1765 sous le nom de Samuel Morpurgo[1]. Il est le fils d'Elia Morpurgo (1740-1830) alias Joseph Sarchi ou Joseph Sarker, grand-rabbin de Gradisca, qui est notamment l'auteur du Discorso alla nazione Ebrea et du Discorsi di tolleranza en 1783, et de Vittoria Finzi, originaire de Ferrare[2].

Il commence ses études avec un précepteur, Raffaele Luzzatto, mais il est renvoyé pour vol. Il poursuit alors sa scolarité à partir de 1782 dans un lycée où l'enseignement est prodigué en latin et en allemand[2].

Samuel Morpurgo part en 1787 suivre ses études supérieures à Vienne, en Autriche. Il s'inscrit en droit et en philosophie. Sa famille prend en 1788 le nom de Sarker ou Sarchi.

Samuel Sarchi se convertit et devient chrétien sous le nom de Franz Philipp Sarchi en 1790, à 25 ans, baptisé par le P. Fast, avec les prénoms Franz Philipp ou Franz de Paula Philipp, et le nom Sarchi ou Sarcher[2],[3]. Sa conversion pourrait être liée aux circonstances, puisqu'il se reconvertit plus tard au judaïsme[4] ; Yona Dureau et Monique Burgada y voient le signe d'une inquiétude religieuse et présentent Filippo Sarchi comme l'exemple de « conversion double, c'est-à-dire de juifs qui, après avoir embrassé le christianisme reviennent à la religion de leurs pères[5] ».

Juriste, enseignant, linguiste

L'université de Vienne, où Sarchi est professeur à 30 ans.

Docteur en droit, il devient le premier titulaire de la chaire d'italien à la Faculté de droit de l'Université de Vienne en 1794, et est officiellement nommé professeur l'année suivante, à 30 ans[2],[4]. Il est membre de l'Académie royale de Florence et de l'académie des Arcades de Rome.

Il publie alors ses trois premiers ouvrages : un manuel d'italien à l'usage de ses étudiants allemands, Theoretisch-praktische italienische Sprachlehre, en 1795 ; une grammaire italienne, Grammatica italiana, la même année ; et un recueil de poèmes italiens, Ape poetica o il fior da fiore delle migliorie poesie italiane, en 1797. Il collabore aussi à des œuvres de son père.

Il est un partisan enthousiaste de Napoléon Bonaparte et déménage à Trieste[4], où il est notaire impérial et royal à partir de 1806. Il s'y reconvertit au judaïsme en 1807, et fait circoncire son fils aîné[2],[4].

En 1813, il est momentanément précepteur[6],[7] des enfants du duc d'Otrante, alors gouverneur des Provinces illyriennes.

Sarchi quitte Trieste à la chute de l'empire, et partage alors son temps entre Paris et Londres[4]. Il devient consultant juridique, professeur d'italien, traducteur et interprète juré[8].

La police politique française le surveille sous la Restauration : ses opinions bonapartistes, ses voyages, ses liens avec les pays et les ressortissants étrangers, les journaux en caractères hébreux qu'il reçoit lui attirent à Paris l'attention de la police politique, qui le surveille une première fois en 1821, et de nouveau en 1825-1827[8]. Les rapports de police le décrivent alors comme un vieil homme d'un caractère extrêmement ardent et acrimonieux, bien que cacochyme, de peu de ressources, au discours attestant de « mauvaises » doctrines politiques, regrettant Bonaparte, fréquentant assidûment les synagogues[9].

Travaux hébraïques

À cette époque, Philippe Sarchi se consacre à des études hébraïques[4], portant notamment sur la littérature, la philologie et la grammaire hébraïques.

Polyglotte et de solide formation classique, il maîtrise au moins l'hébreu, le grec, l'araméen, le latin, l'arabe, l'italien, l'allemand, le yiddish, le français, l'anglais. Il écrit ses œuvres et ses contributions successivement ou alternativement en allemand, en italien, en français, en anglais. Il les signe Morpurgo, Sarchi, M. Sarchi[10], Filippo Sarchi, Samuel Sarchi, Philip Sarchi, Philippe Sarchi.

En 1817, il collabore à l'Israélite français, et y écrit des « articles remarquables »[11]. Il publie aussi un almanach[12].

La poésie hébraïque

Il écrit en anglais et fait paraître à Londres en 1824 un essai sur la poésie hébraïque au fil des âges[13], qui va des textes sacrés aux auteurs modernes. Il s'attache surtout aux figures employées en poésie, les classe par analogie, à partir des livres poétiques de la Bible, s'étend à la rhétorique, passe en revue l'histoire abrégée de la littérature hébraïque, et recense les influences grecques et latines sur les compositions poétiques récentes en hébreu[14]. Cet essai est réédité en 2009[15].

Grammaire hébraïque

Philippe Sarchi publie ensuite en 1827 sa Grammaire hébraïque raisonnée et comparée. Ce nouvel ouvrage est lui aussi bien accueilli par la communauté scientifique, avec de longues recensions positives écrites notamment par Champollion[16] et par Léon Halévy[17] qui indique que « M. Sarchi prend place au rang de nos premiers philologues, et sa grammaire parmi les plus beaux ouvrages qu'ait produits l'étude des langues », et que sa grammaire hébraïque a reçu aussi les suffrages de Silvestre de Sacy[18],[17]. Ce dernier a participé à la grammaire par ses suggestions et ses conseils, suivis par Sarchi, mais qui ont donné lieu à une polémique de terminologie avec Sam. Lee[19]. Cette grammaire est plusieurs fois rééditée, avec ajouts et corrections, puis copiée ou prolongée par d'autres auteurs[20].

Philippe Sarchi est membre de la Société asiatique de Paris, de l'Académie de Florence et de l'académie des Arcades de Rome.

Il est mort à Paris en 1830.

Vie de famille

Le château de Brévannes est la propriété des Sarchi à partir de 1824.

Il épouse à Vienne en avril 1798 Franziska Schmidt, fille de Mathias Schmidt, imprimeur ou éditeur de la cour de Vienne[2], et de Regina Brunnenfeld. Ils ont comme enfants :

  • Philippe Benoit Sarchi (1800-1864), courtier puis agent de change à Paris, épouse Adèle Pinta ; leur fille Caroline Sarchi épouse l'ingénieur Charles-Urbain Bricogne.
  • Charles Sarchi (1803-1879), signalé en 1826 employé dans une maison de commerce sur les huiles[21], puis agent de change comme son frère.
  • Un troisième fils (né vers 1811), signalé en 1826 employé « dans la maison de son père et de son frère »[21].

Il s'est converti au christianisme en 1790[22], mais est redevenu pleinement Juif à Trieste[2],[4] ; à Paris en 1826, il « professe la religion juive portugaise, ainsi que ses enfants » et fréquente « assidûment » les synagogues[23].

Il se remarie avec Henriette Salom (morte en 1850), dont il a un fils, Emmanuel Sarchi.

Il a acheté en 1824 le château de Brévannes, devenu plus tard l'hôpital de Limeil-Brévannes, et monument historique[24].

Œuvres

(Seules les œuvres originales de Sarchi sont indiquées ici, pas ses traductions)

  • (de) Theoretisch-praktische italienische Sprachlehre, Vienne, 1795 ; rééd. 1805.
  • (it) Grammatica italiana, Vienne, Schmidt, 1795 ; 3e réédition, 1805.
  • (it) Ape poetica o il fior da fiore delle migliorie poesie italiane, Vienne, 1797.
  • (it) Elementi di Geografia moderna per uso di giovinette in versi rimati, Udine, 1811.
  • Cours de thèmes italiens, Paris, Th. Barrois et Jombert, 1822 (Rééd., Paris, 1823).
  • (en) An Essay on hebrew Poetry ancient and modern, Londres, 1824 [Texte intégral en ligne] ; plusieurs rééd. ; dernière réédition : Kessinger Publishing, LLC, 2009 (ISBN 1-104-67531-5 et 9781104675318).
  • Grammaire hébraïque raisonnée et comparée, Paris, Dondey-Dupré, 1827 ; plusieurs rééditions, alternativement sous le même nom ou sous le nom de Nouvelle grammaire hébraïque raisonnée et comparée, Paris, Dondey-Dupré, 1827 et 1828 [Texte intégral en ligne] ; Paris, Pélicier et Chatet, 1828, 1830 ... 1844.
  • Un almanach, divers articles, notamment dans l'Israélite français, 2 volumes, Paris, 1817.

Sources bibliographiques

  • « Morpurgo, Samuel alias Filippo Sarchi », dans Asher Salah, La république des lettres: rabbins, écrivains et médecins juifs en Italie au XVIIIe siècle, Brill, coll. « Studies in Jewish history and culture » (no 16), 2007 (ISBN 9004156429 et 9789004156425) [lire en ligne], p. 453-454 .
  • (it) Maddalena Del Bianco Cotrozzi, « Samuel Morpurgo alias Francesco Filippo Sarchi, linguista e docente nella Vienna di fine Settecento », dans G. Busi, We-Zot' Le-Angelo, Raccolta di studi giudaici in memoria di Angelo Vivian, Bologna, Associazione Italiana per lo Studio del Giudaismo, Edizioni Fattoadarte, 1993, p. 199-231 .
  • « Sarchi », dans Guy Delavau, Franchet, Le Livre noir, ou Répertoire alphabétique de la police politique sous le ministère déplorable, vol. 4, Paris, Moutardier, 1829 [lire en ligne], p. 113-118  ; contient cinq demandes d'enquête et quatre rapports de police sur Philippe Sarchi, d'octobre 1825 à octobre 1827.
  • (de) « Philippe (Samuel) Sarchi, fils de El. Morpurgo », dans Bibliotheca Judaica: bibliographisches Handbuch der gesammten jüdischen literatur..., Dr Julius Fürst, Wilhelm Engelmann, 1863 .
  • « Philippe Sarchi », dans Joseph-Marie Quérard, La France Littéraire, dictionnaire bibliographique, t. 8, Paris, Firmin-Didot, 1836 [lire en ligne], p. 450 .
  • (en) Silvio G. Cusin et Pier Cesare Ioly Zorattini, Friuli Venezia Giulia ; Jewish itineraries : places, history and art, Marsilio, 1998 (ISBN 883177011X et 9788831770118) [lire en ligne], p. 65 .
  • (en) Aaron Rubin et Samuel David Luzzatto, Prolegomena to a grammar of the Hebrew language, Gorgias Press LLC, 2005 [lire en ligne], p. 59-60 et notes .
  • Samuel Cahen (dir.), Archives israélites de France, t. 1, 1840, p. 38, 40, 45  [lire en ligne].
  • Bibliothèque nationale de France, Catalogue général.

Notes et références

  1. M. Del Bianco Cotrozzi, Samuel Morpurgo alias Francesco Filippo Sarchi, linguista e docente nella Vienna di fine Settecento, 1993.
  2. a, b, c, d, e, f et g Salah 2007, p. 453.
  3. Il est baptisé le 5 janvier 1790 à Saint-Étienne de Vienne. Cf. Anna Staudacher, Jüdische Konvertiten in Wien 1782-1868, Vienne, Lang, 2002 (ISBN 3631394063 et 9783631394069), partie 2, p. 420, 567, 574.
  4. a, b, c, d, e, f et g Cusin et Ioly Zorattini 1998, p. 65.
  5. Yona Dureau, Monique Burgada, Culture européenne et kabbale, L'Harmattan, 2008 (ISBN 2296062660 et 9782296062665), p. 263 [lire en ligne].
  6. Louis Madelin, Fouché, 1759-1820, Plon, 1903, volume 2, p. 296.
  7. Note du préfet de police du 31 octobre 1825, et rapport du 26 janvier 1826, Delavau et Franchet 1829, p. 114.
  8. a et b Delavau et Franchet 1829, p. 113 et suivantes.
  9. Delavau et Franchet 1829, p. 113-118.
  10. La signature M. Sarchi peut représenter Monsieur Sarchi ou Morpurgo Sarchi.
  11. Cahen 1840, p. 38.
  12. Cahen 1840, p. 45.
  13. An Essay on hebrew Poetry ancient and modern, Londres, 1824 [Texte intégral en ligne].
  14. Recension par Augustin Calmet, Dictionnaire historique, archéologique, philologique ..., Migne, 1860, vol. 3, dans l'article « Poésie des Hébreux ».
  15. Kessinger Publishing, LLC, 2009 (ISBN 1-104-67531-5 et 9781104675318).
  16. Jean-François Champollion écrit : « Cet ouvrage (...) justifie les promesses de son prospectus. (...) Il sera donc bien reçu par nos hébraïsans et par tous ceux qui, admis à l'étude des langues orientales, reconnaissent à la langue hébraïque l'importance réelle qu'elle présente comme langue biblique et comme partie essentielle de l'une des plus anciennes familles de langues de l'Asie. » (Bulletin des sciences historiques, antiquités, philologie, Volume 6).
  17. a et b Léon Halévy, recension et notice, dans la Revue encyclopédique, 1828/04 (T38)-1828/06, pp. 197-198.
  18. Silvestre de Sacy, recension comparée dans le Journal des Savants, décembre 1828, pp. 719-734 [lire en ligne].
  19. Nouveau journal asiatique, Volume 5, Société asiatique, Paris, page 81 et suivantes.
  20. Salomon Klein reprend le même titre : Nouvelle grammaire hébraïque raisonnée et comparée, J.P. Risler, 1846.
  21. a et b Rapport de police de 1826, Delavau et Franchet 1829, p. 116.
  22. Anna Staudacher, Jüdische Konvertiten in Wien 1782-1868, Vienne, Lang, 2002 (ISBN 3631394063 et 9783631394069), partie 2, p. 567.
  23. Rapport de police du 26 janvier 1826, Delavau et Franchet 1829, p. 114.
  24. Monument historique : Notice no PA00079884, sur la base Mérimée, ministère de la Culture.

Voir aussi

Articles connexes


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