Litterature italienne

Litterature italienne

Littérature italienne

Les historiens de la littérature situent le début de la tradition littéraire italienne dans la première moitié du XIIIe siècle avec l'école sicilienne de Frédéric II, Roi de Sicile et empereur du Saint-Empire Romain. Ainsi, le Cantique des Créatures de Saint François d'Assise est considéré comme le premier document littéraire italien. La diffusion du message poétique partit donc de la cour, pour se répandre par la suite dans les communes toscanes et à Bologne, bien qu'il fut longtemps le privilège d'une riche, bien que toujours plus vaste, bourgeoisie communale. Lorsque la Sicile passa le témoin aux grands poètes toscans, ceux qui écrivaient également sur le thème de l'amour, cependant d'une manière nouvelle, ils y associèrent les contenus philosophiques et rhétoriques appris dans les premières grandes universités, avant tout celle de Bologne. Les premiers poètes italiens provenaient donc d'un haut niveau social, et furent surtout des notaires et docteurs en loi qui enrichirent le nouveau vulgaire de l'élégance des tournures latines qu'ils connaissaient très bien à travers l'étude de grands poètes latins comme Ovide ou Virgile. Ce qui nous permet en effet, de parler d'une littérature italienne, c'est la langue et la conscience de la population italienne de parler une langue, née vers le Xe siècle après J-C., qui s'émancipe complètement de la promiscuité avec le latin seulement au XIIIe siècle.

La littérature italienne se compose de toutes ces œuvres poétiques écrites à la main et imprimées en langue italienne qui se développent aux environs du XIe siècle jusqu'à nos jours, mais c'est seulement au XIII siècle que débute la tradition littéraire en langue italienne, c'est-à-dire dans un langage qui, enrichi par les divers apports dialectaux, prend pour la première fois ces distances avec les idiomes locaux.

Sommaire

Les débuts : du Moyen Âge au XIIIe siècle

Pendant des siècles c’est le latin, langue liturgique prestigieuse utilisée dans toute l’Europe qui va dominer les territoires qui formeront plus tard l’Italie. Cependant, à partir de 813, le concile de Tours, réuni à l'initiative de Charlemagne, va permettre l’usage des langues vulgaires plus pratiques pour prêcher aux gens peu instruits qui ne parlent pas le latin. Mais ces langues vulgaires demeurent peu écrites. Il ne reste guère de cette époque que quelques textes juridiques, des inventaires et des sermons. L’Italie de l’époque, loin d’être un pays aux frontières nettes et à la langue unique, se présente plutôt comme une mosaïque de petits États et royaumes.

Ce n’est qu’à la fin du XIIIe siècle qu’apparaîtront localement les premières œuvres en langues vulgaires dans des milieux favorisant l’émulation intellectuelle :

  • La cour de Sicile de Frédéric II où éclot une poésie lyrique de haut niveau en langue sicilienne,
  • L’université de Bologne au nord du pays, autour de laquelle se presse une nouvelle bourgeoisie avide de connaissance et de distraction. C'est à ce public que s'adressent les nouvelles, les ouvrages historiques, moraux ou didactiques qui se diffusent alors comme ceux de Brunetto Latini.
  • Les nouveaux ordres religieux comme les dominicains et les franciscains qui génèrent l'essor de la poésie religieuse qui fait triompher la lauda, en particulier en Ombrie. D'autre part, les traités de morale, les hagiographies, les recueils d'exempla et les descriptions des voyages dans l'au-delà exhortent les fidèles à suivre les préceptes de l'Évangile. Deux auteurs clefs de cette époque sont François d'Assise et Jacopone da Todi.

Pendant cette période, les auteurs ne s'expriment pas toujours dans la langue qui deviendra par la suite l'italien. Ainsi, Brunetto Latini rédige ses Livres dou Trésor en langue d'oïl avant d'en faire une version abrégée en toscan. C'est également en langue d'oïl que Martino da Canal rédige sa Cronique des Viniciens et que Marco Polo dicte le récit de ses voyages dans la prison de Gênes. Cependant de nombreuses traductions des romans en vogue à l'époque circulent dans la péninsule (comme les Romans de la table ronde, Tristan et Iseult ou encore le Livre des Sept Sages). Le contact avec cette littérature étrangère donne des idées aux italiens. Ainsi Ricordano Malispini (1220?-1290) explore le genre historique dans sa Storia fiorentina. Parallèlement, de nombreuses nouvelles sont compilées dans des recueils comme le Conti di Antichi cavalieri, le Dodici conti Morali et le Novellino dont le but et de distraire et d'instruire sans intention moralisante…

Le développement du toscan

Par la suite, c’est principalement à Florence et dans toute la Toscane que la littérature en langue vulgaire poursuit son développement. Des auteurs comme Guittone d'Arezzo ou Chiaro Davanzati traitent de politique, de morale et de sujets religieux. Influencés à la fois par la littérature sicilienne et par les troubadours provençaux, ces poètes reprennent les thèmes de l'amour courtois. Ils font l'apologie de l'amour pur qui ennoblit, voire béatifie le prétendant et célèbrent la vertu de la femme aimée, devenant ainsi les initiateurs d'une nouveau courant littéraire : le Dolce Stil Novo. C'est principalement sous les plumes de Guido Cavalcanti, Cino da Pistoia et bien sûr Dante que va se construire ce nouveau courant qui connaitra un succès suivi durant tout le XIVe siècle. Parallèlement au Dolce Stil Novo se développe une mode « comico-réaliste » dont les plus illustres représentants sont : Cecco Angiolieri, Rustico di Filippo et Folgore da San Gimignano.

Le Trecento des grands fondateurs : Dante, Pétrarque et Boccace

Fresque de Domenico di Michelino (1465) de la coupole de l'église Santa María del Fiore, à Florence, sur laquelle on peut voir Dante montrant son poème.
Tiré d'une édition de Boccace : De Casibus Virorum Illustrium montrant Dame Fortune faisant tourner sa roue.

Le XIVe siècle en Italie est, comme dans toute l'Europe, un siècle difficile. Les famines, les épidémies de peste et la guerre de Cent Ans font rage dans toute l'Europe et pèsent lourdement sur l'économie et la démographie. Les communes perdent de leurs influences au profit des seigneuries qui se développent. Dans ce contexte les tensions entre le petit peuple et la nouvelle bourgeoisie s'exacerbent et des révoltes se produisent. D'autre part les querelles entre l'empire et la papauté s'aggravent. Le pape qui voit son autorité spirituelle s'affaiblir tente de renforcer sa puissance politique, l'empereur lui doit abandonner son ambition de règne sur la péninsule pour se contenter d'un état allemand.

Trois immenses figures dominent ce siècle : Dante, Pétrarque et Boccace. Ces trois maîtres vont créer des mythes et des modèles qui influenceront de façon durable, non seulement la littérature italienne, mais aussi toute la littérature mondiale.

Dante Alighieri (1266-1321) est généralement considéré comme le véritable fondateur de la poésie et de la littérature italienne. Dans son ouvrage « De l’éloquence en langue vulgaire » (1304-1305), il part en quête de la langue italienne, ce « vulgaire italien qui appartient à chaque ville italienne et ne semble en même temps appartenir à aucune en particulier ». Vers 1304, il écrit « le Banquet », première œuvre philosophique en langue vulgaire. Dans l’épopée chrétienne intitulée la Divine Comédie (1307-1321), Dante traite de l’histoire de la liberté de l’homme et de l’accomplissement de la justice divine. Le livre présenté comme une longue poésie rédigée à la première personne, connaîtra un succès suivi pendant tout le Moyen Âge. Il constitue un véritable voyage initiatique qui commence en enfer et se termine au paradis. C'est la circulation et les imitations des œuvres de Dante qui donneront au toscan ses lettres de noblesse, et accéléreront sa diffusion dans toute la péninsule au détriment des autres dialectes.

Deux autres Toscans vont marquer durablement la littérature italienne, il s’agit de Pétrarque et de Boccace.

Pétrarque (1304-1374) préconise le retour à la tradition antique et au prestigieux latin. Son œuvre influencera en profondeur la Renaissance italienne. Il peut être, à juste titre, définit comme le « premier humaniste» Le goût de Pétrarque pour le latin va ralentir, pour un temps, la diffusion du toscan. Cependant, il cultive un italien raffiné et riche dans son Canzoniere (Rerum Vulgarium Fragmenta, cod. Lat. 3195, 1374, version définitive) qui deviendra un véritable modèle de la poésie lyrique en Italie et dans toute l'Europe (cf. La Pléiade en France).

De son côté, Boccace (1313-1375) écrit tantôt en toscan tantôt en latin. Dans son Décaméron (1348-1353) il fait l’éloge du mode de vie de la bourgeoisie commerçante. Dans ce même ouvrage, il fait preuve d’innovation en utilisant pour la première fois la narration en prose qui traduit l’influence des contes populaires. Ce nouveau type de narration issu de l’oral se répandra par la suite dans toute l’Europe. D’autre part, il contribue à la propagation du toscan de Dante et de Pétrarque dans ses Nouvelles, mais il reste fidèle au latin ses œuvres plus ambitieuses comme sa Genealogia deorum gentilium.

L'influence de ceux que l'on appellera les « Trois Couronnes » est telle, que la plupart des auteurs ou des poètes qui les suivent, ne sont le plus souvent que leur imitateurs. Parmi les autres poètes du XIVe siècle, on trouve donc :

  • Les imitateurs de Dante qui se rattachent au courant Stil noviste comme Fazio degli Uberti, Francesco da Barberino ou encore Giovanni Quirini.
  • Les imitateurs de Pétrarque comme Francesco di Vannozzo ou Bindo di Cione del Frate.
  • Les prosateurs fidèles à Boccace qui perpétuent la tradition de la Nouvelle comme Giovanni Sercambi et Franco Sacchetti.

À Florence, Antonio Pucci s'inscrit dans la lignée de la poésie populaire, satirique et comique. Dans un autre registre, la poésie didactique fait toujours des émules, notamment Cecco d'Ascoli qui rédige son Acerba et Francesco da Barberino qui compose plusieurs traités comme Reggimento e costume di donna ou encore ses Documenti d'amore. Du côté de la prose, en dehors des imitateurs de Boccace, on retrouve de nombreux chroniqueurs florentins, notamment parmi la famille Villani: Giovanni Villani, son frère Matteo Villani et le fils de ce dernier Filipo Villani qui rédigera des biographies de florentins célèbres, mais aussi d'autres chroniqueurs majeurs comme Marchionne di Coppo di Stefano de' Buonaiuti ou encore Dino Compagni. Quant à la littérature religieuse, elle est prolifique, nourrie par les imitateurs de Jacopone da Todi, les commentateurs des textes sacrés et les auteurs des biographies de Saints. Dans ce domaine, l'œuvre de Catherine de Sienne est particulièrement marquante.

Le Quattrocento : de la Renaissance à l'Humanisme

À partir du XVe siècle, se répandent dans toute l'Europe de profondes mutations culturelles venues d'Italie, que l'on désignera sous le nom de « Renaissance ». La péninsule qui a connu un rapide développement économique au siècle précédent, va devenir le centre d'irradiation d'une nouvelle culture qui par la suite conduira à une nouvelle vision du monde que l'on qualifiera d'« Humanisme » à la fin de ce siècle. Ce nouveau courant de pensée prône une conception laïque de la vie qui est issue d'une reconsidération de l'importance de l'Homme et de sa place dans l'Univers. Les anciennes conceptions héritées du Moyen-âge, qui faisaient la part belle à la relation Homme-Dieu, s'en trouvent bouleversées. La préoccupation de l'Au-delà laisse la place à un recentrage sur l'Homme et à une revalorisation des civilisations de la Grèce et de la Rome antiques. En effet, à travers le témoignage des œuvres d'art, l'Antiquité apparaît comme le moment idéal où l'Homme avait atteint une harmonie parfaite. Grâce à son influence commerciale, la ville de Florence devient, à la fin du XIVe siècle, le cœur de ce mouvement. On y redécouvre les poètes grecs et latins comme Virgile, Horace, Homère, ainsi que les philosophes antiques comme Platon ou encore Aristote dont les idées humanistes recentreront la réflexion de la société sur l’homme plutôt que sur Dieu comme le préconise le christianisme traditionnel. La pensée Humaniste est indissociable de l'évolution politique de la péninsule. Le pouvoir absolu des princes, à la tête des nouvelles Seigneuries, est « éclairé » par des érudits humanistes qui tentent d'orienter leur action vers les modèles de l'antiquité.

Ainsi, la majeure partie de l'activité littéraire du XVe siècle consiste à compiler et à traduire des textes grecs et latins des auteurs de l'Antiquité. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, cette passion culturelle pour l'antiquité à considérablement ralenti l'expansion de la langue italienne. En effet, les auteurs et les intellectuels de l'époque s'efforcent d'imiter non seulement les modèles classiques mais aussi la langue classique, c'est à dire le latin, espérant ainsi retrouver la pureté de la pensée antique. C'est ainsi que, jusqu'au environ de 1470, le latin conserve une position hégémonique dans la littérature, et semble redevenir la seule langue de communication intellectuelle. À l'exception de la Toscane, où demeure encore l'héritage des "trois couronnes", partout ailleurs dans la péninsule, les langues vulgaires reculent. Il faudra attendre la deuxième moitié du siècle pour que l'italien reviennent à travers ce qu'on appelle « l'humanisme vulgaire ». Peu à peu le processus d'assimilation de la culture classique s'atténue. L'illusion de pouvoir faire revivre le latin s'efface au profit d'une revalorisation de l'italien. Plusieurs auteurs s'attachent à montrer que les langues vulgaires sont, tout autant que le latin, capables d'exprimer des idées hautes et nobles. Cependant le latin fera ressentir encore longtemps son influence. C'est pourquoi, les représentants de l'humanisme vulgaire et les poètes, s'efforceront de façonner l'italien sur le modèle du latin donnant ainsi naissance au classicisme italien qui influencera toute la littérature jusqu'au XIXe siècle.

Les humanistes latinistes

À Florence, sous le mécénat et la protection des Médicis, les auteurs latins prospèrent. Citons Coluccio Saluti qui traduit les lettres Ad familiares de Cicéron, le philosophe Marsile Ficin qui tente de concilier la pensée antique de Platon avec le christianisme dans son Theologia Platonica ou encore Pic de la Mirandole (1463-1494) qui rédige son traité De hominis dignitate. À Rome, des humanistes tels que Lorenzo Valla ou Pomponio Leto vont pouvoir composer librement sous la protection des papes. À Naples, c'est sous l'impulsion des rois d'Aragon qu'est créée l'Accademia pontaniana, d'après le nom de l'humaniste napolitain Giovanni Pontano. Tous ces auteurs s'expriment principalement en latin, cependant la majeure partie de leurs écrits seront par la suite traduits en italien.

Le retour des langues "vulgaires"

La situation change progressivement à partir de 1430. Léon Battista Alberti (1404-1472) va défendre l'idée que les langues vulgaires permettent, tout autant que le latin, de réfléchir sur la nature de l'homme et d'imiter le style des Anciens. Il va ainsi devenir l'initiateur d'un nouvel humanisme en italien, qui sera qualifié d'humanisme vulgaire. C'est ainsi que Matteo Palmieri s'interrogera en toscan sur l'engagement de l'homme dans la vie de la cité, dans son traité Della vita civile. Dans la deuxième moitié du siècle, Nicolas Machiavel représentera le volet politique et militaire de ce nouvel humanisme comme il le montrera à travers son traité: le Prince, tandis que Francesco Guicciardini donnera lui sa vision d'historien.

À Florence, où depuis Boccace le prestige du toscan est resté grand, la nouvelle sous toutes ses formes continue à recevoir les faveurs du public. Le napolitain a aussi ses défenseurs, comme par exemple Masuccio Salernitano qui donnera ses lettres de noblesse à la nouvelle napolitaine en s'inspirant de Boccace, ou encore Jacopo Sannazaro (v. 1455-1530) qui composera l'Arcadie qui renouvelle le genre de l'idylle pastorale et connaîtra un très grand succès. La fin du siècle verra la fin de la suprématie du latin et ouvrira la voie à l'érudition en langues vulgaires.

Le XVe siècle est aussi celui de l'apparition des écrits d'artistes. Avec l'avènement de la Renaissance, ceux-ci ont en effet pris une toute nouvelle place dans la société. À Florence, Lorenzo Ghiberti (1378-1455) rédige son commentari dans lequel il mêle l'histoire de l'art au genre autobiographique. Le génial Léonard de Vinci (1452-1519) laisse également une œuvre fragmentaire mais riche, à travers plus de cinq mille feuillets qui composent ses carnets. Il y fait part de ses expérimentations scientifiques et de ses réflexions philosophiques, mais on y trouve également des ébauches de textes littéraires.

Avec l'avènement de l'humanisme, la vie religieuse connait une forte crise au XVe siècle. Face à une société qui délaisse les valeurs chrétiennes, les voix inquiètes des prédicateurs s'élèvent. Ils composent des traités et des prêches enflammées, qui appellent le peuple à la repentance et au retour aux préceptes des évangiles. Parmi eux citons le franciscain Bernardin de Sienne (1380-1444), le dominicain Giovanni Dominici (1356?-1419) ou encore le dominicain Jérôme Savonarole (1452-1498) qui s'attirera les foudres de l'Église en raison de ses idées réformatrices.

La poésie au XVe siècle

Dans la première moitié du XVe siècle, alors que toute l'Italie intellectuelle se tournait vers l'humanisme, et qu'à la suite de Poggio Bracciolini (1380-1459) elle se ruait dans les bibliothèques à la recherche des manuscrits classiques, l'étude de l'Antiquité allait donner un nouvel élan à la littérature classique et à l'enseignement dans les universités. La poésie, par contre, encore très fortement influencée par le pétrarquisme, était entre les mains d'une multitude de versificateurs, pour la plupart médiocres et conventionnels, qui faisaient commerce de leurs vers. Depuis la mort de Boccace (1375) jusqu'au Stances de Politien (1475), peu d'œuvres majeures sont composées. Parallèlement à cette stagnation de la poésie « sérieuse », on assistait au développement d'une « poésie populaire » (càntari, serventesi, frottole, strambotti, etc.) dont les rimes résonnaient dans les rues de toute la Toscane à partir de la fin du Trecento.

On assista alors à un mouvement d'intégration progressif de cette poésie populaire dans la littérature enseignée dans les universités, que Natalino Sapegno[1] a décrite dans son anthologie des poètes du Trecento. La poésie populaire apportait des idées nouvelles, des images, une coloration linguistique et un rythme qui renouvelèrent une poésie italienne qui avait tendance à se scléroser, après la disparition des grands fondateurs. Les premières tentatives de cette intégration, de celle « littératurisation », des vers populaires sont à rechercher dans les poésies de Franco Sacchetti (v. 1335–v. 1400). Mais le véritable chef de file de ce mouvement fut incontestablement Domenico di Giovanni (1404-1449), dont l'échoppe de barbier de la Via Calimala à Florence devint un lieu de réunion pour les intellectuels et les littérateurs de la capitale toscane pendant les années 1420 et 1430.

En raison du retour au latin, la première partie du XVe siècle est relativement pauvre en compositions poétiques en langues vulgaires. Cependant, il se produit un important processus d'échange entre le latin et l'italien. En écrivant d'abord dans un latin mâtiné de tournures populaires, puis dans un italien raffiné par l'héritage classique, les auteurs humanistes vont peu à peu donner ses lettres de noblesse à l'italien écrit. Cette évolution doit beaucoup à l'influence de Laurent le magnifique. C'est à son instigation qu'est rédigée la Racolta aragonese, une anthologie de poésies composées en toscan et dédiée à Frédéric II de Naples. Le recueil, auquel contribuent Cristoforo Landino (1424-1498) et Ange Politien (1454-1494) va participer au renforcement du prestige du toscan sur les autres langues vulgaires de la péninsule.

À la fin du siècle on voit s'affirmer le renouveau de la poésie chevaleresque, d'abord à Florence avec Luigi Pulci puis à Ferrare avec Matteo Maria Boiardo. La Renaissance italienne va transformer le genre épique venu des chansons de geste du Moyen Âge pour façonner un nouveau type de poésie chevaleresque. Bien que les thèmes demeurent sensiblement les mêmes : les batailles entre chrétiens et sarrasins, la psychologie des personnages a profondément changé. Chaque personnage se retrouve doté d'une personnalité complexe qui s'éloigne des modèles manichéens de la chanson de geste. Au lieu des chevaliers aux vertus guerrière et religieuses hors du commun, on se retrouve en présence d'hommes comme les autres, avec leurs qualités et leurs faiblesses. Bien que la guerre reste un thème fondamental, on observe un glissement des valeurs : on est passé de chevaliers héroïques occupés à leur exploits à des chevaliers chantres de l'amour. La poésie chevaleresque est en effet devenu un divertissement élégant et raffiné : les poètes ne s'adressent plus au public des cours et des places mais aux princes et à leurs courtisans uniquement.

Le théâtre au XVe siècle

Dans la première moitié du siècle la plupart des pièces sont composées en latin et sur le modèle des auteurs antiques. Les seules pièces en langue vulgaire sont des pièces d'argument religieux : les sacre rappresentazioni (représentations sacrées) destinées à un public populaire. Ces pièces, très proches des mystères (un genre très en vogue à l'époque dans toute l'Europe) sont écrites en huitains et donnent à voir l'action d'une façon linéaire sous forme de tableaux successifs précédés d'une annonce et suivis d'un congé prononcé par un ange. Parmi les plus célèbres d'entre elles on trouve la Rappresentazione di Abramo e Isacco composée vers 1440 par Feo Belcari.

C'est avec La favola d'Orfeo composé en 1480 par Politien qu'apparaît pour la première fois un véritable théâtre en langue vulgaire et d'argument profane. L'œuvre, qui reprend le mythe d'Orphée, ouvrira une nouvelle voie pour le théâtre italien.

Le Cinquecento : l'épanouissement des Arts au milieu de l'instabilité politique

L'Italie du XVIe siècle doit faire face à une triple crise : politique, économique et religieuse. La France et l'Espagne luttent pour prendre le contrôle de la péninsule et c'est finalement l'Espagne qui l'emporte après plusieurs décennies d'affrontement. Les traités du Cateau-Cambrésis signés en 1559 officialisent l'hégémonie espagnole sur tout le sud du pays et lui assurent le contrôle du nord par l'intermédiaire de la papauté. Dans les quelques États du Nord qui parviennent à maintenir une relative indépendance se développent des régimes aristocratiques fondés sur le pouvoir de princes autour desquels gravitent leurs cours.

D'autre part, la conjoncture économique prend progressivement un tour défavorable. La découverte de l'Amérique et la circumnavigation de l'Afrique, auxquels l'Italie n'a pas participé, ouvrent de nouvelles routes commerciales desquelles elle est exclue.
Enfin, la société italienne subit de plein fouet la réforme protestante dont les idées se répandent dans toute l'Europe. En réaction à celle-ci le pape Paul III ouvre en 1545 le concile de Trente qui durera dix-huit ans et conduira à la mise en place de la Contre-Réforme.

Malgré ces crises l'Italie continue de rayonner sur le plan culturel. Elle nourrit la scène artistique et culturelle européenne et le mode de vie des cours italiennes se cristallise en un idéal très prisé. L'évolution de l'imprimerie favorise la diffusion des textes et élargi le public à de nouvelles classes sociales. Le raffinement recherché dans les cours des princes contribue au développement de la littérature courtisane et chevaleresque dont l'Arioste est un des plus illustres représentants. On peut diviser ce siècle en deux grande périodes.

La première, qui couvre la première moitié du siècle correspond à l'apogée de l'idéal classique de l'humanisme et est représentée par des œuvres comme l'Orlando furioso d'Arioste, le Prince de Machiavel, les Prose della volgar lingua et les Gli Asolani de Pietro Bembo ou encore le Livre du courtisan de Baldassare Castiglione. Par ailleurs, les auteurs antiques continuent d'influencer durablement la littérature et servent souvent de mesure pour comparer et commenter les œuvres contemporaines. C'est entre autres le cas pour Aristote dont la Poétique est redécouverte dans les années 1540.

La deuxième moitié du siècle voit l'épuisement progressif des idées de la Renaissance et annonce déjà le Baroque qui prendra forme au siècle suivant. D'autre part, la littérature se développe dans le cadre de la censure imposé pour les besoins de la Contre-Réforme. Les œuvres sont soumises à l'imprimatur et en 1559 un index des livres interdits est institué par l'Église. Cette nouvelle littérature caractérisée par le maniérisme traduit le sentiment d'inquiétude né de la fin des certitudes de la Renaissance.

L'épineuse question de la langue

Le développement de l'imprimerie, en facilitant la diffusion des œuvres révèle la diversité des langages employés par les auteurs italiens. Alors que le latin est désormais cantonné à l'érudition intellectuelle et aux textes religieux, la controverse tourne maintenant autour du choix de la langue vulgaire à adopter pour la littérature. De nombreux traités sont publiés à cette occasion. On peut les répartir selon trois tendances générales :

  • La tendance bembistica du nom de Pietro Bembo qui défend une langue pure distincte de la langue parlée et modelée sur les exemples de Boccace et de Pétrarque.
  • La tendance courtisane défendue par Vincenzo Calmeta et Gian Giorgio Trissino soutient la langue parlée dans les cours, celle de Rome en particulier, car elle est issue du brassage des langues des courtisants de toute la péninsule.
  • La tendance toscane défendue par Claudio Tolomei et Nicolas Machiavel qui revendique la supériorité du toscan courant.

C'est finalement l'avis de Bembo exposé dans les Prose della volgar lingua qui finit par l'emporter. En 1958, l'Accademia della Crusca est fondée à Venise. A partir de 1612 un dictionnaire le Vocabolario est publié. Dés lors l'Accademia devient la référence en matiére de language littéraire national.

La prose du XVIe siècle

Par la suite, à Venise, Florence, Sienne et Rome s’illustreront des auteurs comme l’Arioste (1474-1533), Bernardo Dovizi dit Bibiena ou encore Machiavel (1469-1527) qui écrira également pour le théâtre Mandragore et l’Archidiable Belphégor.

L’Arétin, à Venise, use du nouveau moyen de l’imprimerie pour diffuser ses nouvelles. Ses Ragionamenti et sa Correspondance sont de précieux témoignages de la société et des mœurs de l’époque.

Le dynamisme culturel et artistique conduit Giorgio Vasari (1511-1574) à publier en 1550 son manuel critique les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes italiens. D’autre part, le théâtre italien populaire rend célèbre les personnages de la commedia dell’arte dans toute l’Europe.

À partir du milieu du XVIe siècle, la tâche des artistes devient d’exalter la vivacité du catholicisme contre l’austérité du protestantisme. Avec l’ouverture du concile de Trente (1545-1563), l’Italie devient le foyer de la Contre-Réforme. L’Inquisition romaine poursuit et persécute les suspects d’hérésie, entraînant l’émigration de l’élite cultivée acquise aux thèses d’Érasme et à la Réforme. L’imprimerie est mise sous la tutelle du Saint-Office et la première liste de livres mis à l’Index paraît en 1557.

Le Tasse (1544-1595) influencé par les classiques (Homère, Virgile…) et par les moderne (Dante et Pétrarque) décrit l’épopée de la première croisade dans son ouvrage Jérusalem délivrée publié en 1580. En 1593, il propose une autre version la Jérusalem conquise beaucoup plus sobre dans le style de la poésie baroque.

Le dominicain Giordano Bruno quant à lui s’affirme ouvertement panthéiste et partisan de la théorie de Copernic. Sa comédie « le Chandelier » (1582) est une violente satire de l’obscurantisme. Condamné à l’errance et à la persécution, il est finalement brûlé vif à Rome.

De son côté, Galilée inaugure le genre de la littérature scientifique par une prose précise et rationnelle dans ses ouvrages scientifiques : l’Essayeur (1623) et Dialogue sur les deux grands systèmes du monde (1632). Il est cependant contraint à l'abjuration publique de ses thèses sur l'héliocentrisme.)

Siècle des Lumières

Voir : Écrivains italiens nés au XVIIIe siècle

XIXe et XXe siècles

Voir :

Bibliographie

  • Céline Frigau et Pauline Kipfer, La Littérature italienne du XIIIe siècle à nos jours, Pocket, coll. « Langues pour tous », 2006.

Références

  1. Poeti minori del trecento, anthologie choisie par Natalino Sapegno, 1179 pages, Éd. Ricciardi, Milan et Naples, 1952

Liens externes

Voir aussi

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