- Bataille de Kursk
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Bataille de Koursk
Pour les articles homonymes, voir Koursk (homonymie).Plus grande bataille « industrielle » de l’histoire, la bataille de Koursk oppose du 5 juillet au 23 août 1943 les forces allemandes aux forces soviétiques sur un immense saillant de 23 000 km² situé au Sud-Ouest de la Russie, à la limite de l'Ukraine, entre Orel au nord et Belgorod au sud. Elle est l'une des batailles décisives qui ont déterminé l’issue de la Seconde Guerre mondiale sur le continent européen.
Alors qu'il est communément admis que la bataille de Stalingrad représente le véritable tournant de la Seconde Guerre mondiale en Europe, le début de la fin pour la Wehrmacht et la mise en route de l'avancée irrésistible du rouleau-compresseur soviétique jusqu'à Berlin, la bataille de Koursk constitue un tournant tout aussi important mais moins connu, et nuance cette analyse : le premier semestre de l'année 1943 constitue en fait sur le front russe une phase d'équilibre, de récupération et de préparation à l'ultime tentative du Troisième Reich de reprendre l'initiative contre l'Armée rouge après ses échecs successifs devant Moscou et Stalingrad.
Son nom de code est opération Zitadelle pour la Oberkommando der Wehrmacht. Elle se solde par un nouvel échec pour le Reich nazi. Trois armées allemandes regroupant 800 000 hommes soit 70 divisions (50 divisions dont 19 blindées et motorisées, et 20 divisions de réserve) et 2700 chars se lancent à l’assaut de trois armées blindées de 3 600 chars et d’une armée d’infanterie regroupant 1,3 million d’hommes, soit 2 millions de combattants sur un front long de 270 km. Le Reich y engage 6 000 avions dont les 1 800 avions des 4e et 6e flottes aériennes et plus de 50% de la totalité de ses disponibilités en blindés.
« Tout le potentiel offensif que l'Allemagne avait pu rassembler fut jeté dans l'opération Citadelle. » - Général Erfurth.Bien qu'y ayant engagé l’essentiel et le meilleur de ses forces disponibles, la Wehrmacht se heurte à une défense russe opiniâtre, solide et bien organisée, qu'elle ne parvient pas à percer malgré l'ampleur considérable des moyens engagés et elle subit de lourdes pertes. L'Armée rouge, bien qu'ayant souffert de pertes encore plus importantes, dispose de réserves stratégiques et peut alors lancer deux contre-offensives de part et d'autre du saillant de Koursk, l’opération Koutousov et l’opération Polkovodets Rumyantsev. Ces contre-attaques rejettent la Wehrmacht sur ses lignes de départ et permettent la libération de deux villes stratégiquement importantes, Orel et Kharkov.
La bataille de Koursk constitue également la plus grande bataille de chars de l'histoire. Comme il était prévisible, l'issue de cet affrontement gigantesque fut exagérée par la suite par la propagande soviétique et minorée par la propagande nazie. Suite à cette défaite, la Wehrmacht ne parvint plus jamais à reprendre l'offensive sur le front russe. Elle fut contrainte de subir dès lors une poussée continue, parsemée de défaites allemandes et de victoires soviétiques successives qui allaient conduire à la libération du territoire soviétique de l’occupation nazie puis à la conquête de Berlin par l’Armée rouge. Fin août 1943, il apparaît que l'Allemagne a probablement déjà perdu la Seconde Guerre mondiale.
Sommaire
Situation
Article détaillé : Ordre de bataille lors de la bataille de Koursk.La guerre à l'Est vient d'entrer dans sa troisième année. Les deux précédentes ont été marquées par le même schéma : une offensive des forces de l'Axe pendant la belle saison, durant laquelle les Allemands peuvent exploiter la supériorité tactique de leurs forces, plus capables de mettre en œuvre la coordination nécessaire entre les différentes armes, pour réaliser les opérations connues sous le nom de Blitzkrieg. Les Soviétiques, moins mobiles, se retrouvent alors obligés de céder du terrain pour gagner du temps et constituer des réserves, en attendant que l'offensive allemande marque le pas avec l'arrivée de l'hiver. Des conditions climatiques rigoureuses et l'état des routes réduisent l'avantage tactique des Allemands en termes de mobilité. L'Armée rouge peut alors bloquer ou ralentir la progression de l'invasion allemande et passer à son tour à l'offensive en profitant des qualités combattantes de son infanterie. L'année 1941 fut catastrophique pour l'Armée rouge, mal organisée, mal commandée, et prise au dépourvu par la déferlante de l'attaque allemande. Pour ces raisons, elle subit pendant l'été 1941 des pertes colossales lors de l'Opération Barbarossa. Mais, contrairement aux prévisions des dirigeants du Reich nazi, elle ne s'effondra pas et, renforcée par des troupes d'Extrême-Orient elle parvint à enrayer l'attaque allemande lors de la bataille de Moscou, passant à la contre-offensive. Cependant, mal dirigée et trop ambitieuse, celle-ci s'enlisa assez rapidement et provoqua de lourdes pertes, donnant à l'armée allemande la possibilité d'attaquer de nouveau au printemps 1942.
Les Allemands choisirent de mener une offensive plus localisée que l'année précédente, en concentrant leurs forces dans le sud du front, pour y chercher la décision, et en restant sur la défensive sur le reste du front évitant la direction générale de Moscou où attendent le plus gros des forces soviétiques. L'avancée en territoire russe fut considérable en 1941 du fait de la surprise initiale de l'invasion de juin. Mais, par rapport à 1941, les pertes soviétiques furent moindres. La Stavka put repositionner ses forces avant d'anéantir une armée allemande au complet, la VIe commandée par l'éphémère Feldmarschall Paulus lors de la bataille de Stalingrad (septembre 1942 - 2 février 1943), plus grande défaite militaire allemande depuis la bataille d'Iéna en 1806. Tous les gains allemands de l'été furent reconquis et la VIe armée dut capituler. Mais cette spectaculaire victoire soviétique fut suivie d'une contre-offensive généralisée qui, là encore, pêcha par excès d'optimisme. En effet, la Stavka voulut aller plus loin, en enfermant les forces en cours de repli du Caucase et en attaquant le Groupe d'armées centre. Les troupes soviétiques furent poussées en avant, sans considération de l'épuisement des unités et des difficultés logistiques. Habilement, Erich von Manstein profita de l'occasion et après avoir économisé des forces en raccourcissant son front, contre-attaqua l'Armée rouge dans la région de Kharkov, lui infligeant une sévère défaite en février et mars 1943. Avec l'arrivée de la saison des boues, la raspoutitsa, le front se stabilisa alors sur une ligne partant de Léningrad au nord jusqu'à Rostov au sud. Au centre se trouvait un profond saillant de 200 kilomètres de largeur et de 150 kilomètres de profondeur entre la position avancée allemande d'Orel au nord et la prise récente de Manstein Kharkov, au sud. Les deux état-majors étaient alors très divisés sur la conduite à tenir : attaquer ou non et si oui, où ?
Plans et préparatifs allemands
Du côté allemand, on est conscient, après l'échec de la bataille de Moscou et le désastre de Stalingrad, qu'une victoire militaire globale sur l'Union soviétique est désormais impossible compte tenu de l'ampleur des pertes du Troisième Reich sur le front russe depuis juin 1941, les effectifs de la Wehrmacht ne pouvant désormais plus y suffire. Par ailleurs, l'effet de surprise de l'invasion de juin 1941 a disparu, et portée par la mobilisation totale de la "Grande Guerre patriotique", l'industrie de guerre soviétique ne cesse de monter en puissance. Il convient maintenant d'économiser des troupes et de gagner du temps, en espérant forcer l'un ou l'autre des alliés à une paix séparée. À l'est, on décide de s'inspirer de la construction de la ligne Hindenburg sur le front de l'Ouest de 1918 et on commence la construction d'une série d'ouvrages défensifs connue en tant que ligne Panther-Wotan, où la Wehrmacht va se retrancher d'ici la fin de l'année 1943. Cependant, compte tenu du potentiel militaire soviétique qui ne cesse de se développer de 1941 à 1945, le front se prête mal à une stratégie défensive de longue haleine, et il est nécessaire de la rectifier, dès que la météo permettra de nouveau les opérations mobiles.
Erich von Manstein est partisan d'une attaque rapide en direction de Koursk, dès que le temps le permettra. Il veut surprendre et détruire les nombreuses forces soviétiques présentes dans le saillant du même nom, car ce sont les troupes qui ont le plus souffert lors des derniers mois, avant que celles-ci n'aient le temps de consolider leurs positions. Cette avancée soviétique sur le front ennemi, à la jonction du groupe d'armée centre et du groupe d'armée sud, pourrait être coupée par un mouvement de pince à sa base. De nombreuses forces soviétiques, presque un cinquième des ressources humaines de l'armée rouge finit par y être stationnée, pourrait être détruite et le front raccourci de façon importante. De plus, on s'emparerait de nouveau, du nœud ferroviaire stratégique situé sur la principale ligne nord-sud allant de Rostov à Moscou. On compliquerait ainsi les mouvements des réserves soviétiques vers le sud. En mars les plans étaient décidés. La 9e armée de Walther Model attaquerait au nord depuis Orel pendant que la 4e armée panzer de Hoth et le détachement de Kempf sous le commandement global de Manstein attaqueraient du sud depuis Kharkov. Ils devaient se rencontrer près de Koursk, mais si l'offensive se déroulait bien, ils étaient autorisés à continuer en suivant leur propre initiative, avec pour objectif général de créer une nouvelle ligne sur la rivière du Don, loin vers l'est. Cette offensive, l'Operation Zitadelle, devait être déclenchée dès que l'état du terrain le permettrait. L’assaut fut préparé avec un très grand soin par les généraux allemands qui accordèrent une attention particulière au terrain et au système défensif des Soviétiques. Selon le général allemand Mellenthin, qui souligne qu’« aucune offensive n'avait jamais été préparée avec plus de soin que celle-là », chaque mètre carré en avait été photographié d'avion.
Il apparut rapidement, au vu des reconnaissances aériennes, que l'état-major soviétique avait anticipé cette attaque et considérablement renforcé les défenses. L'attaque se transformerait en un assaut en règle de positions fortifiées. L'état des forces d'invasion ne permettait pas le succès d'une telle opération et on décida d'en retarder le déclenchement pour renforcer les unités devant attaquer. D'abord prévu pour le 4 mai, il fut retardé jusqu'au 12 juin, puis finalement au 4 juillet afin de disposer de nouvelles armes venues d'Allemagne, en particulier les nouveaux chars Panther. À l'inverse des entreprises récentes, Hitler donna au quartier général un contrôle considérable sur la planification de la bataille. Pendant les quelques semaines suivantes, il continua à accroître les forces attachées au front, retirant sur l'ensemble des lignes allemandes tout ce qui pouvait être utile à la confrontation prochaine. Contrairement aux offensives précédentes, l'effet de surprise, même au niveau tactique, n'est plus recherché ce qui contredit les fondements de la Blitzkrieg, la Stavka connaissant l'endroit de l'attaque et s'y préparant. L'Operation Zitadel prévue par l'OKW était l'antithèse de ce concept. Le point de l'attaque était grandement prévisible pour toute personne disposant d'une carte et reflétait une pensée issue de la Première Guerre mondiale plus que celle du Blitzkrieg. Plusieurs commandants allemands soulevèrent la question, notamment Heinz Guderian qui demanda à Hitler « Est-il nécessaire d'attaquer Koursk, et par principe dans l'Est cette année ? Pensez-vous seulement que quelqu'un sait où est Koursk ? ». Étonnamment, Hitler répondit « Je sais. Cette pensée me retourne l'estomac ».
Von Manstein, attaché à l'idée de surprise, maintenant compromise par les reports de l'opération, propose une autre approche de la situation. Elle s'appuie sur les mêmes principes qui ont conduit au désastre de l'Armée rouge à Kharkov. Il s'agit de provoquer l'attaque des défenseurs soviétiques, puis d'agir en contre, quand celle-ci sera trop avancée. La région choisie est celle du centre industriel de Donetsk, dont la richesse constitue un appât de choix. Von Manstein, compte y attirer un maximum de forces soviétiques, puis les couper de leurs arrières, en faisant mouvement à partir de Kharkov sur le bord est de la rivière Donetz vers Rostov, au sud, piégeant la totalité de l'aile sud de l'Armée rouge contre la mer d'Azov. L'avantage, ainsi acquis, serait alors utilisé pour mettre en place un front défendable. Ce plan a cependant l'inconvénient de laisser l'initiative à l'Armée rouge durant l'été 1943, un précédent très préjudiciable au moral et à la propagande des forces du Troisième Reich, ce qui va provoquer son rejet. Craignant une contre-attaque sur le flanc des unités d'attaque par le front de la steppe, réserve soviétique qui s'était déployée à la base du saillant, il proposa alors une variante de l'opération où on attaquerait d'abord ce dernier, en réalisant l'encerclement, plus en arrière de Koursk. Mais craignant que ses moyens soient trop faibles pour une opération dans la profondeur, l'OKH préféra s'en tenir au plan initial.
Les troupes du Reich nazi mettaient en ligne deux cent exemplaires de leur nouveau char Panther, 90 Elefant (chasseur de chars), tous leurs Henschel Hs 129 (avion d'attaque au sol), les Tigre I et le modèle récent Panzer IV. Au total, furent rassemblés pour cet assaut 2 700 chars et canons d'assaut, 1 800 avions et 900 000 hommes. C'était la plus grande concentration de puissance militaire allemande jamais réalisée.
Plans soviétiques
Du côté soviétique, on était aussi partagé sur la conduite à tenir. Staline et une partie des officiers de la Stavka voulaient frapper les premiers car ils pensaient que les années précédentes avaient prouvé que l'on ne pouvait s'opposer à une offensive estivale allemande, une fois celle-ci déclenchée. Ils préféraient donc prendre les devants, en attaquant frontalement à Orel et Kharkov, pour exploiter la situation en direction des marais de Pripiat. Beaucoup d'autres officiers soviétiques étaient beaucoup plus confiants dans la capacité de l'Armée rouge à résister grâce à des progrès certains dans les tactiques défensives. Ils préféraient attendre d'abord que les Allemands s'épuisent dans leur attaque, pour bénéficier ensuite d'une nette supériorité quand ils passeraient à l'offensive générale, opération que les déficiences encore présentes dans la planification et la logistique, risquaient de transformer en désastre coûteux. Le lieu d'attaque n'était pas un mystère pour les Soviétiques, Joukov, dès le mois d'avril, prédit une attaque sur le saillant. Par la suite, les rapports de renseignement du réseau Lucie, opérant en Suisse et d'autres sources, comme les décryptages réalisés par les Britanniques et les Américains des codes Enigma, confortèrent cette intuition et ne laissant aucun doute sur les intentions de l'ennemi. Cette position prudente finit par emporter la discussion et les Soviétiques prirent alors un soin tout particulier à la préparation d'une défense échelonnée dans la profondeur et à masser des forces nombreuses dans le saillant.
Pendant les quatre mois de répit accordés par le retard des Allemands, l'Armée rouge disposa plus de 400 000 mines et creusa environ 5 000 kilomètres de tranchées, avec des positions parfois reculées de 175 kilomètres. On mit l'accent sur la lutte antichar, avec la création à tous les échelons de commandement d'unités spécialisées dans cette tâche, regroupant à la fois de nombreux canons antichars, mais aussi des sapeurs et des unités mobiles. Malgré tout, le commandement soviétique était inquiet, en se rappelant l'aisance déconcertante, avec laquelle les Allemands avaient autrefois percé leurs lignes. Il déploya donc de nombreux renforts, pour contre-attaquer si nécessaire, ce qui lui permit de bénéficier globalement d'une supériorité numérique, aussi bien en hommes qu'en matériel. 1 300 000 hommes, 3 600 chars, 20 000 pièces d'artillerie et 2 400 avions attendaient les troupes allemandes dans et derrière le saillant. Une grande partie des renforts était regroupée au sein du front de la Steppe, qui fermait la base du saillant. Ces forces devaient éventuellement participer à la défense, si l'attaque ennemie devenait menaçante, mais attendaient surtout que l'on estime la Wehrmacht battue, pour être lancées dans une contre-offensive généralisée.
Tactiquement, la défense s'appuyait sur des corps d'infanterie, chacun fort de trois divisions de fusiliers. Ces unités se répartissaient sur les deux premières lignes de défense, situées dans les vingt premiers kilomètres dans la profondeur du dispositif. Deux divisions, dans la ligne de défense principale, constituaient le premier échelon, la troisième occupant les positions de la seconde ligne et formait le second échelon. L'unité de base constituant ces lignes, était la zone de défense de bataillon, un carré de deux kilomètres de côté, qui comprenait un ensemble complexe de points d'appui, de l'ordre d'une compagnie ou d'une section, se couvrant mutuellement. Deux ou trois tranchées reliaient ces points d'appui, la première était garnie de mitrailleuses et d'armes antichar et était protégée par un réseau de barbelés et un champ de mines. Les autres abritaient les armes d'appui comme des mortiers ou des canons d'infanterie. La seconde était placée deux cents mètres en arrière et la troisième, si elle existait, un kilomètre plus loin. Des positions de tir alternatives étaient prévues sur les flancs en cas de percée dans le secteur des unités voisines, et des boyaux reliaient à plusieurs endroits les tranchées de combat pour permettre l'acheminement de renforts, du ravitaillement et un éventuel repli sur les positions à l'arrière. Quinze kilomètres, derrière la zone tactique, une troisième ligne de défense était édifiée, occupée partiellement par des troupes du second échelon. Elle constituait la dernière ligne défensive au niveau de l'armée, les troupes défendant la zone tactique, si elles avaient survécu, s'y retireraient et, rejointes par des renforts, y continueraient encore la défense. Derrière la zone de défense de l'armée, il existait encore trois lignes de défense dites de front, où étaient basés les renforts. Pour clôturer ce formidable dispositif, le front de la steppe avait établi sa ligne de défense à la base du saillant, qui était de plus doublée par une ligne dite d'état, construite sur la rive est du Don. Au total la profondeur du dispositif soviétique était de deux cent cinquante kilomètres.
Outre les champs de mines posées avant la bataille, on généralisa les détachements mobiles d'obstacle, constitués par une compagnie ou un bataillon de sapeurs. Testés auparavant avec des fourgons hippomobiles à Koursk, ces derniers disposaient enfin de nombreux camions, en particulier ceux fournis par les accords de prêt-bail. Leur mission était de miner le terrain sur le front prévu d'une offensive imminente. Bien que cette tactique fût risquée pour les sapeurs, et que les mines fussent alors rarement enterrées, ces opérations se révélèrent très fructueuses. Le général Tislin affirmera que les deux tiers des chars détruits par les mines le furent par des mines posées par ces détachements. Cette tactique devint donc caractéristique du génie soviétique qui insistera alors, suite aux leçons de Koursk, sur l'importance des champs de mines. Outre leur rôle dans l'action défensive, ils pouvaient servir lors de phases offensives pour protéger les flancs.
L'opération Citadelle
Après quatre mois de préparation, le 4 juillet 1943, l'ennemi déclencha les premiers combats sur le flanc sud du saillant, en attaquant les avant-postes soviétiques pour préparer l'assaut général du lendemain. Ceux-ci étant situés sur des petites collines, ayant des vues sur les zones de rassemblement des unités allemandes, toute possibilité de surprise était exclue. Le IIIe Panzerkorps du général Hoth attaqua les positions autour de Zavidovka. La Panzergrenadier-Division Grossdeutschland, appuyée par 3 Panzer-Division, attaqua Butovo sous une pluie torrentielle alors que la 11e Panzer-Division faisait mouvement sur les hauteurs autour de la ville. À l'ouest de Butovo, la Grossdeutschland et la 3e Panzerdivision rencontrèrent une résistance acharnée des Soviétiques et ne sécurisèrent pas leurs objectifs avant minuit. Le IIe SS-Panzerkorps attaqua les postes d'observation avancés et rencontra lui aussi une défense solide qui nécessita de réduire les bunkers au lance-flamme. Sur le flanc nord, en cours d'après-midi, les Junkers Ju 87 Stuka bombardèrent pendant dix minutes une portion du front de trois kilomètres. Leur action fut alors suivie par un tir de préparation massif d'artillerie.
À 22h30, l'Armée rouge déclencha un tir d'artillerie massif pour essayer de désorganiser l'attaque allemande. Sur le flanc nord, cette opération visant l'artillerie adverse fut particulièrement efficace puisque près de la moitié de l'artillerie allemande fut touchée par le tir de contre-batterie mais eut une influence bien moindre le lendemain. Au sud, Joukov reconnut par la suite que le tir fut déclenché trop tôt, manquant en grande partie les unités allemandes d'infanterie et de blindés visées, qui n'étaient pas encore sorties de leur zones de regroupement à l'arrière. Les pertes allemandes furent donc faibles mais la contre-préparation soviétique provoqua néanmoins un retard de quelques heures dans le déploiement des troupes allemandes et donc de l'attaque.
La vraie bataille débuta le lendemain. La VVS attaqua massivement les bases de la Luftwaffe dans la zone, pour la contrer dans sa tactique habituelle d'obtention de la supériorité aérienne. Les quelques heures suivantes peuvent être probablement considérées comme le plus grand combat aérien de l'Histoire. La Luftwaffe se défendit avec succès et perdit très peu de son pouvoir offensif mais, à partir de ce moment, sa maîtrise du ciel fut durement contestée et elle ne put balayer sa rivale du ciel au-dessus du champ de bataille.
Enlisement rapide au nord
La 9e armée de Walter Model, dans le nord se trouva presque incapable d’avancer dès le premier jour, n'atteignant aucun des objectifs prévus. Son attaque, visant la ville et la gare de Ponyri, sur un front large de quarante-cinq kilomètres, ayant été correctement anticipée par l'état-major du front central du maréchal Rokossovski, elle se retrouva au milieu de gigantesques champs de mines défensifs, protégés par des tirs d'infanterie et d'artillerie. Les unités de sapeurs qui travaillèrent à dégager des cheminements subirent alors de lourdes pertes et ce malgré l'emploi de véhicules télécommandés Goliath. Ces mines provoquèrent de nombreuses mise hors service de véhicules, par exemple, le 653e Schwere PanzerJaegerAbteilung eut 37 de ses 49 Ferdinands déchenillés dans la journée du 5. La plupart de ces pertes n'était pas définitives car les véhicules simplement immobilisés pouvaient être réparés. Mais il en résulta un affaiblissement constant des forces participant à l'assaut. Ce dernier s'essouffla très vite. L'avance ne fut que de 5 kilomètres sur un front de 40 le premier jour, 4 le second. À partir du 7 juillet, le front d'attaque fut fortement réduit, avec seulement 15 kilomètres, et passa à 2 kilomètres les deux jours suivants. Mais l'attaque piétina de plus belle et plus jamais une avance supérieure à 2 kilomètres ne fut enregistrée. Le 10 juillet, l'attaque marqua le pas, n'ayant avancé que de douze kilomètres dans le dispositif soviétique et n'ayant qu'à peine entamé la seconde ceinture défensive de celui-ci.
Cet échec eut plusieurs causes. Une est paradoxale : bien que la 9e armée fût la plus faible des deux parties de la tenaille allemande, les Soviétiques l'avaient par erreur anticipée comme l'attaque principale et avaient déployé leurs forces en conséquence. Autre raison de cet échec, la 13e armée soviétique, qui supportait le gros de cet assaut, avait fait le choix, contrairement aux unités du flanc sud, de défendre de façon prioritaire la zone tactique, soit les vingt premiers kilomètres dans la profondeur. Ce choix, bien que laissant peu d'unités pour couvrir les lignes de défense suivantes, semble s'être révélé bien plus payant, la défense étant souvent en surnombre sur les points décisifs. Les Allemands ayant perdu 300 PzKW III et PzKW IV, une demi-douzaine de Tigres et une cinquantaine de chasseurs de chars, se retrouvèrent complètement exsangues et incapables de poursuivre leur avance. Le 12 juillet, l'Armée rouge déclencha sa contre-offensive contre les 2e et 9e armée dans le saillant d'Orel. Dépassée en effectifs et en puissance, la Wehrmacht dut évacuer celui-ci rapidement et donc abandonner la face nord du saillant de Koursk, pressée de près par les unités d'assaut soviétiques. Le ratio global de pertes de ces opérations était toujours en faveur des Allemands mais seulement de trois pour cinq, très inférieur donc aux opérations précédentes et très insuffisant pour compenser la supériorité grandissante de l'Armée rouge. Ajouté au recul territorial et à la perte d'Orel, c'est donc un échec retentissant que subit la Wehrmacht pour la partie nord de l'opération.
Le passage à l'offensive des défenseurs de l'Armée rouge, au nord, intervint très tôt dans la bataille, sans presqu'aucune transition, dès le 12 juillet. Ce jour, les deux fronts plus au nord du dispositif, le front de Briansk et celui de l'Ouest, déclenchèrent une offensive concentrique, l'opération Kutuzov, en direction d'Orel. Le 15 juillet, après s'être réorganisé, le front du Centre se joignit à l'attaque et les Allemands attaqués sur trois côtés, durent battre en retraite précipitamment sur la ligne Hagen, partiellement bien préparée à la base du saillant, et envoyer des renforts à partir du sud. Les combats durèrent jusqu'au 18 août. Les combats, bien que plus coûteux pour les Soviétiques, leur permirent de libérer Orel et constituèrent les premiers succès de cette armée en période estivale. Ils permirent la libération de Smolensk au cours du mois de septembre 1943.
Le flanc sud
Opérations préliminaires
Au sud du saillant, les circonstances sont beaucoup plus favorables pour les Allemands. Le front de Voronej qui leur fait face est moins puissant que le front central du fait de l'erreur d'appréciation de la Stavka et est attaqué par les meilleures unités de la Wehrmacht. Les Soviétiques, de plus, n'ont pas pu identifier le secteur exact de l'attaque allemande et ont donc dû répartir leurs forces de façon plus régulière et échelonnée sur la profondeur. La progression allemande est donc plus importante et la menace d'une percée décisive se profile rapidement. L'attaque est menée par deux armées allemandes sur deux axes. La poussée principale est réalisée par la 4e Panzerarmee du général Hoth forte de onze divisions dont six mécanisées. Elle vise la petite ville d'Oboyan qui est le trajet le plus direct pour atteindre Koursk. Sur sa droite, le détachement d'armée du général Kempf, parti de la région de Belgorod, attaque lui sur l'autre rive de la rivière Donets, en direction du nord. Von Manstein décide, contrairement à Model, de pousser ses unités blindées dès le premier jour pour rompre au plus vite. La surprise, déjà compromise par la capture de prisonniers, est encore atténuée sur la face sud par l'opération préliminaire menée au cours de la journée du 4 juillet contre les avant-postes de la 6e armée de la garde, faisant face au 48e Panzerkorps. Ces avant-postes, placés sur des petites collines basses avec vue sur les zones de regroupement allemandes, rendaient toute surprise impossible. Le général Knobelsdorf, commandant le corps, décida donc de s'en emparer la veille de l'offensive générale car ils avaient aussi l'inconvénient de lui dissimuler la première ligne soviétique.
Après l'ouverture de couloirs dans les champs de mines dans la nuit du 3 au 4 juillet, un bombardement par cent Ju87D à 14h45 et une courte préparation d'artillerie, les régiments d'infanterie des 3e et 11e Panzerdivision ainsi que ceux de la division Grossdeutchland attaquent ces positions, avec le concours d'unités du 52e Armeekorps sur sa gauche et du 2e Panzerkorps SS sur sa droite. Le 199e régiment de fusiliers de la garde qui défend les avant-postes, résiste quelque temps, mais évacue à la tombée du jour vers la ligne de défense principale. Le 48e Panzerkorps a gagné des positions d'attaque favorables mais toute chance de surprise tactique s'est envolée. Vatutin conclut donc, avec raison, qu'il a à faire face à une attaque en direction d'Oboyan avec une attaque secondaire à partir de Belgorod. Comme Rokossovsky, il déclenche lui aussi une contre préparation de trente minutes à l'aide de son artillerie mais, du fait de sa situation différente, choisit de cibler prioritairement les concentrations de troupes plutôt que l'artillerie adverse. Les unités nazies, pour la plupart à l'abri dans des positions défensives, subiront cependant peu de pertes. En revanche les effets sur l'organisation et le moral allemands seront importants et il faudra à l'état-major allemand retarder de trois heures l'attaque pour réorganiser ses unités. Le génie met néanmoins la nuit à profit pour dégager des couloirs dans les champs de mines qui protègent la première ligne soviétique.
L'assaut
À quatre heures du matin, le 5 juillet, les bombardiers de la 4e Luftflotte se présentent au-dessus des positions de la 6e armée de la Garde qu'ils bombardent intensément. L'attaque aérienne est suivie d'un tir d'artillerie de cinquante minutes mais très intense sur tout le front d'attaque du groupe d'armée sud. À cinq heures du matin, les chars et l'infanterie de la 4e Panzerarmee commencent à avancer. Le terrain sec jusqu'au 4 juillet a été détrempé dans l'après-midi de cette journée, rendant le mouvement des véhicules à roues très difficile. Autre problème omniprésent, les mines soviétiques, qui malgré le travail des pionniers allemands, provoquent de nombreuses pertes. Les Soviétiques affirmeront par la suite que sur la face sud du saillant, lors du premier jour, les pertes de la Wehrmacht ont été de 67 chars et l'équivalent de deux bataillons d'infanterie. En plus, de nombreux officiers seront tués ce jour par les pièges soviétiques. Le commandant de la 332e Infanteriedivision, par exemple, trouvera la mort de cette façon lors de l'attaque initiale. Les résultats sont assez inégaux, selon les unités. La 3e Panzerdivision, malgré les difficultés, réussit dès le premier jour à repousser les éléments de l'Armée rouge défendant Butovo de près de cinq kilomètres, perçant ainsi la première ligne de défense. La division Grossdeutschland, elle, se retrouve bloquée par un fossé antichar rempli d'eau, jusqu'au lendemain. Le Panzerregiment 39 avec ses deux cents chars Panther flambant neufs, coincé dans un champ de mines, subit de lourdes pertes et est alors incapable de soutenir la division qui, elle aussi, subit de grosses pertes d'infanterie et est repoussée. L'attaque doit être alors annulée et remplacée par une nouvelle plus à l'est. La 11e Panzerdivision, elle, réussit son attaque contre la 67e division de la garde mais n'arrive à repousser celle-ci que de six kilomètres, suite à l'intervention des quarante chars de la 96e brigade blindée. Au soir du 5 juillet, le 48e Panzerkorps a donc réussi à percer la première ligne de défense soviétique mais son avance est inférieure aux prévisions avec six kilomètres au maximum. Elle n'est qu'à mi-chemin de la seconde ligne et incapable de préparer une attaque à l'aube du 6.
Plus à l'est, le 2e Panzerkorps SS a, lui, eu plus de chance car ses trois divisions de panzergrenadiers n'ont eu comme opposition que deux régiments, un de la 375e division et un de la 52e division de la Garde, les Soviétiques n'ayant apparemment pas anticipé une attaque dans ce secteur. Malgré les mines et la météo, l'attaque se déroule bien et progresse vite, la 375e division poursuivie par la 3e SS-Panzergrenadier-Division Totenkopf doit se replier derrière la rivière Donets, et exploitant la brèche créée par les divisions Leibstandarte Adolf Hitler et Das Reich, peuvent se positionner, au soir, à moins de cinq cents mètres de la seconde ceinture défensive. Comparativement aux autres unités allemandes, le résultat est bon mais les pertes sont lourdes et les unités de l'Armée rouge se sont repliées en bon ordre, n'abandonnant que peu de matériel. Plus au sud, le détachement d'armée Kempf attaque la 5e armée de la garde, à partir de la tête de pont que les Allemands ont prise sur la rive est du Donets à Belgorod. Cette attaque commencée le 5 à 2h25, est plus difficile du fait de la nécessité de franchir le cours d'eau. L'artillerie soviétique détruira de nombreux ponts dans la journée, freinant la progression ennemie. La 168e Infanteriedivision, pourtant supportée par les chars de la 6e Panzerdivision, ne repousse le 238e régiment de la Garde que de trois kilomètres. La 19e Panzerdivision, elle aussi confrontée aux unités de la 81e division de la Garde, plus au nord, progresse peu. Seule la 7e Panzerdivision réussit à percer la première ligne de défense tenue par la 78e division de la Garde, après avoir franchi la rivière et repousse celle-ci à mi-chemin entre les ceintures défensives. Le général Breith, commandant le 3e Panzerkorps, décide alors de renforcer ce succès en retirant la 6e Panzerdivision de la tête de pont nord et de l'envoyer soutenir la 7e au sud. Cette initiative, quoique correcte tactiquement à son échelle, provoquera une difficulté pour l'ensemble du dispositif allemand, obligeant durant plusieurs jours, la division Totenkopf à faire face à l'est pour protéger la droite de la 4e armée de panzer. La 19e Panzerdivision sera elle aussi obligée de s'engager vers le nord pour couvrir la gauche de Kempf. Les Soviétiques pousseront de nombreux renforts dans ce petit saillant pour tenter de maintenir séparées les deux attaques allemandes. Ils réussiront à s'y maintenir jusqu'au 15 juillet, fixant de nombreuses forces allemandes qui ne purent donc participer pleinement à l'offensive principale. Plus au sud, les 11e et 42e corps connaissent peu de réussite, seule la 106e Infanteriedivision réussira à prendre pied sur la rive est mais seul un pont de huit tonnes sera établi, incapable de supporter des blindés pour appuyer la poursuite de l'attaque. Elle s'empare de la petite ville de Toblinka où son avance est arrêtée par une contre-attaque de la 72e division de la Garde appuyée par des blindés et des éléments de la 213e division. La 320e Infanteriedivision atteint la voie ferrée à Maslova Pristani. Les autres divisions, si elles ont toutes réussi le franchissement, sont bloquées encore plus rapidement. Les deux corps d'infanterie au sud de Kempf n'ont donc pas réussi à percer la première ligne et se retrouvent dans une situation délicate, dos à la rivière.
Sa première ligne de défense étant percée à deux endroits, Vatutin profite de la nuit du 5 au 6 juillet pour déployer des renforts derrière sa seconde ceinture défensive, pour renforcer les unités en place et celles qui se sont repliées face à l'attaque allemande. La 1re armée de chars se déploie derrière la 6e armée de la garde pour interdire la direction d'Oboyan. Initialement, elle doit contre-attaquer le 6 au matin mais Vatutin et le général Katutov qui la commande, décident finalement de la placer dans une posture défensive en enterrant ses chars pour interdire toute percée directe vers Koursk. La Stavka a aussi mis à sa disposition deux corps blindés, le 10e, provenant de la 5e armée de la Garde, renforce la 1re armée de chars, et le 2e corps blindé de la Garde, issu des réserves du front sud-ouest, lui se met en position au sud de Prokarvha pour agir sur le flanc est du 2e SS Panzerkorps. Vatutin prélève aussi des unités au sein des armées hors des secteurs d'attaque, pour les redéployer face à la menace allemande. Ainsi la 309e division de fusiliers de la 40e armée se met en réserve dans l'axe d'Oboyan. Deux brigades blindées, les 180e et 192e, mèneront des contre-attaques sur le flanc ouest du 48e Panzerkorps.
Von Manstein donne l'ordre de percer la seconde ligne au matin du 6. Le 48 Panzerkorps avance en repoussant les trois divisions de la Garde qui lui font face dans les positions de deuxième ligne mais retardé par les mines et la résistance soviétique, il doit constater son impuissance dès la fin de la journée. Au total, il n'a progressé que de dix kilomètres en 48 heures. Déjà présent sur les avant-postes de la seconde ligne, au soir du 5, le 2e SS panzerkorps est donc la seule unité qui attaque ces positions. Largement soutenue par la Luftwaffe, l'attaque de la division Leibstandarte Adolf Hitler, à Iakolevo, est très réussie et le 155e régiment de la Garde voit ses positions submergées, de nombreux prisonniers étant capturés. Les allemands exploitent ce succès en attaquant de flanc le 151e régiment voisin. Mais les Soviétiques aveuglent la brèche en déployant le 31e corps blindé, au nord de la ville, bloquant toute exploitation immédiate et lancent deux contre-attaques de blindés. Plus à l'est, la division nazie Das Reich attaque à Luchki. Elle progresse bien mais la contre-attaque menée par le 2e corps blindé de la Garde, appuyée par la 69e armée, l'empêche de percer les lignes de défenses. La troisième division du corps Totenkopf, elle, n'attaque pas et passe toute sa journée à repousser les offensives menées par la 375e division, appuyée par les blindés de la 96e brigade blindée et la 496e de chasseurs de chars. Au soir du 6, le 2e corps SS a donc entamé la seconde ligne de défense. Ils revendiquent la capture de 1609 prisonniers et la destruction de 90 chars et 83 canons antichars. Cependant, les pertes allemandes sont lourdes : la division Adolf Hitler déplore 84 morts et 384 blessés, rien que ce jour. En 48 heures, elle totalise 181 tués et 906 blessés ce qui représente dix pour cent de son effectif. Et Koursk est encore à 110 kilomètres.
Dans le secteur de Kempf, le 3e Panzerkorps réussi à percer définitivement la première ligne de défense et à atteindre le seconde, les 6e et 7e panzerdivision atteignant Yastrebovo. Le 11e corps peut alors profiter de la retraite des unités soviétiques et avancer lui aussi. Par contre le 52e corps, malgré son attaque, lui reste sur la rive ouest du Donets.
L'attaque sur un front plus étroit, environ trente kilomètres, progresse mieux, mais comme au nord, le front d'attaque et la progression ont tendance à se réduire au fur et à mesure que les jours passent. Dès le 7 juillet, l'attaque ne se produit plus que sur vingt kilomètres de front, puis va tomber à quinze le 9 juillet. La progression réalisée en profondeur chute elle aussi très rapidement, l'avance est de neuf kilomètres, le 5 juillet, mais elle tombe à cinq le 9 juillet et ne dépassera pas deux ou trois kilomètres les jours suivants. Un soldat de la division Grossdeutschland se rappelle Koursk : « ...des machines pourtant solidement rivetées, s’ouvraient comme le ventre d’une vache fendue en deux, avec des flammes et des gémissements, des arbres réduits à l’état d’allumettes… ; les cris des officiers et des sous-officiers essayant de regrouper leurs pelotons et leurs compagnies dans ce cataclysme ».
Si l'avance est supérieure et la première ligne soviétique percée, l'absence de capture importante de prisonniers et de destruction d'artillerie montrent que les troupes soviétiques reculent en bon ordre. La défense n'est pas débordée et continue à s'opposer constamment à l'offensive. La nuit, des petits groupes de sapeurs russes posent des mines devant le front supposé des offensives allemandes du lendemain, 90 000 mines seront ainsi posées. Les unités d'infanterie et l'artillerie retardent par leur action l'avance des troupes allemandes, donnant le temps aux renforts de s'installer sur les axes menacés.
Les pertes du Reich sont considérables et non compensables à court terme, un grand nombre d'unités d'assaut ayant été pratiquement totalement anéanties. Ainsi, le 195e régiment de la 78e division d'infanterie perd en deux jours tous ses commandants de compagnie. Le 11 juillet, moins d’une semaine après le déclenchement de l’opération « Zitadelle », les éléments combattants de la 18e Panzerdivision comptaient encore 5 266 hommes et 157 officiers; 12 jours plus tard, il ne restait que 890 hommes et moins de 30 officiers. Une semaine plus tard, un des régiments de Panzergrenadier de la division était réduit à 127 soldats seulement et il ne lui restait qu’un officier commandant de compagnie. Cette hécatombe força le commandant de la division à ordonner à toutes les unités de ravitaillement de monter au front (O. Bartov). Après cinq jours de combat, la division Gross Deutschland rend compte le 10 juillet qu'elle n'a plus en état de combattre que 3 Tigres, 6 Panthers et 11 Panzers III et IV sur les 118 chars qu'elle avait au début de l'offensive. Ses commandants et ses officiers supérieurs des deux régiments d’infanterie et de trois autres bataillons sont presque tous tués ou blessés. Le XLVIII Panzer Corps, lui, n'a plus que 38 Panthers sur les 200 initiaux.
La bataille de Prokhorovka
Article détaillé : Bataille de Prokhorovka.À l'est, la 7e armée de la Garde met en difficulté les divisions de Kempf, après leur traversée du Donets, découvrant le flanc droit de la 4e armée blindée. Alors en pointe, l'offensive allemande entière semble s'enliser. Malgré tout, la menace d'une percée reste préoccupante pour la Stavka et celle-ci décide de déployer des troupes initialement planifiées pour n'être utilisées que dans la contre-offensive et ce afin de renforcer la 6e armée de la Garde et donner un coup d'arrêt définitif à l'avancée allemande. La 5e armée blindée de la Garde, renforcée par deux corps blindés indépendants, se déploie donc, le 12 juillet, à l'est de Prokhorovka et se prépare à contre-attaquer sur le flanc du IIe SS Panzer Korps. La bataille qui en résulte est connue sous le nom de bataille de Prokhorovka. Les 12 et 13 juillet, dans la plaine située près du nœud ferroviaire de Prokhorovka, avec l'affrontement de 1 500 chars dont une centaine de chars Mark VI Tiger (char de 56 t doté d'un redoutable canon de 88 mm et d'un blindage frontal de 10 cm) se déroule sur un territoire de vingt kilomètres carrés la plus grande bataille de chars de l'histoire. Le choc est titanesque. À bord de son Stuka, Hans Rudel le découvre dans toute son ampleur :
« Sur la terre ferme, à perte de vue, se déroulent de gigantesques combats de chars. Dans de vastes espaces découverts, des masses compactes de blindés se font face, comme sur un champ de manœuvre. Beaucoup plus redoutables que les tanks des Russes sont leurs canons antichars, très puissants et remarquablement précis. L'armée soviétique doit disposer d'énormes quantités de ces canons, car on les trouve à tous les points névralgiques de l'immense champ de bataille. »Le général Rotmistrov, en rappelant l'histoire de cette bataille, fait remarquer que c'est l'avant-garde de la Ve armée blindée de la Garde, son armée, qui enfonça à toute vitesse le flanc du IIe SS Panzer Korps qui venait de percer la troisième ligne de défense. Le combat devient rapidement un affrontement entre les meilleures formations mécanisées de la Wehrmacht et une infanterie soviétique bien retranchée. Les forces blindées soviétiques engagées à Prokhorovka eurent plus de 50 % de pertes. Un héros rescapé de cet affrontement, le Moscovite Alexandre Volochtchenko, note que « près de Prokhorovka la terre s'était transformée en boue sanguinolente recouverte d'un glacis de fer fondu ». Ces deux journées, la Wehrmacht perd 10 000 hommes et plus de 400 blindés. En 2005, selon Piotr Borissov, qui participa aux fouilles sur le site de Prokhorovka où eut lieu la bataille de blindés, « les chercheurs ont découvert des os incrustés dans le métal ».
Le repli allemand
Les contre-offensives soviétiques
Au sud, l'Armée rouge aura besoin de plus de temps pour attaquer car ses troupes ont beaucoup plus souffert. Néanmoins, le 3 août, le front de la Steppe déclenche l'opération Polkovodets Rumyantsev en direction de Belgorod puis de Kharkov. Appuyée par des attaques de diversion plus au sud, à travers le Mius, elle avance assez rapidement. Belgorod et Orel tombent le 5 août 1943. Les faubourgs de Kharkov sont atteints le 11 août. La bataille pour la ville est acharnée et dure douze jours. Enveloppée par le front de Voronej et celui du front de la steppe, la ville finit par tomber le 23 août à midi, une grande partie des défenseurs étant mis hors de combat. Cette victoire soviétique, bien que coûteuse, oblige les Allemands à replier leur défense derrière le Dniepr dès le 20 août. Ce repli débouchera au cours de l'automne sur la terrible et sanglante bataille du Dniepr puis la libération de Kiev le 5 novembre. Du côté soviétique, les libérations de Belgorod et d'Orel furent l'occasion d'inaugurer une nouvelle tradition, les "salves de la victoire": l'Union soviétique salue désormais à Moscou la libération de villes importantes par des salves d'artillerie. La prise de Kharkov, ville stratégique d'Ukraine, que Hitler disait qu'il défendrait à tout prix, est aussi une victoire majeure car le bassin industriel qui l'entoure faisait cruellement défaut à l'URSS depuis 1941.
Bilan et conséquences de l'affrontement
L'échec allemand de Koursk fut pratiquement passé sous silence par la propagande du régime de Berlin. Du côté soviétique, le gigantesque engagement de Koursk fut longtemps l'objet d'une propagande productrice de légendes qui pour beaucoup tournent autour de la bataille de Prokhorovka. Avec l'ouverture des archives de l'ex-Union soviétique, une réalité plus nuancée se fait jour. Le combat fut souvent davantage un affrontement entre les meilleures formations mécanisées de la Wehrmacht et une infanterie soviétique bien organisée. Certains auteurs ont vu dans le débarquement en Sicile la raison principale de l'arrêt de l'offensive. Mais il semble que les conséquences tactiques sur le front de l'est de cette opération amphibie soient imperceptibles. En pratique, seule la division Leibstandarte Adolf Hitler (LSSAH) sera envoyée vers l'Ouest, après avoir laissé son matériel sur place. L'échec de Zitadelle est donc bien la conséquence des pertes subies par la Wehrmacht qui même si elles sont inférieures à celle de l'Armée rouge, ne sont ni supportables ni compensables rapidement. Les Soviétiques vont eux montrer qu'ils peuvent récupérer plus vite leur capacité offensive malgré leurs lourdes pertes précédentes. Les armées du Troisième Reich n'arriveront jamais à reconstituer leur potentiel pour influer sur les événements. Elles devront dorénavant subir l'action sur l'ensemble du front.
Sur le plan stratégique et opérationnel, le résultat est une incontestable victoire soviétique. L'énorme effort industriel et humain consenti par le Troisième Reich nazi pour concentrer des forces maximum et emporter la décision à Koursk est réduit à néant. Les objectifs fixés n'ont même pas été approchés, et, pire, pour la première fois les Soviétiques ont avancé durant les mois d'été. Ce simple fait renforce grandement le moral de l'Armée rouge qui va, dès lors, reprendre confiance en elle. Du côté allemand, elle finit de convaincre les derniers optimistes que la guerre à l'est est définitivement perdue. Certes, l'Armée rouge a subi des pertes supérieures de plus du double à celles de la Wehrmacht mais le ratio est de loin inférieur à celui qu'elle subissait auparavant. Par ailleurs, l'ouverture d'un nouveau front en Italie présage pour l'état-major allemand de futurs choix difficiles et une dispersion des troupes. Le résultat est donc sans appel. Jamais plus la Wehrmacht ne pourra reprendre l'initiative sur le front principal du second conflit mondial. Elle devra se contenter de subir les initiatives soviétiques.
À l'échelle tactique, la supériorité allemande est encore sensible mais l'Armée rouge a réalisé de grands progrès dans de nombreux domaines. Le plus important d'entre eux est l'accroissement de la résistance de son infanterie en défense. Les unités tenant le front, face aux attaques allemandes, ont résisté pendant près d'une semaine, en rase campagne en saison estivale, à la pression des meilleures unités allemandes sans se faire ni déborder ni annihiler. Les années précédentes elles auraient tenu au plus deux jours. Les nouvelles tactiques mises au point au cours de la bataille de Stalingrad arrivent à maturité. Les positions sont moins lâches qu'auparavant, pouvant se couvrir mutuellement de leur feu, elles sont reliées de façon systématique par des tranchées de liaison, permettant l'arrivée des renforts ou le repli sur de positions vers l'arrière. L'adversaire est canalisé, par l'emploi de champs de mine et du terrain vers de véritables poches de destruction où il subit des tirs croisés et un bombardement d'artillerie. Contrairement aux années précédentes, les unités isolées par des pointes blindées ne se laissent pas enfermer. Elles s'exfiltrent la nuit venue pour reprendre leur place dans la défense le lendemain. Les cadres, même aux plus bas échelons, commencent à faire preuve d'initiative et d'expérience. Les opérations offensives sont encore à la traîne mais les progrès seront rapides par la suite.
Dans le domaine aérien, le progrès est aussi sensible, la VVS a tenu tête à la Luftwaffe. Elle a été globalement dominée mais elle n'a pas été balayée du ciel dans les premiers jours comme auparavant. L'arrivée de nouveaux chasseurs encore plus compétitifs et une agressivité encore accrue de la part des pilotes vont lui permettre de s'imposer enfin, par le nombre, et bientôt la Jadgwaffe sera incapable de l'empêcher de peser massivement sur les combats au sol. Dans le domaine des blindés, par contre, les résultats ont été plus catastrophiques. Les T-34/76 et KV-1 ont montré leurs limites. Presqu'invulnérables en 1941, ils ne le sont plus deux ans plus tard. Leur puissance de feu et leur conception sont devenus obsolètes, comme par exemple les tourelles biplaces. L'arrivée et la mise au point de nouveaux modèles demandera encore du temps et ce sera clairement la faiblesse de l'Armée rouge jusqu'au printemps 1944. Le déploiement massif de T-34/85 et de JS-2 donnera alors aux Soviétiques, l'élément offensif qui leur manquait encore.
Pour ce qui concerne les pertes, il convient d'être prudent quant aux chiffres fournis par les belligérants. L'option la plus sûre étant de ne prendre en compte que les pertes admises par chacun des deux adversaires et d'ignorer celles qu'ils pensent avoir infligé. Le général Krivosheev donne les chiffres suivants sur l'Armée rouge, mais seulement pour la partie défensive de la bataille : 70 330 tués et 107 517 blessés et malades. Pendant la même phase, les Allemands eurent eux 24 758 tués, 23 356 blessés et 987 manquants. L'offensive vers Orel, au nord du saillant, elle, coûta 112 529 tués et 317 361 blessés et malades aux Soviétiques. Au total, ce choc de titans se solde le 14 juillet 1943 par l'échec de l’armée blindée allemande et pour l’infanterie hitlérienne, c’est un bain de sang : 90 000 tués pour l'ensemble de l'opération. Sur les 70 divisions engagées dans la zone de Koursk, 30 sont anéanties dont sept de panzers. Les régiments de Sturmovik (avion chasseur de char), volant en attaque souvent à moins de 20 mètres du sol, revendiquent le quasi-anéantissement des 3e, 9e et 12e divisions blindées du Reich. En cinquante jours de combats, la Wehrmacht perd en effectifs 500 000 hommes (tués, blessés et grièvement blessés, disparus), près de 1 200 chars et environ 2 000 avions. L’Armée rouge compte plus de 200 000 tués et ses pertes en blindés sont supérieures à celles de l’ennemi tandis qu'elle perd plus de 2 800 avions, mais elle a vaincu. Sans interruption, dès le 12 juillet, l’Armée rouge enchaîne dans la foulée de sa victoire le démarrage de la sanglante bataille du Dniepr.
Il est aussi fort possible que l'offensive alternative prônée par Manstein fût vouée à l'échec, du fait que les Soviétiques recevaient des Britanniques (Kim Philby) tous les plans de bataille des Allemands grâce à leur décryptage du code Enigma (malgré l'opposition de Churchill qui craignait de « griller » cette formidable source de renseignements stratégiques). Ainsi l'effet de surprise si nécessaire pour la Blitzkrieg ne pouvait plus jouer. À Koursk, les terrains sur lesquels les divisions blindées devaient avancer avaient été minés, beaucoup d'endroits auparavant déserts lors de la rédaction du plan étaient fortifiés, avec des fils barbelés bloquant l'avancée de l'infanterie, et des tranchées soutenues par de l'artillerie lourde.
Après Stalingrad, Koursk met fin, définitivement, à toute prétention hégémonique de la Wehrmacht en Russie. « Après la destruction de la 6e armée de Paulus dans le brasier de Stalingrad, la contre-offensive soviétique de l’hiver et de l’automne 1943, et l’échec de l’offensive allemande « Zitadelle », les pertes atteignent un niveau sans précédent. Entre novembre 1942 et octobre 1943, la Wehrmacht perd nettement plus de 1 500 000 hommes dont près de 700 000 de façon définitive ». O. Bartov.
Si la bataille de Stalingrad représente le véritable tournant psychologique du second conflit mondial avec la fin du mythe de l'invincibilité de la Wehrmacht, Koursk signifie le basculement définitif de l'armée allemande et de ses alliés dans un rôle défensif dont ils ne pourront plus s'extraire jusqu'à la conquête de Berlin par l'Armée rouge en mai 1945.
Voir aussi
Liens internes
Liens externes
- Bataille de Koursk, phase défensive
- Bataille de Koursk, la contre-offensive
- carte
- (en)Battle of Kursk on the Web
- (ru)(en)Images de Koursk et autres
- (ru)Курская битва, site kursk1943.mil.ru
Bibliographie
- (fr) Paul Carell, Opération Terre brûlée, Robert Laffont, 1968
- (fr) Geoffrey jukes, Koursk, le choc des blindés, Marabout, 1971
- (fr) Benoît Lemay, Erich von Manstein, le stratège d'Hitler, Perrin, 2006, 557 p. (ISBN 2-262-02344-1 (br.))
- (fr) Jean Lopez, Koursk, 5 juillet-20 août 1943,les quarante jours qui ont ruiné la Wehrmacht, Economica, 2008 (ISBN 978-2717855142)
- (fr) Omer Bartov, L’armée d’Hitler - La Wehrmacht, les nazis et la guerre, Hachette Littératures, 1999
- (fr) Khazanov, Dmitriy (trad. Jean-Marie Gall), "Koursk, le choc des titans. Les combats aériens", Batailles aériennes, N° 45, juillet-août-septembre 2008, Lela Presse.
- (fr) Laneyrie-Dagen, Nadéije, Les Grandes Batailles de l'Histoire, Paris, Larousse, 2005, p. 246-247.
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- (en) Steven Newton, Kursk, the german view, Da Capo Press, 2002
- (en) Niklas Zetterling, Anders Frankson, Kursk 1943, a statistical analysis, Frank Cass - Routledge, 2000
- (en) Robin Cross, Citadel : the Battle of Kursk, London : Michael O'Mara Books, 1993, 272 p. (ISBN 1-85479-192-3)
- (en) Walter S. Dunn, Jr., Kursk : Hitler's gamble, 1943, Westport, Conn. : Praeger, 1997, 200 p. (ISBN 0275957330)
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