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Traité du Bardo
Le traité du Bardo (معاهدة باردو), appelé aussi traité de Ksar Saïd, est un traité signé entre le bey de Tunis et le gouvernement français le 12 mai 1881.
Il instaure le protectorat de la France sur la Tunisie. Le bey est alors contraint de confier tous ses pouvoirs dans les domaines des affaires étrangères, de la défense du territoire et de la réforme de l'administration au résident général de France.
Les conventions de la Marsa, conclues le 5 juin 1883, vident le traité de son contenu et dépouillent le bey du reste de son autorité et instaure l'administration directe. Le traité et les conventions seront révoqués lors de l'indépendance du pays proclamée le 20 mars 1956.
Sommaire
Contexte
Article détaillé : Tunisie beylicale.La faiblesse des beys, les intrigues de leurs ministres, notamment Mustapha Khaznadar et Mustapha Ben Ismaïl, la pression constante des consuls européens, la banqueroute de l'État, devenu otage de ses créanciers malgré les efforts du grand vizir réformateur Kheireddine Pacha, ouvrent toutes grandes les portes à l'occupation étrangère. De plus, la Tunisie est alors encaissée entre l'Algérie, devenue colonie française en 1830, et la Libye qui est convoitée par l'Italie. La France craint également de se voir distancée par l'Italie dont les nationaux établis sur le territoire sont alors plus nombreux que les siens. Une lutte serrée s'engage alors entre Théodore Roustan, alors représentant de la France, et le consul général d'Italie qui cherchent par tous les moyens à devancer la provocation d'une intervention armée de leur adversaire dans la régence. Dans ce contexte, les colonies italiennes et françaises de Tunisie sont devenues assez nombreuses et influentes auprès de leur capitale respective. Déjà, en septembre 1849, le général Giuseppe Garibaldi, expulsé de la péninsule italienne, est amené dans la rade de La Goulette par le vaisseau sarde Tripoli en vue d'un séjour forcé à Tunis mais le bey, sous l'influence française et craignant des incidents, interdit son débarquement. Le Tripoli repart alors avec son illustre passager. Rappelons qu'en 1835, Garibaldi, alors capitaine de la marine italienne, avait déjà fait un court séjour à Tunis où il avait conduit depuis Marseille une frégate destinée au bey.
La France prend ainsi pied en Tunisie en 1869 par le biais d'une commission anglo-italo-française destinée à résorber la dette extérieure du pays. Même si Kheireddine Pacha réussit à rétablir les finances et entreprend une vaste politique de réformes, la France obtient, au congrès de Berlin de 1878, l'accord tacite des autres puissances européennes pour renforcer sa présence en Tunisie avec pour justification de protéger la colonie voisine d'Algérie.
En avril 1881, sur ordre du président du Conseil Jules Ferry, un corps expéditionnaire de 35 000 hommes traverse la frontière pour poursuivre des montagnards kroumirs qui sèment le trouble en Algérie (selon les autorités coloniales). Les hommes du général Alphonse Charles Delebecque envahissent les terres kroumirs à Tabarka et investissent Le Kef. Arrivés de Toulon, le général Jules Aimé Bréart débarque à Bizerte avec 8 000 hommes (1er mai) et le bey de Tunis, Sadok Bey, n'a plus guère de choix que de se soumettre. C'est ainsi qu'il signe, tout comme Ben Ismaïl, Bréart et Roustan, le traité au palais de Ksar Saïd (près du Bardo).
Conséquences
La signature du traité provoque le soulèvements des tribus Naffat et des Ouled Iyan qui mobilisent 30 000 Français. Sfax est bombardée par la marine française le 26 juillet. Kairouan, Sousse, Gabès et Gafsa subissent le même sort et sont investies.
60 000 Français occupent la Tunisie tandis que Roustan est nommé ministre résident avec pour tâche de faire rembourser les créances du pays. Le 9 juin 1881, il publie un décret par lequel le bey le nomme comme intermédiaire avec les autres puissances, président du Grand Conseil et chef des armées. Devant la complexité de la tâche, notamment le remboursement des dettes, il demande à être remplacé. En avril 1882, Jules Ferry nomme Paul Cambon qui finit par dissoudre le Grand Conseil, constitué d'hommes d'affaires tunisiens, et abolit le régime des capitulations. Cambon veut également amender le traité qui ne parle pas de protectorat. Il crée des directions, sorte de ministères chapeautés par un secrétaire général, et élimine les tribunaux européens : désormais les Européens répondront de leurs actes auprès de tribunaux français.
Mais l'affaire du Bardo soulève aussi l'irritation de l'Italie qui se serait bien vue protectrice de la Tunisie et qui croyait avoir la main mise sur la Tunisie pour se constituer un empire colonial. Du coup, Rome signe le 20 mai 1882 avec l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie le traité de la Triplice par lequel les trois pays se promettent aide et assistance en cas d'agression de la France ou de la Russie. Ce traité sera régulièrement renouvelé jusqu'à la Première Guerre mondiale.
Quant au Royaume-Uni, l'éternel rival de la France, il prend prétexte de ce traité pour précipiter sa propre intervention dans les affaires de l'Égypte. Dès l'année suivante, il établit son protectorat sur cette autre ancienne province ottomane.
Texte du traité
Article Premier. — Les traités de paix, d'amitié et de commerce et toutes autres conventions existant actuellement entre la République française et Son Altesse le Bey de Tunis sont expressément confirmés et renouvelés.
Art. 2. — En vue de faciliter au Gouvernement de la République Française l'accomplissement des mesures qu'il doit prendre pour atteindre le but que se proposent toutes les parties contractantes, Son Altesse le Bey de Tunis consent à ce que l'autorité militaire française fasse occuper les points qu'elle jugera nécessaires pour assurer le rétablissement de l'ordre et la sécurité de la frontière et du littoral. Cette occupation cessera lorsque les autorités militaires française et tunisienne auront reconnu, d'un commun accord, que l'administration locale est en état de garantir le maintien de l'ordre.
Art. 3. — Le Gouvernement de la République Française prend l'engagement de prêter un constant appui à Son Altesse le Bey de Tunis contre tout danger qui menacerait la personne ou la dynastie de son Altesse, ou qui compromettrait la tranquillité de ses États.
Art. 4. — Le Gouvernement de la République Française se porte garant de l'exécution des traités actuellement existant entre le Gouvernement de la Régence et les diverses Puissances européennes.
Art. 5. — Le Gouvernement de la République Française sera représenté auprès de Son Altesse le Bey de Tunis par un ministre résident, qui veillera à l'exécution du présent acte et qui sera l'intermédiaire des rapports du Gouvernement Français avec les autorités tunisiennes pour toutes les affaires communes aux deux pays.
Art. 6. — Les agents diplomatiques et consulaires de la France en pays étrangers seront chargés de la protection des intérêts tunisiens et des nationaux de la Régence. En retour, Son Altesse le Bey s'engage à ne conclure aucun acte ayant un caractère international sans en avoir donné connaissance au Gouvernement de la République Française et sans s'être entendu préalablement avec lui.
Art. 7. — Le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement de Son Altesse le Bey de Tunis se réservent de fixer d'un commun accord les bases d'une organisation financière de la Régence qui soit de nature à assurer le service de la dette publique et à garantir les créanciers de la Tunisie.
Art. 8. — Une contribution de guerre sera imposée aux tribus insoumises de la frontière et du littoral. Une convention ultérieure en déterminera le chiffre et le mode de recouvrement dont le Gouvernement de Son Altesse le Bey se porte responsable.
Art. 9. — Afin de protéger contre la contrebande des armes et des munitions de guerre les possessions algériennes de la République Française, le Gouvernement de Son Altesse le Bey de Tunis s'engage à prohiber toute introduction d'armes ou munitions de guerre par l'île de Djerba, le port de Gabès ou les autres ports du Sud de la Tunisie.
Bibliographie
- Paul d'Estournelles de Constant, La Conquête de la Tunisie. Récit contemporain couronné par l'Académie française, éd. Sfar, Paris, 2002
Liens externes
- (fr) [pdf] Original tunisien du traité
- (fr) [pdf] Original français du traité
- (fr) Gustave Léon Niox, « Algérie et Tunisie », Géographie militaire, livre VI, 1890, pp. 392-393
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