Fusillade De Soliman

Fusillade De Soliman

Fusillade de Soliman

La fusillade de Soliman est un incident violent survenu le 3 janvier 2007 dans la région tunisienne de Soliman au sud-est de Tunis. Il oppose les forces de lordre à un groupe armé se faisant appeler « armée dAssad Ibn Fourat » et dabord qualifié par le gouvernement de « criminels dangereux ». Une précédente fusillade impliquant ce même groupe avait déjà eu lieu le 23 décembre 2006.

Présenté dans un premier temps comme une simple affaire de grand banditisme, phénomène très peu connu dans le pays, la presse tunisienne et internationale parvient rapidement à pointer le lien du groupe avec le terrorisme islamiste de type salafiste implanté au Maghreb dans le contexte de laprès 11 septembre, notamment sur le territoire de lAlgérie voisine, d le groupe composé majoritairement de Tunisiens sest infiltré.

Pour le politologue français Vincent Geisser, cette apparition de lislamisme international de type violent en Tunisie marquerait une rupture avec lislamisme politique tunisien, réprimé dans les années 1990 au travers du mouvement Ennahda. Cette évolution serait selon lui le résultat de la « stratégie de répression systématique des opposants » qui se développerait en marge des partis politiques tout en permettant de justifier la stratégie sécuritaire du gouvernement en place aux yeux des Occidentaux[1].

Hormis lattentat de la Ghriba contre la synagogue de Djerba au printemps 2002, jamais le pays navait été pris pour cible par la mouvance islamiste. Mais, à linstar des autres sociétés arabes, la Tunisie voit le retour du hijab, la montée de la religiosité et le succès des émissions religieuses et plusieurs centaines de jeunes Tunisiens se sont enrôlés sous la bannière du jihad en Irak[2].

Sommaire

Déroulement

Préparation

Vue de la région dHammam Lif simplante le groupe

Cest dans un maquis islamiste non loin de Tébessa, dans lest de lAlgérie, que Lassaad Sassi reçoit laval de ses chefs du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) pour sinfiltrer en Tunisie afin dy créer des cellules de soutien logistique, de recruter et de former de futurs terroristes[3]. Il réussit à convaincre quatre de ses compatriotesMohamed Hédi Ben Khlifa, Zouhair Riabi, Mohamed Mahmoudi et Tarak Hammamiet un Mauritanien natif de la ville de NbaghiaMohammadou Maqam Maqam alias « Chokri » — de laccompagner. Dans la nuit du 22 au 23 avril 2006, le commando passe la frontière et gagne le Djebel Chambi, après quatre jours de marche. Le lendemain, Sassi et Ben Khlifa se rendent à Kasserine pour ravitailler le camp. Quelques jours plus tard, Hammami et Mahmoudi se rendent à Sfax pour tenter dy trouver une cache[3] mais se font arrêter par les forces de sécurité à Kasserine le 27 avril alors quils se trouvent en possession de grenades[4]. Ben Khlifa prévient alors son beau-frère installé à Sidi Bouzid pour tenter dy trouver une cache mais sans succès. Le groupe entre alors en contact avec des membres dune cellule salafiste de Tunis, gagne la capitale début juin et finit par trouver une planque près dHammam Lif[3].

Durant lété et lautomne, le groupe dune vingtaine de membres change plusieurs fois de cache, en restant dans un périmètre restreint, et sinitie à la fabrication dexplosifs en semblant privilégier l'attaque par véhicule piégé comme mode opératoire contre des « infrastructures vitales » de la République, des « objectifs symboliques » ainsi que des « intérêts étrangers » et « des personnalités tunisiennes et étrangères »[3].

Cest alors quune quinzaine de membres dune cellule salafiste de Sousse, âgés de 25 à 30 ans pour la plupart, craignant davoir été découverts par la police, se réfugient dans une caverne située dans le massif dAïn Tbornog, sur les hauteurs de Grombalia, à la fin du mois de novembre 2006. Début décembre, la fusion sopère entre les divers groupes et Sassi est proclamé « émir » de la cellule[3]. Le campement se trouve à cinq heures de marche de la route la plus proche alors quune poignée de combattants gardent la planque de Hammam Chott sont entreposés explosifs, vivres et argent.

Premier accrochage

Silhouette du massif du Djebel Ressas le groupe se replie dans un premier temps

Selon Le Figaro du 11 janvier 2007, tout commence le 23 décembre vers 18 h 30 à lentrée de Borj Cédria, une localité située au sud de Tunis[5]. Les occupants dune voiture de location refusent de se plier à un contrôle de la garde nationale, qui se met à la poursuite du véhicule. Les fuyards se réfugient dans une maison de la localité de Bir El Bey, ils retrouvent des compagnons armés[5]. Un premier échange de tirs a alors lieu : deux membres du groupe sont abattus, et deux autres arrêtés[6] tandis que deux agents des forces de lordre sont blessés dont un grièvement[7]. Daprès une source proche du dossier denquête, il semblerait en réalité que ce soit larrestation dOussama Hajji, salafiste lié à des membres de la cellule de Sousse, qui ait mis les policiers sur les traces du groupe[3]. La police aurait alors encerclé la cache dHammam Chott, les militants auraient ouvert le feu. Au terme de plusieurs heures de tirs, trois policiers sont blessés, deux militants tués (dont Zouhair Riabi), et un troisième arrêté, alors quun dernier réussit à prendre la fuite[3]. Les autres éléments du groupe armé parviennent à senfuir, et se replient dans le massif boisé du Djebel Ressas[5].

Pendant ce temps, la police découvre dans la maison abandonnée des provisions en abondance et un stock darmes[3],[5]. Appelées en renforts, des troupes délite et des forces armées, appuyées par des hélicoptères, commencent à ratisser la zone[5]. Dans le même temps, un dispositif exceptionnel, incluant des effectifs de la police, de la garde nationale et de larmée, est déployé sur lautoroute A1 reliant Tunis au sud du pays, alors que des barrages de police sont installés aux entrées des principales villes, pour procéder à des contrôles[3],[8], ainsi quautour des établissements sensibles comme les hôtels[7].

Le lendemain, une dépêche de lagence de presse officielle Tunis Afrique Presse évoque un affrontement entre des policiers et « une bande de dangereux criminels ». La plupart des journaux tunisiens, dont Al Chourouk et Le Quotidien[7], évoquent immédiatement un fait divers lié à un trafic international darmes ou de drogue. Mais certains journaux privés, dont les quotidiens Essarih et Assabah, évoquent lhypothèse dun groupe terroriste. Cette version est également privilégiée par lopposition tunisienne[8]. De leur côté, des sources proches du pouvoir admettent en privé que laffrontement impliquait des islamistes tunisiens, algériens et mauritaniens venus dAlgérie[9]. Le quotidien Al-Hayat confirme de son côté que « ces hommes armés se seraient infiltrés dans le pays à partir de lAlgérie »[8].

Opération

Le 28 décembre, larmée lance une opération dans le massif dAïn Tbornog. Toutefois, lalerte est donnée et Sassi ordonne à ses combattants de se préparer à résister. Ils parviennent ainsi à repousser les forces de lordre jusquà la tombée du jour alors que les hélicoptères survolant la zone à basse altitude ne parviennent pas à les repérer[3]. À la tombée de la nuit, le groupe se replie en direction dune autre montagne. Le lendemain, à nouveau assailli, Sassi décide de scinder ses forces en quatre groupes : les deux derniers, forts dune dizaine déléments, doivent se replier sur Sousse et les deux premiers, qui comptent une douzaine de combattants, doivent trouver refuge à Tunis. Inexpérimentés et désarmés, la quasi-totalité des membres des trois derniers groupes tombent entre les mains des forces de sécurité dans les heures ou les jours qui suivent[3]. Lun deux se fait exploser au moment de son arrestation, tuant un officier de larmée, alors quun autre est tué dans des circonstances non éclaircies.

Dautres coups de feu auraient par ailleurs été entendus au matin du 31 décembre à Bab Saadoun, à proximité du tribunal de Tunis[9]. Dautre part, selon des sources de lopposition tunisienne, plusieurs commissariats de police et casernes de la gendarmerie auraient été la cible dattaques dans la région de Kairouan, lobjectif des assaillants étant de récupérer des armes[10]. Toutefois, ces informations nont pu être confirmées par la suite.

Seuls les éléments du groupe de Sassi réussissent à passer entre les mailles du filet et gagnent la bourgade de Soliman après cinq jours de cavale. Sassi est tué au cours dun accrochage, sans doute à laube du 3 janvier. Rabia Bacha accompagné de Chokri se rend vers 4 heures du matin dans le quartier du 1er-Juin habitent ses parents[3],[5]. Alors que Bacha sapprête à pénétrer chez lui, des policiers planqués dans la maison den face ouvrent le feu. Léchange de tirs va durer deux[5] voire trois heures[9] selon les sources. Bacha et Chokri abattus, les forces de sécurité lancent ensuite un ultime assaut contre le reste du groupe[5] : Ben Khlifa, Sahbi El Masrouki, Makram Jrid, Mehdi El Mejri et Riadh Miri qui attendent les deux hommes dans une maison en construction isolée à lentrée de la ville[3]. Selon un témoignage recueilli par lAgence France-Presse, sur ce groupe de cinq hommes, lun deux se serait rendu et quatre autres auraient été tués à lissue de violents accrochages avec les forces de lordre qui auraient utilisé un char selon un témoin oculaire parlant sous couvert de lanonymat[11]. Une vidéo amateur prise pendant les évènements montre quant à elle un Fiat - Oto Melara 6614 de larmée tunisienne[12] qui est un véhicule léger de transport de troupes.

Le journal Al Chourouk attribue lintensité des échanges de tirs à la possession par ce groupe darmes dont « des fusils mitrailleurs et des lances-roquettes de type RPG » et à « la présence déléments bien entraînés voire rompus au combat et au maniement des armes pour certains »[13]. De plus, les membres du groupe auraient porté des gilets pare-balles[13].

Bilan et hypothèses

Dans un premier temps, une source proche du ministère de lIntérieur, citée par lagence Reuters, affirme que les forces de lordre auraient abattu 25 « criminels dangereux »[14]. Un chiffre démenti quelques heures plus tard par une « source gouvernementale » qui se garde toutefois de préciser le nombre de victimes[15]. Peu avant, lagence de presse Tunis Afrique Presse avait simplement indiqué que les forces de sécurité avaient retrouvé et liquidé les derniers membres dune « bande criminelle »[9]. Le bilan officiel, finalement publié par le ministère de lIntérieur, mentionne quatorze morts dont douze militants, un policier et un militaire[3] et larrestation de quinze personnes sans indiquer lidentité des personnes impliquées et la nature de leurs projets.

Le quotidien Le Temps indique dès le 7 janvier que le groupe appartient à un groupe « salafiste », qui aurait agi « dans le cadre dun plan terroriste pour la déstabilisation du Maghreb », et quil avait un plan « visant la destruction détablissements économiques et touristiques[16] ». Al Chourouk indique également que le groupe armé faisait partie du « mouvement salafiste » mais ne dévoile pas son appellation et cite des sources sous couvert danonymat[6]. En outre, de hauts responsables tunisiens auraient assuré au journal quun seul étranger faisait partie du groupe criminel et portait la nationalité mauritanienne[6]. La même version est relayée par lhebdomadaire Akhbar Al Joumhouria qui fait état de la présence dans le groupe dun Mauritanien qui semble avoir trouvé la mort alors quil accompagnait Bacha[13]. Quant au Temps, il précise que la « bande des dangereux criminels » aurait été trahie par la quantité de pain quotidienne quelle achetait[6], rumeur persistante qui ne sera toutefois jamais confirmée.

Le 11 janvier, Al Chourouk confirme que « tous les éléments de la bande armée se sont infiltrés, par petits groupes, à travers la frontière algérienne » en citant des « sources bien informées »[17]. La bande serait également apparentée au GSPC algérien et au Groupe islamique combattant marocain. Le quotidien assure en outre que « les éléments de la bande armée étaient contrôlés dès le départ par la sécurité tunisienne », réfutant les informations du Temps selon lesquelles le groupe armé avait été découvert grâce à lalerte dun commerçant qui les approvisionnait en pain[17]. Pour Akhbar Al Joumhouria, le plan des autorités « visait à les capturer vivants pour enquêter sur eux et dévoiler leurs desseins[13] ». Pour sa part, lhebdomadaire Réalités reprend le même jour la thèse dun groupe salafiste apparenté au GSPC algérien en critiquant sévèrement le manque dinformations officielles crédibles sur les affrontements.

Pour Le Figaro du 11 janvier, le groupe armé était composé dune trentaine de jeunes âgés de 18 à 25 ans[5]. Sassi, âgé dune trentaine dannées et qui se faisait appeler Abou Hechmi, était un ancien officier de la garde nationale ayant démissionné dix ans auparavant pour passer par les camps dentraînement dAl-Qaida en Afghanistan. Il aurait peut-être également combattu en Tchétchénie[5] et en Bosnie-Herzégovine[3]. Pourtant, lambassade de Tunisie en France précise dans Jeune Afrique quil naurait jamais appartenu à la garde nationale ou à tout autre service du ministère de lIntérieur et aurait trempé dans les milieux de la criminalité en Italie[18]. Bacha, âgé de 22 ans et originaire de Soliman, était issu de la classe moyenne. Après avoir obtenu son baccalauréat, il a étudié à lInstitut supérieur détudes technologiques de Sidi Bouzid il aurait été « recruté »[3]. Il a effectué plusieurs séjours dans les maquis algériens du GSPC. Le groupe aurait été implanté depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois dans le massif montagneux qui surplombe les agglomérations dHamman Lif et de Soliman[5]. La maison de Bir El Bey sest déroulé le premier accrochage leur servait de quartier général. Le groupe lavait louée deux mois auparavant et y préparait plusieurs attentats pour le 31 décembre[5]. Parmi les sites visés figuraient, selon des informations non confirmées, les ambassades britannique et américaine, des centres commerciaux à Tunis (dont celui de Carrefour) et de grands hôtels de la capitale et du cap Bon[5].

Réactions

Le 12 janvier, pour la première fois depuis la fusillade, le ministre de lIntérieur Rafik Belhaj Kacem sexprime officiellement et confirme la plupart des informations divulguées par la presse tunisienne. Il qualifie le groupe de « salafistes terroristes »[19] et indique que tous les activistes étaient des Tunisiens à lexception dun Mauritanien[20]. Il explique que la police surveillait ce groupe, dont six membres sétaient inflitrés depuis lAlgérie[19], et quelle avait attendu que les membres de la cellule se rassemblent avant dentrer en action avec laide de larmée[20], ce que confirme lambassade de Tunisie en France en janvier 2008[21]. Il indique également que « des explosifs, des plans de situation dambassades ainsi que des noms de diplomates étrangers accrédités en Tunisie ont été saisis par la police »[22]. Il na toutefois pas indiqué lidentité des diplomates ou des pays dont les ambassades auraient été visées. Il a enfin fait état de deux morts et trois blessés parmi les forces de sécurité et les unités de larmée qui ont affronté les éléments de la bande[22]. Le dispositif policier mis en place tout autour du cap Bon est progressivement allégé mais de nombreux barrages sont maintenus sur les routes qui mènent de Tunis à Hammamet[5].

Le secrétaire général de la Ligue tunisienne des droits de l'homme dénonce cette « manipulation grossière qui consiste à présenter des terroristes comme des délinquants de droit commun »[23]. Pour sa part, le Parti communiste des ouvriers de Tunisie, au travers de son organe de presse Al Badil, dénonce le « black-out » médiatique qui a « ouvert la porte à toutes les spéculations possibles autour de lidentité du groupe armé et provoqué une panique au sein de la population eu égard à des informations faisant état de léclatement dautres accrochages à travers la ville et qui auraient fait de nombreux morts »[23]. Il met en garde le régime de profiter de ces événements pour restreindre la liberté de circulation, à travers les points de contrôle routiers, et estime que « ces événements présagent une étape dangereuse dans la vie politique qui dément les certitudes du régime à voir instauré la sécurité et la stabilité et qui met en échec sa politique sécuritaire »[23].

Dès le 3 janvier, les informations circulent selon lesquelles la police aurait procédé à des dizaines darrestations dans tout le pays[5]. Pour le Parti démocrate progressiste, ces arrestations auraient eu lieu à Soliman, dans la banlieue sud de Tunis, au Kef, à Sidi Bouzid, à Kasserine et à Gafsa. À Bizerte, des jeunes hommes auraient été arrêtés au sortir de certaines mosquées selon un communiqué de la section locale du parti[24]. Toutefois, une source gouvernementale dément ces informations, le 17 janvier, déclarant « irresponsable de sadonner à des supputations peu scrupuleuses »[24].

Série de procès

Les présumés terroristes sont inculpés le 8 septembre[25] selon les chefs dinculpation suivants[26] :

  • appartenance à une organisation ayant fait du terrorisme un moyen pour réaliser ses desseins ;
  • participation à un entraînement militaire dans le but de commettre des crimes terroristes ;
  • détention, port et transport darmes, munitions et explosifs ;
  • recrutement et entraînement dun groupe de personnes dans le cadre dune entreprise terroriste ;
  • mise à disposition darmes et explosifs au profit dune organisation terroriste ;
  • participation à une rébellion armée au cours de laquelle a été porté atteinte à des fonctionnaires et ayant entraîné la mort ;
  • tentative dhomicide volontaire avec préméditation ;
  • incitation des gens à sentretuer et à provoquer le désordre et le meurtre sur le territoire tunisien.

Lenquête menée indique que le groupe se faisait appeler « armée dAssad Ibn Fourat » et avait pour mission de recruter, collecter de largent et planifier des attentats notamment à Tunis et Sousse[25]. Toutefois, les pièces versées au dossier daccusation ne feraient nulle mention d’« attentats planifiés » contre des hypermarchés ou des ambassades[3] même si lambassade de Tunisie en France précise que parmi les documents en possession des terroristes figuraient des plans de position des sièges des chancelleries britannique et américaine à Tunis puisés sur Google Earth[18].

Dix chefs daccusation sont retenus à lencontre de trente prévenus âgées de 22 à 42 ans parmi lesquels 29 encourent la peine de mort[25],[27]. Le trentième prévenu, Zouheir Jrid, doit être jugé pour avoir tu des informations sur la préparation dactes terroristes dans la ferme familiale située sur les hauteurs de Grombalia. Le procès est ouvert le 21 novembre et ajourné à plusieurs reprises, « simplement pour avoir le minimum de temps pour préparer la défense » selon lun des avocats des prévenus qui sest plaint davoir été commis doffice durant le procès et de navoir pu rencontrer son client quà trois reprises[2]. Selon lui, le juge naurait ordonné aucune investigation complémentaire pendant linstruction et se serait entièrement reposé sur les rapports de police et les aveux des accusés[2]. À loccasion de la dernière audience ouverte le 29 décembre, Me Béchir Essid demande le report du procès pour donner « à la défense le temps nécessaire » à la préparation de ses plaidoyers qui lui est néanmoins refusé[26]. Durant les interrogatoires ayant duré plus de neuf heures, les inculpés oscillent entre la reconnaissance totale ou partielle des faits et la négation des crimes dont ils sont accusés alors que des divergences sont quelquefois apparues entre la cour et la défense.

Le lendemain, au terme dun procès de près de deux mois marqué par le retrait du collectif davocats de défense des prisonniers et labsence de représentants dONG ou du corps diplomatique en poste à Tunis[2], le juge Mehrez Hammami présidant la quatrième chambre criminelle du Tribunal de première instance de Tunis condamne deux prévenus à mort par pendaisonImed Ben Ameur (menuisier le 20 mai 1973 à Sousse) et Sabeur Ragoubi (ouvrier le 2 juin 1983 à Kairouan)[3] —, huit à la prison à perpétuité, sept à trente ans de prison ferme, deux à vingt ans, deux à quinze ans, deux à douze ans et deux à dix ans de prison ferme. Les cinq inculpés restants ont été condamnés à huit, sept, six et cinq ans de prison ferme[26]. Les prévenus les plus lourdement condamnés sont reconnus coupables d’« appartenance à une organisation terroriste, assassinats, maniement darmes, troubles et incitation de la population à sentretuer » mais la cour écarte les accusations de complots[28]. Selon lun des avocats, le dossier communiqué « ne dit pas un mot sur les lieux, les dates et lidentité précise des individus supposés avoir tiré sur les militaires et les policiers », lui faisant craindre que les condamnés aient porté le chapeau pour ceux tués durant les combats[2].

En appel, labsence de preuve à charge et la pratique de la torture pour « arracher de faux aveux » sont au centre des plaidoiries de la défense[29]. Avec le verdict prononcé dans la nuit du 20 au 21 février 2008, Ragoubi voit sa peine capitale confirmé mais Ben Ameur est condamné à la perpétuité[29]. Toutefois, le président Zine el-Abidine Ben Ali sest engagé en novembre 2007 dans une interview donnée au Figaro Magazine à « ne jamais signer lexécution de condamnés à mort »[30]. Six autres accusés sont condamnés à la prison à vie et les 22 accusés restants, parmi lesquels sept ont bénéficié dun allégement, se voient infliger des peines allant de trente à trois ans demprisonnement.

Hammami et Mahmoudi, arrêtés en avril 2006 à Kasserine, sont jugés dans un procès séparé devant la même juridiction. Selon laccusation, ils auraient aussi participé à des opérations terroristes en Algérie au cours desquelles deux gendarmes ont été égorgés et leur armes saisies[4]. Lors de leur interrogatoire, Mahmoudi affirme que son passage dans les maquis algériens devait le préparer au jihad en Irak. Ils sont condamnés le 11 février 2008 à des peines de douze et quinze ans de prison ferme notamment pour « appartenance à une organisation terroriste » et « incitation à la commission de crimes terroristes »[31]. Sept autres personnes accusées de leur avoir porté assistance et davoir projeté de se rendre en Algérie ont écopé de cinq ans demprisonnement chacune.

Annexes

Notes et références

  1. (fr) « Vincent Geisser. Chargé de recherche au CNRS », Invité Afrique, Radio France internationale, 5 janvier 2007
  2. a, b, c, d et e (fr) Khaled A. Nasri, « Tunisie. Ben Ali règle ses comptes », Telquel, n°307, 19 janvier 2008
  3. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n, o, p, q et r (fr) Samy Ghorbal, « Comment les salafistes ont été neutralisés », Jeune Afrique, 6 janvier 2008
  4. a et b (fr) « Tunisie : procès de jihadistes du groupe impliqué dans des affrontements », Agence France-Presse, 26 janvier 2008
  5. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n et o (fr) Arielle Thédrel, « La Tunisie aux prises avec al-Qaida », Le Figaro, 11 janvier 2007
  6. a, b, c et d (fr) Sanaa Tamssnaoui, « La Salafiya fait son apparition en Tunisie », Aujourdhui Le Maroc, 9 janvier 2007
  7. a, b et c (fr) « Tunisie. Les forces de la sécurité continuent de traquer un groupe de dangereux criminels », Associated Press, 3 janvier 2007
  8. a, b et c (fr) Elisa Drago, « Mystérieuses fusillades », Radio France internationale, 4 janvier 2007
  9. a, b, c et d (fr) José Garçon, « Fusillades à répétition dans la Tunisie tranquille de Ben Ali », Libération, 4 janvier 2007
  10. (fr) Florence Beaugé, « Seconde fusillade en dix jours aux abords de Tunis », Le Monde, 5 janvier 2007
  11. (fr) « Fusillades en Tunisie : le chef dun groupe salafiste éliminé », Agence France-Presse, 9 janvier 2007
  12. (ar) Vidéo amateur prise à Hammam Chott (Dailymotion)
  13. a, b, c et d (fr) « Tunisie. Les salafistes sont venus dAlgérie selon la presse », Associated Press, 11 janvier 2007
  14. (fr) « 25 criminels dangereux tués par la police en Tunisie », Reuters, 3 janvier 2007
  15. (fr) « La Tunisie dément quil y ait eu 25 morts dans une fusillade », Reuters, 3 janvier 2007
  16. (fr) « Péripéties et quelques lieux de la traque réussie des dangereux criminels », Le Temps (Tunisie), 7 janvier 2007
  17. a et b (fr) « Fusillades en Tunisie : une bande infiltrée dAlgérie liée au GSPC », Agence France-Presse, 11 janvier 2007
  18. a et b (fr) « Droit de réponse... à lambassade de Tunisie en France », Jeune Afrique, 14 janvier 2008
  19. a et b (fr) « Tunisie. Des ambassades et des diplomates étrangers étaient ciblés par le groupe armé récemment neutralisé », Associated Press, 12 janvier 2007
  20. a et b (fr) « La cellule démantelée en Tunisie était islamiste », Reuters, 12 janvier 2007
  21. Les forces de lordre étaient au courant de lentrée des terroristes en Tunisie, de leur identité et de leur appartenance et à aucun moment ils nauraient trompé leur vigilance.
  22. a et b (fr) « Fusillades en Tunisie : explosifs et plans dambassades saisis », Agence France-Presse, 12 janvier 2007
  23. a, b et c (fr) Salima Tlemçani, « La Tunisie touchée par le terrorisme », El Watan, 6 janvier 2008
  24. a et b (fr) « Fusillades en Tunisie : Tunis dément procéder à des arrestations massives », Agence France-Presse, 17 janvier 2007
  25. a, b et c (fr) « Tunisie : 29 présumés terroristes inculpés de complot contre lÉtat », Agence France-Presse, 19 septembre 2007
  26. a, b et c (fr) Abdelmajid Haouachi, « Laffaire de Soliman à lheure du verdict », Réalités, n°1150, 10 janvier 2008
  27. Dans la pratique, il est dusage que le président de la République accorde sa grâce systématiquement aux condamnés à mort qui voient leur peine commuée en prison à vie.
  28. (fr) « Tunisie : deux salafistes condamnés à mort et huit à la prison à vie », Agence France-Presse, 30 décembre 2007
  29. a et b (fr) « Tunisie : peine de mort pour lun des 30 salafistes jugés en appel », Agence France-Presse, 21 février 2008
  30. (fr) Olivier Michel, « Ben Ali : Nous navons jamais refusé la critique », Le Figaro Magazine, 9 novembre 2007
  31. (fr) « Tunisie : neuf salafistes djihadistes condamnés à des peines de cinq à quinze ans de prison », The Associated Press, 11 février 2008

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