Théorème d’équipartition

Théorème déquipartition

Équipartition de l'énergie

Agitation thermique dun peptide avec une structure en hélice alpha. Les mouvements sont aléatoires et complexes, lénergie dun atome peut fluctuer énormément. Néanmoins, le théorème déquipartition permet de calculer lénergie cinétique moyenne de chaque atome ainsi que lénergie potentielle moyenne de nombreux modes de vibration. Les sphères grises, rouges et bleues représentent des atomes de carbone, doxygène et dazote respectivement. Les sphères blanches plus petites représentent des atomes dhydrogène.

En physique statistique classique, léquipartition de lénergie est un résultat remarquable selon lequel lénergie totale dun système à léquilibre thermodynamique est répartie en parts égales en moyenne entre ses différentes composantes. Ce résultat découle très directement du postulat fondamental de la physique statistique ; on parle souvent de principe déquipartition de lénergie.

Plus précisément, le théorème déquipartition donne une équation qui permet de relier la température dun système macroscopique aux énergies moyennes des particules microscopiques qui le composent, permettant ainsi de faire des prédictions quantitatives. On le résume souvent par la formule : 1/2 kBT par degré de liberté, kB est la constante de Boltzmann et T la température exprimée en kelvin. Le théorème permet de calculer lénergie totale dun système à une température donnée, d lon peut calculer sa chaleur spécifique. Mais il donne aussi les valeurs moyennes de composantes de lénergie, telles que lénergie cinétique dune particule ou lénergie potentielle associée à un mode de vibration particulier.

Le théorème déquipartition peut notamment être utilisé pour retrouver la loi des gaz parfaits, la loi expérimentale de Dulong et Petit sur la chaleur spécifique des solides ou caractériser un mouvement brownien. De manière générale, il peut être appliqué à nimporte quel système classique à léquilibre thermodynamique, quelle que soit sa complexité. En revanche, il est mis en défaut quand les effets quantiques deviennent significatifs, notamment pour des températures suffisamment basses ou des densités élevées.

Historiquement, le problème de léquipartition de lénergie est lié à dimportants développements en physique et en mathématiques. Il a trouvé son origine au milieu du XIXe siècle dans la théorie cinétique des gaz, puis accompagné lémergence de la physique statistique. Au début du XXe siècle, il était encore au cœur de problèmes fondamentaux, dont notamment la catastrophe ultraviolette, qui ont conduit au développement de la mécanique quantique. En mathématiques, lexamen des conditions de validité du principe déquipartition a donné naissance à la théorie ergodique, une branche dans laquelle de nombreux problèmes restent encore ouverts.

Sommaire

Historique

Premières formulations

Léquipartition de lénergie cinétique fut initialement proposée en 1843[1] par John James Waterston qui travaillait à une première théorie cinétique des gaz. À cette époque, Waterston était aux Indes il travaillait en tant quingénieur pour le développement du chemin de fer. Il proposa son mémoire en 1845 à la Royal Society qui refusa de le publier, mais le conserva dans ses archives. Un court résumé de ses idées fut publié en 1846, puis un autre en 1851 dans laquelle on trouve une première version du principe déquipartition de lénergie. Le mémoire dorigine fut redécouvert et finalement publié bien plus tard en 1893, assorti dune introduction de Lord Rayleigh qui critique vivement le refus initial en reconnaissant lantériorité du travail de Waterston (mais aussi certaines erreurs)[2]. Telle que publiée en 1851, cette première version du principe déquipartition sécrit :

« Léquilibre […] entre deux gaz est atteint quand […] la vis viva de chaque atome est égale. La température dans les deux gaz est alors proportionnelle à la masse dun atome multipliée par le carré de la vitesse moyenne de latome[3]. »

Ces premiers travaux sont donc inconnus des principaux physiciens de lépoque qui développeront pendant les vingt ans qui suivirent la théorie cinétique des gaz et affineront les arguments, les formulations et les démonstrations du principe déquipartition. Rudolf Clausius, Ludwig Boltzmann, James Clerk Maxwell sont de ceux-. Ce dernier écrit notamment en 1878[4] :

« À une température donnée, lénergie cinétique totale dun système matériel est égale au produit du nombre de degrés de liberté de ce système par une constante qui est la même pour toute substance à cette température, cette constante étant en fait la température de léchelle thermodynamique multipliée par une constante absolue[5]. »

Le théorème déquipartition est considéré pendant le dernier tiers du XIXe siècle comme un des résultats principaux de la théorie cinétique des gaz. Sa généralité et sa simplicité en font un résultat séduisant ; il est connu et utilisé couramment par les expérimentateurs[6].

Un grand succès du théorème déquipartition fut la prédiction par Boltzmann de la loi expérimentale de Dulong et Petit sur la chaleur spécifique des solides, autre sujet détude au XIXe siècle. En 1819 en effet, les physiciens français Pierre Louis Dulong et Alexis Thérèse Petit avaient découvert que les chaleurs spécifiques molaires des solides à température ambiante étaient quasiment toutes identiques, environ 6 cal/(mol·K)[7]. Cette loi jusqualors expérimentale trouva dans le théorème déquipartition un fondement théorique. De même, les mesures des chaleurs spécifiques de gaz monoatomiques étaient tout à fait conformes à la théorie. Le théorème prédit que la chaleur spécifique dun gaz simple monoatomique doit être denviron 3 cal/(mol·K), ce qui fut en effet confirmé par lexpérience[8].

Paradoxes théoriques et expérimentaux

Cependant, le théorème déquipartition fut également mis en défaut. Dès 1840, des mesures de chaleur spécifique de solides avaient mis en évidence des écarts significatifs avec la loi de Dulong et Petit, notamment dans le cas du diamant[9],[10]. Au début des années 1870, des études en fonction de la température par James Dewar[11] et Heinrich Friedrich Weber[12],[13] montrèrent que la loi de Dulong et Petit nétait en réalité valable que pour les hautes températures.

Des mesures de chaleurs spécifiques de gaz diatomiques vinrent également contredire le théorème déquipartition. Le théorème prédisait une valeur de 7 cal/(mol·K) quand les chaleurs spécifiques mesurées étaient typiquement proches de 5 cal/(mol·K)[14] et tombaient même jusquà 3 cal/(mol·K) aux très basses températures[15].

Une troisième cas de désaccord fut la chaleur spécifique des métaux[16]. Selon le classique modèle de Drude développé au début des années 1900 et le théorème déquipartition, les électrons dans les métaux devraient se comporter comme un gaz quasi parfait, et devraient contribuer pour 3/2 NekB à la chaleur spécifique Ne est le nombre délectrons. Lexpérience montre toutefois que les électrons contribuent peu à la chaleur spécifique : les chaleurs spécifiques molaires de nombreux conducteurs et disolants sont quasiment égales[16].

Un dernier cas de désaccord, et pas des moindres, était donné par le problème de lémission de rayonnement du corps noir. Le paradoxe vient du fait quil y a une infinité de modes indépendants du champ électromagnétique dans une cavité fermée, chacun pouvant être traité comme un oscillateur harmonique. Si chaque mode avait une énergie kBT, la cavité contiendrait donc une énergie infinie[17],[18]. Ce paradoxe est resté dans lhistoire sous le nom de catastrophe ultraviolette. En 1900, ce paradoxe est le second « nuage » évoqué par Lord Kelvin lors de sa conférence Nineteenth-Century Clouds over the Dynamical Theory of Heat and Light[19]. Il ne sera résolu que par les développements de mécanique quantique.

Au-delà des cas déchecs rapportés par lexpérience, le théorème déquipartition se heurte également à un problème fondamental, souligné dès 1875 par James Maxwell[20] : à mesure que lon décompose les molécules de gaz en constituants élémentaires, on peut trouver de nouveaux degrés de libertés qui devraient aux-aussi contribuer à lénergie totale. À la limite, celle-ci deviendrait infinie ! Ce paradoxe est insoluble par la physique classique. Et pourtant, la démonstration du théorème ne présente pas de faille apparente, et les succès de la théorie cinétique des gaz sont par ailleurs indéniables.

Face à ces difficultés, plusieurs attitudes sont possibles. Certains, mais pas les plus nombreux, pensent que le théorème est faux. Cest notamment le cas de Lord Kelvin[21]. Mais ils ne parviennent pas à démontrer en quoi. Dautres, prenant actes des succès du théorème, préfèrent penser quil nest pas applicable dans les cas qui posent problèmes, pour des raisons qui restent à préciser. Ludwig Boltzmann avança que les gaz pouvaient ne pas être à léquilibre thermodynamique à cause de leurs interactions avec léther[22]. Maxwell pense que le problème ne pourra pas être résolu sans une connaissance précise et complète de la structure interne des molécules. Mais ce problème aussi se révèle de plus en plus compliqué. Certains, plus prudents encore, remettent en cause la pertinence de lutilisation des lois de la mécanique (chocs) aux molécules et, de , la nature même de la matière. Lord Rayleigh quant à lui, dans une conférence quil donne en 1900, avance fermement que le théorème déquipartition et lhypothèse expérimentale de léquilibre thermodynamique sont tous les deux corrects, mais pour les réconcilier invoque le besoin dun nouveau principe qui pourrait fournir une « échappatoire à la simplicité destructrice » du théorème déquipartition[23].

Naissance de la mécanique quantique

Albert Einstein au premier congrès Solvay en 1911.

Cette échappatoire fut trouvée progressivement à partir des années 1900. Cette année-, Max Planck présente un travail sur le rayonnement du corps noir dans lequel il imagine des niveaux dénergie discrets, ce qui lui permet déchapper à la catastrophe ultraviolette. Cest alors une hypothèse purement mathématique. Max Planck ne sintéresse que peu alors au problème de léquipartition de lénergie ; il est réticent de manière générale devant les méthodes de la physique statistique[24].

Cest notamment à Albert Einstein que lon doit le lien avec léquipartition[25]. Il insiste en 1905 sur le fait que le théorème déquipartition associé aux théories classiques du rayonnement conduisent nécessairement à la loi de Rayleigh-Jeans et à la catastrophe ultraviolette[17]. Il introduit en 1907 un effet de quantification pour résoudre le problème de la chaleur spécifique des solides : cest le modèle dEinstein qui sera par la suite amélioré par Peter Debye[26]. Au premier congrès Solvay en 1911, il remet en cause la validité du théorème pour les systèmes dont lénergie est quantifiée.

Mécanique quantique et équipartition semblent alors incompatibles. Larticulation entre les deux sera trouvée avec la théorie quantique du gaz parfait. Dans un article quil publie en 1924 en partant des idées de Satyendranath Bose, Einstein montre que léquipartition est valable dans la limite des faibles densités et des hautes températures, calculant même un critère de validité. Le théorème déquipartition perd alors définitivement son statut de formule générale pour devenir une approximation, valable seulement quand la physique classique elle-même est une bonne approximation de la physique quantique[27].

Vers la théorie ergodique

Avec le développement de la physique statistique, les conditions de validité de léquipartition de lénergie sont clairement posées. Elle repose notamment sur lhypothèse fondamentale selon laquelle la valeur moyenne dune grandeur prise sur une durée suffisamment longue (celle que lon mesure) est égale à la valeur moyenne densemble, calculée par la physique statistique. Cette hypothèse dergodicité, formulée explicitement par Boltzmann dès 1871, est validée a posteriori par la justesse des prédictions quelle permet, mais reste une hypothèse.

Or, il existe très peu de systèmes pour lesquelles on a la certitude que cette hypothèse est effectivement réalisée. On a même la certitude que cette hypothèse nest pas réalisée dans un certain nombre de cas très simples : par exemple, un gaz rigoureusement parfait dans lequel les molécules ne sentrechoqueraient pas nest pas un système ergodique. Les conditions de validité de cette hypothèse restent à explorer.

En 1953, lexpérience de Fermi-Pasta-Ulam rapporte un exemple déchec de léquipartition. Cette première expérience numérique consiste à étudier la répartition à long terme de lénergie dun système dynamique unidimensionnel de 64 masses couplées entre elles par des ressorts harmoniques perturbés par une faible anharmonicité, sachant quun seul mode du système est initialement excité. Lissue de lexpérience surprend : lénergie ne se répartit pas également entre les différents modes, contrairement aux prédictions de léquipartition.

Une première réponse à ce paradoxe sera suggérée par Kolmogorov en 1954, puis démontrée indépendamment par Arnold et Mauser en 1963 : cest le théorème KAM qui montre que de faibles couplages non linéaires ne suffisent pas à rendre un système ergodique.

Ces travaux ont conduit au développement dune branche des mathématiques, la théorie ergodique, qui étudie les conditions dergodicité dun système. De nombreux cas déchec de léquipartition ont été mis en évidence, souvent au moyen de simulations numériques (chaînes anharmoniques, milieux granulaires…). Dans ce domaine, de nombreux problèmes restent ouverts.

Première approche

Dans une première approche, on résume souvent[28] le théorème déquipartition de la façon suivante :

Dans un système à léquilibre à la température T, chaque degré de liberté contribue pour 1/2 kBT à lénergie totale, kB est la constante de Boltzmann.

Cet énoncé nest quun résultat particulier du théorème. Il omet certaines hypothèses. Cependant, il permet déjà de retrouver un certain nombre de résultats et de traiter des cas particuliers importants qui sont détaillés ci-dessous. Bien entendu, on retrouve dans cette affirmation le fait que lénergie est répartie également entre tous les degrés de liberté, d le nom « équipartition ».

Dans la suite, le symbole H, pour Hamiltonien, sera utilisé comme symbole pour lénergie en raison du rôle central que joue le formalisme de Hamilton dans la formulation plus générale du théorème déquipartition qui suivra. Dautre part, on notera avec des crochets \langle X \rangle la valeur moyenne dune quantité X. On en précisera par la suite le sens mathématique précis.

Gaz parfait monoatomique : lexemple des gaz rares

Les gaz rares sont des exemples types pour lapplication du théorème déquipartition. Comme on le voit sur cette simulation, la vitesse, et donc lénergie cinétique dun atome donné, peut fluctuer considérablement. Le théorème déquipartition permet de calculer son énergie cinétique moyenne à une température donnée. Dans ce schéma, cinq particules ont été colorées en rouge afin de suivre plus facilement leur mouvement. La couleur na pas dautre signification.

Un gaz rare est un gaz des plus simples qui soient : il est constitué uniquement datomes dont lénergie nest donc composée que de lénergie cinétique due à leur mouvement de translation. Chaque atome dispose de trois degrés de liberté associés aux trois composantes de la vitesse, cest-à-dire aux trois directions de lespace. Si on décompose la vitesse de latome suivant ces trois directions en les notant vx, vy et vz, en notant m la masse, alors lénergie cinétique (newtonienne) sécrit comme une somme de trois termes dont chacun correspond à un degré de liberté :


H^{\mathrm{cin}} = \tfrac{1}{2} m v_{x}^{2} + \tfrac{1}{2} m v_{y}^{2} + \tfrac{1}{2} m v_{z}^{2}.

À léquilibre thermodynamique, chaque degré de liberté contribue daprès le théorème déquipartition pour 1/2 kBT à lénergie cinétique. Lénergie cinétique moyenne totale dune particule est donc 3/2 kBT, et lénergie totale dun gaz parfait composé de N particules est 3/2 NkBT.

Il sen suit que la chaleur spécifique du gaz est 3/2 NkB et donc en particulier que la chaleur spécifique dune mole dun tel gaz est 3/2 NAkB NA est le nombre dAvogadro, ou encore 3/2 R R est la constante des gaz parfaits. Puisque R vaut approximativement 2 cal/(mol.K), le théorème prédit que la capacité thermique molaire dun gaz parfait est environ 3 cal/(mol.K).

Connaissant lénergie cinétique moyenne, on peut calculer la vitesse quadratique moyenne vqm des atomes du gaz :


v_{\mathrm{qm}} = \sqrt{\langle v^{2} \rangle} = \sqrt{\frac{3 k_{B} T}{m}} = \sqrt{\frac{3 R T}{M}},

M = mNA est la masse dune mole de gaz. La vitesse quadratique moyenne est donc dautant plus faible que les atomes sont lourds. Les atomes du xénon auront une vitesse moyenne plus basse que les atomes plus légers de lhélium à une même température. Ce résultat est utile dans un grand nombre dapplications, telles que la loi deffusion de Graham dont a été tirée notamment une méthode denrichissement de luranium[29].

Gaz parfait diatomique et polyatomique

On considère maintenant un gaz dont les molécules sont composées de deux atomes ou plus. On suppose que les différents atomes sont liés rigidement entre eux. Une telle molécule dispose comme dans le cas précédent de trois degré de libertés associés à son déplacement dans le conteneur. Mais elle peut aussi tourner sur elle-même et accumuler ainsi de lénergie. Ces degrés de libertés supplémentaires contribuent aux aussi à lénergie totale et à la chaleur spécifique.

Dans le cas le plus général, si les moments dinertie principaux de la molécule sont I1, I2 et I3, alors cette énergie cinétique de rotation est donnée par


H^{\mathrm{rot}} = \tfrac{1}{2}I_{1} \omega_{1}^{2} + \tfrac{1}{2}I_{2} \omega_{2}^{2} + \tfrac{1}{2}I_{3} \omega_{3}^{2},

ω1, ω2 et ω3 sont les composantes principales de la vitesse angulaire. Ce cas est formellement très similaire au cas précédent ; lénergie est proportionnelle au carré de la vitesse angulaire. Par un raisonnement identique, léquipartition implique donc que lénergie cinétique moyenne de rotation de chaque molécule est 3/2 kBT à léquilibre.

Il convient de distinguer deux cas, selon que la molécule est linéaire (atomes parfaitement alignés) ou non. Dans le premier cas, la molécule ne peut pas accumuler de lénergie par rotation autour de son axe : il ny a que deux degrés de liberté au lieu de trois. La contribution de lénergie cinétique de rotation à lénergie totale sera deux fois 1/2 kBT seulement. Pour une molécule non linéaire, lénergie moyenne totale de rotation est en revanche 3/2 kBT.

Dans les gaz diatomiques tels que lazote, loxygène, les molécules sont composées de deux atomes identiques et sont forcément linéaires. Avec le modèle de molécule que lon vient de décrire, la chaleur spécifique totale dun tel gaz diatomique est donc 5/2 R.

Vibration des molécules

Modes de vibration dune molécule de CO2. Chaque mode contribue comme un oscillateur harmonique pour kBT à lénergie totale du gaz. Le 4e mode, identique au (c) à une rotation près, nest pas représenté ici.

Si on considère quune molécule de gaz est un ensemble de plusieurs atomes liés élastiquement et non plus rigidement, alors cette molécule peut vibrer et accumuler de lénergie dans son mouvement de vibration. On peut alors modéliser un mode de vibration de la molécule par un oscillateur harmonique. Dans le cas le plus simple à une dimension, cet oscillateur a a deux types dénergie :

  • de lénergie cinétique, fonction de sa masse m et sa vitesse v
  • de lénergie potentielle associée à la force de rappel qui tend à le ramener vers sa position déquilibre. Cette énergie est fonction de la raideur du ressort a et de lécart à la position déquilibre x.

Lénergie totale est alors obtenue en additionnant ces deux énergies :


H = H^{\mathrm{cin}} + H^{\mathrm{pot}} = \tfrac{1}{2}m v^2 + \tfrac{1}{2} a x^2.

Le théorème déquipartition sapplique de la même manière aux deux composantes de lénergie, chacune comptant pour un degré de liberté. À léquilibre, loscillateur aura donc une énergie moyenne


\langle H \rangle = 
\langle H^{\mathrm{cin}} \rangle + \langle H^{\mathrm{pot}} \rangle = 
\tfrac{1}{2} k_{B} T + \tfrac{1}{2} k_{B} T = k_{B} T.

Chaque oscillateur, donc chaque mode de vibration, a donc une énergie moyenne totale kBT et contribue pour kB à la chaleur spécifique du système. Pour connaître la contribution des vibrations moléculaires à lénergie totale, il suffit donc de connaître le nombre de ses modes propres de vibrations : une molécule composée de n atomes en possède 3n 5 si tous les atomes sont alignés comme dans le CO2 représenté ci-contre, et 3n 6 dans le cas contraire, par exemple pour la molécule deau[30].

On verra dans la suite quil faut toutefois être prudent : tous les modes ne contribuent pas nécessairement à lénergie totale selon la température ; la mécanique quantique permettra dexpliquer pourquoi.

Équipartition en théorie cinétique des gaz

Article détaillé : Théorie cinétique des gaz.

Les présentations modernes du théorème déquipartition dans le cadre de la physique statistique sont très générales mais abstraites. Elles ne reflètent que peu les raisonnements dorigine qui sappliquaient au problème beaucoup plus concret de la théorie cinétique des gaz. Les arguments et démonstrations dalors, bien que moins généraux, sont utilisés par de nombreux enseignants et auteurs pour leur intérêt pédagogique. Ils permettent de mettre en valeur dune façon différente les hypothèses fondamentales de léquipartition.

Dans le cadre de la théorie cinétique des gaz, on considère un système composé dun très grand nombre de sphères dures dans un conteneur. Ces sphères sont animées dun mouvement de translation et entrent en collision les unes avec les autres. On peut supposer ici que les sphères ninteragissent pas entre elles en-dehors des collisions. Tout lenjeu de la théorie est de relier les caractéristiques microscopiques de ces mouvements (masse des particules, vitesses) aux grandeurs macroscopiques que lon mesure (pression, température).

Des collisions à léquipartition

Illustration dun choc élastique entre deux sphères dures en deux dimensions. Les vitesses des deux sphères après le choc sont déterminées par la conservation de lénergie totale et de la quantité de mouvement.

Lorsque deux particules entrent en collision, elles arrivent toutes deux avec des vitesses différentes, donc des énergies cinétiques différentes, et repartent après le choc avec des directions et des vitesses déterminées par la conservation de la quantité de mouvement et de lénergie totale. En général, lénergie dune particule après le choc est différente de son énergie avant le choc. La collision est donc un moyen déchanger de lénergie entre les particules. Dans le modèle le plus simple tel quil est proposé ici, cest même le seul moyen. Pour démontrer léquipartition de lénergie dans le cadre de ce modèle, il faut donc montrer comment les collisions tendent à répartir lénergie équitablement en moyenne entre toutes les particules.

Dans tout ce qui suit, on va considérer des chocs élastiques entre deux sphères dures de masses différentes m1 et m2. On considère le choc par commodité dans le référentiel du centre de masse des deux particules, lui-même animé dun mouvement de translation rectiligne uniforme par rapport au conteneur (tant quaucune particule ne rebondit sur une paroi), avec une vitesse quon notera vcm. On notera v1 et v2 les vitesses des particules.

À partir dun cas particulier, James Maxwell avait avancé que le choc ne pouvait que réduire la différence dénergie entre les deux particules. À la suite dun très grand nombre de chocs, lénergie ne pouvait donc que tendre vers une égalité en moyenne. Cet argument ne suffit pas à montrer que les chocs conduisent à léquipartition ; il ne sagit après tout que dun cas particulier. Toutefois, de manière plus précise, il est possible de montrer que le choc ne peut que réduire la corrélation entre la différence des vitesses des deux particules et la vitesse de leur centre de masse[31]. À léquilibre, on peut donc supposer que cette corrélation tend vers 0 :


\langle (v_2 - v_1)\cdot v_{\mathrm{cm}} \rangle_{\mathrm{eq}} = 0

En utilisant lexpression de la vitesse du centre de masse, on en conclut que


\frac{1}{m_1 + m_2}\,\langle m_2 v_2^2 - m_1 v_1^2 \rangle_{\mathrm{eq}} + \frac{m_2 - m_1}{m_1 + m_2}\, \langle v_1\cdot v_2 \rangle_{\mathrm{eq}} = 0

Le premier terme de cette somme est proportionnel à la différence dénergie cinétique moyenne entre les deux particules. Le second terme est la corrélation entre les vitesses initiales des particules. Si on suppose que ces deux vitesses sont indépendantes, autrement dit quil ny a aucune relation a priori entre les vitesses de deux particules avant le choc, alors ce second terme sannule. Cest ce quon appelle lhypothèse du chaos moléculaire. Dans ce cas, on retrouve donc légalité des énergies cinétiques moyennes à léquilibre :


\tfrac{1}{2} m_1 \langle v_1^2 \rangle_{\mathrm{eq}} = \tfrac{1}{2} m_2 \langle v_2^2 \rangle_{\mathrm{eq}}

Notons quil nest pas possible de déduire léquipartition à partir des équations du choc élastique seulement : ces équations restent réversibles à léchelle macroscopique, alors que lévolution vers léquilibre thermodynamique est un processus irréversible.

Distribution des vitesses à léquilibre thermodynamique

Densités de probabilité des vitesses des atomes de quatre gaz rares à une température de 25°C : lhélium, le néon, largon et le xénon. Les exposants précisent leur nombre de masse.

Une fois que léquilibre thermodynamique est atteint, les vitesses des particules suivent la distribution des vitesses de Maxwell-Boltzmann[32]. Cette distribution est tracée sur la figure ci-contre pour quatre gaz rares. Elle est la seule solution stationnaire de léquation de Boltzmann. En dautres termes, les chocs entre particules ne font que modifier les vitesses de particules prises au hasard, mais ne modifient pas la répartition densemble.

On peut vérifier que la distribution de Maxwell-Boltzmann permet de retrouver le théorème déquipartition pour le gaz parfait monoatomique. Partant de lexpression explicite de la densité de probabilité


f (v) = 4 \pi 
\left( \frac{m}{2 \pi k_\text{B} T}\right)^{3/2}\!\!v^2
\exp \left(
\frac{-mv^2}{2k_\text{B} T}
\right)

pour la vitesse dune particule de masse m dans le système, on peut calculer lénergie cinétique moyenne dune particule par la formule intégrale :


\langle H^{\mathrm{cin}} \rangle = 
\langle \tfrac{1}{2} m v^{2} \rangle = 
\int _{0}^{\infty} \tfrac{1}{2} m v^{2}\ f(v)\ dv = \tfrac{3}{2} k_\text{B} T.

On retrouve ici le fait que chaque particule a exactement la même énergie cinétique moyenne, 3/2 kBT[33].

Théorème déquipartition en physique statistique

La formulation du théorème déquipartition sappuie sur le formalisme de la mécanique hamiltonienne. Létat dun système physique est caractérisé par ses coordonnées dans lespace des phases, communément séparées en coordonnées généralisées qk et impulsions généralisées pk, pk est le moment conjugué à qk. Les (qk,pk) décrivent complètement létat du système. Un degré de liberté noté xn désignera une de ces coordonnées, autrement dit un qk ou un pk.

Les crochets \left\langle \ldots \right\rangle désignent une moyenne densemble sur lespace des phases. Dans un système ergodique, elle est égale à la moyenne prise sur une durée suffisamment longue, qui est celle que lon mesure en pratique.

Théorème déquipartition

Énoncé

Le théorème déquipartition affirme : à léquilibre thermodynamique, lénergie moyenne dun système dont le hamiltonien H sécrit comme la somme de fonctions quadratiques de ses coordonnées est répartie également entre toutes ses composantes et vaut 1/2 fkBT f est le nombre de termes de la somme. On peut lécrire


\langle H \rangle
= \left\langle\sum_k a_k q_k^2 + \sum_k b_k p_k^2\right\rangle
= \tfrac{1}{2} f k_B T

Ce nombre f est souvent désigné comme le nombre de « degrés de liberté » du système, mais cest un raccourci qui peut être trompeur. Ce nombre compte en réalité le nombre de termes quadratiques du hamiltonien ; il ne correspond pas à la définition habituelle dun degré de liberté en physique.

Démonstration

Dans lensemble canonique, cette formule peut être démontrée par calcul direct de la valeur moyenne à partir de la fonction de partition, classiquement notée Z. Le calcul ramène à des intégrales de fonctions gaussiennes quon sait calculer explicitement. On utilise ensuite les relations habituelles de lensemble canonique. Cest cette démonstration qui était présentée avant que ne soit introduite la version généralisée du théorème.

Théorème généralisé

Énoncé

On appelle théorème déquipartition généralisé une formule démontrée pour la première fois par Tolman en 1918[34] qui étend lidée de léquipartition pour des hamiltoniens de forme générale. Même si la présentation qui en est faite diffère légèrement dun auteur à lautre, cest en général cette formule qui est démontrée dans les ouvrages généraux de physique statistique. Ce théorème généralisé affirme que pour un système à léquilibre thermodynamique à la température T, décrit par un hamiltonien H et des degrés de liberté xn, on a, pour tous les indices n et m,

\!
\Bigl\langle x_{m} \frac{\partial H}{\partial x_{n}} \Bigr\rangle = \delta_{mn} k_{B} T.

δnm est le symbole de Kronecker qui vaut 1 si n = m et 0 dans les autres cas.

Dans ce cas général, aucune hypothèse nest faite sur la forme du hamiltonien. En contrepartie, lénergie nest pas nécessairement répartie de manière égale entre toutes ces composantes : il ny a pas nécessairement « équipartition » de lénergie au sens strict. On en verra un exemple dans le cas de la sédimentation de particules. Cest pourquoi plusieurs auteurs ne reprennent pas lappellation « théorème déquipartition généralisé » proposée initialement par Tolman.

Bien entendu, cette formule générale permet de retrouver le résultat particulier du paragraphe précédent.

Démonstrations

Le résultat général peut se démontrer dans lensemble microcanonique quand lénergie totale du système est constante, et aussi dans lensemble canonique, quand le système est couplé à une source de chaleur avec laquelle il peut échanger de lénergie. Dans un cas comme dans lautre, la démonstration procède par le calcul explicite de la moyenne sur lespace des phases.

Dans tous les cas, on notera lélément de volume infinitésimal de lespace des phases

= dqidpi
i

.

Dans lensemble microcanonique, le système est isolé du reste du monde, ou au moins très faiblement couplé. De la sorte, son énergie totale est constante. On dit que lénergie totale H est confinée entre E et ΔE. Pour une énergie E donnée et un écart ΔE, on note Γ(EE) le volume de la région de lespace des phases dans laquelle lénergie du système est comprise entre E et E + ΔE :


\Gamma (E, \Delta E) = \int_{H \in \left[E, E+\Delta E \right]} \mathrm d\Gamma
.

La probabilité doccupation de tous les états de cette région est la même, par définition de lensemble microcanonique. La valeur moyenne dune grandeur X sécrit alors


\langle X \rangle =
\frac{1}{\Gamma} \, \int_{H \in \left[ E, E+\Delta E \right]} X \,\mathrm d\Gamma

On peut alors montrer que


\Bigl\langle x_m \frac{\partial H}{\partial x_n} \Bigr\rangle = \delta_{mn} k_B T
.

Dans lensemble canonique, on considère le système en équilibre thermodynamique avec une source de chaleur de température fixe T (en Kelvin). La probabilité doccupation de chaque état dans lespace des phases est donnée par son facteur de Boltzmann multiplié par un facteur de normalisation qui assure que la somme des probabilités est bien égale à un et dont la valeur nimporte pas ici ; on le notera \mathcal N. La valeur moyenne dune quantité X est alors définie par


\langle X \rangle = \mathcal{N} \int X e^{-\beta H(\vec x)} \mathrm d\Gamma.

Le calcul explicite (qui fait essentiellement appel à une intégration par partie) donne le résultat souhaité.

Théorème déquipartition et théorème du viriel

Article détaillé : Théorème du viriel.

Le théorème déquipartition est étroitement lié au théorème du viriel qui sapplique lui aussi aux systèmes à plusieurs particules. Ce dernier a dailleurs été proposé par Rudolf Clausius[35] lors des développements des fondements de la thermodynamique, alors quil cherchait à relier les notions de température et de chaleur aux mouvements des molécules de gaz.

Partant du théorème déquipartition généralisé, en utilisant les relations de la mécanique hamiltonienne, on peut écrire :


k_B T = \Bigl\langle q_{k} \frac{\partial H}{\partial q_{k}} \Bigr\rangle = -\Bigl\langle q_{k} \frac{dp_{k}}{dt} \Bigr\rangle

Daprès le principe fondamental de la dynamique, la dérivée de pk par rapport au temps est égale à la force généralisée Fk agissant sur la particule. On peut donc écrire


k_B T = - \langle q_k F_k \rangle

Toujours daprès le théorème déquipartition, on sait que la valeur moyenne de lénergie cinétique pour un degré de liberté vaut kBT / 2. En combinant ces deux relations, on obtient donc :


\frac{1}{2}m\langle v^2 \rangle = -\frac{1}{2}\langle q_k F_k \rangle

Cette relation est très semblable au théorème du viriel tel quénoncé à lorigine par Clausius : pour un ensemble de particules de masse m animées dun mouvement stable, repérées par leurs positions \vec r et leurs vitesses \vec v, sur lesquelles sexerce des forces \vec F, on a


\sum \frac{1}{2} m \overline{v^2} = - \frac{1}{2}\sum\overline{\vec{r}\cdot\vec{F}}

La différence majeure réside dans le fait quil sagit dans ce dernier cas dune moyenne temporelle, représentée par le trait horizontal, et non plus dune moyenne densemble. De manière générale, le théorème de Birkhoff montre que légalité de ces deux moyennes est vérifiée pour les systèmes ergodiques.

Applications classiques de léquipartition

Loi de Dulong et Petit

Article détaillé : Loi de Dulong et Petit.
Dans un cristal, les atomes oscillent autour de leur position déquilibre. La contribution de ces oscillations à la chaleur spécifique conduit à la loi de Dulong et Petit.

La loi de Dulong et Petit sur la chaleur spécifique des solides se déduit très simplement de ce qui précède[36]. On considère un cristal composé de N atomes. Chacun de ces atomes occupe une position déquilibre autour de laquelle il peut osciller. Ce mouvement peut se faire dans les trois directions de lespace, de manière indépendante. Le solide peut donc être considéré en première approche comme un système de 3N oscillateurs harmoniques indépendants.

On a vu précédemment quun oscillateur harmonique a une énergie moyenne kBT. Lénergie moyenne totale du solide est 3NkBT, sa chaleur spécifique est 3NkB. La chaleur spécifique molaire de ce matériau est donc 3NAkB NA est le nombre dAvogadro, ce qui sécrit encore 3R R est la constante des gaz parfaits. On retrouve bien la loi de Dulong et Petit selon laquelle la chaleur spécifique molaire des solides est indépendante de la nature du solide et égale à 3R, soit environ 6 cal/(mol·K).

Dérivation de la loi des gaz parfaits

Le théorème déquipartition peut être utilisé pour retrouver la loi des gaz parfaits à partir de la mécanique classique. Ce calcul consiste à calculer le viriel du gaz de deux façons différentes.

On note \mathbf q = (q_x, q_y, q_z) et \mathbf p = (p_x, p_y, p_z) les vecteurs positions et quantité de mouvement dune particule dans le gaz et \mathbf F la force totale sexerçant sur cette particule, alors


\begin{align}
\langle \mathbf{q} \cdot \mathbf{F} \rangle &= \Bigl\langle q_{x} \frac{dp_{x}}{dt} \Bigr\rangle + 
\Bigl\langle q_{y} \frac{dp_{y}}{dt} \Bigr\rangle + 
\Bigl\langle q_{z} \frac{dp_{z}}{dt} \Bigr\rangle\\
&=-\Bigl\langle q_{x} \frac{\partial H}{\partial q_x} \Bigr\rangle -
\Bigl\langle q_{y} \frac{\partial H}{\partial q_y} \Bigr\rangle - 
\Bigl\langle q_{z} \frac{\partial H}{\partial q_z} \Bigr\rangle = -3k_{B} T,
\end{align}

la première égalité est donnée par la seconde loi de Newton, et la seconde ligne utilise les équations de Hamilton et le théorème déquipartition. La sommation sur lensemble des N particules du système donne


- \biggl\langle \sum_{k=1}^{N} \mathbf{q}_{k} \cdot \mathbf{F}_{k} \biggr\rangle = 3Nk_{B} T.

En vertu de la troisième loi de Newton et de lhypothèse du gaz parfait, la force totale sur le système est la force appliquée par les parois du conteneur, et cette force est donnée par la pression P du gaz. En conséquence :


-\biggl\langle\sum_{k=1}^{N} \mathbf{q}_{k} \cdot \mathbf{F}_{k}\biggr\rangle = P \oint_{\mathrm{surface}} \mathbf{q} \cdot \mathrm d\mathbf S,

\mathrm d\mathbf S est un élément de surface infinitésimal sur la paroi du conteneur. En utilisant le théorème de Green-Ostrogradsky, on peut calculer


P \oint_{\mathrm{surface}} \mathbf{q} \cdot \mathbf{dS} = P \int_{\mathrm{volume}} \left( \boldsymbol\nabla \cdot \mathbf{q} \right) dV = 3PV,

dV est un élément de volume infinitésimal dans le conteneur et V est son volume total. En regroupant des égalités, on obtient


3Nk_{B} T = -\biggl\langle \sum_{k=1}^{N} \mathbf{q}_{k} \cdot \mathbf{F}_{k} \biggr\rangle = 3PV,

ce qui nous donne immédiatement la loi des gaz parfaits pour N particules :


PV = Nk_{B} T = nRT,\,

n = N / Na est le nombre de moles de gaz et R = NAkB est la constante des gaz parfaits.

Étude dun mouvement brownien

Mouvement brownien typique dune particule en deux dimensions. Le théorème déquipartition permet de retrouver en moyenne les caractéristiques de ce mouvement aléatoire au cours du temps.

Le mouvement brownien désigne une description mathématique du mouvement aléatoire dune grosse particule immergée dans un fluide et qui nest soumise à aucune autre interaction que des chocs avec les petites molécules du fluide environnant. Les mécanismes en œuvre dans ce type de mouvement sont proches des idées de la théorie cinétique des gaz. Le théorème déquipartition fut utilisé très tôt, dès 1879, pour caractériser un tel mouvement[37].

On peut partir de léquation de Langevin selon laquelle le mouvement dune particule de masse m et de vitesse v est régi par la seconde loi de Newton qui sécrit


\frac{d\mathbf{v}}{dt} = \frac{1}{m} \mathbf{F} = -\frac{\mathbf{v}}{\tau} + \frac{1}{m} \mathbf{F}^{\mathrm{a}},

\mathbf F^{\mathrm a} est une force aléatoire représentant les collisions aléatoires entre la particule et les molécules voisines, et la constante de temps τ reflète la force de frottement fluide qui soppose au mouvement de la particule dans la solution. La trainée est souvent notée \mathbf F^{\mathrm{tr}} = - \gamma \mathbf v, la constante de temps est alors m / γ.

En faisant le produit scalaire de cette équation avec le vecteur position \mathbf r, puis une moyenne, on obtient


\Bigl\langle \mathbf{r} \cdot \frac{d\mathbf{v}}{dt} \Bigr\rangle + 
\frac{1}{\tau} \langle \mathbf{r} \cdot \mathbf{v} \rangle = 0

pour le mouvement brownien (puisque la force aléatoire \mathbf F^{\mathrm a} et la position \mathbf r ne sont pas corrélées). En utilisant les identités remarquables


\frac{d}{dt} \left( \mathbf{r} \cdot \mathbf{r} \right) = 
\frac{d}{dt} \left( r^{2} \right) = 2 \left( \mathbf{r} \cdot \mathbf{v} \right)

et


\frac{d}{dt} \left( \mathbf{r} \cdot \mathbf{v} \right) = v^{2} + \mathbf{r} \cdot \frac{d\mathbf{v}}{dt},

léquation de base du mouvement brownien peut être transformée en


\frac{d^{2}}{dt^{2}} \langle r^{2} \rangle + \frac{1}{\tau} \frac{d}{dt} \langle r^{2} \rangle = 
2 \langle v^{2} \rangle = \frac{6}{m} k_{B} T,

la dernière égalité provient du théorème déquipartition pour lénergie cinétique de translation :


\langle H^{\mathrm{cin}} \rangle = \Bigl\langle \frac{p^{2}}{2m} \Bigr\rangle = \langle \tfrac{1}{2} m v^{2} \rangle = \tfrac{3}{2} k_{B} T.

Léquation différentielle ci-dessus pour \langle r^2\rangle a une solution exacte (pour des conditions initiales convenables:


\langle r^{2} \rangle = \frac{6k_{B} T \tau^{2}}{m} \left( e^{-t/\tau} - 1 + \frac{t}{\tau} \right).

À une échelle de temps très courte, i.e. pour t \ll \tau, la particule se comporte comme une particule libre : en utilisant le développement de Taylor de la fonction exponentielle, le carré de la distance croît quadratiquement :


\langle r^{2} \rangle \approx \frac{3k_{B} T}{m} t^{2} = \langle v^{2} \rangle t^{2}.

En revanche, à une échelle de temps plus longue, pour t \gg \tau, lexponentielle et les termes constants deviennent négligeables et le carré de la distance ne croît que linéairement :


\langle r^{2} \rangle \approx \frac{6k_{B} T\tau}{m} t = 6\gamma k_{B} T t.

Ceci décrit la diffusion de la particule dans le temps. Une équation analogue pour la diffusion de la rotation dune molécule rigide peut être calculée de la même manière.

Étude de la sédimentation de particules

Le théorème déquipartition généralisé a été appliqué à létude de la sédimentation de particules en suspension sous linfluence de la gravité[38]. On considère pour cela des particules pesantes (par exemple de grosses protéines) dans leau. Les chocs entre ces particules produisent un mécanisme de diffusion qui tend à homogénéiser la concentration des protéines dans tout le récipient. Par ailleurs, la gravité tend à faire tomber toutes les protéines vers le bas du récipient. Une fois que léquilibre entre ces deux mécanismes antagonistes a été atteint, il est possible de déterminer grâce au théorème déquipartition lénergie potentielle moyenne dune particule et donc sa position moyenne. Pour une bouteille infiniment haute, lénergie potentielle de gravitation dune particule de masse mb est donnée par


H^{\mathrm{grav}} = m_{b} g z\,,

z est la hauteur dune particule dans la bouteille et g est laccélération de la pesanteur.

Ce processus peut trouver une application dans létude de la sédimentation de protéines qui diffusent la lumière et donnent un aspect trouble quon peut parfois voir dans la bière[39]. Puisque s = 1, lénergie potentielle moyenne dun groupe de protéine est kBT. Donc, si les groupes de protéines ont une masse de 107 uma (à peu près la taille dun virus), laspect sera trouble jusquà une hauteur moyenne de 2 cm à léquilibre.

Ce processus de sédimentation est plus précisément décrit par léquation de Mason-Weaver[40].

Calcul du bruit thermique dans les composants électroniques

Article détaillé : Bruit thermique.

Le théorème déquipartition peut être utilisé pour démontrer lexpression du bruit thermique dans les composants électroniques[41]. Dans une résistance, lagitation thermique des électrons de conductions crée des fluctuations de densité électronique, donc de courant électrique, qui conduisent à la présence dun bruit blanc même en labsence de toute tension appliquée. Aux bornes dune résistance, ce bruit est donné par la relation :

\overline{v_b^2} = 4\ k_BT \cdot R \cdot \Delta f\;

\overline{v^2} est la variance de la tension aux bornes de la résistance, R est la résistance exprimée en ohms, et \Delta f\;, la bande passante considérée.

Cette formule permet de prévoir le bruit minimum présent sur un système électronique, et donc sa limite de détection. Le même phénomène de bruit thermique est observé aux bornes dune capacité. Cest une limitation des capteurs photographiques.

Problème de loscillateur anharmonique

Un oscillateur anharmonique est un oscillateur pour lequel lénergie potentielle nest pas une fonction quadratique de lélongation q (la position généralisée qui mesure lécart de loscillateur à la position déquilibre). Ces oscillateurs donnent un point de vue complémentaire sur le théorème déquipartition[42]. On peut prendre des exemples simples avec des énergies dont lexpression est de la forme

Hpot = Cqs

C et s sont des nombres réels arbitraires. Dans ce cas, le théorème déquipartition prédit que


k_{B} T = \Bigl\langle q \frac{\partial H^{\mathrm{pot}}}{\partial q} \Bigr\rangle = 
\langle q \cdot s C q^{s-1} \rangle = \langle s C q^{s} \rangle = s \langle H^{\mathrm{pot}} \rangle.

Ainsi, lénergie potentielle moyenne est égale à kBT / s et non plus kBT / 2 comme pour loscillateur harmonique (pour lequel s = 2).

Plus généralement, lexpression de lénergie dun système à une dimension a un développement de Taylor en fonction de lélongation q


H^{\mathrm{pot}} = \sum_{n=2}^{\infty} C_{n} q^{n}

Il ny a pas de terme pour n = 1 car à léquilibre, la force totale sexercant sur le système est nulle et donc la dérivée première de lénergie est nulle. Le terme constant pour n = 0 est inutile, puisque lénergie à léquilibre peut être posée égale à 0 par convention. Dans ce cas, le théorème déquipartition affirme que[42]


k_{B} T = \Bigl\langle q \frac{\partial H^{\mathrm{pot}}}{\partial q} \Bigr\rangle = 
\sum_{n=2}^{\infty} \langle q \cdot n C_{n} q^{n-1} \rangle = 
\sum_{n=2}^{\infty} n C_{n} \langle q^{n} \rangle.

Contrairement aux autres exemples cités ici, la formule de léquipartition


\langle H^{\mathrm{pot}} \rangle = \frac{1}{2} k_{B} T - 
\sum_{n=3}^{\infty} \left( \frac{n - 2}{2} \right) C_{n} \langle q^{n} \rangle

ne permet pas décrire lénergie potentielle moyenne en fonction de constantes connues.

Échecs de léquipartition

Léquipartition de lénergie, malgré sa grande généralité, est un résultat valable sous certaines hypothèses (ergodicité, équilibre thermodynamique) et dans certaines limites (effets quantiques négligeables). Les paragraphes qui suivent détaillent différents cas pour lesquels léquipartition ne sapplique pas.

Dans les systèmes non ergodiques

Article connexe : hypothèse d'ergodicité.

Le théorème déquipartition est valable seulement pour les systèmes ergodiques à léquilibre thermodynamique, pour lesquels tous les états de même énergie ont la même probabilité dêtre occupé. Dans un système ergodique, il doit être possible déchanger de lénergie entre ses différentes formes dans le système, afin quelle puisse se répartir en parts égales au cours du temps. Dans le cas dun gaz parfait, ce sont les chocs entre molécules qui assurent ces échanges dénergie.

Paradoxalement, il existe peu de systèmes dont lergodicité a pu être prouvée rigoureusement. Un exemple célèbre est le billard de Yakov Sinai[43]. Les conditions qui permettent dassurer lergodicité dun système isolé - et donc léquipartition - ont été étudiées et ont donné naissance à la théorie ergodique.

Un contre-exemple fréquemment cité lénergie nest pas partagée entre ses différentes formes, et donc léquipartition ne sapplique pas dans lensemble microcanonique est un système doscillateurs harmoniques couplés[44]. Si le système est isolé, lénergie de chaque mode normal est constante et fixée à sa valeur initiale.

Si on perturbe un tel système en introduisant des termes de couplage non linéaires suffisamment forts, lénergie peut être transférée dun mode à lautre, on peut alors sous certaines conditions retrouver lergodicité et revenir dans le champ dapplication du théorème déquipartition. Mais il ne suffit pas dune petite perturbation pour rendre un système ergodique : cest ce que montre le théorème de KolmogorovArnoldMoser. Même un système chaotique, donc extrêmement sensible aux conditions intiales, nest pas nécessairement ergodique, même si cest habituellement une hypothèse raisonnable[44].

Pour des niveaux dénergie quantifiés

Les démonstrations données précédemment supposent que lénergie est une fonction continue sur lespace des phases. Or, dans un système quantique, les niveaux dénergie sont au contraire discrets. Pour que le théorème sapplique, il est donc nécessaire que les niveaux dénergie soient suffisamment rapprochés pour quon puisse la considérer tout de même comme continue. On parle alors dapproximation classique. Ceci nest réalisé quà la condition que lénergie thermique kBT soit beaucoup plus grande que lécart entre deux niveaux dénergie. Dans le cas contraire, les calculs ne sont plus valides, le degré de liberté considéré est dit « gelé », léquipartition ne sapplique plus.

Oscillateur harmonique quantique

Énergie moyenne dun oscillateur harmonique quantique (en rouge) en fonction de la température comparée à la valeur prédite par le théorème déquipartition (en noir). Les deux courbes se séparent nettement aux basses températures.

Le cas de loscillateur harmonique est un exemple particulièrement important. On a vu précédemment que selon le théorème déquipartition, son énergie moyenne est égale à kBT. Dans le cas quantique, on peut calculer explicitement son énergie moyenne. Ses niveaux dénergie sont donnés par En = nhν[45] h est la constante de Planck, ν est la fréquence de loscillateur et n est un entier positif. Dans lensemble canonique, la probabilité quun niveau dénergie soit occupé est donné par son facteur de Boltzmann


P(E_n) = \frac{e^{-\beta E_n}}{Z}.

β = 1 / (kBT) est la température statistique et Z est la fonction de partition donnée par


Z = \sum_{n=0}^{\infty} e^{-n\beta h\nu} = \frac{1}{1 - e^{-\beta h\nu}}.

Lénergie moyenne de loscillateur est donnée par


\langle H \rangle = \sum_{n=0}^{\infty} E_{n} P(E_{n})

ou encore, en utilisant la relation classique de lensemble canonique


\langle H \rangle = -\frac{\partial \log Z}{\partial \beta}.

On peut donc calculer explicitement lénergie moyenne :


\langle H \rangle = h\nu \frac{e^{-\beta h\nu}}{1 - e^{-\beta h\nu}}.

Cette énergie moyenne est tracée sur la figure ci-contre et comparée au cas classique. Pour les hautes températures, quand lénergie thermique kBT est très supérieure à lécart hν entre deux niveaux, largument de lexponentielle tend vers 0 et lénergie moyenne tend vers kBT, conformément au théorème déquipartition. En revanche, pour les basses températures, quand k_\text{B}T \ll h\nu, lénergie moyenne tend vers 0, le degré de liberté est dit « gelé ». On peut ainsi définir une température caractéristique de loscillateur Tosc = hν / kB en dessous de laquelle les effets quantiques se font sentir.

Retour sur le gaz diatomique

Simulation du tracé de la chaleur spécifique dun gaz diatomique en fonction de la température. Le théorème déquipartition est vérifié à hautes températures, en général des températures bien plus élevées que la température ambiante. La baisse de la chaleur spécifique aux températures plus basses est due à des effets quantiques.

Les gaz diatomiques donnent un bon exemple de cette limitation. On peut modéliser une molécule dun tel gaz par deux masses reliées par un ressort. Une telle molécule possède trois degrés de liberté en translation, deux degrés de liberté en rotation, et constitue de plus un oscillateur harmonique. Le théorème déquipartition prédit donc que la chaleur spécifique du gaz est égale à 7/2 R. Cest effectivement le cas dans la limite des hautes températures.

Si on considère maintenant que la molécule est un oscillateur harmonique quantique, on peut, comme précédemment, associer une température caractéristique Tvib à son mouvement de vibration. Si on descend à des températures plus basses que Tvib, le mouvement de vibration de la molécule est gelé, presque toutes les molécules du gaz sont dans leur état fondamental. Le théorème ne sapplique plus. On peut cependant le retrouver en considérant la molécule, non plus comme deux masses reliées par un ressort, mais comme deux masses reliées par un lien rigide. Cest le modèle du rotateur rigide pour lequel la chaleur spécifique nest plus que de 5/2 R.

Dans la pratique, la plupart des gaz diatomiques ont des températures Tvib très élevées, de sorte quà température ambiante, leur chaleur spécifique est effectivement très proche de 5/2 R. Un exemple typique est le monoxyde de carbone, CO, pour lequel Tvib vaut 3103 K. Pour les molécules avec des atomes lourds ou faiblement liés, Tvib peut approcher la température ambiante ; par exemple, elle vaut 308 K (35°C) pour le diiode gazeux I2[46].

Ce qui vient dêtre dit pour le mouvement de vibration de la molécule sapplique aussi bien à son mouvement de rotation. Mais les températures caractéristiques sont bien plus basses. Pour le monoxyde de carbone, Trot vaut environ 1,8 K. Le gel du mouvement de rotation ne sobserve donc quà des températures très basses.

De manière générale, ces effets interviennent chaque fois que la séparation entre deux niveaux dénergie est beaucoup plus grande que lagitation thermique. Un autre exemple est donné par les énergies des états excités des électrons dans un atome dhydrogène. Ceux-ci ne contribuent pas à la chaleur spécifique de lhydrogène gazeux à température ambiante, car lénergie thermique kBT (environ 0,025 eV) est beaucoup plus faible que lécart entre létat fondamental et le premier état excité (environ 10 eV).

Dans les gaz dégénérés

Dans le paragraphe qui précède, on a pris en compte des effets quantiques, mais partiellement seulement : on a traité les particules comme des objets classiques indépendants dont seuls les niveaux dénergie (de rotation ou de vibration) sont quantifiés, tout en restant dans le cadre de la statistique de Maxwell-Boltzmann. Cette approche nest pas valable quand les fonctions donde des particules commencent à se superposer : il faut alors tenir compte de leur nature quantique et les traiter dans le cadre des statistiques quantiques : statistique de Fermi-Dirac pour les fermions, statistique de Bose-Einstein pour les bosons. On parle de matière dégénérée.

Ces effets dominent dans les limites des fortes densités et des basses températures. Ils sont importants dans la structure des naines blanches et des étoiles à neutrons. Un cas plus quotidien se présente dans les métaux : les électrons de valence dun métal peuvent avoir une énergie cinétique moyenne de quelques eV. Cette énergie correspondrait à des températures de plusieurs dizaines de milliers de degrés selon le théorème de léquipartition.

Un critère de validité de léquipartition fut initialement calculé par Einstein[47] dans sa théorie du gaz parfait quantique. Dans ce travail, il montre que léquipartition peut être considérée comme valide dans la limite


\frac{V}{N}\left(\frac{2\pi m k_B T}{h^2}\right)^{3/2} \gg 1.

Dans le cas de lhydrogène, le calcul explicite du terme de gauche donne environ 60000, ce qui justifie a posteriori la validité de léquipartition. Quand on sapproche du cas quantique, la correction à léquipartition au premier ordre sécrit


\frac{\langle E\rangle}{N} = \frac{3}{2}k_B T\left[1-0,1768\, \frac{N}{V}\left(\frac{h^2}{2 \pi m k_B T}\right)^{3/2}\right].

Ce critère de validité est plus souvent cité en faisant apparaître la longueur donde de de Broglie λDB associée :


\left(\frac{V}{N}\right)^{1/3} \gg \lambda_{\mathrm{DB}}.

On peut alors interpréter ce critère : léquipartition reste valable tant que cette longueur donde reste très inférieure à la distance moyenne entre les particules.

Dans les gaz relativistes

On na utilisé jusque que des équations de la mécanique newtonienne. Toutefois, les effets relativistes peuvent dominer dans certains systèmes lorsque les particules de gaz acquièrent des vitesses comparables à la vitesse de la lumière c ; on parle alors de gaz parfait relativiste. Dans le cas le plus général, l'équipartition n'est alors pas vérifiée[48], mais on peut la retrouver dans les deux cas limite du gaz parfait classique et du gaz ultra-relativiste.

Dans le gaz parfait classique (monoatomique), on considérait que l'énergie du système n'était constituée que d'énergie cinétique de translation. Dans le cadre de la mécanique relativiste, l'énergie totale est égale à la somme de l'énergie cinétique et d'une énergie qui dépend de la masse au repos de la particule. La prise en compte de cette énergie rompt l'équipartition : si les particules du gaz ont des masses différentes, l'énergie ne peut pas être répartie équitablement. Dans le cas le plus général, l'énergie totale s'écrit

H^{\mathrm{tot}} = \frac{mc^2}{\sqrt{1 - (v^2/c^2)}}

Ni l'énergie totale, ni l'énergie cinétique ne sont réparties équitablement entre les différents degrés de liberté. Il est possible néanmoins de définir une grandeur homogène à une énergie qui obéit à une relation similaire à l'équipartition[49].

Dans la limite les particules ont des vitesses très faibles devant la vitesse de la lumière, on retrouve le résultat classique. L'énergie totale d'une particule s'écrit


H^{\mathrm{tot}} \approx \frac{p^2}{2m} + m c^2

L'équipartition est bien respectée pour l'énergie cinétique, mais pas pour l'énergie totale, qui prend en compte le terme supplémentaire dépendant de la masse.

Dans la limite dite ultra-relativiste pour laquelle les particules ont des vitesses très proches de celle de lumière, on retrouve l'équipartition pour lénergie totale qui s'écrit :


H^{\mathrm{tot}} \approx c p

Le calcul montre que lénergie moyenne totale dun gaz ultra-relativiste vaut deux fois celle dun gaz non relativiste[50] : pour N particules, elle vaut 3 NkBT.

Dans les simulations numériques

On étudie souvent les systèmes en physique statistique aux moyens de techniques de simulation numérique, dont la dynamique moléculaire. Les conditions aux limites périodiques parfois utilisées dans ces études imposent des contraintes supplémentaires au système (conservation du moment linéaire total et de la position du centre de masse par exemple) qui induisent des effets non négligeables dans la limite des petits systèmes contenant des particules de masses hétérogènes. Dans ces conditions, léquipartition de lénergie nest plus valable[51]. Dautres effets sont par exemple des écarts à la distribution de Maxwell-Boltzmann, ou la non équivalence des approches canonique et microcanonique. Il est toutefois possible de démontrer des formules généralisant le théorème déquipartition à ces cas plus exotiques[52].

Notes et références

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu dune traduction de larticle de Wikipédia en anglais intitulé « Equipartition theorem ».
  1. (en) Waterston JJ, Thoughts on the Mental Functions, 1843  (réimprimé dans ses Papers, 3, 167, 183.)
  2. Cette publication de 1873 contient à la fois le mémoire, la préface de Rayleigh ainsi que des reproductions des deux résumés de 1846 et 1851. Voir Waterston JJ, « On the physics of media that are composed of free and elastic molecules in a state of motion », dans Philos. Trans. R. Soc. London, vol183, 1893, p. 179 [texte intégral] 
  3. Texte original : « Equilibrium of pressure and heat between two gases takes place when the number of atoms in unity of volume is equal, and vis viva of each atom equal. Temperature, therefore, in all gases, is proportional to the mass of one atom multiplied by the mean square of the molecular motions, being measured from an absolute zero 491° below the zero of Fahrenheits thermometer. »
  4. Maxwell JC, The Scientific Papers of James Clerk Maxwell (Volume 2), Dover, New York, 2003 (ISBN 978-0486495606), « On Boltzmanns theorem on the average distribution of energy in a system of material points », p. 716 .
  5. Texte original : « Hence at a given temperature the total kinetic energy of a material system must be the product of the number of degrees of freedom of that system into a constant which is the same for all substances at that temperature, being in fact the temperature of the thermodynamic scale multiplied by an absolute constant. »
  6. Bergia et Navarro 1997, p. 185-186
  7. A. T. Petit et P. L. Dulong, « Recherches sur quelques points importants de la théorie de la chaleur », dans Annales de Chimie et de Physique, vol10, 1819, p. 395413 [texte intégral] 
  8. (de) Kundt A, Warburg E, « Über die spezifische Wärme des Quecksilbergases (De la chaleur spécifique des gaz de mercure) », dans Annalen der Physik, vol157, 1876, p. 353369 [texte intégral] 
  9. de la Rive A, Marcet F, « Quelques recherches sur la chaleur spécifique », dans Annales de Chimie et de Physique, vol75, 1840, p. 113144 [texte intégral] 
  10. Henri Victor Regnault, « Recherches sur la chaleur spécifique des corps simples et des corps composés (deuxième Mémoire) », dans Annales de Chimie et de Physique, vol1 (3e Série), 1841, p. 129207 [texte intégral]  Présenté à lAcadémie des Sciences le 11 janvier 1841.
  11. (en) James Dewar, « The Specific Heat of Carbon at High Temperatures », dans Philosophical Magazine, vol44, 1872, p. 461 
  12. (de) Heinrich Friedrich Weber, « Die spezifische Wärme des Kohlenstoffs (Chaleur spécifique du carbone) », dans Annalen der Physik, vol147, 1872, p. 311319 [texte intégral] 
  13. (de) Heinrich Friedrich Weber, « Die spezifische Wärmen der Elemente Kohlenstoff, Bor und Silicium (Chaleur spécifiques des éléments carbone, bore et silicium) », dans Annalen der Physik, vol154, 1875, p. 367423, 553582 [texte intégral] 
  14. (de) Wüller A., Lehrbuch der Experimentalphysik (Physique expérimentale), vol2, Teubner, Leipzig, 1896, p. 507 et suivantes 
  15. (de) Eucken A., « Die Molekularwärme des Wasserstoffs bei tiefen Temperaturen (Chaleur spécifique moléculaire de lhydrogène à basses températures) », dans Sitzungsberichte der königlichen Preussischen Akademie der Wissenschaften, vol1912, 1912, p. 141151 
  16. a et b (en) Charles Kittel, Introduction to Solid State Physics, 1996 [détail des éditions], p. 151-156 
  17. a et b (de) Albert Einstein, « Über einen die Erzeugung und Verwandlung des Lichtes betreffenden heuristischen Gesichtspunkt (Dun modèle heuristique de la création et de la transformation de la lumière) », dans Annalen der Physik, vol17, 1905, p. 132-148 [texte intégral] 
  18. (en) John Rayleigh, « Remarks upon the Law of Complete Radiation », dans Philosophical Magazine, vol49, 1900, p. 539540 
  19. The London, Edinburgh and Dublin Philosophical Magazine and Journal of Science, Series 6, volume 2, page 1 (1901)
  20. WD Niven et James Clerk Maxwell, The Scientific Papers of James Clerk Maxwell, vol2, At the University Press, Cambridge, 1890, p. 418438  Conférence tenue par JC Maxwell à la Chemical Society le 18 février 1875
  21. Bergia et Navarro 1997, p. 187. Les idées de Kelvin sur ce point sont notamment données dans les cours quil donne à Baltimore. Voir William Thomson, Baltimore Lectures, Johns Hopkins University Press, Baltimore, 1904  Réédité par la suite en 1987 par MIT Press sous le titre Kelvins Baltimore Lectures and Modern Theoretical Physics: Historical and Philosophical Perspectives (éditeur : Robert Kargon et Peter Achinstein), ISBN 978-0262111171
  22. (en) Boltzmann L, « On certain Questions of the Theory of Gases », dans Nature, vol51, 1895, p. 413415 
  23. Lord Rayleigh, 1900
  24. Klein, Paul Ehrenfest. vol 1, The making of a theoretical physicist (3ème édition), Amsterdam, 1985 
  25. Bergia et Navarro 1997, p. 184
  26. (de) Albert Einstein, « Die Plancksche Theorie der Strahlung und die Theorie der spezifischen Wärme », dans Annalen der Physik, vol22, 1907, p. 180 [texte intégral] 
    (de) Einstein A., « Berichtigung zu meiner Arbeit: 'Die Plancksche Theorie der Strahlung und die Theorie der spezifischen Wärme' (Corrections à larticle précédent) », dans Annalen der Physik, vol22, 1907, p. 800 
  27. Bergia et Navarro 1997, p. 219
  28. Voir par exemple F Bloch, Fundamentals of Statistical Mechanics, Imperial college Press, London, 2000, p. 94 .
  29. Cette méthode est toutefois très consommatrice dénergie ; elle tend à être replacée par des méthodes plus modernes.
  30. (en) « Vibration of Polyatomic Molecules » dans Introduction to Quantum Mechanics, Academic Press, 2004 (ISBN 0121060519), p. 220 
  31. Pour la démonstration, voir Peliti 2007
  32. voir par exemple Diu 1996, p. 350 pour une démonstration des résultats principaux de la théorie cinétique des gaz.
  33. Diu 1996, p. 353
  34. Tolman 1918
  35. (de) Rudolf Clausius, « Ueber einen auf die Wärme anwendbaren mechanischen Satz », dans Annalen der Physik, vol141, 1870, p. 124130 [texte intégral] 
    (en) Rudolf Clausius, « On a Mechanical Theorem Applicable to Heat », dans Philosophical Magazine, Ser. 4, vol40, 1870, p. 122127 
  36. voir par exemple Diu 1996, p. 381 pour ce résultat dans le cadre d'une présentation plus générale du calcul de la chaleur spécifique des solides.
  37. Bergia et Navarro 1997, p. 188
  38. Tolman 1918
  39. (en) Miedl M, Garcia M, Bamforth C, « Haze formation in model beer systems », dans J. Agric. Food Chem., vol53, no 26, 2005, p. 10161-5 [lien PMID] 
  40. (en) Mason M, Weaver W, « The Settling of Small Particles in a Fluid », dans Physical Review, vol23, 1924, p. 412426 
  41. Mandl 1971
  42. a et b Richard Tolman 1927, p. 76-77
  43. Arnold V., Avez A., Théorie ergodique des systèmes dynamiques, Gauthier-Villars, Paris, 1967 
  44. a et b (en) Reichl LE, A Modern Course in Statistical Physics, Wiley Interscience, 2e édition, 1998 (ISBN 978-0471595205), p. 326333 
  45. Les niveaux dénergie sont rigoureusement En = (n + 1 / 2)hν. Le terme constant hν / 2 est omis ici car il ne joue aucun rôle dans les calculs qui suivent.
  46. McQuarrie 2000
  47. Bergia et Navarro 1997
  48. Pour une présentation des propriétés du gaz parfait relativiste, voir Greiner 1999.
  49. (en) A. Komar, « Relativistic equipartition », dans General Relativity and Gravitation, vol28, 1996, p. 379-385 [texte intégral] 
  50. Greiner 1999
  51. (en) Shirts RB, Burt SR et Johnson AM, « Periodic boundary condition induced breakdown of the equipartition principle and other kinetic effects of finite sample size in classical hard-sphere molecular dynamics simulation », dans Journal of Chemical Physics, vol125, 2006, p. 164102 [texte intégral] 
  52. (en) Uline JM, Siderius DW et Corti DS, « On the generalized equipartition theorem in molecular dynamics ensembles and the microcanonical thermodynamics of small systems », dans Journal of Chemical Physics, vol128, 2008, p. 124301 [texte intégral] 

Voir aussi

Bibliographie

Ouvrages de physique statistique

  • (fr) Claudine Guthmann, Danielle Lederer et Bernard Roudet, Éléments de physique statistique, 1996 [détail des éditions] 
  • Walter Greiner, Ludwig Neise, Horst Stöcker (trad. Hans Aksas), Thermodynamique et physique statistique, Springer, 1999, p. 225-230 
  • (en) R. Pathria, Statistical Mechanics, Pergamon Press, 1972 (ISBN 0-08-016747-0), p. 4348, 7374 
  • (en) Kerson Huang, Statistical Mechanics, John Wiley and Sons, 1987 (ISBN 0-471-81518-7), p. 136138 
  • (en) F. Mandl, Statistical Physics, John Wiley and Sons, 1971 (ISBN 0-471-56658-6), p. 213219 
  • (en) D. A. McQuarrie, Statistical Mechanics, University Science Books, 2000 (ISBN 978-1891389153), p. 91128 
  • (en) Richard Tolman, Statistical Mechanics, with Applications to Physics and Chemistry, Chemical Catalog Company, 1927, p. 7281  ASIN B00085D6OO

Sélection darticles de périodiques

  • (en) JWS Rayleigh, « The Law of Partition of Kinetic Energy », dans Philosophical Magazine, vol49, 1900, p. 98118 [texte intégral] 
  • (en) Richard C. Tolman, « A General Theory of Energy Partition with Applications to Quantum Theory », dans Physical Review, vol11, 1918, p. 261275 [texte intégral] 
  • (en) L. Peliti, « On the equipartition of kinetic energy in an ideal gas mixture », dans European Journal of Physics, vol28, 2007, p. 249 [texte intégral]
    Article disponible sur arXiv : physics/0610189. (en)
     
  • (en) A. Komar, « Relativistic equipartition », dans General Relativity and Gravitation, vol28, 1996, p. 379-385 [texte intégral] 

Analyses historiques

  • (en) S.G. Brush, The Kind of Motion We Call Heat, North Holland, Amsterdam, 1976 (ISBN 978-0444870094), p. 134159 (vol. 1) et 336339 (vol. 2).
    Ouvrage de référence en deux volumes sur lhistoire de la théorie cinétique des gaz et de la physique statistique.
     
  • (en) S. Bergia and L. Navarro, « Early quantum concepts and the theorem of equipartition of energy in Einsteins work (1905-1925) », dans Physis, volXXXIV, 1997, p. 183-223 [texte intégral] 

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