Révolution culturelle au Tibet

Révolution culturelle au Tibet

La révolution culturelle au Tibet est l'extension au Tibet de la révolution culturelle chinoise.

En 1966, éclata la révolution culturelle en Chine[1]. En juin 1966, la session extraordinaire du comité du Parti communiste de la Région autonome du Tibet décide d'étendre la révolution culturelle au Tibet. En novembre 1966, les gardes rouges issus de certaines universités de Pékin arrivent au Tibet[2].

Sommaire

Historique

Dans son ouvrage Mémoire interdite. Témoignages sur la Révolution culturelle au Tibet, l'écrivaine Woeser rapporte l'allocution du premier ministre Zhou Enlai du 15 octobre 1966 à l'institut central des minorités chinoises : « La région tibétaine a été libérée à trois reprises. La première fois en 1951, lorsque l'Armée de Libération est intervenue afin que le tibet réintègre la grande famille que forme notre nation; la deuxième fois en 1959, lorsque, à la suite des insurrections, le servage a été aboli dans le cadre des réformes économiques; la troisième fois lors de la révolution culturelle, lorsque les lamas ont pu s'émanciper »[2].

Scission des gardes rouges : l'« Alliance » contre les « Rebelles »

Selon Melvyn C. Goldstein, cité par Daniel Berounsky, à Lhassa, en 1968, les partisans de Mao et de ses mots d’ordre se divisent en deux factions antagonistes. Une faction, « l’Alliance » (Nyamdre), regroupe les partisans des autorités locales de l’époque, sous prétexte que la situation au Tibet nécessite un traitement particulier. La 2e faction, « les Rebelles » (Gyenlo ), créée à l’instigation de gardes rouges itinérants venus de l’intérieur du pays, ressent la nécessité de lutter contre certains responsables, conformément à la déclaration de Mao comme quoi « la bourgeoisie s’était infiltrée dans les rouages du parti, du gouvernement, de l’armée et des cercles culturels ». Cette faction « les Rebelles » est dirigée par Tao Changsong, un Han originaire de Yangzhou et affecté au lycée de Lhassa en 1960. De septembre 1968 à octobre 1976, il fut vice-président du Comité révolutionnaire de la région autonome du Tibet[2]. Une 3e force, l’armée populaire de libération, reste en dehors de cette lutte de factions[3].

Le temple de Jokhang est l'une des deux bases des gardes-rouges tibétains de la faction Gyenlo. En juin 1968, l'armée populaire de libération sort de sa réserve et attaque cette forteresse, ce qui se traduit par la mort de 12 militants Gyenlo et de deux soldats[4].

L'« Incident de Nyemo » (1969)

Selon Melvyn Goldstein, Ben Jiao, et Tanzen Lhundrup, après leur éviction de Lhassa, les militants Gyenlo se rabattent sur la région de Nyemo, entre Lhassa et Shigatse, où ils trouvent un appui en exploitant le mécontentement des paysans contre les impôts sur les récoltes de céréales et en préconisant le démantèlement des communes populaires, tout cela sous le manteau de la terminologie communiste de la lutte contre la ligne capitaliste réactionnaire[5].

À Nyemo, une ancienne nonne, Trinley Chödrön, rejoint la faction Gyenlo. Elle déclare être habitée par la déesse Ani Gongmey Gyemo, l'instructrice du roi Gesar dans l'épopée de ce nom, après avoir subi le rituel d'« ouverture des portes des veines », tout en se qualifiant aussi de « bras droit du président Mao ». Si elle est mue par la volonté de reconstituer les monastères, pour les chefs de la faction Gyenlo, elle n'est qu'un moyen pour gagner davantage de gens à leur cause. Les forces Gyenlo à Nyemo prennent le nom officieux d'« armée des dieux de Gyenlo », et celui, officiel, de « quartier général des paysans et des pasteurs ». Bientôt entourée d'une trentaine de « héros-guerriers » prétendant être possédés par des héros de l'épopée du roi Gésar, Trinley Chödrön en vient à être considérée comme la déesse Ani Gongmey Gyemo elle-même. En juin 1969, en l'espace de trois semaines, une trentaine de personnes sont mutilées (par section des mains ou des jambes) ou tuées par les « héros-guerriers » suivant les consignes de Chödrön : des incrédules face à ses pouvoirs surnaturels, des opposants à l'ordre Gyenlo et des gens qui avaient causé du tort à la communauté monastique. Ces événements sont suivis du massacre d'une troupe de soldats non armés et de cadres dans le district de Bagor lors de l'anniversaire du « massacre de Jokhang ». Ce succès encourage l'« armée des dieux de Gyenlo » à s'en prendre à l'escadron militaire du comté. Mais là, malgré les khatas censées les protéger des balles, plusieurs des assaillants sont tués tandis que les autres battent en retraite, désillusionnés. À partir de ce moment, c'est la débandade, une partie des rebelles s'enfuit dans les montagnes pour éviter d'être pris par l'APL venue encercler leur quartier général. La nonne, qui s'est réfugiée dans une grotte, est capturée. 34 rebelles sont exécutés, 28 emprisonnés et 48 placés sous surveillance de la population. Ainsi prend fin ce que Melvyn Goldstein appelle l'« incident de Nyemo »[6].

Fin de l'ère maoïste

En 1978, selon Robert Barnett, la politique de libéralisation et d'ouverture lancée par Deng Xiaoping met un terme à l'ère maoïste : les costumes traditionnels réapparaissent, les monastères sont reconstruits, les pèlerinages reprennent, la langue tibétaine reprend sa place, c'est ce que certains anthropologues appellent « revitalisation » ou d'autres « renaissance de la culture tibétaine »[7] ».

Pendant les années 1980 suite à la visite d'inspection de Hu Yaobang au Tibet[8], les modérés du parti communiste chinois frayent la voie à une utilisation accrue de la langue tibétaine, à la reconstruction des bâtiments religieux (débouchant dans certaines régions sur un plus grand nombre de temples aujourd'hui qu'avant 1951) et à l'encouragement de la culture tibétaine [9] Selon Laurent Deshayes et Frédéric Lenoir, l'éviction politique puis le décès de Hu Yaobang en 1989 « brisent ce timide élan réformateur[10] ».

Origine des gardes rouges

Pour la journaliste Dorothy Stein, alors qu'il y a des preuves montrant qu'une bonne partie des destructions subies par les institutions religieuses pendant la révolution culturelle est en réalité l'œuvre de gardes rouges d'ethnie tibétaine, on en fait depuis porter le chapeau aux Chinois tandis que se renforce la tendance des Tibétains et de leurs sympathisants pro-nationalistes à voir les choses uniquement en termes d'opposition ethnique[11].

Le tibétologue Gilles Van Grasdorff évoque le rôle des enfants tibétains déplacés lors des évènements de la révolution culturelle au Tibet: « Les enfants enlevés entre 1951 et 1955 ont été éduqués au communisme maoïste. Certains étaient parmi le million de gardes rouges sur la place Tian'anmen le 18 août 1966. Ce sont ces jeunes Tibétains qui investiront Lhassa quelques semaines plus tard. ».

Selon l'intellectuel et écrivain chinois[12], Wang Lixiong, la majorité des gardes rouges qui parvinrent dans la Région autonome du Tibet étaient « des étudiants tibétains revenant des universités chinoises »[13].

L'historien Tsering Shakya indique que les gardes rouges « sentaient que le Tibet et les Tibétains devaient être "révolutionnarisés", et se voyaient eux-mêmes comme des révolutionnaires avancés venus à l'aide d'élèves attardés dans une région sous-développée » et eurent un effet dévastateur sur la culture tibétaine[14].

Selon Gilles Van Grasdorff, Tenzin Choedrak, qui fut le médecin personnel du 14e dalaï-lama[15] et passa 17 ans dans les prisons du Tibet[16],[17], indique que « dès septembre 1966, à Lhassa comme dans les autres camps du Tibet, les gardes rouges étaient tous des Tibétains. Ils parlaient parfaitement le chinois, mais tous comprenaient notre langue. Chaque après-midi, ils nous imposaient la lecture des journaux de propagande »[18].

Selon Kunsang Paljor (cité par Dawa Norbu), qui travaillait au Tibet Daily News lors de la révolution culturelle, au moins 8 130 gardes rouges chinois de 12 institutions scolaires en Chine continentale vinrent à Lhassa, et seules 3 écoles tibétaines de Lhassa furent impliquées au début de la révolution culturelle[19].

Exactions des gardes rouges

Selon Thomas Laird, le gouvernement chinois poussa les Tibétains à s'attaquer au système social et religieux traditionnel du Tibet, et à détruire des monastères. Au contraire de la situation en Chine continentale où la révolution culturelle visait à débusquer les droitistes du Parti menaçant son autorité, au Tibet le PCC empêcha le peuple de s'en prendre à lui et devint l'outil d'un ethnocide culturel[20].

Laurent Deshayes indique qu'au nom de la lutte contre les quatre vieilleries (vielles idées, culture, coutumes et habitudes) commence une « vague de répression religieuse »[21]. Le sociologue chinois Rong Ma précise que les luttes entre diverses organisations révolutionnaires et leur surenchère dans la mise à bas des quatre vieilleries dans la région autonome du Tibet causèrent bien des dégâts aux monastères et au patrimoine culturel traditionnel[22].

Selon Kunsang Paljor qui travaillait au Tibet Daily lors de la révolution culturelle, les gardes rouges chinois ne vinrent pas seulement avec une mission idéologique, mais aussi pour la sinisation des Tibétains au nom de la pensée de Mao Zedong. La révolution culturelle au Tibet donna lieu à une destruction systématique des cultures indigènes des tentatives d'imposer en force la culture han au Tibétains. Kunsang Paljor précise que lorsque les gardes rouges s'attaquaient aux temples et aux monastères de Lhassa, les jeunes Chinois savaient ce qu'ils voulaient détruire et ce qu'ils voulaient sauver. Tout les objets de valeur du Tsuglak Khang, Ramoche, Norbulingka, Tengyeling, Dzong Kyap Lukhang, etc... étaient empaquetés soigneusement prêts à être emportés. C'est seulement alors que les gardes rouges autorisaient la destruction[23].

Sur la base de photos prises au Tibet durant la révolution culturelle par son père, alors cadre de l’armée chinoise, Tsering Woeser, interviewa 70 personnes photographiées. Elle conserva 23 témoignages pour un ouvrage, Mémoire interdite, introuvable en Chine et qui fut publié à Taïwan. Elle veut comprendre pourquoi des temples comme le Jokhang ont été saccagés par les jeunes gardes rouges, comprenant des Hans, mais aussi une majorité de Tibétains, venus de Pékin ou des lycées de Lhassa. Woeser explique : « Les plus jeunes, souvent, croyaient vraiment à la propagande de Mao. Elle était efficace et, d'ailleurs, on y a cru dans le monde entier. Mais on s'aperçoit aussi combien de gens n'avaient pas le choix : ils participent parce qu'ils ont peur. Parce que c'est la seule manière de survivre. » Une Tibétaine explique comment le comité de quartier rassemblait la population pour aller détruire les bouddhas, et menace de rayer ceux qui refuseraient, du registre d'état civil ou de les priver de tickets de rationnement[24].

Selon la doctorante Armeline Dimier, le Tibet a souffert de plus grands excès encore que d'autres parties de la Chine de la part des gardes rouges[25].

Profanation de tombes

Durant la révolution culturelle dans les régions tibétaines, les tombes de certains grands maîtres bouddhistes furent profanées. Ainsi, la tombe de Tsongkhapa au monastère de Ganden fut détruite par les gardes rouges qui contrainrent un lama tibétain, Bomi Rinpoché, à jeter au feu la momie de Tsongkhapa[26],[14]. De même, les dépouilles des précédents panchen-lamas furent profanées par les gardes rouges[27].

Destruction du patrimoine culturel

Selon l'historien sino-australien Mobo Gao, les autorités au Tibet ont souvent essayé de réfréner les actions radicales, ainsi l'armée populaire de libération a systématiquement soutenu les factions les plus conservatrices contre les rebelles. Les temples et les monastères ont survécu le mieux dans les zones et villes non périphériques où les autorités étaient encore en mesure de faire plus ou moins régner l'ordre. Par contre, le monastère de Ganden, à quelque 60 km de Lhassa, l'un des principaux centres de la secte des Bonnets Jaunes, fut réduit à l'état de ruine[28].

Selon Thomas Laird, certains monastères ont été détruits par les bombardements lors de l'invasion de 1949-1951, et la rébellion de 1958 et 1959, mais la plupart furent démantelés pendant la révolution culturelle[29],[30]. A mesure que l'ancien Tibet était détruit, le bois et matériel de construction des monastères démantelés fut réutilisé pour construire des baraquements pour les troupes de l'armée populaire de libération ou des logements pour les fonctionnaires chinois à Lhassa. Le parti communiste chinois (PCC) autorisa la conservation de certains temples comme entrepôts à grains ou quartier général. Les statues de Bouddha en adobe qu'ils contenaient furent brisées ou fondirent sous la pluie après l'arrachement des toits. Les statues de cuivre furent fracassées et laissées sur place en tas, celles en or, argent et bronze furent enlevées et envoyées en Chine par camion. Dans une fonderie près de Pékin, plus de 600 tonnes de ces statues furent traitées. La plus grande partie du patrimoine culturel a disparu. Des enfants tibétains furent forcés de démanteler les temples[20].

Au début des années 1980, Fox Butterfield rapporte que des fonctionnaires chinois l’informèrent qu’avant 1959, il y avait 2464 monastères au Tibet, et qu’après la révolution culturelle au Tibet, il n’en subsistait plus que dix. Ils mentionnèrent notamment que l’un d’entre eux, Ganden, le troisième en importance et qui contenait 10 000 moines, avait tout simplement disparu[31].

Selon le gouvernement tibétain en exil, plus de 6 000 temples et monastères ont été partiellement ou totalement détruits dans l'ensemble des régions tibétaines[32],[33],[34].

Dawa Norbu décrit le cas de la ville de Sakya, où il y avait 108 monastères et temples. En 1968, il n'en subsistera qu'un seul. La révolution culturelle y fut menée de façon systématique. D'abord, quelques gardes rouges arrivaient et tenaient une réunion avec le personnel administratif chinois, et les progressifs locaux (yar-thonpa). Puis, ils parcouraient la ville annonçant la grande révolution culturelle prolétarienne. Ils demandaient de façon rhétorique : « Qui se portera volontaire pour détruire les centres de superstitions ? ». Quand la majorité des habitants du village montraient une réluctance à venir, une foule immense d'un autre village - à Sakya ce fut celui de Dongka - venait et détruisait la plupart des monastères célèbres. Les Chinois faisaient appel à l'attrait des Tibétains pour le bois des structures des monastères qu'ils étaient autorisés à prendre. L'or, l'argent et les bijoux précieux des statues avaient été collectés avec soin par la Commission pour les reliques culturelles avant l'arrivée des gardes rouges. La plupart des informateurs disent qu'elles ont été envoyées en Chine[35].

Selon le site de l'Institut de cartographie du Tibet, « Si on dit que plus de 2000 monastères et lieux-saints ont été détruits par les Gardes Rouges (...), personne ne peut en fournir la liste, ni les localiser sur une carte. On attend toujours qu'un tibétologue rédige une liste et une description des lieux saints du Tibet »[36].

Selon le bureau du Tibet à New-York, la célèbre statue du Jowo Mikyoe Dorjee, une statue révérée depuis son arrivée au Tibet au VIIe siècle et qui était située au temple de Ramoché, a été disloquée et expédiée en Chine durant la révolution culturelle. On doit sa restauration en 1985 à Ribur Rinpoché et au 10e Panchèn Lama[37].

Atteintes aux personnes

La destruction a aussi touché les logements privés. Les drapeaux de prières qui ornaient les toits et les autels de la plupart des demeures tibétaines furent détruits. Bien souvent, les maisons furent saccagées et si on y trouvait caché de « vieux » articles tibétains, pas seulement religieux, comme d'anciens billets de banque tibétains ou des vêtements tibétains traditionnels, le chef de famille était puni[38].

Selon les auteurs de l'ouvrage Le Livre noir du communisme, la révolution culturelle serait responsable de la mort d'entre 400 000 et 1 million de personnes dans l'ensemble de la Chine[39]. Selon le gouvernement tibétain en exil, pour le Tibet (Ü-Tsang, Amdo, Kham), sur un total de 592 000 moines et nonnes, plus de 110 000 auraient été torturés et mis à mort et 250 000 défroqués de force[32].

Selon Thomas Laird, les membres de l'élite tibétaine qui avaient été utilisés par le pouvoir chinois entre les années 1950 et 1960 furent stigmatisés par les gardes rouges au cours de séances de thamzing (séances d'autocritiques) où ils étaient battus et torturés, et ceux qui ne mouraient pas étaient emprisonnés. Le gouvernement tibétain en exil estime que 92 000 Tibétains périrent au cours de ces séances d'autocritique[14].

Dans son ouvrage Tibet mort ou vif publié en 1990, Pierre-Antoine Donnet écrit : « En l'absence de chiffres vérifiables, il semble évident pour un observateur étranger que des centaines de milliers de Tibétains ont disparu, victimes de mort non naturelle, pendant la Révolution culturelle »[40].

« Démantèlement des forteresses féodales »

Selon la revue Revolutionary Worker, journal du Parti communiste révolutionnaire américain[41], les forteresse féodales qu'étaient les milliers de monastères furent vidées et démantelées lors d'un gigantesque mouvement de masse. Ce démantèlement, d'après tous les récits disponibles, fut l'œuvre quasi-exclusive des serfs tibétains eux-mêmes, conduits par des militants révolutionnaires. Les objets de culte, à l'exception de pièces de grande valeur historique, furent détruits en public pour briser les superstitions séculaires. Les matériaux de construction furent redistribués aux gens pour construire maisons et routes, et les forces armées révolutionnaires dynamitèrent souvent les vestiges. Tel fut le verdict de la révolution culturelle sur les monastères et leur nature de classe : plus jamais ils ne vivraient des souffrances des masses. De ce point de vue, ce démantèlement fut non pas une « destruction insensée », un « génocide culturel » mais un acte politique conscient de libération du peuple.

Mao, icône religieuse

Jean Dif rapporte un témoignage golok dans l'amdo, « les Tibétains doivent chaque matin énumérer les tâches qu’ils pensent accomplir durant la journée devant un portrait de Mao. Le soir ils reviennent rendre compte devant le portrait de ce qu’ils ont fait. Mao est devenue une icône religieuse ! »[42].

La nonne Trinley Chödrön à Nyemo voyait dans le président Mao, dont elle se disait le « bras droit », l'incarnation du bodhisattva de la sagesse Mañjuśrī[43].

Famine

Voir le chapitre « Famine sous la révolution culturelle » pour une présentation complète.

Selon le journaliste Pierre-Antoine Donnet, la famine refit son apparition lors de la révolution culturelle au Tibet.

Au Tibet central, en 1970, il y avait plus de 1000 communes populaires, chacune collectivisant 100 à 200 familles. En décembre 1995, il y en avait environ 2000 dans près de tous les contés du Tibet central (U-Tsang). Dans ces communes populaires, les cadres chinois imposèrent la culture du blé et des récoltes annuelles, alors que les Tibétains cultivaient traditionnellement l'orge, plus adapté aux fragiles sols du plateau du Tibet, et alternant 1 année de récolte et une année de friche pour permettre aux sols de se reconstituer. Il en résultat un épuisement des sols, de maigres récoltes, diminuant considérablement la production céréalière, vidant le grenier à grains que constituait le Tibet avant 1950, et entraînant de nouvelles famines sévères dans certaines régions du Tibet. Cette situation fut aggravée par les préparatifs de guerre engagés à la fin des années 1960 par Mao. L'armée chinoise était prioritaire pour la distribution de céréales, même au Tibet, où plusieurs centaines de milliers de soldats étaient stationnés le long des frontières avec l'Inde. De plus, le gouvernement chinois envoya des dizaines de milliers de colons chinois au Tibet durant la révolution culturelle, et au Tibet central, l'immigration massive a véritablement commencé à partir de 1975[44].

Selon le Congrès de la jeunesse tibétaine, vers la fin de la révolution culturelle (1966-1976), des dizaines de milliers de Tibétains seraient morts de faim dans l'Ü-Tsang en raison de la surculture des terres semées en blé[45].

Selon le témoignage de Gyeten Namgyal, un tailleur de Lhassa, durant la révolution culturelle, ceux qui n’avaient pas de travail mourraient tout simplement de faim[46].

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Lien externe

Références

  1. Marie-Claire Bergère, La Chine de 1949 à nos jours, 2000, p. 119.
  2. a, b et c Woeser, Mémoire interdite. Témoignages sur la Révolution culturelle au Tibet, p. 552, traduit par Li Zhang & Bernard Bourrit, éd. Gallimard.
  3. (en) Daniel Berounsky , compte rendu de « GOLDSTEIN Melvyn C., JIAO BEN, Lhundrup TANZEN. On the Cultural Revolution in Tibet: The Nyemo Incident in 1969 », in Études mongoles et sibériennes, centrasiatiques et tibétaines [En ligne], 40 | 2009, mis en ligne le 1er décembre 2009, consulté le 22 juillet 2011 : «  To outline the series of events presented: During the Cultural Revolution, various groups of followers of Mao’s instructions formed into two opposing factions in Lhasa in 1968. The first of them was called Nyamdre (Tib. mnyam ‘brel, perhaps “Alliance”) and the second Gyenlo (Tib. gyen log, “Rebels”). The first of them might be labeled conservative, since it often supported the existing officials of that time, with the explanation that the situation in Tibet required special treatment. The second faction, Gyenlo, was initiated by traveling Red Guards from inland China who felt the need to struggle against certain officials, following Mao’s statement about the “bourgeoisie who have sneaked into the party, government, army and all cultural circles”. The third force, the People’s Liberation Army (PLA), was restricted from involvement in the emerging struggle. »
  4. Daniel Berounsky, op. cit. : « The first violent conflict of the Nyamdre and Gyenlo factions occurred in Lhasa in June 1968. The PLA did not follow the rule of non-intervention in this exceptional case and attacked two strongholds of the Gyenlo faction: the Financial Compound and the Jokhang temple. The attack resulted in the death of twelve Gyenlo activists and two soldiers. »
  5. Daniel Berounsky, op. cit. : « After the conflict, the Gyenlo activists started to intensify their search for support in rural areas. One of them was Nyemo (Snye mo), located between Lhasa and Shigatse (Gzhi ka rtse), in Tsang (Gtsang). Although originally most of the local people from Nyemo supported the Nyamdre faction, and at the same time somehow the status quo, Gyenlo made use of the general discontent of the local people concerning the production taxes hidden behind euphemistic names such as “patriotic government grain” and “sales grain.” In particular, the second tax impoverished farmers: the tax was fixed as a portion of yields, and kept increasing largely due to exaggerated yields, which were meant to demonstrate “socialist progress.” The promise of a suspension of the grain taxes on the part of Gyenlo and at the same time dismantling the people’s communes found fertile ground in Nyemo and apparently also in other rural areas. Such promises were of course officially formulated in communist terminology as a struggle against the “reactionary capitalist line.” »
  6. (en) Daniel Berounsky , compte rendu de « GOLDSTEIN Melvyn C., JIAO BEN, Lhundrup TANZEN. On the Cultural Revolution in Tibet: The Nyemo Incident in 1969 », in Études mongoles et sibériennes, centrasiatiques et tibétaines [En ligne], 40 | 2009, mis en ligne le 1er décembre 2009.
  7. (en) Robert Barnett, A City, its visitors and the odour of development, in Lhasa in the seventeenth century: the capital of the Dalai Lama (edited by Françoise Pommaret, translated by Howard Solverson), London ; Boston ; Köln : Bril, 2002, pp. 207-208 : « the 1978 decision of Deng Xiaoping to launch a policy referred to by the Chinese as "liberation and opening up". That policy officially ended the Maoist era and the persecution of Tibetan culture, religion or class difference that Mao had unleashed. Traditional costime was reintroduced, monasteries were rebuilt, Tibetan language was reinstalled, pilgrimages recommenced. Among anthropologists, some have described this as a revitalisation; others speak of it as a renaissance of Tibetan culture. »
  8. Laurent Deshayes Histoire du Tibet, Page 352, Fayard 1997 (ISBN 978-2213595023)
  9. (en) A. Tom Grunfeld, Reassessing Tibet Policy, sur le site Foreign Policy in Focus, October 12, 2005 : « During the 1980s, CCP moderates paved the way for increased usage of the Tibetan language, the reconstruction of religious buildings (with more temples in some regions now than before 1951), and the encouragement of Tibetan culture. »
  10. 2002 : L'épopée des Tibétains : entre mythe et réalité, de Laurent Deshayes et Frédéric Lenoir, Fayard (ISBN 978-2213610283)
  11. (en) Dorothy Stein, People who count: population and politics, women and children, Earthscan Publications, London, 1995, XI + 239 p., p. 186 : « Although there is evidence that much of the destruction of religious institutions during the Cultural Revolution was in fact actually carried out by Red Guards of Tibetan ethnicity, it has since been laid entirely at the Chinese door, and the tendency of Tibetans and their pro-nationalist supporters to think only in ethnic terms has hardened. »
  12. Wang Lixiong, un intellectuel atypique
  13. Article « Réflexions sur le Tibet » de Wang Lixiong paru dans la New Left Review et dont des extraits ont été traduits dans le Courrier International du 21 au 27 novembre 2002.
  14. a, b et c Une histoire du Tibet : conversations avec le dalaï-lama, de Thomas Laird, Dalaï-Lama, Christophe Mercier, Plon, 2007, (ISBN 2259198910)
  15. The Art of Tibetan Medicine
  16. Statement by Dr. Tenzin Choedrak before US Congress, 8 mai 1996
  17. Victim of Chinese Torture in Tibet
  18. Conversation privée de Gilles Van Grasdorff avec Tenzin Choedrak relatée dans le livre La nouvelle histoire du Tibet de Gilles Van Grasdorff, Édition Perrin, 2006, page 419.
  19. (en) Dawa Norbu, Tibet : the road ahead, 1998, Rider & Co, (ISBN 978-0712671965), p. 273-274. « Kunsang Paljor, who was then working for The Tibet Daily News, says that as many as 8130 Chinese Red Guards from twelve educational institutions in China proper came to Lhasa and only three Tibetan schools in Lhasa were involved in the beginning of the Cultural Revolution. »
  20. a et b Thomas Laird, op. cit., p. 349-350
  21. Laurent Deshayes Histoire du Tibet, p. 348, 1997, Fayard (ISBN 978-2213595023)
  22. (en) Rong Ma, Population and Society in Tibet, Hong Kong University Press, 2010, 350 p., p. 158 : « The following internecine struggles among various revolutionary organizations and their competition to break down the Four Olds in the TAR caused much damage to monastaries and to traditional cultural heritage (Grunfeld, 1996:183-186). »
  23. (en) Dawa Norbu, op. cit., p. 273-274. « It appears that these Chinese Red Guards came not only with an ideological mission but also with a Han-man's burden in Tibet – the sinicization of Tibetans in the name of Mao Zedong Thought. […] the Cultural Revolution in Tibet is one of systematic destruction of indigenous cultures and forced attempts to impose Han culture on the unwilling Tibetans in the name of the Great Proletarian Cultural Revolution. […] When the Red Guards went on a spree of attacking temples and monasteries in Lhasa, Kunsang Paljor says that it was clear that the Chinese youths knew what to destroy and what to save. All the valuable contents of such temple as Tsuglak Khang, Ramoche, Norbulingka, Tengyelling, Zong Kyap Lukhang, etc... were neatly packed, ready to be carted away to some "safer" place. Only then were the Red Guards let loose to destroy. »
  24. Brice Pedroletti, "Mémoire interdite" : nuit de dix ans au Tibet, Le Monde, 25 décembre 2010, « Ainsi d'une Tibétaine interrogée par l'écrivaine, du nom de Juejig, qui raconte comment le comité de quartier rassemble la population pour aller détruire les bouddhas, et menace de rayer les récalcitrants du registre d'état civil ou de les priver de tickets de rationnement. »
  25. Tibet: A quand l'Indépendance ?, par Armeline Dimier, Institut d'études politiques de Grenoble.
  26. Death of a controversial lama: Obituary of Bomi Rinpoche (1918-2002)(TIN).
  27. The Panchen Lama Is Dead at 50; Key Figure in China's Tibet Policy, New York Times, 30 janvier 1989, Nicholas D. Kristof.
  28. (en) Mobo Gao, The Battle for China's Past: Mao and the Cultural Revolution, London and Ann Arbor, Pluto Press, 2008, XI + 270 p., p. 24 : « The authorities in Tibet often tried to restrain radical actions, with the PLA for example consistently supporting the more conservative factions against the rebels. Temples and monasteries survived best in the central areas and cities where the authorities could still exercise some control. In contrast, the Gandan Monastery, some 60 kilometres outside Lhasa and one of the three major centres of the Yellow Hat sect, was reduced to ruins (3). »
  29. Thomas Laird, Dalaï-Lama Une histoire du Tibet : Conversations avec le Dalaï Lama, traduction Christophe Mercier, Plon, 2007, (ISBN 2-259-19891-0), p. 349-350.
  30. Thomas Laird, op. cit., « Bien que certains monastères aient été rasés suite aux bombardements aériens et aux attaques militaires dans l'est du Tibet au cours de l'invasion de 1949-1951, et de la rébellion de 1958 et 1959, la plupart avaient survécu jusqu'aux années soixante. Sous le regard attentif des Gardes rouges tibétains et chinois, ceux qui étaient encore debout furent systématiquement démantelés au cours de la maintenant tristement fameuse Révolution culturelle. »
  31. Fox Butterfield, La Chine - Survivant dans la mer d'amertume, Paris, Presses de la Cité, 1983, page 309.
  32. a et b (en) 'Tibet: Proving Truth from Facts', The Department of Information and International Relations: Central Tibetan Administration, 1996. pp. 84 et 85 : « Out of Tibet’s total of 6,259 monasteries and nunneries only about eight remained by 1976. Among those destroyed were the seventh century Samye, the first monastery in Tibet; Gaden, the earliest and holiest monastic university of the Gelugpas; Sakya, the main seat of the Sakyas; Tsurphu, one of the holiest monasteries of the Kagyuds; Mindroling, one of the most famous monasteries of the Nyingmapas; Menri, the earliest and most sacred Bon monastery, etc. Out of 592,558 monks, nuns, rinpoches (reincarnates) and ngagpas (tantric practitioners), over 110,000 were tortured and put to death, and over 250,000 were forcibly disrobed. »
  33. (en) Monastic Education in the Gönpa sur http://www.tibetanculture.org. « More than 6,000 monasteries in Tibet were destroyed in the 1960s and 1970s following the Chinese invasion of Tibet »
  34. (en) Religion and culture sur le site de International Campaign for Tibet : « Approximately 6,000 monasteries, nunneries and temples, and their contents were partially or fully destroyed from the period of the Chinese invasion and during the Cultural Revolution ».
  35. Dawa Norbu, op. cit., p. 271-272
  36. Projet de cartographie du Tibet, site de L'Institut de cartographie du Tibet.
  37. (en) Ribur Rinpocheis no more, His Story Remains with Us
  38. Dawa Norbu, op. cit. p. 275
  39. Collectif, Le Livre noir du communisme, 1998, p. 561.
  40. Pierre-Antoine Donnet, Tibet mort ou vif, p. 143.
  41. Cf (en) The True Story of Maoist Revolution in Tibet Red Guards and People's Communes, Revolutionary Worker #752, April 17, 1994 : (...) In a huge mass movement, the many monasteries of Tibet were emptied and physically dismantled.
    Supporters of Tibetan feudalism often say this dismantling was "mindless destruction" and "cultural genocide." But this view ignores the true class nature of these monasteries. These monasteries were armed fortresses that had loomed over the peasants' lives for centuries. (...) These fortresses provoked justified fear that the old ways might return--one conspiracy after another was plotted behind monastery walls. Dismantling these monasteries was anything but "mindless." These were conscious political acts to liberate the people!
    All available accounts agree that this dismantling was done almost exclusively by the Tibetan serfs themselves, led by revolutionary activists. Mass rallies of ex-serfs gathered at the gates, daring to enter the holy sanctums for the first time. The wealth stolen from them over centuries was revealed to all. Some especially valuable historic artifacts were preserved for posterity.
    Valuable building materials were taken from fortresses and distributed among the people to build their houses and roads. (...). Often idols, texts, prayer flags, prayer wheels and other symbols were publicly destroyed--as a powerful way of shattering century-old superstitions. As a final comment on restorationist dreams, the ruins were often blown sky high by the revolutionary armed forces.
    (...) But the verdict of the Cultural Revolution was that these monasteries should never again exist as feudal fortresses living from the suffering of the masses.
  42. Jean Dif : Chronologie de l'histoire du Tibet et de ses relations avec le reste du monde
  43. Daniel Berounsky, op. cit.
  44. Pierre-Antoine Donnet, Tibet mort ou vif, Édition Gallimard; 1990: Nouv. éd. augm 1993, ISBN 2-07-032802-3, p. 140
  45. (en) TYC, 1995 Development for whom? a report on the Chinese Development Strategies in Tibet and Their Impacts, Dharamsala.
  46. Kim Yeshi, Tibet. Histoire d'une tragédie, Édition La Martinière, février 2009,(ISBN 978-2-7324-3700-2).
  47. Archives de sciences sociales des religions

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