Garde rouge (Chine)

Garde rouge (Chine)
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Les gardes rouges (chinois : 紅衛兵 ; pinyin : Hóng wèi bīng) constituent un mouvement de masse chinois comprenant en grande partie des étudiants et des lycéens, dont Mao Zedong s'est servi pour poursuivre le processus de la révolution culturelle. Cette « révolution » vise à purger le parti et renforcer le maoïsme après l'échec du Grand Bond en avant. Les Gardes rouges seront les auteurs de terribles excès durant celle-ci allant de la destruction systématique du patrimoine à l'humiliation publique, l'enfermement en « camps de rééducation » (ou laogai) et parfois l'exécution des « intellectuels ».

Ce mouvement fut encouragé et manipulé par Mao dans une stratégie de reconquête du pouvoir. Il ferma les lycées et les universités de 1966 à 1972 pour favoriser leur développement. « Curieuse alliance que celle du hiérarque vieillissant avec ces adolescents fanatisés qui le considèrent comme un dieu » indique la sinologue Marie-Claire Bergère[1].

Les Gardes rouges furent ensuite disgraciés et persécutés par Mao qui exila nombre d'entre eux dans les campagnes les plus reculées et mit fin brutalement à leurs excès. De nombreux anciens Gardes rouges, revenus de leurs illusions, figurent plus tard parmi les premiers dissidents chinois et les plus âpres critiques de la légende du « Grand Timonier », comme Wei Jingsheng ou Jung Chang.

Ils contribuèrent à faire prendre à la Chine des années de retard économique, technique et culturel, et représentèrent, au moins pour la société urbaine chinoise, un traumatisme dont le pays ne commença à se remettre qu'après la mort de Mao.

Sommaire

Naissance des gardes rouges

Les gardes rouges sont des groupes de garçons et de filles dont l'âge varie de douze à trente ans, dont la majeure partie est constituée de lycéens. Ils portent un brassard de coton rouge sur lequel figure trois caractères jaunes qui forment l'expression "gardes rouges". Ils ont pour fonction de revivifier la société chinoise par opposition au modèle de la société russe rigidifiée. Ils débaptisent à Pékin les noms de rues et monuments évoquant l'ancienne Chine impériale. Ils confisquent les biens des anciens capitalistes. Leur mission est surtout de propager les pensées de Mao Zedong.

Les fractions rivales

Les gardes rouges s'attaquèrent aux cibles désignées : les hauts fonctionnaires et les intellectuels, mais aussi tous les Chinois soupçonnés de s'opposer au président Mao. Les interprétations des consignes données conduisent les gardes rouges à se scinder en fractions rivales[2].

La première fraction se désigne par le nom de « vieux gardes rouges » (lao hongweibing) pour marquer sa prééminence sur les autres fractions. Elle est composée essentiellement des enfants des cadres du parti communiste. Ces gardes rouges considèrent être les plus compétents pour interpréter les orientations de Mao du fait de leur appartenance aux proches du pouvoir.
Puis ce sont les rebelles (zaofanpai) qui s'opposent d'une part à la hiérarchie et aux orientations des fractions rivales.
Les conservateurs (baohuangpai) se donnent pour mission de protéger Mao.

D'autres scissions donnent naissance aux « rebelles conservateurs » et aux « rebelles révolutionnaires ». À ces groupes s'ajoutent des fractions locales qui s'organisent dans les provinces chinoises. Ainsi le garde rouge Dai Hsiao-ai évoque les différentes fractions de la région de Pékin : « les aigles », « drapeau rouge », « rebelles révolutionnaires ». Un groupe de l'université de Qinghua allait acquérir une réputation nationale puis mondiale, il se dénommait « gardes rouges[3] ».

Première apparition des gardes rouges

Cette réputation fut acquise le 18 août 1966. Lors d'une manifestation de masse sur la place devant la porte de la Paix Céleste (Place Tian'anmen), Mao accepta et porta le brassard qui servait d'insigne à l'une des fractions de l'école moyenne dépendant de l'université de Qinghua (chinois traditionnel 清華大學 ; chinois simplifié 清华大学 ; pinyin qīnghuá dàxué). Le brassard était rouge avec l'inscription « Hong Weibing  » (Gardes rouges ; chinois traditionnel 紅衛兵 ; chinois simplifié 红卫兵 ; pinyin hóng wèibīng) en lettres dorées.

L'origine des gardes rouges tibétains

Le tibétologue Gilles Van Grasdorff évoque le rôle des enfants tibétains déplacés lors des évènements de la révolution culturelle au Tibet :

« Les enfants enlevés entre 1951 et 1955 ont été éduqués au communisme maoïste. Certains étaient parmi le million de gardes rouges sur la place Tian'anmen le 18 août 1966. Ce sont ces jeunes Tibétains qui investiront Lhassa quelques semaines plus tard. ».

Selon l'intellectuel et écrivain chinois[4] Wang Lixiong, la majorité des gardes rouges qui parvinrent dans la Région autonome du Tibet étaient « des étudiants tibétains revenant des universités chinoises »[5].

L'historien Tsering Shakya indique que les gardes rouges « sentaient que le Tibet et les Tibétains devaient être “révolutionnarisés” et se voyaient eux-mêmes comme des révolutionnaires avancés venus à l'aide d'élèves attardés dans une région sous-développée » et eurent un effet dévastateur sur la culture tibétaine[6].

Tenzin Choedrak, qui était le médecin personnel du 14e Dalai Lama[7], a été emprisonné pendant 17 ans dans les prisons du Tibet[8],[9]. Il indique que « dès septembre 1966, à Lhassa comme dans les autres camps du Tibet, les gardes rouges étaient tous des Tibétains. Ils parlaient parfaitement le chinois, mais tous comprenaient notre langue. Chaque après-midi, ils nous imposaient la lecture des journaux de propagande[10] ».

Les exactions commises lors de la révolution culturelle au Tibet entraînèrent la destruction de l'essentiel du patrimoine tibétain. Par ailleurs la communauté religieuse va connaître des persécutions et des humiliations notamment à travers les thamzings, les tortures deviendront une pratique habituelle : viols, mains et langues coupées[11].

Bibliographie

  • Mémoires du Garde Rouge Dai Hsiao-ai autobiographique politique présentée par Gordon A Bennett et Ronald N. Montaperto. Traduit de l'américain par Robert Latour et Robert Genin. Éditions Albin Michel, 1971.
  • Les massacres de la Révolution culturelle Textes de Song Yongyi, traduit par Marc Raimbourg sous la direction de Marie Holzman, 2008, Buchet-Chastel, (ISBN 2-283-02201-0).

Références

  1. Marie-Claire Bergère, La République populaire de Chine de 1949 à nos jours, Armand Colin, Paris, 1989.
  2. Les massacres de la Révolution culturelle : Textes de Song Yongyi, traduit par Marc Raimbourg, sous la direction de Marie Holzman, p. 9
  3. Mémoires du garde rouge Dai Hsiao-ai, autobiographie politique présentée par Gordon A. Bennett et Ronald N. Montaperto, Éditions Albin Michel, 1971, p. 89
  4. Wang Lixiong, un intellectuel atypique
  5. Article « Réflexions sur le Tibet » de Wang Lixiong paru dans la New Left Review, dont des extraits ont été traduits dans le Courrier international du 21 au 27 novembre 2002.
  6. Une histoire du Tibet : Conversations avec le Dalaï Lama, de Thomas Laird, Dalaï-Lama, Christophe Mercier, Plon, 2007, ISBN 2-259-19891-0
  7. The Art of Tibetan Medicine
  8. Statement by Dr. Tenzin Choedrak before US Congress, 8 mai 1996
  9. Victim of Chinese Torture in Tibet
  10. Conversation privée de Gilles Van Grasdorff avec Tenzin Choedrak relatée dans le livre La nouvelle histoire du Tibet de Gilles Van Grasdorff, Éditions Perrin, 2006, p. 419
  11. Armeline Dimier, Tibet : à quand l'indépendance ?, Institut d'études politiques de Grenoble, diplôme de sciences politiques.

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