Regnum Bulgarorum et Valachorum

Regnum Bulgarorum et Valachorum

Regnum Bulgarorum et Valachorum

Regnum Valachorum
Région historique
93 ans entre 1187 et 1280
Armes de Regnum Valachorum Carte de Regnum Valachorum
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Subdivisions actuelles
Pays actuels : Bulgarie (63%), Macédoine (8%), Grèce (2%), Roumanie (18%), Serbie (7%), Turquie (1%), Ukraine (1%).
Villes
Serdica, Bdin, Craiova, Târgovişte, Scupia, Ohrid, Plovdiv, Tărnovo, Drăstăr, Kaliakra.
Chronologie
Fondation en 1187 par Petru Deleanu et son frère Ioan Asan I
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Remplacement en 1280 par un Tzarat de Bulgarie au sud du Danube, tandis qu'au nord régnaient déjà depuis 1230 les Magyars et les Tatars. États successeurs: Principauté de Valachie et Despotat de Dobrogée (au nord), Serbie (à l'ouest), Tzarats bulgares de Bădin et de Tărnova (au centre-sud).
Souverains
Ivan Asen Ier/Ioan Asan I
Pierre IV Théodore
Jean Kalojan/Ioniţă Caloian
Ivan Asen II/Ioan Asan II
Koloman Ier Asên/Căliman Asan
Michel II Asên
Mitzo Asên
Constantin Ier Asên/Constantin Tişu
Ivajlo/Ivailă
Jean Asen III/Ioan III Asan
Populations
Slavons, Valaques, Grecs, Gök-Oğuzes

Les termes de "Regnum Valachorum" et "Regnum Bulgarorum et Valachorum" sont officiellement utilisés par les papes Innocent III en 1205 et Grégoire IX en 1232 dans leur correspondance avec le roi Ioan Caloian (1197-1207) à qui était attribué le titre rex Bulgarorum et Blachorum ("roi des Bulgares et des Valaques") et avec Ioan Asan I (1218-1241, dit Ioan Assène), ainsi que dans les armoiriaux de l'époque (par exemple le Wijbergen[1]). Ce royaume, que les historiens modernes nomment Second Empire Bulgare, a été fondé par les Valaques suite à leur révolte contre l'Empire byzantin en 1180-1186[2]. A cheval sur le Bas-Danube, dirigé par les dynasties valaques des Deleanu et des Asan, ce royaume sera remplacé en 1280, au sud du Danube par des tzarats bulgares de Vidin et de Veliko Tărnovo[3], et au nord du Danube par le Banat de Severin et par la domination des Tatars. A l'époque, sa population était multiethnique sur les deux rives du Danube, les Slaves dominant en plaine, les Valaques sur les piémonts et les Grecs sur les côtes.

Sommaire

Fondation

Selon Anne Comnène, lorsque les Coumans attaquent l'Empire byzantin en 1094, le valaque Pudilă vint à Constantinople avertir l'empereur que les barbares étaient en train de passer les Monts Haemus. En 1166, le basileus Manuel Comnène recruta ces mêmes valaques pour arrêter une invasion hongroise. En 1185 enfin, sous le règne d'Isaac II Ange, les Valaques, écrasés d'impôts et décimés par la conscription, se révoltent contre l'Empire Byzantin sous la conduite de la dynastie Deleanu, et s'émancipent en 1186 pour créer un Regnum Bulgarorum et Valachorum multi-ethnique dont la capitale est Tărnova (Veliko Tărnovo). Petru Deleanu ceint la couronne, adoubé par le pape Urbain III qui espère convertir le pays au catholicisme. Isaac II Ange en personne conduit contre lui une campagne militaire, tandis que Petru et Ioan Asan I passent au nord du Danube où ils lèvent des troupes valaques, slavonnes et coumanes. En 1187, après une défaite initiale face au basileus, ils remportent plusieurs victoires à la suite desquelles Isaac est détrôné et remplacé par un nouvel empereur : Alexis III. L'indépendance du Regnum Bulgarorum et Valachorum est reconnue.

Le "Regnum Bulgarorum et Valachorum" en 1250, d'après Anne Le Fur

Petru et Asan règnent une dizaine d'années, avant de périr assassinés en 1196 et 1197. Ioniţă Caloian leur succède. Sous son règne, le pays s'étend des Carpates méridionales, au nord, au Rhodope au sud, et des lacs de Macédoine à l'ouest aux Bouches du Danube à l'est.

Histoire

Sceau de Ioan Asan I

Pendant le règne de Ioniţă Caloian (1197-1207, dit « Joanisse, roi de Blaquie et de Bougrie  » par Geoffroi de Villehardouin[4]) la Quatrième croisade détruit la puissance byzantine en 1204 : Constantinople devient le siège d'un Empire latin d'orient. Baudouin VI de Hainaut qui avait été proclamé empereur à Constantinople tente de conquérir le Regnum Valachorum, mais Ioniţă Caloian le bat et le fait prisonnier à Andrinople en 1205. La rançon n'étant pas payée, Baudouin mourra en captivité. Ioniţă meurt assasiné en 1207 par un mercenaire couman tandis qu'il assiégeait Thessalonique alors aux mains des Croisés.

Sous le règne de son successeur, l'usurpateur Borilă (bulgare: Борил), le pope Bogomil prêche ce que l'on a appelé le bogomilisme ou catharisme. Borilă, qui a chassé les héritiers légitimes de Ioniţă Caloian : Alexandru et Ioan Asan II, réprime durement les cathares (purs en grec), s'aliène tant la noblesse, que le peuple et doit faire face à une conjuration de boyards qu'il vainc à Vidin grâce à l'aide des Magyars, des valaques de Transylvanie et des Pétchénègues, conduits par le voïvode Ioachim.

Ioan Asan II. En haut à gauche, l'inscription, en slavon, ne le nomme ni Ivan ni Ion mais "Iôan" (avec un oméga).

En 1217 cependant, ses ennemis en appellent à l'héritier légitime Ioan Asan II. Celui-ci, avec l'aide des Brodniks (russe : бродници, roumain : brodnici, un peuple slave de l'actuelle Moldavie allié aux Coumans), vainc, détrône et aveugle Borilă, enfermé dans un monastère. Sous le règne de Ioan Asan II (1218-1241), le Regnum Valachorum atteint son apogée. Les arts et la culture connaissent un grand essor, comme en témoignent, entre autres, les fresques du monastère de Boiana près de Sofia, de nombreuses églises, ainsi que le palais de Tărnova sur la colline de Ţarivăţ. Un siècle avant l'Italie, l'esprit et l'art de la Renaissance s'y manifestaient déjà. A cette époque le royaume a accès à trois mers : la mer Noire, la mer Egée et la mer Adriatique[5]. Au plan architectural, Ioan Asen II confère à la capitale Tărnova son aspect monumental en renforçant les fortifications, en construisant des édifices religieux et des églises, dont la plus importante est celle dite des Quarante martyrs (en bulgare : Свети Четиридесет мъченици, en roumain "Sfinţii patruzeci mucenici"). Au plan économique, Ioan Asan II encourage le commerce, accorde des privilèges à la république de Dubrovnik (vers 1230) et bat monnaie en or et en bronze.

En 1219/1221, Ioan Asan II épouse Anne-Marie, fille d'André II de Hongrie (qui lui apporte en dot les villes de Belgrade et de Braničevo). Il entretient de bonnes relations avec l'Empire latin de Constantinople et avec la papauté, et mène une politique habile et équilibrée, en alliant démarches diplomatiques et campagnes militaires modérées.

Le Regnum Valachorum à l'époque de Ioan Asan II

Vers 1229-1230, il renforce l'influence bulgare sur l'Empire latin de Constantinople en projetant le mariage de sa fille Elena avec l'empereur Baudouin II de Courtenay. Ce projet contrarie le despote d'Épire et empereur byzantin de Thessalonique Théodore Ier Ange Doukas Comnène qui attaque le Regnum Valachorum mais subit une écrasante défaite à Clocotniţa (en bulgare : Клокотница : le mot signifie "bouillonnante" en roumain) le 9 mars 1230. Théodore Ange y est fait prisonnier. Suite à la victoire de Clocotniţa, le Regnum Valachorum se trouve en position d'hégémonie militaro-politique dans les Balkans. La Serbie est également sous l'influence d'Ioan Asen II car le roi Stefan Vladislav n'est autre que son beau-fils.

Mais le projet de mariage d'Elena avec Baudouin II de Courtenay, échoue, car elle n'est pas catholique et son père tolère les Cathares Bogomiles. Ioan Asen II se rapproche alors des byzantins de l'Empire de Nicée. En réaction, la papauté initie contre lui des campagnes militaires hongroises et latines en 1230 et 1238. En 1230, Ioan Asan II perd l'Olténie, qui devient un banat hongrois. De plus, l'arrivée en Europe des Tatars, qui s'installent dans le Boudjak et ravagent la Munténie et la Dobrogée, achève de lui faire perdre les territoires situés au nord du Danube.

En 1232, Ioan Asan II rompt ses relations avec Rome. En 1235, au concile de Lampsaque, en Asie Mineure, il restaure le patriarcat de Tărnova (en bulgare : Търново) avec l’appui de l’empire de Nicée. Il place Ioachim Ier (en bulgare : св. Йоаким I) à la tête de ce patriarcat. En 1235-1236, le Regnum Valachorum s'allie à l'Empire de Nicée sous la conduite de Jean III Doukas Vatatzès pour combattre l'empire latin de Constantinople.

Suite au décès de son épouse Anne-Marie, Ioan Asen II se marie en secondes noces avec Irène Comnène, la fille de son captif Théodore Ier Ange Doukas Comnène.

Déclin

Ioan Asan II meurt en 1241. Une conjuration de boyards assassine son fils mineur ainsi que son frère Mihail Asan. Le regnum Valachorum durera encore une quarantaine d'années sous la dynastie des Assanides, avant qu'elle ne soit remplacée par des Tzars bulgares (le premier étant Gueorgui I Terter, 1280-1292). Mais le royaume, considérablement affaibli par l'invasion des Tatares à partir 1225, se désagrège progressivement et sera remplacé, au nord du Danube par des banats roumains vassaux de la Hongrie, et au sud du Danube par les Tzarats slavo-bulgares d'Ohrid, de Vidin et de Tărnovo, et par le despotat de Dobroudja, qui tomberont l'un après l'autre sous la coupe de l'Empire ottoman.

Historiographie

Le Regnum Bulgarorum et Valachorum, qui selon toutes les sources primaires, byzantines ou latines, était un état multi-national aux souverains valaques, où l'on utilisait comme linguae francae aussi bien la latin, le grec que le slavon, est peu présent dans l'historiographie moderne. Ce sujet d'étude, instrumentalisé à l'époque communiste dans le cadre de la promotion de la Grande amitié prolétarienne bulgaro-roumaine sous le nom de Tzarat bulgaro-roumain, a souffert de la désaffection des chercheurs depuis la chute du communisme. Il est aujourd'hui occulté sous la pression des nationalismes. Côté roumain, où l'historiographie est engagée dans la démonstration d'une origine principalement nord-Danubienne des Valaques, le Regnum Valachorum, situé en grande partie au sud du Danube, est peu étudié et le plus souvent passé sous silence dans les ouvrages de vulgarisation et les programmes scolaires. Côté bulgare, où l'historiographie est engagée dans la démonstration d'une origine exclusivement iranienne et slave des Bulgares, le Regnum Valachorum est appelé "Second empire bulgare" (ou "Second tzarat Bulgare"), les noms de personnes et de lieux sont tous slavisés, et leur identité valaque est tout simplement niée ou, dans le meilleur des cas, mise en doute, au mépris des sources[6].

Bibliographie

  • Dimitrina Aslanian Histoire de la Bulgarie, de l'antiquité à nos jours Trimontium, 2004 (ISBN 2951994613).
  • Jean-Michel Cantacuzène, Mille ans dans les Balkans, Editions Christian, Paris, 1992. (ISBN 2-86486-054-0).
  • Georges Castellan, Histoire des Balkans : XIVe-XXe siècle, Fayard, Paris, 1999.
  • Florin Constantiniu : Une histoire sincère du peuple roumain, Univers, Bucarest 2002.
  • Barbara Jelavich, History of the Balkans, Cambridge University Press, 1983.
  • Ernest Weibel, Histoire et géopolitique des Balkans de 1800 à nos jours, Ellipses, Paris, 2002.
  • Pierre du Bois de Dunilac, La question des Balkans in "Relations internationales", n° 103, 2000, pp.271-277.

Notes

  1. Nicolae Şerban Tanasoca, La signification historique du blason du "Regnum Valachorum" dans l'armoirial Wijbergen, Annales de l'Inst. d'hist. et d'archéol. "A.D.Xenopol", vol.24, Iasi 1987
  2. Récits d'Anne Comnène et de Nicétas Choniatès
  3. Istoriya na Balgariya, tome 3, Sofia, 1973, p. 140 et 272
  4. Geoffroi de Villehardouin, chapitres 78 et 79 ; de son côté, Robert de Clari nomme Ioniţă Caloian : « Jehans di Blakis » tandis que Guillaume de Rubriquis en 1253 nomme le pays : « Valaquie d'Assène »
  5. Christian Settipani, Continuité des élites à Byzance durant les siècles obscurs : les princes caucasiens et l’empire, page 282
  6. Ernest Weibel, Histoire et géopolitique des Balkans de 1800 à nos jours, Ellipses, Paris, 2002, et Pierre du Bois de Dunilac, La question des Balkans in Relations internationales, No.103, 2000, pp.271-277
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