- Regalia
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Les regalia sont un ensemble d'objets symboliques de royauté. Chaque monarchie a ses propres regalia qui ont une histoire souvent légendaire. Elles sont conservées précieusement comme des trésors et se constituent par ajouts successifs. On peut les classer en trois catégories :
- instruments liturgiques ;
- vêtements royaux ;
- instruments du sacre.
Le terme non français de "regalia" a fait l'objet de plusieurs critiques[1] : il n'a pas de singulier, n'était pas utilisé à l'époque royale en France, renvoyait dans le vocabulaire juridique aux droits souverains des empereurs sous les Hohenstauffen. Certains auteurs préconisent donc les termes d'ornements ou d'insigne royaux[2] (terme utilisé sous l'Ancien Régime et la Restauration), voire d'honneurs (terme utilisé sous le Premier Empire).
Sommaire
Les regalia dans le royaume de France
Les regalia étaient confiées à l’abbaye de Saint-Denis, qui était également la nécropole des rois de France. Aujourd’hui, la plupart des regalia médiévales a disparu : la sainte Ampoule a été brisée pendant la Révolution française. La convention nationale en a décidé la destruction par le décret du 16 septembre 1793. Il s’agissait alors de détruire un objet qui incarnait la théorie du droit divin.
Sources
Les documents médiévaux peuvent nous aider à reconstituer les regalia :
- Les textes qui évoquent les regalia sont bien connus des médiévistes : la description du sacre de Louis VI, raconté par l’abbé Suger ; les ordo d’Hincmar de Reims (IXe siècle), de Fulrad (Xe siècle), de Saint Louis (XIIIe siècle)
- Les documents iconographiques sont divers : les sceaux, les miniatures des Grandes Chroniques de France constituent une base intéressante pour la description des regalia. Certains objets du sacre sont conservés au musée du Louvre, soit dans le département des objets médiévaux, soit dans la galerie d'Apollon. Le sceptre de Charles V fabriqué au XIVe siècle se trouve au musée du Louvre.
Les Couronnes
Le trésor de l'église Saint-Denis contenait les regalia, objets symbolisant la souveraineté comme de nombreux sceptres et couronnes. Les deux couronnes du sacre du roi et de la reine étaient des pièces particulièrement prestigieuses.
Les couronnes dites de Charlemagne
Le 14 août 1193, le roi Philippe Auguste épouse en seconde noce Ingelburge de Danemark. Le lendemain, elle est sacrée ; pour l'occasion le roi porte couronne. En 1223, le roi lègue par un testament (conservé à l'abbaye) sa couronne ainsi que celle de la reine au trésor de saint Denis. Peu après Louis VIII et Blanche de Castille sont couronnés à Reims avec ces deux couronnes. Le roi ne respecte pas les volontés de son père et décide moyennant une importante somme d'argent au moine de récupérer les deux couronnes. En 1226, Louis IX monte sur le trône. En 1261, ce dernier décide de rendre définitivement à l'abbaye de Saint-Denis les deux couronnes indiquant par un texte qu'elles furent faite pour le sacre des roi est des reines et que les jours de fête solennelle elles soient suspendue par des chaÏnettes au-dessus de l'autel matitutinal. C'est ainsi que ces deux couronnes du roi et de la reine furent intégrées au trésor de l'église.
L'inventaire du trésor de 1534 en donne une description précise. La couronne du roi était d'or massif et pesait avec l'ensemble des pierres du bonnet et des chaines d'argent près de quatre kilogrammes. Le cercle et les fleurons totalisaient 48 pierres précieuses réparties comme tel : 16 rubis balai (spinelle) 16 émeraudes et 16 saphirs. Le cercle de base était formé de 4 plaques rectangulaires reliées par des systèmes de charnières. En haut, au milieu de chaque élément se trouvait un rubis flanqué de deux émeraudes ainsi qu'une en dessous. Chaque élément était orné de la même façon. Chaque série était séparé par 4 saphirs ; il en était de même pour les pierres ornant les fleurs de lis. Cette couronne possédait une coiffe intérieure de forme conique et qui était surmontée par un rubis de 200 carats. C'est le roi Jean II qui fit réaliser cette coiffe de couleur cramoisie. En 1547, Henri II fit refaire un nouveau bonnet doublé de satins. En 1590, le duc de Mayenne s'empare de la couronne et la fond pour en tirer de l'argent et financer la Ligue catholique.
Par la suite, c'est la couronne de reine qui était quasiment identique qui servit pour les sacres. Ces deux couronnes furent appelées successivement[3] "couronne de Charlemagne".
La couronne dite de saint Louis
Il existait à la fin du XIIIe siècle dans le trésor de Saint-Denis une couronne d'or fleurdelisée et gemmée qui était déjà réparée : sur au moins la moitié de sa circonférence, elle était doublée intérieurement d'une plaque métallique[4].
Cette couronne royale était dite abriter une épine de la couronne de Jésus-Christ et constituait avec le saint clou une des pièces principales du trésor de l'église. L'épine était placée sous un énorme cabochon qu'on nommait rubis, mais qui était un rubis balai ou spinelle de 278 carats métriques. D'après Suger, cette épine était un don de Louis VI à l'église de Saint-Denis lui venant de sa grand-mère Anne de Kiev. L'émeraude au centre de la fleur de lis centrale est de nos jours au muséum d'histoire naturelle de Paris[5].
Au Moyen Age, on appelait cette couronne reliquaire sainte couronne ou couronne d'épines puis on prit l'habitude de l'appeler couronne de saint Louis[6]. Elle servit pour le sacre de Jean II et celui d'Anne de Bretagne[7].
Cette couronne était portée en procession quand on célébrait l'obit ou la messe solennelle d'un roi. Déposée à l'autel des Saint Martyrs en compagnie d'autres reliques (saint cloou, bras de saint Siméon), la couronne fut ensuite déposée sous l'Ancien régime dans une armoire du trésor[8]. Cette couronne fut représentée sur deux tableaux : "La messe de saint Gilles" et "La Vierge de la famille de Vic".
La couronne d'Henri IV
Cette couronne réalisée pour le sacre d'Henri IV à Chartres était à 12 demi-arches ornées de feuilles, 6 avec fleurs de lys, 6 avec feuille de persil ; 6 émaux rouges et 6 émaux bleus, imitant rubis et saphirs, étaient séparés des par des boules d'émail blanc imitant des perles[9].
Destruction des couronnes
La couronne dite de saint Louis fut détruite avec les autres couronnes du trésor de saint Denis, comme celle dite de Charlemagne, celle de Jeanne d'Evreux et celle d'Henri IV[10]. La couronne de Louis XV put elle être sauvée : elle figure aujourd'hui au Louvre.
Autres instruments du sacre
Lors de son sacre, le roi de France portait différents attributs dont certains témoignaient de différentes fonctions de la royauté :
- Joyeuse, l'épée du sacre : elle est un attribut guerrier mais aussi protecteur car le roi doit protéger l’Église, au besoin par les armes ;
- la main de justice qui apparaît déjà sous Hugues Capet (le roi doit également veiller au respect de la justice) ;
- le Sceptre de Dagobert ;
- le Sceptre de Charles V ou Sceptre de Charlemagne.
Les vêtements royaux
Parmi les vêtements royaux, il faut citer :
- les éperons du sacre ;
- le surcot ;
- la tunique ;
- la chappe ;
- le fermail de la chappe (c'était un losange d'or environné de perles, avec une fleur de lis fleurdelisée d'or, enrichi de à rubis balais[11],[Note 1]) ;
- les gants du sacre ;
- l’anneau qui incarne l'union du roi et de son peuple.
Des instruments liturgiques
En France, parmi les regalia du sacre, peuvent être qualifiés d'instruments liturgiques :
- le Calice de saint Rémi ou Calice du Sacre ;
- la coupe des Ptolémées ;
- la patène du sacre ;
- les livres du sacre : Évangiles, ordo ;
- la sainte Ampoule.
Galerie
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La couronne d'Henri IV et le fermail de la chape du sacre.
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La couronne de Louis XV (conservée au Louvre).
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Le sceptre de Charles V (conservé au Louvre).
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Main de justice du sacre de Napoléon Ier (conservé au Louvre).
Les regalia dans le reste de l’Europe
Hongrie
La couronne des rois de Hongrie était utilisée depuis le XIIIe siècle. Chaque couronnement fait référence à celui d’Étienne Ier, couronné roi de Hongrie le 25 décembre 1000 avec une couronne envoyée par le pape Sylvestre II. La couronne avait été apportée par le légat Aserik, ou Anastase, futur archevêque d’Esztergom. La couronne que l’on peut voir aujourd’hui est différente de l’original. Étienne Ier perdit son fils unique et renvoya avant de mourir sa couronne au Vatican, en signe de soumission. Depuis, elle a été volée et on perd sa trace au XVIe siècle.
Les spécialistes considèrent que la couronne actuelle se compose d’une partie byzantine (corona graeca), datant des années 1070. Cette dernière a été offert par le basileus Michel VII à la princesse Synadene, qui était l’épouse du roi Géza I de Hongrie (1074-75). L’autre partie est plus récente, et a sans doute été ajoutée au XIIIe siècle, sous le règne de Béla III.
Cas unique en Europe, les regalia médiévales de Hongrie sont toutes parvenues jusqu’à nous, mises à part les chausses qui ont brûlé pendant la Seconde Guerre mondiale. Depuis le 1er janvier 2000, elles sont conservées au Parlement, sauf le manteau du couronnement, qui demeure au musée national de Hongrie. Le sceptre du Xe siècle est surmonté d’une boule de cristal gravée de lions. L’épée est une production italienne du XIVe siècle. L’épée du couronnement d’Étienne Ier est gardée dans la cathédrale Saint-Vitus depuis 1368.
Angleterre
- Il existe plusieurs couronnes :
- Couronne de saint Edouard : utilisée uniquement au cours du couronnement des rois britanniques, elle a été réalisée en 1661 pour le couronnement de Charles II d’Angleterre
- Couronne de Georges Ier : fabriquée pour le roi George Ier de Grande-Bretagne, pour remplacer la précédente. Elle fut agrémentée de diamants en 1727. En 1838 la reine Victoria la fit remplacer par la couronne impériale.
- Couronne de la Reine Elizabeth : en platine, elle a été portée par Elizabeth Bowes-Lyon lors de son couronnement en 1937. Elle a été réalisée par Garrards & Company à Londres. Elle est décorée de pierres précieuses, et notamment par le diament Koh-i-Noor. Elle est conservée à la Tour de Londres.
Écosse
Les regalia de l’Écosse (Honours of Scotland) remontent aux XVe et XVIe siècles et demeurent les plus anciens bijoux de la couronne dans les îles britanniques. Leur dernière utilisation remonte au couronnement de Charles II, au XVIIe siècle. Elles se composent de trois objets : la couronne, le sceptre et l’épée. Elles sont conservées au château d'Édimbourg.
- La couronne actuelle date de 1540 : à cette date, Jacques V avait confié le remodelage de la couronne à l’orfèvre. La base est en or et incrustée de pierres précieuses et semi-précieuses. Elle pèse 1,6 Kg.
Saint Empire Romain germanique
- Voir aussi couronnement impérial.
Le premier inventaire connu des regalia impériales remonte au XIIIe siècle. Les regalia impériales étaient conservées à partir du XVe siècle à Nuremberg en Bavière. Elles ont été transférées à Vienne (Autriche) en 1806 et Hitler les fit revenir à Nuremberg pendant sa dictature. On peut citer :
- la couronne impériale conservée aujourd’hui à Vienne a peut-être été portée par Otton Ier (Xe siècle) ;
- la sainte lance : le roi Henri Ier de Saxe l’a obtenue au Xe siècle ;
- la croix comporte des clous utilisés au cours de la crucifixion ;
- le globe impérial ou orbe, dont la première référence date du XIIe siècle ;
- le glaive.
- Les chausses et les gants ont été ajoutés au XIIIe siècle.
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La Sainte lance.
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La sainte croix.
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L'orbe impériale.
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Les gants.
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La bourse de saint Étienne.
Japon
Les Trois Trésors Sacrés du Japon (三種の神器, Sanshu no jingi?), appelés aussi « Insignes impériaux », sont trois objets légendaires :
- l'épée Kusanagi (草薙剣?), conservée au temple Atsuta (熱田神宮, Atsuta jingū?) à Nagoya, représente la valeur ;
- le miroir, Yata no kagami (八咫鏡?), conservé au grand temple d'Ise (伊勢神宮, Ise jingū?) dans la préfecture de Mie, symbolise la sagesse ;
- le magatama (曲玉?), Yasakani no magatama (八尺瓊曲玉?), situé au palais impérial de Kōkyo (皇居?) à Tōkyō, illustre la bienveillance.
Ces objets constituent la représentation symbolique du caractère sacré de la fonction impériale et le fondement du Koshitsu Shinto. Ils furent au cœur de la propagande liée à l'expansionnisme du Japon Shōwa.
Notes et références
Notes
- 1798. Il fut vendu en
Références
- Hervé Pinoteau, La symbolique royale française, Ve-XVIIIe siècles, P.S.R. éditions, 2004, p. 257.
- Hervé Pinoteau, La symbolique royale française, Ve-XVIIIe siècles, P.S.R. éditions, 2004, p. 258.
- Hervé Pinoteau, La symbolique royale française, Ve-XVIIIe siècles, P.S.R. éditions, 2004, p. 294.
- Hervé Pinoteau, La symbolique royale française, Ve-XVIIIe siècles, P.S.R. éditions, 2004, p. 291.
- Hervé Pinoteau, La symbolique royale française, Ve-XVIIIe siècles, P.S.R. éditions, 2004, p. 292.
- Hervé Pinoteau, La symbolique royale française, Ve-XVIIIe siècles, P.S.R. éditions, 2004, p. 292.
- Hervé Pinoteau, La symbolique royale française, Ve-XVIIIe siècles, P.S.R. éditions, 2004, p. 293.
- Hervé Pinoteau, La symbolique royale française, Ve-XVIIIe siècles, P.S.R. éditions, 2004, p. 293.
- Hervé Pinoteau, La symbolique royale française, Ve-XVIIIe siècles, P.S.R. éditions, 2004, p. 303.
- Hervé Pinoteau, La symbolique royale française, Ve-XVIIIe siècles, P.S.R. éditions, 2004, p. 293.
- Hervé Pinoteau, La symbolique royale française, Ve-XVIIIe siècles, P.S.R. éditions, 2004, p. 303.
Bibliographie
- Hervé Pinoteau, La symbolique royale française, Ve-XVIIIe siècles, P.S.R. éditions, 2004.
- Claude Gauvard, Alain de Libera, Michel Zink, Dictionnaire du Moyen Âge, article « Regalia », page 1189 ; article « insignes impériaux », page 719.
- Danielle Gaborit Chopin, Les Instruments de sacre des rois de France, Paris, 1987.
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