- Rabbi Salomon Ben Isaac
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Rachi
Le rabbin Chlomo Iẓḥaḳi (Salomon [fils] d'Isaac, hébreu : רבי שלמה יצחקי , Troyes env. 1040 - 13 juillet 1105), plus connu par son acrostiche Rachi, était un rabbin français de l'ère des rabbins médiévaux. Principalement connu pour son commentaire de la Bible hébraïque et du Talmud, il est l'une des personnalités les plus influentes du judaïsme, et l'un des rares à avoir inspiré le monde chrétien, son exégèse biblique ayant inspiré, par le truchement de Nicolas de Lyre, la traduction de la Bible de Martin Luther.
Sommaire
Biographie
Sa vie et sa famille
On sait peu de choses quant à la biographie de Rachi, et les éléments sûrs et avérés d'un point de vue historique sont rares. La date de sa mort, 29 Tammouz 4865 selon le calendrier hébraïque, soit le jeudi 13 juillet 1105, est par contre connue avec précision car elle apparait dans plusieurs manuscrits médiévaux. Un manuscrit du XIIIe siècle conservé à la Bibliothèque nationale de France comporte ainsi une partie du texte de la Torah (les trois derniers livres), suivi du commentaire de Rachi. Il se termine par :
Cette date se trouve également dans le manuscrit de Parme (de Rossi 175) conservé à la Bibliothèque Palatine (daté de l'année 1305)[3].
Son père est désigné dans le manuscrit par le nom le saint rabbi Isaac. Cela peut signifier qu'il est mort en martyr en refusant d'abjurer sa foi. On ignore s'il était un érudit. Rachi le cite une seule fois dans son commentaire du Talmud sur Avoda Zara 74a (« mon père mon maître »), encore qu'il existe un doute sur l'auteur du texte, puisqu'il peut s'agir d'un passage écrit par son petit-fils, le Rashbam, mon père désignant alors Rabbi Meïr plutôt que le père de Rachi. Le premier commentaire de Rachi sur le Pentateuque s'ouvre sur les mots amar Rabbi Itshaq (« Rabbi Itshaq a dit »). Cependant, il ne s'agit pas d'un enseignement du père de Rachi mais d'un midrash issu du recueil Tanhouma Yashan.
Son oncle maternel, Rav Simon l'Ancien, a longtemps étudié auprès de Rabbenou Guershom de Mayence, surnommé Meor Hagola (« lumière de l'exil »).
Les noms de sa mère et de sa femme sont inconnus. En revanche, on connait le nom de trois de ses filles à qui il enseigna son savoir, ce qui dénotait d'une ouverture d'esprit exceptionnelle au Moyen Âge. Il les maria avec ses meilleurs élèves, qui reprirent, avec leurs enfants, le flambeau de la transmission et du commentaire.
- Myriam, sa fille aînée, épousa Rabbi Judah ben Nathan (le Rivan), qui eut l'honneur d'achever le commentaire du traité talmudique « Makkot » sur lequel travaillait Rachi à sa mort.
- Yokheved épousa Meïr ben Samuel, et donna naissance à de nombreux enfants, dont trois commentateurs célèbres qui laissèrent leur trace dans l'histoire : le Rashbam, Rabbénou Tam et le Rivam. Leur fille Hanna écrivit une responsa sur les lois de l'allumage des bougies à Shabbat. Elle épousa Samuel ben Simha de Vitry (l'auteur du Mahzor Vitry) et fut la mère d'Isaac ben Samuel de Dampierre (surnommé le "Ri haZaqen").
- Rachel (Belleassez) épousa et divorça de Rabbi Eliézer ben Shemiah.
Il est possible que Rachi ait eu une quatrième fille.
De nombreuses traditions populaires existent à propos de Rachi et de sa famille, notamment sur la rencontre de son père avec de grands sages, ou sur les miracles survenus lorsque sa mère était enceinte.
Rachi pourrait être issu d'une illustre lignée rabbinique réputée remonter jusqu'au roi David. En effet, il pourrait être descendant par sa mère du Rav Elyakim, lui-même descendant à la 31e génération de Rabbi Yohanan le sandalier, un Tanna souvent cité dans le Talmud, qui est lui-même arrière-arrière-petit-fils de Rabban Gamliel l'Ancien (fils de Rabbi Shimon, fils de Hillel l'Ancien), réputé de lignée davidique.
Ses études en Allemagne et son retour à Troyes
Enfant, Rachi se distingue sûrement par sa mémoire prodigieuse, et passe pour un maître accompli à 20 ans. A 18 ans, il part étudier dans les écoles talmudiques rhénanes. Il étudie d'abord 6 ans à Mayence (Magenza) auprès de Rabbi Yaakov ben Yakar. Rachi est fortement influencé par ce sage qu'il nomme "mon vieux Maître", doté d'une caractère modeste et se tenant à l'écart des activités publiques. Après la mort de Yaakov ben Yakar en 1064 (4824), il continue un temps ses études à Mayence avec Rabbi Itshaq ben Judah qui dirige alors la yeshivah. Il étudie également avec rabbi David Halévi ("mon Maître") avec lequel il correspondra après son retour en France.
A la même époque, Itshaq Halévi haQadosh est à la tête de la yeshivah de Worms. Celle-ci connaît son apogée à la fin du XIe siècle et attire de nombreux maîtres. C'est probablement ce qui décida Rachi à venir y étudier. Rabbi Itshaq Halévi a une personnalité assez différente de Yaakov ben Yakar. Non seulement il dirige la yéshivah de Worms, mais il est aussi le chef de la communauté juive florissante de cette ville et son représentant devant les autorités. Pendant les 3 à 5 ans que Rachi étudie à Worms, il rencontre un autre étudiant brillant, Salomon ben Samson, qui deviendra le chef de la yéshiva pendant le dernier quart du XIe siècle. Par la suite, ces deux sages suivront des voies différentes car Rabbi Salomon ben Samson était beaucoup plus conservateur que Rachi. Les sources gardent des traces de la tensions qui regnait entre ceux deux maîtres.
Ces 10 années passées en Allemagne ont permis à Rachi d'étudier dans les plus importants centres d'études talmudiques d'Europe et avec les plus grands maîtres. Pendant cette période, Rachi connut des difficultés pour sa subsistance et celle de sa famille. Il était, semble-t-il, déjà marié et avait au moins une fille. Vers 30 ans, il revient à Troyes et commence son activité littéraire et publique.
Il fonde à son tour une école talmudique qui attire rapidement des élèves de toute l'Europe. Malgré sa renommée, il refuse de tirer profit de sa charge de rabbin et gagne sa vie comme vigneron, ainsi qu'il transparaît dans un de ses responsa, où il s'excuse de sa brièveté, étant pris par les vendanges.
Ayant vécu un siècle avant "l'autre" géant, Maïmonide, sa renommée fut au moins aussi grande. Rachi le dépassa même en popularité : en effet, à côté du fier andalou s'exprimant à l'élite, Rachi était simple et très modeste, refusant d'arbitrer les cas qui ne relevaient pas de sa communauté, admettant son ignorance, tant dans ses responsa que dans ses commentaires (cf. infra). Par ailleurs, et c'est rare, Rachi est à la portée du débutant comme de l'érudit.
La fin de sa vie fut empoisonnée par les Croisades et les massacres des communautés juives qui les accompagnèrent. Rachi, protégé du comte de Champagne, était à l'abri, mais pas un jour ne se passait sans qu'il entendît une mauvaise nouvelle émanant de ses chères communautés rhénanes.
Le commentaire de Rachi
La petite histoire veut que Rachi ait eu l'idée de son commentaire en entendant dans une synagogue un père se tromper en donnant à son fils l'explication du sens simple d'un verset (pshat).
Rachi a donc eu l'idée de réunir dans un commentaire toutes les réponses aux questions qu'un enfant de cinq ans pourrait se poser en restant aussi concis que possible ("Une goutte d'encre vaut de l'or"). Il veut, en respectant grammaire, tournure de phrase et syntaxe, trouver l'explication la plus simple du verset.
En effet, si la Torah a toujours été commentée, on se concentrait jusque-là que sur le drash des versets : lorsqu'une difficulté se présente, que ce soit dans la compréhension textuelle ou contextuelle de la section lue, les maîtres tendent à donner des réponses indirectes. Qu'elles soient allégoriques, poétiques, politiques, philosophiques, voire mystiques, elles extraient souvent un verset de son contexte et le dénaturent quelque peu. Ainsi, en est-il du fameux "ne lis pas banaïkh (tes fils) mais "bonaïkh" (tes bâtisseurs)". Tout exacts que soient ces propos, ce n'est pas là l'intention du verset.
En commentant le Tanakh et le Talmud, Rachi ne souhaite ni se lancer dans des discussions savantes, ni débattre de questions philosophiques ou théologiques ardues, mais seulement rendre, au sens restituer, à son peuple les moyens de comprendre ces textes écrits dans une langue trop antique, parlant de choses trop élevées, se basant des notions trop anciennes, et sur lesquels ils doivent pourtant se baser de façon indispensable pour continuer à perpétuer les traditions d’un peuple qui, s’il ne peut en aucun cas rajouter ni retrancher quoi que ce soit à la lettre, doit s’y conformer dans un monde en perpétuelle mutation.
Pour ce faire, il a retransmis les opinions des Anciens, des maîtres de la tradition prophétique, puis rabbinique, en sélectionnant dans l'immense compilation de midrashim celui qui semble correspondre le mieux au sens simple du texte. Il recherche avant tout la clarté de pensée, et la clarté de style, n’hésitant pas à recourir à la langue d’oïl, la langue vernaculaire de la Champagne du XIe siècle (signalée par "bela'az", « en laaz »), ou à chercher la comparaison avec une anecdote vécue à Troyes ((qui est une ville marchande, des foires internationales s'y tiennent plusieurs fois par an) afin de simplifier encore plus l’explication proposée.
Cette recherche de la concision, tant dans la forme que dans le fond de la formulation, est une valeur typiquement française, ce que ne manqueront pas de rappeler Emmanuel Levinas ou Léon Ashkénazi.
Doué d'une mémoire et d'une connaissance encyclopédiques, il parvient à reconstituer par sa seule intuition la disposition du Tabernacle. Il souligne les explications connues mais erronées ; il illustre parfois par des midrashim. Exceptionnellement, il aborde des questions de grammaire, d'orthographe ou de cantilation lorsque cela permet d'éclairer le sens simple des versets.
Rachi traite rarement de points de théologie. Néanmoins, citons son commentaire sur les Psaumes 49:11 (“Ils remarquent pourtant que les sages meurent (yamoutou), tout comme périssent (yovedou) le fou et le sot, en laissant leurs biens à d’autres.”), où Rachi explique la différence de terme entre ces deux notions, pourtant similaires à première vue, de la sorte : “mita” s’applique au sage, dont seul le corps meurt, tandis qu’“aveda” est pour le fou ou le sot, dont non seulement le corps, mais aussi l’âme disparaît.
Rachi n'hésite pas à dire « Je ne sais pas » (sur Genèse 10.21;28.5,9; 32.15 et ailleurs)et que lors d'un doute, il rapporte les différentes explications possibles soit en soulignant que les opinions sont partagées ou qu'elles correspondent à plusieurs niveaux de lectures.
Bien que son œuvre fût colossale (on raconte qu'il écrivit aussi 7 livres de médecine, qui malheureusement ne parvinrent pas jusqu'à nous), il la révisa à trois reprises, et selon son petit-fils, le Rachbam, il s'apprêtait à le refaire encore peu avant sa mort.
Rashi employait fréquemment dans ses commentaires les quatre sens : pshat, remez, drash, sod (voir Origine judaïque des quatre sens de l'Écriture et calendrier hébreu).
Son succès
Rachi ne fut pas le premier commentateur, mais il fut tout de même le Parshandata, ce qui signifie en araméen Le Commentateur de la Loi, c'est-à-dire de la Torah.
Ses commentaires sont considérés comme ayant été écrits sous l'emprise d'une inspiration divine et on dit que le Talmud sans le commentaire serait comme un livre scellé. On peut aussi souligner son importance par le fait qu'il fut le premier livre juif à être imprimé en hébreu (Calabre 1475). Son commentaire édité en marge du texte fut typographiée à partir d'une semi-cursive italienne, pour différencier le commentaire du corpus du texte biblique, et qui ne tarderait pas à être connue sous le nom d'écriture Rachi; à ce jour, on ne connaît aucun document de sa main.
Pas moins de 134 commentaires sur le sien ont été recensés, sans épuiser le sujet ! "Que dit Rachi ?" "Quelle est la question que posait Rachi ?" "Pourquoi Rachi a-t-il choisi ce midrash ?" "Qu'est-ce qui le gêne ?" sont autant de manières d'en renouveler la portée.
Il fut même lu par des théologiens Chrétiens, dont Nicolas de Lyre qui inspirerait plus tard Martin Luther.
Généalogie
Samuel Rachi (1040-1104) Simha Rachel Bellassez Eliézer Jocelyn Yokheved Meïr ben Samuel Shémaiah Myriam Judah ben Nathan Samuel de Vitry Hanna Salomon Rabbénou Tam (~1100-1171) Myriam Isaac Rivam Samuel Rashbam (~1085-1158) ? Yom Tov de Falaise Eléazar Isaac de Dampierre (~1120-1195) Isaac Salomon Moïse Joseph Isaac Judah Joseph Yohanan (mort 1184) Isaac Eléazar Bila Léah Judah de Paris Sir Léon (1166-1224) Notes et références
- ↑ La mention de l'année 4868 est en fait erronée et doit être corrigé par 4865 (confusion entre le ה et le ח)
- ↑ Arsène Darmesteter, Les gloses françaises de Raschi dans la Bible, Paris, 1909.
- ↑ L'arche sainte, le Saint des Saints, le grand maître Rabbénou Salomon (le souvenir du juste est une bénédiction) fils du saint rabbi Isaac zal le Français nous a été pris le cinquième jour, 29 Tammouz [de l'année] 4865 de la création et il était âgé de 65 ans lorsqu'il a été appelé à la yechivah d'En Haut. de Rossi 175
Bibliographie
- Simon Schwarzfuchs, Rachi de Troyes, Albin Michel, Spiritualités vivantes rééd. 2005
- Héritages de Rachi, sous la direction de René Samuel Sirat, Editions de l’éclat, Bibliothèque des fondations, 2006
- Rachi (ouvrage collectif), Biblieurope, 2006
- (he) Avraham Grossman, Rachi, Centre Zalman Shazar, Jérusalem, 2006. (ISBN 965-227-212-4)
Voir aussi
- Commentaire biblique (judaïsme)
- Commentaire de Rachi sur le Psaume 91
- Bible historiale
Liens externes
- (he) (fr) La Bible avec le commentaire de la Torah par Rachi
- Rachi rabbin de Troyes au moyen-âge
- la page de Rachi sur le site du professeur G. Hansel
- Rashi par Maurice Liber - Biographie écrite en 1905 (en)
- Arbre généalogique (reconstitué) de Rachi, son ascendance et sa descendance
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