Quête De L'immortalité

Quête De L'immortalité

Immortalité

On nomme immortalité le fait d’échapper à la mort et d’exister pour une période de temps indéfinie, voire éternelle.

Sommaire

Chronologie inverse

Selon les sources, l'immortalité concerne l'âme, le corps ou bien les deux. Elle est posthume ou terrestre. L'origine de ce concept n'est pas certaine. Il existe cependant quelques points de repères.

  • Au XIXe, le spiritisme développe une doctrine uniquement basée sur l'immortalité de l'Esprit.
  • Le symbole de Nicée (premier Credo, établi par le concile de Nicée en 325 - modifié par la suite) mentionne « Je crois à la résurrection de la chair ». C'est une affirmation nouvelle par rapport à la religion gréco-romaine qui promettait tout au plus une existence posthume chez Pluton (Hadès), mais celui-ci ne laissait en principe aucun membre de ses effectifs revenir sur Terre. Seuls avaient le droit de le faire ses « visiteurs occasionnels » (Orphée, Télémaque) et, six mois par an, son épouse Proserpine (Perséphone).
  • Si l’on en croit le philologue Ernest Renan, la majorité du peuple juif adore le Dieu de ses pères sans espérer la moindre récompense dans l’au-delà, ni même l’existence d’un au-delà. Il n’est certes pas interdit d’y croire, ni même à la résurrection physique (vision de Daniel Chapitre 12), mais la religion ne se prononce pas à ce sujet. L’Ecclésiaste, par exemple, déclare que les morts ne voient rien et ne sentent rien. Les Pharisiens croient cependant à l'immortalité de l'âme, selon l'historien Flavius Josèphe et le livre de Tobie (IIe siècle avant notre ère) évoque une vie après la mort. Si les morts n'espèrent plus en la vie ici-bas, il est jugé concevable de les réveiller et les interroger, puisque le Dieu de l'Ancien Testament interdit à ses fidèles de le faire.
  • Au IVe siècle av. J.-C., Platon rédige ses propos sur l’immortalité de l’âme.
  • Les briques ayant servi à construire la tour de Babel (Etemenanki) - en fait une ziggourat - aux VIe siècle av. J.-C. portent l’inscription suivante, qui était gravée dans leur moule :
J’ai, Nabuchodonosor, fils de Nabopolassar, fait ériger cette tour en hommage au dieu Mardouk. Seigneur Mardouk, accorde-nous la vie éternelle.

Dans la même sphère culturelle, l'Épopée de Gilgamesh décrit la quête d'un héros recherchant l'immortalité suite à la mort de son ami Enkidu. Il ne l'obtiendra pas, seuls les dieux étant immortels, et sera condamné à mourir lui aussi, et à se coucher dans le sommeil de la mort.

  • L’Égypte des pharaons avait depuis longtemps son Osiris, pesant le bien et le mal de la vie du mort pour déterminer où l’orienter, mais nous n’avons pas d’élément permettant d’affirmer que cette immortalité était promise à la totalité de la population. (à vérifier)
  • Une des plus anciennes mentions de l'immortalité (amrita) (entre 5000 et 1500 av. J.C.) se trouve dans le 10e mandala du Rig Veda [1]
  • Plus loin encore, les hommes de Cro-magnon et même de Néandertal enterraient leurs morts avec des fleurs ou des outils, la présence de l'ocre dans ses sépultures est régulièrement attestée, mais rien ne permet de déterminer si c’était parce qu’ils pensaient que cela leur serait utile dans un au-delà où s'il s'agissait plus simplement de marques posthumes d’affection au même titre que nous fleurissons les tombes de nos morts. Dans tous les cas, cela dénote un rituel d'ensevelissement.

Vision moderne

Les êtres vivants potentiellement immortels

Il existe des êtres vivants dont la structure biologique trés simple et le mode de reproduction particulier, permettent de les considérer comme immortels. Du plus simple au plus complexe on peut citer :

(Cas particuliers: l'être pluricellulaire animalier le plus résistant à toute forme de destruction extérieure terrestre ou non est pour l'instant considéré comme étant le tardigrade, embranchement d'espèce à part entière. Les arbres les plus vieux du monde peuvent espérer vivre quant à eux durant cinq millénaires individuellement. L'animal le plus âgé dépasse les 400 années, certains reptiles les 190. L'être humain a officiellement dépassé les 120 ans d'espérance de vie en 1995, grâce à un seul -et unique- représentant d'espèce, français. Enfin, certains animaux atteints de néoténie (ou syndrome de Peter Pan) meurent sans avoir physiologiquement vieilli, tel l'axolotl, le phénomène inverse se traduisant par une progéria)

Carrel : Le cœur de poulet « éternel »

Le prix Nobel de médecine 1912 Alexis Carrel réussit à maintenir vivant in vitro un cœur de poulet pendant une durée dont les estimations varient, selon les sources, de 28 ans à 37 ans[2]. Or la durée de vie typique d'une poule est de 5 ans. Cette expérience a amené à se demander si la longévité d'un organisme n'était vraiment limitée que par celle de ses composants ou s'il fallait rechercher une autre cause, interne, au processus de mortalité.

Rostand : La fleur ou la chaise

Le biologiste Jean Rostand (1894-1977) déclare dans une interview que « nous ne savons pas si l’homme est une fleur ou une chaise » et s’explique de ce propos provocateur : la chaise est potentiellement éternelle dès lors qu’elle est traitée avec soin et réparée régulièrement. La fleur, au contraire, porte déjà en elle le programme de sa propre destruction. Dans les deux cas, les hommes peuvent espérer découvrir un jour l’immortalité physique : un entretien, c’est en général affaire de technique et de discipline ; un programme, ça peut sans doute s’altérer au niveau du gène. Mais, pour Rostand, « le plus urgent est d’y voir plus clair afin de savoir dans laquelle des deux directions travailler ».

Au soir de sa vie, Rostand se dira persuadé que « si l’on avait consacré aux recherches en biologie toutes les sommes consacrées aux budgets militaires de tous les pays, la question de l’immortalité ou au moins de la jouvence éternelle serait déjà réglée ».

Limite de Hayflick. Les télomères

En 1961, le biologiste Leonard Hayflick découvre que certaines cellules spécialisées ne semblent pouvoir se diviser qu’environ 50 fois successivement. Mieux : si on les laisse se diviser 30 fois, puis qu’on les met ensuite au repos pendant un temps élevé, une reprise des reproductions les limitera à 20 divisions successives : ces cellules semblent donc posséder une sorte de compte à rebours interne. Ses pairs lui donnent le nom de limite de Hayflick. On découvrira par la suite que cette limite est due à une reproduction incomplète des extrémités du brin d’ADN (télomères). Or cette reproduction est complète en ce qui concerne les cellules sexuelles. On finit par découvrir des agents inhibant ces télomérases. Toutefois, en rendant des cellules immortelles, il faut prendre garde à ne pas en faire des cellules cancéreuses (voir Henrietta Lacks et sa Lignée cellulaire HeLa de « cellules immortelles »). Par ailleurs se pose le problème de traiter la totalité des cellules d’un organisme vivant.

Ettinger : la salle d’attente cryologique

En 1964, Robert Ettinger publie son livre L’homme est-il immortel ?.

Ce livre contient quatorze expériences de pensée sur le thème de l’identité. Sa préoccupation est de cerner quelles sont les transformations d’un individu qui nous paraissent acceptables (cryogénisation comprise) pour considérer qu’il est toujours lui-même. La question se pose avec une acuité plus grande encore si on crée (expérience de pensée) une copie à distance d’un individu : peut-on alors sans problème de conscience détruire l’original et considérer que l’individu a simplement été téléporté ?

Les idées d'Ettinger ont donné naissance à des sociétés assurant la conservation d'organismes - parfois de simples cerveaux - humains par la cryogénie. Un article de 1986 des professeurs Goldanskii et Vitalii[3] , laisse craindre toutefois que même à la température de l'azote liquide des réactions chimiques par effet tunnel continuent à se produire au fil des mois, endommageant de plus en plus les organismes concernés.

Gamow et Hofstadter : qu’est-ce que le « moi » ?

Dans M. Tompkins s’explore lui-même (ouvrage non réédité) le physicien George Gamow s’interroge sur la question de savoir où est le moi dans un individu. Il imagine par la pensée une population de clones à l’esprit conservé vierge (peu importe comment) et dans lesquels on pourrait transférer par un procédé donné toutes les connaissances et habitudes d’un individu ainsi que ses goûts. Une fois l’esprit transféré dans le nouvel individu, peut-on considérer que la personne a changé de corps et simplement se débarrasser de l’ancien ? Il est difficile de répondre à cette question, voisine de la précédente.

Douglas Hofstadter et Daniel Dennett, passionnés par cette question de la cognition et de l’identité, décident pour établir une sorte d’état de l’art de créer une compilation des plus intéressants articles, d’après eux, écrits sur le sujet. Ce sera The mind’s I, traduit en français sous le nom Vues de l’esprit. On y trouve beaucoup d’expériences de pensée, dont une qui permet de penser que le moi peut fort bien être délocalisé en plusieurs endroits si les communications suivent (« Where am I? »). Voir aussi l’article noosphère.

Gordon Bell et le projet Mylifebits

Dans l'immédiat, Gordon Bell estime que l'on doit pouvoir stocker une très grande partie du vécu d'une personne sur un ou plusieurs téraoctets, et y avoir accès de façon directe par le procédé d'hyperliens imaginé par Vannevar Bush. Il s'agit surtout ici d'une mémoire auxiliaire et en principe parfaite, mais si la mémoire constitue le fondement de l'identité, alors peut-être y aurait-il dans cette sorte de backup de quoi reconstituer de façon au moins virtuelle un individu. Ce projet de recherche est financé par la société Microsoft[4].

La thèse de Bruno Marchal (CPC)

Cette thèse, en principe d’informatique, développe une quantité d’expériences de pensée s’inspirant de la réalité virtuelle, de la mécanique quantique et de réflexions sur l’identité pour en arriver à la démonstration, alléguée dans son chapitre 4 que « le mécanisme est incompatible avec le matérialisme ». La question de l’immortalité individuelle est abordée, bien que ne constituant pas le sujet principal de la thèse qui est plutôt celui de l’identité[5].

Kurzweil et le rêve d'immortalité par l'intelligence artificielle

Kurzweil[6] reprend l'exemple de substitution progressive également exposé par Bruno Marchal :

  • Si on remplace UN neurone par son équivalent fonctionnel, a-t-on altéré en quoi que ce soit l'individu ? Non, puisque son comportement va être en tous points semblable.
  • Si on les remplace tous un par un, on finit par avoir un individu complet, identique fonctionnellement au précédent, sous forme électronique. Pour Kurzweil, telle est la voie par laquelle l'homme a le plus de chances d'atteindre, sinon à l'immortalité, du moins à une espérance de prolongation de sa vie consciente d'un facteur 10, voire 100… tant que la stabilité politique et économique permet d'assurer la maintenance des machines et de payer leur facture d'électricité.

Sur le plan pratique, le problème se présente en trois phases :

  1. Il faut dans un premier temps radiographier le cerveau non pas avec une résolution du dixième de millimètre comme le permettent les procédés d’imagerie médicale par résonance magnétique nucléaire, mais bel et bien aller chercher l’information sur chaque cellule là où elle se trouve. Kurzweil rappelle qu’il y a quelque chose « qui passe partout » dans le cerveau : le flux sanguin. Son pari raisonné est que quelques millions de micromachines pourraient partir à la découverte du terrain, transmettre immédiatement l’information (qu’elles ne pourraient stocker), et celle-ci être collationnée par ordinateur
  2. Le processus ne saurait être instantané, et l’on ne pourrait sans doute pas même espérer qu’il soit total. Nous ne savons pas quelle durée aurait un scan (probablement entre quelques dizaines d’heures et quelques années), et dans l’intervalle nos opinions sur une quantité de sujets auraient changé, ainsi que notre « moi ». Kurzweil ne s’inquiète pas outre mesure de la question : au cours d’une nuit de sommeil, notre « moi » change aussi légèrement, sans que nous nous en inquiétions outre mesure (excepté les très jeunes enfants, alors en pleine phase d’apprentissage); par ailleurs il nous arrive au cours de notre vie d’oublier quelques connaissances anciennes ou récentes sans grand dommage pour notre intégrité mentale
  3. Plus complexe sera la reconstitution de l’état mental scanné (avec de très fortes redondances puisqu’un endroit sera analysé au cours du temps par des quantités de microcapteurs), la représentation de chaque neurone et cellule gliale, et enfin la gravure du tout dans le silicium ou sa reconstitution sur des machines de traitement de l’information d’un type ou d’un autre. Toutefois cette troisième phase peut se faire attendre si besoin plusieurs décennies, les deux premières seules ayant à être réalisées du vivant de l’intéressé.

Il est important de se rappeler que tout cela reste pour le moment spéculatif, en d’autres termes théoriquement envisageable, mais pour le moment nullement certain.

La société Imagination engines (start-up créée par des anciens du Massachusetts Institute of Technology - MIT) affirme travailler sur un projet de ce genre nommé InItsImage qui est détaillé sur son site.

Aubrey de Grey et les 7 causes biologiques du vieillissement (SENS)

Le projet SENS (Strategies for Engineered Negligible Senescence (2002))[7] a pour but l'extension radicale de l'espérance de vie humaine (et de la jeunesse) au moyen de procédures médicales créées afin de contrer les dysfonctionnements de l'organisme.

Par exemple le sous-projet ambitieux et novateur WILT prévoit de bloquer la réparation des télomères dans l'organisme en interdisant la synthèse de télomérase (afin de rendre le cancer impossible) tout en repeuplant périodiquement l'organisme à l'aide de cellules souches saines (les télomères de ces cellules souches étant intacts, la limite de Hayflick n'est plus un problème).

La stratégie de financement repose sur le Methuselah Mouse Prize (prix de la Souris Mathusalem). William Haseltine, le pionnier du séquençage du génome humain, a déclaré à ce sujet : « Il n'y a aucun effort comparable à celui-ci, et il a déjà significativement contribué à la prise de conscience que la médecine régénérative est une réalité très proche, pas une hypothèse ».

Le pour et le contre

Point de vue en faveur de la mortalité

  • Paul Valéry estime dans Tel Quel que « de même que les hommes ont besoin de changer de vêtements, les idées ont besoin de changer d'hommes » : le renouvellement des générations évite à son avis que la société ne se sclérose.
  • Georges Wolinski, dans un épisode de La Vie compliquée de Georges le tueur, répond indirectement aux préoccupations d'immortalité de Cavanna en expliquant qu'« un immortel remet éternellement au lendemain ce qu'il n'a pas envie de faire », et que donc c'est dans l'ensemble la certitude (ou presque) de la mort qui pousse l'homme à agir.
  • Robert Ettinger mentionne l'avis généreux des personnes qui refusent l'immortalité parce qu'il faut faire de la place aux générations futures, tout en trouvant cette philanthropie étrange quand elle émane de personnes « qui ne donnent même pas aux œuvres de charité le 1% déductible de leur revenu ».

L'immortalité comme source d'inspiration

Personnalités historiques

Bibliographie

  • Jacques Bergier, chapitre Les Immortels parmi nous, dans Visa pour une autre Terre, 1974, éd. Albin Michel
  • Jacques Bergier, Les Maîtres secrets du Temps, 1974, éd. J'ai Lu

L'immortalité dans la littérature

  • 1845 : Eugène Sue : Le Juif errant : l’immortalité peut-elle être une calamité pour qui en est doté ? Cette idée sera reprise dans Highlander
  • 1862 : Edmond About, L’Homme à l’oreille cassée : la réanimation sous le Second Empire d’un grognard gelé pendant la retraite de Russie, et quelques problèmes afférents.
  • 1891 : Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (The Picture of Dorian Gray) : dans l'Angleterre victorienne, un homme conserve sa jeunesse tandis que son portrait vieillit à sa place.
  • 1939 : Aldous Huxley, Jouvence ("After Many Summer"), essai sur la jeunesse éternelle
  • 1946 : Simone de Beauvoir, Tous les hommes sont mortels : roman sur un homme, le comte Fosca qui, une fois devenu immortel, se rend compte à ses dépens que l'immortalité tue... l'esprit, la volonté, l'amour, l'envie de vivre...
  • 1947 : Jorge Luis Borges, L'immortel : une nouvelle sur la vanité de la quête de l'immortalité puisque le moteur qui motive chacun de nous est de se savoir mortel. Un Romain qui a servi dans les armées de César trouve un fleuve qui lui donne l'immortalité, puis passera des siècles à chercher le ruisseau qui pourra le rendre à nouveau mortel.
  • 1976 : François Cavanna, Stop-crève : essai sur l’absence officielle d’intérêt des pouvoirs publics sur le sujet.
  • 2005 : Michel Houellebecq, La Possibilité d'une île : il aborde le sujet du clonage et de la création artificielle d'une nouvelle espèce tout en poursuivant la réflexion de l'auteur sur la société contemporaine, en particulier sur les relations entre les hommes et les femmes.[8]
L'immortalité a beaucoup inspiré les auteurs de science-fiction
  • 1950 : A. E. van Vogt, la Maison éternelle : Éviter le vieillissement en se protégeant des radiations cosmiques, sources de mutations.
  • 1956 : John Wyndham, L’Herbe à vivre (The seeds of time) : sur quel critère éthique décider de consommer, ou au contraire de conserver pour en augmenter le nombre, une espèce végétale rare bloquant net le processus de vieillissement ?
  • 1995 : Greg Egan, La Cité des permutants : Paul Durham propose à quelques milliardaires du XXIe siècle de vivre éternellement grâce à des Copies informatiques d’eux-mêmes. Titre original : Permutation city. 1996 pour la traduction.

L’immortalité au cinéma

Arrêt du vieillissement

Rajeunissement

L'immortalité dans la bande dessinée

Personnages de fiction très âgés

L’immortalité dans le jeu vidéo

Notes

  1. Extrait du Rig Veda
  2. À partir de 1912 d'après cette source, qui précise que l'expérience aurait été arrêtée en 1946, c'est-à-dire deux ans après la mort de Carrell lui-même [1]
  3. Quantum Chemical Reactions in the Deep Cold, Scientific American, 254:46, février 1986.
  4. Projet Mylifebits
  5. .Thèse de Bruno Marchal (texte intégral)
  6. Page Kurzweil AI
  7. site officiel
  8. http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Possibilit%C3%A9_d%27une_%C3%AEle

Voir aussi

Liens internes

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