Realite virtuelle

Realite virtuelle

Réalité virtuelle

Personnel de l'U.S. Navy utilisant un simulateur de parachute.

La réalité virtuelle est une simulation informatique interactive immersive, visuelle, sonore et/ou haptique, d’environnements réels ou imaginaires.

La finalité de la réalité virtuelle est de permettre à une personne (ou à plusieurs) une activité sensori-motrice et cognitive dans un monde artificiel, créé numériquement, qui peut être imaginaire, symbolique ou une simulation de certains aspects du monde réel, [Fuchs, 1996].

Certains font remonter l'expression à Antonin Artaud, dans le Théatre et son double(1938), Artaud décrit le théatre comme "la réalite virtuelle".[1]. L'expression est proposée à nouveau par Jaron Lanier en 1985 pour désigner un espace de représentation réaliste, tri-dimensionnel, calculé en temps réel, immersif. Du fait de l'originalité de l'expression, que l'on qualifie d'oxymore en raison de l'apparente contradiction entre les termes qui la compose, le mot virtuel est devenu dans les médias synonyme de «numérique et immatériel». L'anglais virtual est plus nuancé. Le terme signifie en effet « quasi ». En Parlant de Virtual Reality Jaron Lanier parlait probablement de « quasi-réalité ». La polémique sur la pertinence d'une expression qui est devenue un terme technique vient du fait que selon le dictionnaire français, « réalité » ne s'oppose pas à « virtuel » mais à « fiction ». De nombreux auteurs incluant Pierre Lévy et Gilles Deleuze ont rappelé que le contraire de « virtuel » est « actuel » et non « réel ». Le virtuel est donc bien une composante de la réalité, c'est selon Maurice Benayoun « le réel avant qu'il ne passe à l'acte » sous entendu: avant qu'il ne s'actualise, instroduisant ainsi l'idée d'un en-deça de la représentation qui précéderait son actualisation. L'expression Réalité Virtuelle ne peut donc systématiquement être considérée comme un oxymore.

World Skin (1997), Maurice Benayoun, installation intéractive de Réalité Virtuelle


Sommaire

Origine

Personne équipée d'un visiocasque et d'un gant de données de réalité virtuelle.

La notion de réalité virtuelle était implicitement esquissée par Platon dans son allégorie de la caverne, ainsi que par René Descartes qui envisage, dans son Discours de la méthode, l'hypothèse que les témoignages de ses sens pourraient n'être qu'une série d'illusions coordonnées par un esprit malin (voir démon). Toutefois, Descartes considère que puisque cette hypothèse ne permet pas d'aller plus avant dans ses investigations, il n'y a pas lieu de s'y attarder et qu'il peut explorer également l'hypothèse de l'existence d'une réalité objective indépendante de nos sens.

Dès la moitié du vingtième siècle, de nombreux auteurs de science-fiction articulent leur récits autour de cette notion, extrapolant parfois le sujet jusqu'à semer une grande confusion chez le lecteur (Philip K. Dick, p.ex.).

Entre le milieu et la fin des années 1980 émergeaient des recherches combinées sur les interfaces informatiques et la simulation le premier « scaphandre » individuel permettant à un être humain de s'immerger et d'interagir à l'intérieur de mondes en images de synthèse 3D.

Parmi les précurseurs de cette technique :

  • Ivan Sutherland (MIT, puis Université d'Utah) qui a conçu en 1968-70 l'Ultimate Display, premier casque de visualisation asservi aux mouvements de la tête ;
  • Thomas Furness (US Air Force) qui a dirigé à partir de 1977 le programme Visually-Coupled Airbone Systems Simulator (VCASS) sur les cockpits virtuels ;
  • Frederick Brooks (Université Duke en Caroline du Nord) qui, à partir de 1967, a développé un bras à retour d'effort (haptique) pour environnements virtuels ;
  • Myron W. Krueger (en), inventeur pendant la décennie 1975-85 de la « réalité artificielle (en) » permettant d'interagir en temps réel avec des images infographiques sur écran.

Mais l'histoire de la RV (réalité virtuelle) proprement dite commence lorsque Michael McGreevy (Ames Research Center en Californie) lance, en 1984, le programme VIVED ou Virtual Visual Environment Display destiné à offrir aux astronautes un nouvel outil d'affichage d'informations et de données pour leurs futures missions spatiales. Avec James Humphries, ce jeune chercheur met au point une version économique du visuel de casque de l'US Air Force. Celui de la NASA est fabriqué à partir d'écrans LCD de mini-téléviseurs du commerce et d'un capteur de position magnétique Polhemus ; l'ensemble étant monté sur un casque de moto et relié par câble à une console graphique Modèle:Lient et un ordinateur Digital.

En 1985, le projet VIVED est repris par Scott Fisher (en), un ingénieur de 34 ans issu du MIT qui, après deux ans chez Atari Research, vient d'être engagé par la NASA en tant que spécialiste de la perception binoculaire et des médias interactifs. Jusqu'en 1990, Fisher va d'une part entreprendre toute une série d'améliorations techniques et d'extensions au projet et d'autre part lui donner de multiples objectifs scientifiques : préparation de missions extra véhiculaires dans l'espace, visualisation de flux, simulations en chirurgie, biochimie, téléopération de robots, etc. Le casque est d'abord amélioré par l'addition d'optiques qui élargissent le champ visuel. Puis avec la société Crystal River Engineering, le système va s'enrichir d'un dispositif permettant de générer un environnement acoustique tridimensionnel. Fisher ajoute aussi la commande vocale à l'aide de composants de reconnaissance et de synthèse du commerce. Mais il manque encore quelque chose d'essentiel, la « main », comme moyen de commande et d'interaction par le geste. C'est Jaron Lanier qui va la lui fournir.

De huit ans le cadet de Scott Fisher, Jaron Lanier (en) a le parcours atypique d'un autodidacte, compositeur de musique et passionné d'informatique. Depuis le début des années 1980, il travaille à la mise au point d'un langage de programmation, le « Mandala », faisant appel à des représentations visuelles dynamiques sur écran, plutôt qu'à des lignes de code. À partir de 1983, il articule son « Mandala » avec un gant de données, périphérique d'entrée gestuel inventé par un autre chercheur musicien, Thomas Zimmerman : cousus sur un gant de tissu, de fins tubes de plastiques souples et creux (plus tard ce seront des fibres optiques) laissent passer plus ou moins de lumière en fonction de l'angle de flexion des doigts. Pour développer des applications commerciales de cette innovation, la société VPL Research est alors créée par Lanier avec Zimmerman ; et en 1985, Scott Fisher, qui pense pouvoir associer le casque de McGreevy avec le gant de Lanier et Zimmerman, passe un contrat avec cette start up de la Silicon Valley.

Fisher demande alors à Warren Robinett (en), ex inventeur de jeux Atari, de lui programmer une main virtuelle à partir des données en provenance du gant de VPL. Robinett va aussi modéliser les différents mondes en 3D dans lesquels cette main va opérer : laboratoire, navette spatiale, molécule d'hémoglobine, etc. En 1986, le premier poste d'exploration de mondes virtuels est né. De la seule fonction d'affichage visuel donnée au départ par McGreevy avec le projet VIVED, Fisher en a élargi les contours pour en faire une station complète de travail pour environnements virtuels ; et en 1988, le projet prend le nom de VIEW pour « Virtual Environment Workstation ».

En outre, les applications robotiques imaginées par Fisher permettent de déboucher sur le concept de téléprésence. De son côté VPL continue de développer des outils matériels et logiciels à des fins commerciales entre 1986 et 1989 : les interfaces (gant DataGlove et visiocasque Eyephone) et les logiciels (modeleur 3D Swivel, rendu d'image Isaac et moteur de mouvements du corps Body Electric) sont intégrés dans une architecture informatique (à base de Macintosh et de deux stations Silicon Graphics) que VPL va proposer en 1989 sous le nom de système RB2 (« reality built for two »). Lanier introduit au même moment la notion de télévirtualité qui permet à deux opérateurs distants de se connecter simultanément dans le même monde virtuel. Les premières démonstrations officielles de ce simulateur personnel ont lieu en juin 1989 sur la côte ouest des États-Unis. Lancé par Lanier lui-même un nouveau slogan circule : La Réalité Virtuelle Arrive !
Jean Segura, journaliste scientifique français spécialisé dans l'image de synthèse, les effets spéciaux numériques et la réalité virtuelle depuis 1985 a rencontré et interviewé, à travers plusieurs missions pour la presse ainsi que pour la Cité des Sciences à Paris, les principaux inventeurs et contributeurs de cette technologie émergente. Pour en savoir plus : http://www.jeansegura.fr/lanier_fischer.html

Finalité et définitions

Ce paragraphe explique la finalité de la réalité virtuelle et en donne une définition technique pour clarifier son domaine. Cette définition et cette finalité proviennent, entre autres, de discussions au sein du conseil d'administration de l'AFRV et du comité de rédaction du « Traité de la réalité virtuelle », à partir des acceptions communément admises par la communauté scientifique internationale. Même si des définitions voisines continuent d’exister, il existe aujourd’hui un consensus de fait dans la communauté scientifique internationale concernant la réalité virtuelle. En témoignent plusieurs grandes manifestations scientifiques internationales traitant de «Virtual Reality». Après avoir étudié l’objectif commun de toutes les applications en réalité virtuelle, nous pouvons affirmer que  :

La finalité de la réalité virtuelle est de permettre à une personne (ou à plusieurs) une activité sensori-motrice et cognitive dans un monde artificiel, créé numériquement, qui peut être imaginaire, symbolique ou une simulation de certains aspects du monde réel, [Fuchs, 1996], [CRTRV, 2004].


Définition technique

Une définition plus technique de la réalité virtuelle va s’attacher à caractériser le domaine. Deux mots sont la clef de voûte de la réalité virtuelle : l’immersion et l’interaction. La définition technique de la réalité virtuelle est [Arnaldi e.a., 2003] :

La réalité virtuelle est un domaine scientifique et technique exploitant l’informatique (1) et des interfaces comportementales (2) en vue de simuler dans un monde virtuel (3) le comportement d’entités 3D, qui sont en interaction en temps réel (4) entre elles et avec un ou des utilisateurs en immersion pseudo-naturelle (5) par l’intermédiaire de canaux sensori-moteurs.

Cette définition introduit une terminologie nécessitant quelques explications :

1. il faut évidemment exploiter les potentialités de l’informatique, matérielles et logicielles, pour réaliser techniquement un environnement virtuel interactif qui puisse être interfacé avec l’utilisateur. La simulation est dynamique : les entités (objets, personnages virtuels, etc.) sont animées en temps réel suivant des lois physiques (mécaniques, optiques, acoustiques, etc.) et des lois comportementales (psychologiques, sociales, affectives, etc.)

2. nous exploitons des interfaces matérielles de la réalité virtuelle, que nous appelons «interfaces comportementales». Elles sont composées «d’interfaces sensorielles», «d’interfaces motrices» et «d’interfaces sensori-motrices». Les interfaces sensorielles informent l’utilisateur par ses sens de l’évolution du monde virtuel. Les interfaces motrices informent l’ordinateur des actions motrices de l’homme sur le monde virtuel. Les interfaces sensori-motrices informent dans les deux sens. Le nombre et le choix de ces interfaces dépendent de l’objectif poursuivi de l’application ;

3. il faut créer un monde virtuel interactif et en temps réel. La création d’un monde virtuel est une problématique majeure de la réalité virtuelle : la modélisation, la numérisation et le traitement informatique du monde virtuel. Nous pouvons noter le cas particulier d’associer un monde réel avec un monde virtuel (techniques de la réalité augmentée) ;

4. l’interaction en temps réel est obtenue si l’utilisateur ne perçoit pas de décalage temporel (latence) entre son action sur l’environnement virtuel et la réponse sensorielle de ce dernier. Cette contrainte est difficile à satisfaire. A défaut, on peut chercher à ne point infliger de perturbations au sujet par ce décalage temporel, même s’il le perçoit ;

5. l’utilisateur doit être en «immersion pseudo-naturelle» la plus efficace possible dans le monde virtuel. L’immersion ne peut être naturelle car nous avons appris à agir naturellement dans un monde réel et non virtuel (des incohérences sensori-motrices sont créées, d’où le terme pseudo). Cette sensation est une notion en partie subjective qui dépend de l’application et du dispositif utilisé (interfaces, logiciels, etc.).

Les concepts d’immersion et d’interaction doivent être bien définis et analysés à plusieurs niveaux. Les deux conditions, interaction et immersion, sont rarement réalisables «parfaitement» par rapport à l’application envisagée. Par contre, elles doivent être en partie réalisées, même modestement, pour parler d’un système basé sur les techniques de réalité virtuelle.

Un extrait du chapitre 1 des volumes du Traité de la réalité virtuelle (www-caor.ensmp.fr/interlivre) présente plus en détail le domaine RV.

[Arnaldi e.a., 2003] B. Arnaldi, P. Fuchs et J. Tisseau. Chapitre 1 du volume 1 du traité de la réalité virtuelle. Les Presses de l’Ecole des Mines de Paris (2003).

[CRTRV, 2004] CRTRV (2004). Le comité de rédaction du traité de la réalité virtuelle. Dossier de présentation du TRV3.

[Fuchs, 1996] P. Fuchs. Les interfaces de la réalité virtuelle. Les Presses de l’Ecole des Mines de Paris (1996). ISBN 2-9509954-0-3.

Interfaçage

La réalité virtuelle est mise en place par différents moyens d'interfaces spécifiques. Les principales interfaces visuelles sont :

  • Workbench: Dispositif de type "table à dessin" constitué de 1 ou 2 écrans permettant un travail de conception simple et à échelle 1 pour des prototypes virtuels de taille inférieure à 1m3, ceci avec une immersion performante
  • Salle immersive sphérique ou cubique (CAVE, SASCube , constituées d'écrans de rétroprojection ou de projection directe stéréoscopiques et synchronisés. L'utilisateur est immergé dans une pièce où les murs, le sol et/ou le plafond sont des images projetées qui constituent un environnement géométriquement cohérent. Par un système de capture de position du visiteur, la perspective est recalculée en temps réel pour respecter son point de vue.
  • Ecran stéréoscopique, avec ou sans la tête traquée de l'observateur : l'utilisateur voit la scène virtuelle en vision stéréoscopique, les deux points des deux images stéréoscopiques doivent correspondre aux points de vue des yeux de l'observateur. Si la tête de l'observateur est traquée, les images sont recalculées en temps réel pour correspondre à son point de vue. L'utilisateur est équipé de lunettes qui cachent alternativement la vision d'un œil puis de l'autre, l'ordinateur s'occupe d'afficher l'image correspondante de manière synchrone.

Les interfaces sensorielles : visuelles, sonores, tactiles, olfactives et à simulation de mouvement permettent à l'utilisateur de percevoir le monde virtuel et d'y être immergé. Pour interagir avec l'environnement virtuel l'utilisateur peut employer des interfaces motrices telles que les capteurs de localisation, les interfaces spécifiques de localisation corporelle et les interfaces manuelles motrices. Les interfaces à retour d'effort sont des interfaces sensori-motrices, qui permettent d'interagir avec l'environnement virtuel et qui permettent de le percevoir simultanément, (volume 2 "L'interfaçage, l'immersion et l'interaction" du "Traité de la réalité virtuelle").

Applications

Les applications sont nombreuses :

  • Formation par simulateur (conduite de véhicules, aérospatiale, médecine)
  • Applications médicales : traitement des phobies, via la psychothérapie cognitivo-comportementale, simulation de chirurgie, traitement des convalescents (coaching), mise au point de prothèses orthopédiques
  • Applications nucléaires : démantèlement d'installations en milieux contaminés (Commissariat à l'énergie atomique).
  • art numérique création artistiques interactives et immersives (Jeffrey Shaw, Maurice Benayoun, Char Davies).
  • Jeu vidéo
  • Télé-immersion
  • Visualisation scientifique
  • Météorologie
  • Astrophysique
  • Recherche fondamentale
  • Architecture-urbanisme
  • Domotique
  • Conservation de patrimoine culturel
  • Visites et présentations de musées et de sites virtuels
  • Reconstitution d'objets et de sites détruits ou endommagés
  • Création d'œuvres sonores
  • Sculpture d'objets virtuels

(voir le volume 4 "Les applications" du "Traité de la réalité virtuelle")

Les centres de réalité virtuelle en France

Conférences

  • Laval Virtual, Rencontres Internationales de la Réalité Virtuelle
  • Siggraph, Rencontres Internationales de l'image numérique et de la Réalité Virtuelle
  • Journées de l'AFRV, Elles ont pour vocation de réunir les différents acteurs des domaines de la réalité virtuelle, augmentée, mixte et de l’interaction 3D issus des milieux industriel et académique : chercheurs, développeurs, fournisseurs de solutions, utilisateurs, étudiants,… ou néophytes intéressé par ces nouvelles technologies.

Voir aussi

Livres

Films

Liens externes

Notes et références

  1. Erik Davis, Techgnosis: myth, magic and mysticism in the information age, 1998.
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