- Parlements
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Parlement (Ancien Régime)
Un parlement était une Cour souveraine – cour supérieure à partir de 1661 – sous l'Ancien Régime. Les parlements possèdent aussi des pouvoirs politiques et administratifs.
Sommaire
Rôle
Rôle judiciaire
Les parlements fonctionnent comme des cours d'appel et de cassation, à la fois civile et criminelle, pour les affaires concernant le tiers état, mais aussi comme un tribunal de première instance pour les causes impliquant des membres de la Noblesse.
Depuis l'ordonnance du 11 mars 1345 le parlement comprend trois chambres: la grand-chambre ou chambre des plaids, la chambre des enquêtes, et la chambre des requêtes.[1] Son pouvoir de statuer en équité est couramment perçu comme générateur d’arbitraire, et un célèbre adage proclame : « Dieu nous protège de l'équité des parlements. »[2]
Rôle législatif
Les parlements n'ont pas, à proprement parler, de pouvoir législatif, c'est-à-dire d'édicter de nouvelles lois en matière civile ou criminelle.
Ils ont cependant deux pouvoirs législatifs.
- Synthèse de la jurisprudence et de la procédure. En tant que juridiction de dernier degré (c'est en ce sens que ce sont des cours souveraines, elles jouent le même rôle d'unification du droit que nos Cour de cassation, avec en plus la possibilité de prendre, toutes chambres réunies, des arrêts de règlement qui reprennent sous forme d'articles les solutions de jurisprudence et disposent d'une autorité de la chose jugée qui s'impose aux juridictions inférieures, un peu sur le modèle du "precedent" de Common-Law
- Contrôle de légalité, c'est-à-dire de la compatibilité des ordonnances, édits et déclarations du roi avec les lois, coutumes, et autres règlements existants. En effet, un parlement doit enregistrer les édits, les ordonnances royales, et les lettres patentes, c’est-à-dire les transcrire sur le registre officiel afin qu'elles deviennent publiques. Les lois ainsi transcrites sont alors applicables et opposables aux tiers dans la circonscription du parlement.
Cependant, il faut remarquer que cette supériorité n'est pas totale, puisque le roi peut toujours retenir sa justice, c'est-à-dire retirer une affaire à un parlement ou à n'importe quelle cour, et la faire évoquer définitivement devant son conseil. C'est évidemment une procédure très rare.
À cette occasion, le parlement a le droit de remontrance, c'est-à-dire qu'il peut émettre des observations sur la légalité des textes qu'il doit enregistrer. Ce droit a pour but de permettre aux parlements de vérifier la concordance de l’édit ou de l’ordonnance avec le droit antérieur, les privilèges et les coutumes de la province, mais aussi les principes généraux du droit. Peu à peu, les parlements ont utilisé ce droit pour devenir un contre-pouvoir face au pouvoir monarchique. En cas de refus de l'enregistrement, le roi peut adresser au parlement des « lettres de jussion » et, en cas de refus, imposer sa décision au parlement en y siégeant lui-même dans un lit de justice. La décision royale est alors enregistrée « de l'exprès commandement du roi ». Henri IV fut obligé de se déplacer personnellement dans chaque parlement pour faire enregistrer l'édit de Nantes de 1598 par des lits de justice.
Personnel
Ces cours de justice fonctionnent avec un personnel d’officiers, c'est-à-dire des agents administratifs propriétaires de leur charge, qui forme la « noblesse de robe » différente de la « noblesse d’épée ». On distingue des conseillers et des présidents qui se réunissent pour les jugements en différentes chambres : la grand-chambre, pour les affaires les plus importantes, la Tournelle pour les affaires criminelles, voire la chambre de la marée pour les litiges liés à la vente du poisson.
Le parlement de Paris comprend aussi les pairs de France jusqu’à la fin du XIIe siècle.
Histoire
Au début du Moyen Âge, la cour du roi, Curia Regis entourait le roi pour toutes les affaires du royaume. Mais le développement du pouvoir royal entraina la séparation de la Curia Regis en trois organes distincts : le Conseil du roi pour les affaires politiques, la Chambre des comptes pour les questions financières, et le Parlement pour la justice. C'est l'origine du parlement de Paris au XIIIe siècle. Le parlement de Paris a compétence sur tout le royaume jusqu'au XVe siècle. Les clercs en sont exclus en 1319. L'ordonnance du 11 mars 1345 l'organise définitivement.
À partir de 1422, de nouveaux parlements sont créés : à Toulouse, à Bordeaux puis dans les grand fiefs rattachés au domaine royal. En tout, treize parlements ont été mis en place du XIIIe au XVIIIe siècle.
Les parlements, et notamment le parlement de Paris, ont toujours été un appui de la royauté face à la papauté pour la défense de l’église gallicane. Durant les guerres de Religion, ils s’opposent ainsi à l’introduction de la réforme tridentine en France, qui renforcerait les pouvoirs du pape. À la fin des guerres de Religion, Henri IV institue des parlements qui lui sont fidèles, en parallèle de chaque parlement existant (le parlement de Paris a son double fidèle au monarque à Tours). Petit à petit, les parlementaires passent de l’un à l’autre.
Les droits d’enregistrement et de remontrance permettent aux parlements et principalement au parlement de Paris de revendiquer un pouvoir de contrôle sur la monarchie. C’est notamment le cas pendant la Fronde, de 1648 à 1652. Le parlement de Paris réclame le droit de contrôler les finances du royaume. Ce faisant, il revendique les compétences du Parlement de l’Angleterre dont une des deux chambres, la Chambre de communes, est composée d’élus, alors que les parlement français sont à l’époque composés d’officiers dont les charges sont héréditaires.
En 1673, Louis XIV interdit aux parlements de faire quelque remarque que ce soit avant l’enregistrement des édits. Ceci musela les parlements pendant tout son règne. Les parlements relèvent la tête après la mort de Louis XIV en 1715, en négociant leur droit de remontrance avec le régent Philippe d’Orléans, à qui ils attribuent, en cassant le testament de Louis XIV, les pouvoirs que ce dernier, oncle du régent, avait très fortement limités.
À partir de 1750, les parlements bloquent les réformes du pouvoir royal, notamment le principe d'égalité devant l'impôt. Louis XV est désormais décidé à limiter les Parlements: en 1771, le chancelier de Maupeou, récemment nommé, enlève aux Parlements de Paris et de Province leurs attributions politiques et les divise en six Conseils supérieurs. Mais en 1774, Louis XVI, conseillé par Maurepas (« Sans parlement, point de monarchie »), commet l'erreur de faire rappeler les Parlements, ce dont se charge son nouveau chancelier Lamoignon. Louis XVI reculera désormais chaque fois devant leur opposition. Ils jouent un rôle important dans l’agitation pré-révolutionnaire des années 1780. Ils sont soutenus par une partie du peuple dont ils prétendent être les protecteurs contre le « despotisme » royal. En empêchant toute réforme de celui-ci, ils préparent la Révolution, dont ils sont les premières victimes : dès 1790, les parlements sont remplacés par des juges élus et appointés par l’État.
Liste des parlements
- vers 1250 : Parlement de Paris
- 1422 : Parlement de Besançon
- 1443 : Parlement de Toulouse
- 1453 : Parlement de Grenoble
- 1462 : Parlement de Bordeaux, en exil à Condom (actuel département du Gers), puis à Marmande (actuel département de Lot-et-Garonne) et La Réole (actuel département de la Gironde) de 1675 à 1690
- 1477 : Parlement de Dijon
- 1499 : Parlement de Normandie
- 1501 : Parlement d'Aix (Parlement de Provence)
- 1553 : Parlement de Bretagne, alternativement à Rennes, puis Nantes (1557), Rennes (1561), en exil à Vannes de 1675 à 1690
- 1620 : Parlement de Pau
- 1623 : Parlement des Dombes, à Trévoux (actuel département de l'Ain)
- 1633 : Parlement de Metz
- 1668 : Parlement de Flandres, à Tournai (actuellement en Belgique), puis Cambrai (1709), puis Douai (1713)
- 1768 : Parlement de Nancy, jusqu’en 1775
Ressources
Bibliographie
- Émile Ducoudray, « La Révolution française face au système judiciaire d’Ancien Régime », dans Annales historiques de la Révolution française, nº 327, 27 avril 2004 [lire en ligne]
- Pierre Goubert, L’Ancien Régime, tome 2 Les Pouvoirs, Armand Colin, coll. « U / Histoire moderne », Paris, 262 p., 1973
- Marcel Marion, Dictionnaire des institutions de la France aux XVIIe et XVIIIe siècles (1923), réimpression, A. et J. Picard, Paris, 2006, 573 p. (ISBN 2-7084-0782-1)
- Hubert Méthivier, Le Siècle de Louis XIV (1962), 14e édition, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? » (ISSN 0768-0066) nº 925, Paris, 1994 (ISBN 2130521614) [présentation en ligne]
- Roland Mousnier, Les Institutions de la France sous la monarchie absolue (1598–1789) (1974), Presses universitaires de France, coll. « Quadrige / Manuels » (ISSN 1630-5264), Paris, 2005, 1 253 p. (ISBN 2-13-054836-9) [présentation en ligne]
- Michel Vovelle, La Chute de la monarchie (1787–1792), vol. 1 de la Nouvelle Histoire de la France contemporaine (1972), édition revue et mise à jour, Le Seuil, coll. « Points / Histoire » (ISSN 0768-0457) nº 101, Paris, 1999, 312 p. (ISBN 2-02-037519-2)
Références
- ↑ Jacques Le Goff, « Capétiens », dans Encyclopædia Universalis
- ↑ Cité par André Tunc, « The Grand Outlines of the Code », dans Bernard Schwartz (dir.), The Code Napoleon and the Common Law World, New York University Press, New York, 1956, p. 19
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