Ornithorhynque

Ornithorhynque

Ornithorynque

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Ornithorynque
 Ornithorhynchus anatinus
Ornithorhynchus anatinus
Classification classique
Règne Animalia
Embranchement Chordata
Sous-embr. Vertebrata
Classe Mammalia
Sous-classe Prototheria
Ordre Monotremata
Famille Ornithorhynchidae
Genre
Ornithorhynchus
Blumenbach, 1800
Nom binominal
Ornithorhynchus anatinus
(Shaw, 1799)
Répartition géographique
Platypus Distribution.png
Statut de conservation IUCN :

CD  : Conservation Dependent
(appellation d’avant 2001)

Schéma montrant le risque d'extinction sur le classement de l'IUCN.

 Ilustration de 1816

Ilustration de 1816

 Planche extraite de The mammals of Australia de John Gould

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The mammals of Australia de John Gould

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L'Ornithorynque (Ornithorhynchus anatinus) est une petite espèce de mammifère semi-aquatique endémique de l'est de l'Australie, y compris en Tasmanie. C'est l'une des cinq espèces de l'ordre des monotrèmes, les seuls mammifères qui pondent des œufs au lieu de donner naissance à des petits vivants (les quatre autres espèces sont des échidnés). C'est la seule espèce survivante de la famille des Ornithorhynchidae et du genre Ornithorhynchus bien qu'un grand nombre de fragments d'espèces fossiles de cette famille et de ce genre aient été découverts[1].

L'apparence bizarre de ce mammifère pondant des œufs, muni d'aiguillons venimeux, à bec de canard, à queue de castor, qui lui sert à la fois de gouvernail dans l'eau et de réserve de graisse, et à pattes de loutre a fortement surpris les premiers explorateurs qui l'ont découvert et bon nombre de naturalistes européens ont cru à une plaisanterie. C'est l'un des rares mammifères venimeux : le mâle porte un aiguillon sur les pattes postérieures qui peut libérer du venin capable d'infliger de vives douleurs à un être humain. Les traits originaux de l'ornithorynque en font un sujet d'études important pour connaître l'évolution des espèces animales et en ont fait un des symboles de l'Australie : il a été utilisé comme mascotte pour de nombreux évènements nationaux et il figure au verso de la pièce de 20 centimes (cents) australiens.

Jusqu'au début du XXe siècle, il a été chassé pour sa fourrure mais il est protégé à l'heure actuelle. Bien que les programmes de reproduction en captivité aient eu un succès très limité et qu'il soit sensible aux effets de la pollution, l'espèce n'est pas encore considérée comme en danger.

Sommaire

Taxonomie et étymologie

Les premières années qui suivirent la découverte de l’ornithorynque, certains scientifiques européens doutèrent de son existence réelle et pensèrent qu’il s’agissait d’un canular.

Quand le premier ornithorynque fut découvert par les Européens en 1798, le gouverneur de Nouvelle-Galles du Sud, le capitaine John Hunter, en fit envoyer un pelage et des dessins en Grande-Bretagne[2]. Les scientifiques britanniques furent d’abord persuadés qu’il s’agissait d’un canular[3]. George Kearsley Shaw, qui fit la première description de l’animal dans le Naturalist’s Miscellany en 1799, expliquait qu’il était impossible de ne pas avoir de doute sur l’existence réelle de l’animal et Robert Knox croyait qu’il s’agissait d’un montage, œuvre d’un taxidermiste asiatique[4]. Il pensait que quelqu’un avait cousu un bec de canard sur la fourrure d’un animal ressemblant à un castor et Shaw essaya même de trouver les points de couture[3].

L’animal fut appelé Platypus par les Anglais, nom composite dérivé des mots grecs πλατύς (« platís », plat, large) et πους (« pois », pied), c’est à dire « pied plat »[5]. Mais on s’aperçut très vite que ce nom avait déjà été utilisé pour désigner un invertébré, un coléoptère de la famille des Platypodidae, super-famille des Curculionoidea, par l’entomologiste Johann Friedrich Wilhelm Herbst (1743-1807)[6]. Un autre zoologiste, qui avait reçu également un animal de la part de Joseph Banks[7], Johann Friedrich Blumenbach, lui avait donné en parallèle un nom différent en 1800 : Ornithorhynchus paradoxus et il fut finalement appelé Ornithorhynchus anatinus[6]. Le nom ornithorynque vient du grec ορνιθόρυνχος (« ornithorhynkhos »), qui signifie « à nez d’oiseau », et le nom d’espèce anatinus qui signifie « comme un canard » en latin.

En 1803, le géologue Barthélemy Faujas de Saint-Fond utilise la graphie ornithoringue. Georges Cuvier, utilise la double orthographe ornithorhynque et ornithorinque dans le tome 3 des Leçons d’anatomie comparée, respectivement pages 107 et 243[8].

Le monde entier ne découvrit l’ornithorynque qu’en 1939 quand le magazine National Geographic publia un article décrivant les efforts pour l’étudier et le maintenir en captivité (tâche très difficile : le premier lieu où il a survécu — et toujours un des seuls — est la réserve d'Healesville au Victoria). Bien peu de jeunes ont pu être élevés jusqu’à présent : la première portée née en captivité date de 1943[9],[10],[11].

Description

Généralités

Squelette d'un ornithorynque.

C'est un animal nocturne et farouche, presque insaisissable. D'aspect mi-reptile mi-mammifère, l'ornithorynque est longtemps passé pour une chimère. Aujourd'hui, les scientifiques voient en lui un des animaux les mieux adaptés aux conditions de vie du continent australien[citation nécessaire].

L'ornithorynque a un poids très variable allant de 0,7 à 2,4 kilogrammes, les mâles étant habituellement d'1/3 plus gros que les femelles. La taille totale, entre 40 et 50 centimètres en moyenne, varie considérablement d'une région à l'autre, sans qu'elle soit liée au climat. La queue mesure 12 cm et le bec 6 cm.

Il ressemble à un castor par son pelage : le corps et la queue, larges et plats, sont couverts d'une fourrure marron qui emprisonne entre ses poils de l'air afin d'isoler l'animal du froid[3],[6], sa queue stocke des réserves de graisse comme chez le diable de Tasmanie et certains moutons. Comme les canards, il est pourvu de pieds palmés surtout au niveau des pattes antérieures, avec une palmure dépassant les doigts qu'il utilise pour nager ou pour se déplacer sur des sols vaseux. Il peut partiellement replier sa palmure lorsqu'il se déplace sur sol sec ou qu'il doit utiliser ses griffes puissantes pour grimper sur les berges ou creuser sa tanière. Il est également pourvu d'un grand bec caoutchouteux lui ayant donné son surnom anglais « duck-billed platypus » (« pied plat à bec de canard »). Ce bec, gris-bleu, est surtout un organe sensoriel remontant sur le front, l'ouverture de la bouche se trouvant sur sa face inférieure ; les narines s'ouvrent à l'avant de la face supérieure, tandis que les yeux et les oreilles sont situés dans une rainure placée juste en arrière du bec. Cette rainure se referme lorsque l'animal nage, ce qui le rend sourd et aveugle dans l'eau[6]. La cavité buccale est prolongée latéralement par des abajoues qui lui servent à stocker sa nourriture lorsqu'il chasse sous l'eau. La langue, charnue, a un renflement à sa partie postérieure qui peut obstruer complètement le fond de la bouche[12].

L'animal émettrait un petit grognement lorsqu'il serait dérangé et l'on a rapporté l'émission de toute une série d'autres petits sons chez les spécimens en captivité mais selon d'autres témoignages, le seul bruit que ferait l'animal serait, lorsqu'il est gêné par de l'eau dans ses narines, de souffler fortement pour l'en chasser[3],[13].

L'ornithorynque est un animal homéotherme dont la température corporelle moyenne est de 31–32 °C contre 37 °C en moyenne chez les mammifères placentaires[14]. Les recherches laissent à penser qu'il s'agit plus d'une adaptation progressive aux conditions environnementales du petit nombre de monotrèmes survivants plutôt que d'une caractéristique historique des monotrèmes[15],[16].

Aiguillon venimeux du mâle.

Les jeunes ornithorynques ont des molaires à 3 cuspides qu'ils perdent au moment de quitter le nid[17],[18] et les adultes disposent de blocs de kératine pour les remplacer[6] ; la mâchoire de l'ornithorynque est faite de façon différente de celle des autres mammifères et le muscle chargé de son ouverture est dissemblable[6]. Comme chez les autres mammifères, les os de l'oreille moyenne sont incorporés au crâne plutôt que d'être situés à la base de la mâchoire comme chez les cynodontes et les autres synapsides ; cependant le conduit auditif externe s'ouvre à la base de la mâchoire[6].
L'ornithorynque, comme les reptiles, a des os surnuméraires dans la ceinture scapulaire comprenant notamment une interclavicule qu'on ne retrouve pas chez les autres mammifères[6]. Il a la démarche d'un reptile avec les pattes situées sur les côtés du corps au lieu d'être en-dessous comme chez les autres mammifères[6].

Les jeunes et les ornithorynques mâles portent des aiguillons venimeux de 15 millimètres de long aux chevilles reliés à une glande située dans la cuisse, appelée glande crurale. Cette glande n'est fonctionnelle que chez le mâle adulte. Son venin, formé de plusieurs enzymes, n'est pas mortel pour les humains, mais provoque d'importantes douleurs et des œdèmes qui peuvent durer plusieurs mois. Ils peuvent provoquer une paralysie des membres inférieurs pendant quelques jours. On ne connait pas d'antidote. On se contente de traiter par des analgésiques et un vaccin antitétanique si besoin. Le venin peut être mortel pour un chien ou pour de petits animaux domestiques par dépression respiratoire[19].

Dans l'eau, il garde les yeux et les oreilles hermétiquement fermés et se sert de ses autres sens pour se diriger. Il détecte le plus souvent ses proies grâce à des détecteurs de champ électrique situés sur son bec (voir plus loin). Les quatre pattes de l'ornithorynque sont palmées. Quand il nage, il se propulse par des battements alternatifs de ses pattes avant, sa queue et ses pattes postérieures l'aidant à se diriger, mais non à se propulser.

Doublée de tissus adipeux, la fourrure de l'ornithorynque lui permet d'affronter les rivières les plus froides d'Australie. La durée moyenne de plongée de l'animal est de 31 à 35 secondes[20],[21],[22], la plus longue plongée observée a été de 138 secondes soit plus de deux minutes[20]. L'animal plonge en moyenne à 1,3 mètre et un record à 8 mètres a été établi[20].

Il supporte moins bien la chaleur[réf. nécessaire]. Après son bain, il aime regagner son terrier après avoir essuyé son pelage, qui fut jadis très prisé des pelletiers pour ses qualités isolantes et sa grande finesse.

Électrolocalisation

Les monotrèmes sont les seuls mammifères à être dotés du sens de l'électrolocalisation : ils peuvent en partie localiser leurs proies en détectant le champ électrique produit par leurs contractions musculaires. L'électrolocalisation de l'ornithorynque est la plus sensible de celles de tous les monotrèmes[23].

Les électrorécepteurs sont situés dans la partie caudale de la peau du bec tandis que les mécanorécepteurs (qui détectent le toucher) sont répartis uniformément dans tout le bec. Ces récepteurs vont transmettre leurs informations à une partie du cortex cérébral située dans la partie somesthésique. Quelques cellules reçoivent leurs informations des deux types de récepteurs, suggérant une association étroite entre eux. Ces deux types de récepteurs dominent la carte somatotopique du cerveau de l'ornithorynque, un peu comme la main domine la carte de l'homonculus de Penfield chez l'homme[24],[25].

On pense que l'ornithorynque peut déterminer la direction de la source électrique en comparant l'intensité du signal selon l'orientation de son bec. Ceci expliquerait les mouvements caractéristiques de va-et-vient de la tête pendant qu'il chasse. Les cellules communes pour les deux types de récepteur suggèrent un mécanisme de détermination de distance de la proie par comparaison du temps d'arrivée des deux types de signaux[23].

Distribution et habitat

Ornithorynque nageant dans la rivière Broken (Victoria).

L'ornithorynque est un animal semi-aquatique, vivant dans les petits cours d'eau sur un territoire s'étendant des régions froides des hautes terres de Tasmanie et des Alpes australiennes jusqu'aux forêts pluviales tropicales du Queensland côtier dans le bas de la péninsule du Cap York. À l'intérieur du pays, sa distribution n'est pas bien connue : il s'est éteint en Australie du sud (à l'exception d'une population introduite sur l'île Kangourou) ainsi que dans la plus grande partie du Bassin Murray-Darling, probablement à cause d'une dégradation de la qualité de l'eau provoquée par le défrichement et l'irrigation intensifs. Sa distribution est aléatoire le long des divers fleuves côtiers : il semble absent de certains cours d'eau relativement salubres alors qu'il se maintient dans d'autres passablement dégradés (le bas Maribyrnong par exemple).

En captivité, l'ornithorynque peut vivre jusqu'à vingt-et-un ans[26] et dans la nature, son espérance de vie est comprise entre 10 et 15 ans[27]. Le taux de mortalité naturelle est faible[6]. Ses prédateurs naturels sont les serpents, les rats d'eau, les goannas et les rapaces. Il se peut que les ornithorynques soient rares dans le nord de l'Australie à cause des crocodiles[28]. L'introduction des renards comme prédateurs des lapins semble être intervenue sur la baisse de la population sur le continent australien[29]. C'est un animal essentiellement nocturne mais que l'on peut voir quelquefois en activité dans la journée surtout lorsque le ciel est couvert[30],[31]. Il vit sur les berges des cours d'eau et les zones ripariennes où il peut trouver à la fois sa nourriture dans et au bord de l'eau et son habitat en creusant des terriers pour se reposer et se reproduire[31]. Un mâle peut ainsi posséder jusqu'à 7 kilomètres (4,4 miles) de berges qu'il partage avec 3 à 4 femelles[32].

L'ornithorynque est un excellent nageur et il passe beaucoup de temps dans l'eau à la recherche de nourriture. C'est le seul mammifère à se déplacer dans l'eau en utilisant uniquement ses pattes antérieures dans un mouvement alterné pour avancer ; bien que les pattes postérieures soient également palmées, il ne les utilise pas pour avancer mais uniquement en les plaçant le long du corps pour se diriger comme il le fait aussi avec sa queue[33]. Bien qu'il passe des heures entières à fourrager dans une eau à moins de 5 °C, c'est un animal homéotherme qui maintient la température de son corps à 31 °C.[6]. En plongée son cœur ralentit pour économiser sa consommation d'oxygène. Il plonge environ pendant 30 secondes et ne peut pas dépasser 40 secondes sous l'eau lorsqu'il recherche de la nourriture mais il pourrait y rester jusqu'à 11 minutes (3 minutes en moyenne) au repos[34]. Il a besoin de 10 à 20 secondes de récupération en surface avant de replonger mais il n'y a pas de relation entre le temps de plongée et le temps de récupération[35],[36].

Nourriture

L'ornithorynque est un animal carnivore qui a besoin de consommer tous les jours l'équivalent en nourriture de 20 % de son poids, ce qui lui demande de passer en moyenne 12 heures par jour dans l'eau pour cette activité[35]. Il se nourrit de vers, de larves d'insectes, de crevettes d'eau douce et d'écrevisses qu'il déniche dans le lit des rivières en fourrageant avec son bec ou en les attrapant en nageant. Il les stocke dans ses bajoues et les mange ensuite sur le rivage.

Reproduction

Quand le premier ornithorynque fut découvert, on ne savait pas que les femelles pondaient. On put le suspecter assez rapidement, mais le fait ne fut confirmé qu'en 1884 quand W. H. Caldwell fut envoyé en Australie pour cela et qu'après d'intensives recherches menées par 150 Aborigènes, il put découvrir quelques œufs[6],[37].

L'ornithorynque atteint sa maturité sexuelle vers l'âge de 2 ans et n'a qu'une saison des amours par an avec un accouplement entre juin et octobre avec quelques variations dans les dates suivant les régions[28]. L'accouplement a lieu dans l'eau. Les observations sur une longue période, le marquage et la recapture, les premières études génétiques montrent la possibilité d'existences de populations sédentaires et de populations transhumantes, ce qui permettrait une polygamie des individus[38]. Les femelles deviennent matures leur deuxième année et la période de fécondité dure plus de 9 ans[38].

En dehors de la période des amours, l'ornithorynque vit dans un simple terrier creusé dans la berge d'un cours d'eau et dont l'entrée est située à environ 30 centimètres au-dessus de la surface de l'eau. Après l'accouplement la femelle construit un terrier situé plus au-dessus de la surface de l'eau, beaucoup plus profond – pouvant atteindre 20 mètres de long – et entrecoupé de bouchons de terre par intervalles (qui servent probablement de sécurité contre une montée des eaux, contre la venue de prédateurs tout en régulant la température et l'humidité du nid[39]). Le mâle ne participe pas à la couvaison, ni à l'élevage des petits et reste dans son ancien terrier. La femelle adoucit le sol de sa galerie avec des feuilles mortes et remplit le nid situé au bout du tunnel de feuilles, de tiges et de branches qu'elle transporte à l'aide de sa queue enroulée[3].

La femelle ornithorynque a deux ovaires mais seul le gauche est fonctionnel[30]. Elle pond de 1 à 3 œufs (mais le plus souvent 2) à la coquille cuirassée comme les œufs de reptiles mesurant 11 millimètres de diamètre et légèrement plus sphériques que les œufs d'oiseaux[40]. Les œufs se développent dans l'utérus pendant 28 jours (à la différence des oiseaux où ils ne restent qu'un jour) et sont incubés ensuite pendant 10 jours par la mère qui se roule en boule autour d'eux (contre une vingtaine de jours chez les oiseaux)[30].
Traditionnellement, on divise la période d'incubation en 3 périodes :

  • Pendant la 1re, l'embryon n'a pas d'organe fonctionnel et il se nourrit du vitellus[41];
  • pendant la 2e, il développe ses doigts ;
  • et durant la 3e se forme le diamant qui permettra au jeune de casser sa coquille pour en sortir[42].

À la naissance, les jeunes sont très vulnérables, aveugles et dépourvus de poils. Dès la sortie de l'œuf, les petits s'accrochent à la mère et elle les protège en s'enroulant autour d'eux. Comme pour les autres mammifères, la femelle allaite ses petits. Elle n'a pas de mamelons apparents, mais émet son lait à travers de petites ouvertures dans la peau (les pores). Ce lait s'amasse en gouttelettes accrochées aux poils de la mère que les petits ornithorynques lèchent quand leur mère est étendue sur le dos. Les jeunes vont ainsi passer 3 à 4 mois avec elle. Pendant toute la période d'incubation et les premières semaines d'allaitement, la femelle ne quitte son nid que pendant de courtes périodes pour aller se nourrir. En sortant de sa tanière, elle forme sur le trajet du tunnel plusieurs bouchons de terre qui ont certainement pour rôle de protéger les petits des prédateurs. Lorsqu'elle revient, elle doit les défaire et ce faisant, elle sèche sa fourrure, ce qui permet de maintenir le nid au sec[43]. Au bout de 5 semaines, la femelle passe de plus en plus de temps hors du nid et, vers 4 mois, les jeunes vont sortir du nid pour la première fois[28].

Place de l'ornithorynque chez les mammifères

Ornithorynque dans un livre pour enfants publié en Allemagne au début du XIXe siècle.
Ornithorynque vu par Georges Cuvier in Le règne animal 1836.

On connait encore très mal les monotrèmes et surtout les ornithorynques, ainsi certaines légendes qui s'étaient formées au début de sa découverte sont toujours répandues dans le public, par exemple la notion d'animal primitif proche des reptiles[44]. En fait, les monotrèmes sont les descendants d'une branche de mammifères qui s'est détachée très vite des autres mammifères, les thériens ; cette autre branche se serait divisée par la suite pour donner les marsupiaux et les placentaires[45],[44]. Ceci est contraire à la théorie de William King Gregory qui en 1947 avait fait d'abord diverger les marsupiaux des autres placentaires avant de faire diverger les monotrèmes des autres marsupiaux, ce qui a été infirmé par les recherches postérieures à la date précitée[44],[46].

Une équipe internationale a déchiffré son génome et a publié son analyse dans la revue Nature du jeudi 8 mai 2008[47]. Le travail de cette équipe confirme que les caractéristiques de reptile, d'oiseau et de mammifère de cet animal se retrouvent au niveau de son génome. L'ornithorynque a conservé l'état ancestral de certains caractères, qui a été également conservé chez les reptiles et/ou les oiseaux (le clivage méroblastique du zygote par exemple), alors que ces caractères ont évolué (ils sont donc dans un état dérivé) chez les autres Mammifères. Dans l'exemple précédent du clivage du zygote, le clivage holoblastique est donc apparu après la divergence Protothériens/Euthériens. L'ornithorynque a également développé des états dérivés de caractères spécifiques à ce taxon, comme l'électrolocalisation. Au cours de leur analyse, les chercheurs ont comparé ce génome avec ceux de l'homme, du chien, de la souris, de l'opossum et de la poule : l'ornithorynque partage 82 % de leurs gènes, ont-ils décelé. Il compte environ 18 500 gènes, soit environ les 2/3 de celui de l'homme[48].

Les plus vieux fossiles connus de l'actuel ornithorynque datent d'environ 100 000 ans, c'est-à-dire de l'ère quaternaire. Les monotrèmes disparus, comme le Teinolophos et le Steropodon, étaient relativement proches des actuels ornithorynques[46]. Le Steropodon fossilisé découvert à Lightning Ridge en Nouvelle-Galles du Sud daterait de l'époque des dinosaures, il y a 110 Ma, ce qui en ferait le plus vieux mammifère trouvé en Australie. On a retrouvé de lui une mandibule avec 3 molaires alors que les actuels ornithorynques adultes sont édentés. On pensait que cette disposition tribosphénique des molaires datait de l'origine des monotrèmes, ce qui aurait conforté la théorie de Gregory en les rapprochant des reptiles, mais les recherches ultérieures ont montré que cette évolution s'était faite de façon séparée[17]. Monotrematum sudamericanum, un autre fossile parent de l'ornithorynque, a été découvert en 1991 en Patagonie, en Argentine, montrant que les monotrèmes existaient déjà à l'époque du supercontinent du Gondwana qui a éclaté voilà environ 167 Ma pour donner l'Antarctique, l'Australie et l'Amérique du Sud[17],[49].

En raison de leur divergence précoce avec les thériens et du petit nombre d'espèces de monotrèmes, ces animaux sont souvent des sujets d'étude pour comprendre l'évolution des espèces animales. En 2004, des chercheurs de l'université nationale australienne ont fait une découverte originale : Le sexe des thériens est déterminé par une paire de chromosomes ; la femelle possède deux chromosomes X, et le mâle un X et un Y. Chez les oiseaux, le mécanisme est similaire, mais le mâle est ZZ et la femelle WZ. Grâce à des marqueurs fluorescents, ils ont mis en évidence que l'ornithorynque dispose de cinq paires de chromosomes sexuels. La femelle est caractérisée par une séquence XXXXXXXXXX tandis que le mâle dispose d'une séquence XYXYXYXYXY. De plus, les chromosomes du début de la chaine ont des gènes communs avec les mammifères, tandis que ceux de la fin partagent des gènes avec les oiseaux[50],[51]. Cependant, il manque sur les chromosomes Y le gène SRY qui, chez les autres mammifères, est un gène fondamental de la détermination du sexe de l'animal. Ceci fait qu'on ne connait pas encore comment se fait la différenciation sexuelle chez cet animal[52].

Protection

Bien qu'il ait disparu d'Australie-Méridionale, l'actuel domaine de répartition de l'ornithorynque est globalement sensiblement comparable à celui qu'il occupait avant l'arrivée des Européens. En détail, il y a cependant quelques changements locaux et surtout une fragmentation de son habitat due aux modifications apportées par l'homme dans le milieu naturel où il évolue. On ne connait pas par contre avec beaucoup de précision le nombre d'individus vivants actuellement, ni l'évolution de la population au cours du temps et si l'on pense que cette population a diminué en nombre, on estime que c'est un animal encore assez abondant à l'heure actuelle[31]. L'espèce a été chassée à grande échelle pour sa fourrure jusqu'au début du XXe siècle et a été protégée en 1905 dans toute l'Australie[43]. Il y a eu ensuite la menace de disparition par la pêche au filet dans les cours d'eau jusque dans les années 1950. Il ne semble pas que l'ornithorynque soit en danger de disparition immédiate grâce aux mesures de protection qui ont été prises mais on ne connait pas les conséquences à long terme de la fragmentation de son habitat, de la création de barrages, de l'irrigation, de la pollution, du piégeage[53]... L'IUCN classe l'ornithorynque dans sa liste des espèces menacées comme « peu concerné »[53].

Un ornithorynque au zoo de Melbourne.

Les principaux prédateurs de l'ornithorynque sont les dingos, les goannas, les serpents, les rakalis et les rapaces parmi la faune indigène. Les populations aborigènes les chassaient quelquefois pour leur nourriture mais leur viande n'est pas très appréciée. Avec l'arrivée des Européens qui les ont chassés pour leur fourrure sont apparus de nouveaux prédateurs comme le chien, le renard et le chat.

Il faut y ajouter la mortalité liée à la circulation automobile, à la pêche illégale au filet et aux déchets laissés dans la nature : ornithorynques noyés étouffés dans des sacs en plastique ou étranglés par des fils des filets de pêche...

Les ornithorynques sont généralement peu sensibles à la maladie dans la nature en dehors de pneumonies liées à l'entrée accidentelle d'eau dans leurs poumons ; cependant est apparu un grave problème en Tasmanie avec l'apparition d'une maladie causée par un champignon, Mucor amphibiorum. La maladie (appelée Mucormycose) touche seulement les ornithorynques tasmaniens et n'a jamais été observée sur le continent. Les ornithorynques atteints par la maladie développent des lésions cutanées et des ulcères sur différentes parties du corps, de la queue et des membres. L'animal peut en mourir en raison des infections secondaires que la maladie favorise ainsi que par l'impossibilité pour l'animal de maintenir sa température corporelle et ses capacités à rechercher sa nourriture. Des études sont en cours pour déterminer les conséquences de la maladie sur la population d'ornithorynques de Tasmanie, sur son mode de transmission et sur l'étendue de l'atteinte[54]. Jusqu'à récemment, le renard roux (Vulpes vulpes) ne se trouvait que sur le continent australien et avait épargné la Tasmanie mais des observations de plus en plus fréquentes montrent qu'on peut le trouver dans certaines régions du pays[55]. Ce prédateur très efficace et sachant bien s'adapter aux différents milieux est considéré comme le pire nuisible de toute l'Australie et la plus grave menace pour la population animale autochtone. Son installation en Tasmanie serait un désastre en particulier pour l'ornithorynque qui trouve en Tasmanie son meilleur habitat et son plus grand nombre d'individus. La disparition du renard et du champignon sont deux défis importants à relever par ce pays pour la protection de ces animaux emblématiques.

La plupart des humains ont fait la connaissance de l'ornithorynque en 1939 lorsque le magazine National Geographic publia un article sur ce monotrème et sur les efforts faits pour son étude et son élevage en captivité. C'est une tâche difficile et qui a connu peu de succès depuis cette époque. Un des lieux d'étude les plus connus est la réserve d'Healesville au Victoria. Le principal responsable de ce centre fut David Fleay qui réussit à créer un milieu artificiel d'élevage dans une grande citerne où il entretint un courant d'eau et qui put obtenir ses premiers petits nés en captivité en 1943. En 1972, il trouva un jeune ornithorynque mort vieux d'une cinquantaine de jours et apparemment né en captivité dans le parc d'attraction David Fleay à Burleigh Heads sur la Gold Coast au Queensland.[56]. De nouveaux jeunes sont nés à Healesville en 1998 et en 2000 toujours en milieu artificiel. Le zoo de Taronga à Sydney a eu une paire de petits en 2003 et un petit en 2006[57].

Références culturelles

20 centimes (cents) australiens.

De façon humoristique, on dit quelquefois (comme au début du film Dogma par exemple) que l'ornithorynque est une preuve de l'humour de Dieu. Son apparence originale a été utilisée dans de nombreuses circonstances, surtout dans son pays d'origine, l'Australie. Il figure d'ailleurs sur la pièce de 20 cents australiens.

L'ornithorynque dans la littérature
  • L'une des œuvres de l'écrivain italien Umberto Eco s'intitule Kant et l'ornithorynque, publié en version originale italienne (Kant e l'ornitorinco) en 1997 puis en français en 1999[58]. Ce n'est en aucun cas un ouvrage sur l'ornithorynque mais l'auteur s'en sert pour sa réflexion.
  • En 2008, Thomas Cathcart a publié un ouvrage de vulgarisation de la philosophie, intitulé : Platon et son ornithorynque entrent dans un bar... La philosophie expliquée par les blagues (sans blague ?)[60].
Autres utilisations culturelles de l'ornithorynque
  • « Petit ornithorynque » fait partie du vocabulaire du capitaine Haddock.
  • « Expo Oz », l'ornithorynque, était la mascotte de l'Expo '88 qui s'est tenue à Brisbane en 1988[61].
  • « Hexley » l'ornithorynque est la mascotte du système d'exploitation gratuit Darwin, le BSD utilisé par les Mac OS X des ordinateurs Apple[63].
  • « Penny l'ornithorynque » est une série d'aventures contée sur Radio Fajet dans l'émission Naturellement.

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) David Fleay, We breed the platypus, Robertson & Mullens, Melbourne, 1944. Nouvelle publication, We breed the platypus – 50th Anniversary Edition, Boolarong Publications, Brisbane, 1994. (ISBN 0-86439-171-4)
  • (en) Harry Burrel, The Platypus, Rigby, 1927. Nouvelle publication 1974. (ISBN 0-85179-521-8)
  • (en) Tom Grant, The Platypus: A Unique Mammal (l'Ornithorynque – un mammifère unique), New South Wales Univ Pr Ltd, 1980. (ISBN 0-86840-143-9)
  • (en) Ann Moyal, Platypus: The Extraordinary Story of How a Curious Creature Baffled the World, Allen & Unwin, Crows Nest, 2001. (ISBN 0-80188-052-1)
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