- Opération Fall Blau
-
L'opération Fall Blau (« cas bleu ») désigne l'offensive de la Wehrmacht sur le front de l'Est au cours de l'été 1942[2], lancée le 28 juin 1942 elle sera renommée opération Braunschweig (en français : opération Brunswick) le 30 juin 1942[3].
L'offensive est nommée ainsi car les plans de guerre allemands étaient des « cas ». Cette opération est la continuation de l'opération Barbarossa qui n'avait pas rempli tous ses objectifs l'année précédente. Le Groupe d'armées Sud (Heeresgruppe Süd) de la Wehrmacht fut divisé en deux groupes d'armées : Le A et le B (Heeresgruppe A et B). L'offensive allemande devait résoudre deux problèmes : La résistance acharnée de l'Armée rouge qui occupait une position défensive à l'ouest de la Volga (une importante voie de ravitaillement fluviale) et le manque d'essence en sécurisant les champs de pétrole du Caucase.
L'opération était risquée car les groupes d'armées allemands devaient accomplir deux objectifs, dans une zone peu développée à des milliers de kilomètres de l'Allemagne et en affrontant cinq fronts soviétiques (similaires aux groupes d'armées allemands). Ceux-ci étaient du nord au sud : Le Front de Voronej, le Front sud-ouest, le Front du Don, le Front de Stalingrad et le Front Transcausien. De plus pour atteindre les champs pétrolifères de Bakou, l'armée allemande devait franchir les monts du Caucase.
Initialement l'offensive allemande connut des succès considérables. Cependant, la victoire soviétique lors de la bataille de Stalingrad força le repli les troupes de l'Axe qui passèrent près de la destruction totale lors de l'opération Saturne.
Sommaire
Contexte stratégique
En mai 1942, l'opération Barbarossa, l'invasion de l'Union Soviétique par les forces de l'Axe, lancée le 22 juin 1941 a en partie échoué. Si l'offensive a connu des débuts heureux pour l'Allemagne nazie avec de multiples victoires et des gains territoriaux immenses (États baltes, Biélorussie, Ukraine et une partie de la Russie européenne), elle s'est progressivement ralentie puis arrêtée aux portes de Moscou. Puis une violente contre-offensive a manqué de balayer le nord du dispositif allemand. Un front de plusieurs milliers de kilomètres s'est alors stabilisé de Leningrad au nord à Rostov-sur-le-Don au sud, au bord de la mer Noire. Adolf Hitler rêvait d'une victoire rapide sur le front de l'Est, mais le froid, la boue, les lignes de ravitaillement étirées, l'épuisement, l'immensité du territoire et surtout l'étonnante capacité de régénération de l'Armée rouge ont eu raison de ses desseins. Moscou est sauvée, l'Armée rouge s'est ressaisie et d'innombrables usines ont pu être transférées à temps vers l'est du pays, permettant à l'URSS de sauvegarder son potentiel industriel pour poursuivre la guerre. L'Allemagne, qui combat sur un large front, ne peut se payer le luxe du temps dans un affrontement long, elle doit donc reprendre l'initiative et frapper un grand coup. La question est de savoir où frapper :
- Sur le front Nord, l'Armée rouge a pu stopper l'avancée allemande en deux points vitaux : Léningrad et Moscou, mais Léningrad subit un siège et le front n'est qu'à 100 km de Moscou. Cependant,la Wehrmacht n'a plus les moyens de lancer une offensive sur toute la longueur du front. Moscou et Léningrad sont des proies tentantes mais symboliques pour Hitler d'autant plus que les Soviétiques ont massé leurs meilleures unités sur ce secteur..
- Sur le front Sud, l'avancée allemande a été plus brutale puisque toute l'Ukraine — hormis une partie de la Crimée — et certaines villes russes (Koursk, Orel, Belgorod, etc.) sont tombées en seulement six mois. Les Allemands parviennent à conserver ici une supériorité matérielle sur les Soviétiques, et ont toujours l'avantage de l'initiative. C'est donc sur ce front que se déroulera l'offensive d'été.
L'opération devait initialement s'appeler Siegfried d'après le héros germanique. Cependant, Hitler se rappelant du nom grandiloquent de la précédente opération en Russie, Barbarossa et de ses résultats décevants par rapport aux attentes, se rabattit sur le nom plus modeste de « Plan Bleu ».
Les facteurs qui menèrent à la création de Fall Blau furent :
- Le terrain favorable aux unités blindées et motorisées dans la steppe du Kouban au sud-ouest de la Volga.
- La nécessité de capturer les champs de pétrole du Caucase et en particulier ceux de Bakou.
- La capture de la ville industrielle de Stalingrad et de l'importante voie de ravitaillement qu'est la Volga.
Cependant, depuis le 30 novembre 1941, les Allemands butent sur Sébastopol. La prise de ce port-forteresse en Crimée est un préliminaire du plan Bleu.
Le plan
L'offensive doit être menée dans le sud de la Russie dans la région du Kouban. Les groupes d'armées participant à cette offensive sont :
- Groupe d'armées A, sous le commandement de Wilhelm List (Campagne du Caucase)
- La 4e Armée Roumaine
- La 1e Armée de Panzer
- La 17e Armée
- La 11e Armée
- Groupe d'armées B, sous le commandement de Maximilian von Weichs (Campagne de la Volga)
- La 2de Armée Hongroise
- La 8e Armée Italienne
- La 3e Armée Roumaine
- La 4e Armée de Panzer
- La 2de Armée
- La 6e Armée
Soit un total de 88 divisions. Sur ces 88 divisions, 28 sont étrangères et sont loin d'égaler les troupes allemandes en termes d'équipement, de commandement ou de moral. De plus sur les 60 divisions allemandes, seules 9 sont blindées. La disproportion des moyens et des objectifs est clairement visible car il y a 600 km entre Kharkov et Stalingrad et 1 000 km entre le Don et Bakou. Il aurait fallu des forces plus importantes, mais Hitler a déjà du réduire à 85 divisions les troupes qui tiennent les 2 000 km de front depuis la Carélie jusqu'à Voronej.
L'offensive allemande se compose de trois attaques dans le sud de la Russie:
- La 4e Armée de Panzer, commandée par Hermann Hoth (transféré du Groupe d'armées Nord), et la seconde Armée soutenues par la seconde Armée Hongroise attaqueraient depuis Koursk vers Voronej pour sécuriser le flanc nord de l'offensive sur le fleuve Don.
- La 6e Armée, commandée par Friedrich Paulus avancerait en direction de Stalingrad depuis Kharkov
- La Première Armée de Panzer soutenues par la 17e Armée et la 4e Armée Roumaine progresseraient en direction de l'embouchure du Don
Ces offensives devaient déboucher sur des encerclements massifs des troupes soviétiques.
Les opérations
L'offensive allemande commença le 28 juin 1942 et partout les forces soviétiques durent reculer. Le 5 juillet, les unités avancées de la 4e Armée de Panzer atteignirent le Don près de Voronej et furent mêlées à la bataille pour prendre la ville. L'Armée Rouge en coinçant la 4e Armée de Panzer a pu gagner du temps pour se repositionner. Ainsi, lorsque les pinces de l'offensive se refermèrent, elles ne trouvèrent que des trainards et des unités d'arrière garde, qui convainquirent Hitler que l'Armée Rouge était au bout du rouleau. Cependant celle-ci avait appris de ses erreurs de l'année précédente et se repliait au lieu d'essayer de conserver des positions intenables. On a longtemps cru que ce repli s'était effectué en bon ordre mais les archives russes indiquent que la situation était plus chaotique. Dans certains cas, elle était entièrement hors de contrôle[4]. L'ordre fut restauré au fur et à mesure que l'Armée Rouge approchait de la Volga.
Division du Groupe d'armées Sud
Croyant que la menace russe avait été éliminée, le besoin impérieux d'essence et l'envie de réaliser tous les objectifs ambitieux du Cas Bleu poussèrent Hitler à effectuer une série de changements :
- Réorganiser le Groupe d'armées Sud en deux groupes plus petits : le A et le B
- Ordonner au Groupe d'armées A d'avancer vers le Caucase et de capturer les champs de pétrole (Operation Edelweiss)
- Ordonner au Groupe d'armées B d'avancer vers la Volga et vers Stalingrad (Operation Fischreiher)
Les succès initiaux de la 6e Armée furent tels qu'Hitler ordonna à la 4e Armée de Panzer de soutenir la 1re Armée de Panzer pour traverser le Don inférieur. Ce soudain redéploiement d'une armée entière causa d'énormes problèmes logistiques dans cette zone peu développée. Les encombrements résultants ralentirent l'avancée des Groupes A et B et permirent à l'Armée Rouge de consolider ses défenses. De plus devant la tournure favorable de l'offensive, Hitler décide de ranimer le combat au nord et envoie l'un de ses meilleurs officiers, Erich von Manstein qui vient de recevoir son bâton de maréchal pour la prise de Sébastopol, pour terminer le siège de Leningrad.
La campagne du Caucase - Groupe d'armées A
Le Groupe d'armées A reprit la ville de Rostov le 23 juillet après de violents combats urbains mais sans encercler l'Armée Rouge. Une fois le Don franchi, l'avance faiblit du fait des ordres d'Hitler de séparer la 4e Armée de Panzer. Les combats se déroulèrent sur un large front. La 17e Armée (avec des éléments de la 11e Armée) avançait vers la mer Noire tandis que la 1re Armée de Panzer traversait un Kouban largement abandonné par l'Armée Rouge. Le 9 aout, elle atteint les contreforts du Caucase et la ville pétrolière de Maïkop avançant de 500 km en moins de deux semaines. Néanmoins les Soviétiques avaient eu le temps de saboter les puits de pétrole et le rendement de ceux-ci restèrent faibles durant l'occupation allemande.
Le 20 aout, le Groupe d'armées reçut l'ordre d'avancer vers l'ouest pour capturer Krasnodar, la capitale du Kouban. Pendant ce temps la Wehrmacht continue son avancée vers Grozny et Bakou. Dans le même mois, les forces allemandes capturent la péninsule de Taman et la base navale de Novorossiisk et continuent leur avance vers Touapsé, la clé de la domination de la côte est de la mer Noire.
Durant l'été 1942, Hitler se réjouit de la possibilité d'envahir le Kazakhstan. Cette prise permettrait d'offrir un excellent front pour flanquer les positions britanniques au Moyen-Orient, menacer l'Inde britannique et peut-être établir un contact avec le Japon.
Mais Hitler ne se rend plus vraiment compte de la réalité du terrain. Il a d'ailleurs renvoyé tous les généraux du Groupe d'armées Sud et dirige maintenant toutes les opérations. Le ravitaillement n'arrive plus à suivre à travers la steppe et les montagnes. Le front atteint plus de 3 000 km.
Le 2 novembre, la Wehrmacht capture Naltchik et pousse vers Vladikavkaz qui ouvrirait la route de Grozny. Plus tard, les Allemands décidèrent de se retrancher à Naltchik et à Mozdok pour reprendre l'offensive au printemps suivant. Les troupes de montagne se payent même la gloriole d'escalader l'Elbrouz.
La campagne de Stalingrad - Groupe d'armées B
À la fin juillet, la 6e Armée reprit son offensive et vers le 10 aout, elle avait nettoyé la rive occidentale du Don. Cependant, la résistance soviétique continuait et retardait l'avancée du Groupe d'armées B.
La 6e Armée franchit finalement le Don le 21 aout permettant au Groupe d'armées B d'établir une ligne défensive dans la boucle du Don avec les armées hongroise, italienne et roumaine. La ville de Stalingrad n'étant plus qu'à 60 km, la Luftwaffe lança une série de bombardements aériens qui tuèrent 40 000 personnes et transformèrent la ville en un tas de ruines. La prise de la ville devait se faire après un encerclement. La 6e Armée avançait vers le nord (Frolovo) tandis que la 4e Armée de Panzer avancerait par le sud (Kotel'nikovo). Cette manœuvre créa un saillant dans la zone comprise entre le Don et la Volga. Deux armées soviétiques (62e et 64e, chacune égales à un Corps d'armée allemand) entrèrent dans le saillant et le 29 aout, la 4e Armée de Panzer lança une grande offensive à la base du saillant vers Stalingrad. La 6e Armée fit de même mais une forte contre-attaque soviétique permit à la majeure partie des forces soviétiques de se replier vers Stalingrad.
Jusqu'à présent, Gueorgui Joukov avait assumé le commandement de la défense de Stalingrad comme envoyé de la STAVKA et en septembre, il monta une série d'offensives destinées à retarder les tentatives de la 6e Armée pour prendre Stalingrad.
Pendant ce temps, des forces soviétiques continuaient d'être envoyées au sud pour renforcer les défenses de la ville et à l'est de la Volga pour préparer une contre-offensive. À la mi-septembre, la 6e Armée atteignit les faubourgs sud de la ville. C'est le début de la bataille de Stalingrad.
La bataille de Stalingrad et ses conséquences
La bataille de Stalingrad commença par des succès allemands. Après de rudes combats de rue, la Wehrmacht avait pris le contrôle de 90% de la ville à l'ouest de la Volga tandis que la Luftwaffe entravait les efforts soviétiques pour soutenir les défenseurs. Néanmoins, la Wehrmacht fut incapable de réduire les dernières poches de résistance, ce qui força la 6e Armée à dégarnir ses flancs pour continuer le combat. Le 19 novembre, l'opération Uranus balaya les armées hongroises, italiennes et roumaines retranchées autour de la ville et encercla la 6e Armée dans Stalingrad. Ce fut le début d'un long siège dans lequel les efforts allemands pour lever le siège échouèrent et menèrent à la destruction de la 6e Armée.
Poursuivant le succès d'Uranus, l'Armée Rouge déclencha l'opération Saturne, une version réduite d'un plan plus vaste visant à couper le Groupe d'armées A toujours présent dans le Caucase du reste de la Wehrmacht. Cette opération menaça quand même le Groupe d'armées A qui dut lentement se replier à travers le Kouban. Les restes du Groupe d'armées B formèrent le Groupe d'armées Don sous le commandement d'Erich von Manstein. La Troisième bataille de Kharkov peut être considérée comme le dernier épisode de Fall Blau.
Conclusion
L'offensive voulue par Hitler avait des objectifs bien trop ambitieux et fut perturbée tant par ses propres décisions que par sa sous estimation de l'Armée Rouge et de ses commandants. L'opération montre des parallèles avec l'opération Barbarossa, un début foudroyant permettant la capture vastes territoires mais finalement incapable de réaliser ses objectifs : la conquête de Stalingrad et de Bakou.
Fall Blau a donc échouée car tous les gains obtenus furent perdus lors de l'hiver 1942-1943. Seule la péninsule de Taman resta occupée avant d'être évacuée le 9 octobre 1943.
L'été de l'année suivante (1943), Hitler et ses généraux allaient planifier l'opération Citadelle pour exploiter un saillant laissé par l'ennemi : aucun effet de surprise dans ce plan.
Voir aussi
Bibliographie
- Jean Lopez, Stalingrad : la bataille au bord du gouffre, éditions Economica, coll. « Campagnes & stratégies », 1er octobre 2008, 1re éd., broché, 460 p. (ISBN 978-2717856385)
- Raymond Cartier, La seconde Guerre Mondiale tome 2 1942-1945,éd. Larousse - Paris Match, 1966
- Philippe Richardot, Le Reich part à l'assaut du Caucase, magazine 2GM no 10, 2006
Filmographie
- Le film de 1975 Ils ont combattu pour la patrie dirigé par Sergei Bondarchuk montre le repli des forces soviétiques vers le Don et les actions d'une petite unité d'arrière-garde pour ralentir l'avancée allemande à travers la steppe.
- Croix de fer est un film de 1977 film tourné par Sam Peckinpah racontant l'histoire de soldats allemands harcelés après la chute de Stalingrad en 1943.
- Le documentaire de 1990 Mein Krieg ("Ma guerre")[1] fut créé à partir de pellicules 8 mm prises par l'infanterie allemande sur le front russe.
- Le film de 1993 Stalingrad dépeint la bataille à travers les yeux de l'officier allemand Hans von Witzland et de son bataillon.
- Le film Stalingrad sorti en 2001 montre la bataille à travers les yeux du sniper russe Vasily Zaytsev.
Notes et références
- OKH from 10 September 1942 until 22 November 1942 when von Kleist took over the command Army Group A was under direct command by the
- pp.58-59. Woods, Wiest, Barbier
- Kriegstagebuch des Oberkommandos der Wehrmacht (journal de marche de la Wehrmacht)
- Jones, Michael Stalingrad: How the Red Army survived the German onslaught. Casemate 2007
Liens internes
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Case Blue » (voir la liste des auteurs)
Catégories :- Front de l'Est
- 1942
- 1943
- Bataille ou opération de la Seconde Guerre mondiale
- Bataille de l'URSS
- Bataille d'Allemagne
- Opération Fall Blau
Wikimedia Foundation. 2010.