John Vorster

John Vorster

Balthazar Johannes (John) Vorster (13 décembre 1915 - 10 septembre 1983) était un homme politique d'Afrique du Sud, membre du Parti national, ministre de la justice de 1961 à 1966, Président du Parti National et premier ministre de 1966 à 1978, et président de la République d'Afrique du Sud de 1978 à 1979.

À l'apogée de sa vie politique, John Vorster fut l'homme politique le plus puissant que l'Afrique du Sud ait jamais connu de toute son histoire et le plus populaire des Afrikaners au sein de la communauté blanche. Malgré ses réformes intérieures concernant l'Apartheid et la politique de détente qu'il mène auprès de plusieurs chefs d'État africains, il laisse un pays singulièrement isolé sur la scène internationale et les Afrikaners en proie à une plus grande inquiétude existentielle[1].

Sommaire

Origines, études et militantisme

Treizième des quinze enfants de Willem Carel Vorster (1869-1935) et de son épouse Elizabeth Wagenaar (1875-1950), John Vorster est né le 13 décembre 1915 à Jamestown dans la province du Cap en Afrique du Sud. Très dévots, ses parents sont aussi des nationalistes afrikaners. Enfant, ses lectures favorites sont centrées sur la guerre des Boers et sur les injustices que ressentent alors les Afrikaners. L'un de ses livres favoris traite notamment des Boers exécutés par les Anglais[2].

Il effectue des études de droit à l'université de Stellenbosch, un bastion du nationalisme afrikaner, où il suit notamment les cours de sociologie d'Hendrik Verwoerd. Il est également membre de la section des jeunes du Parti national à Stellenbosch. Il devient ensuite avocat auprès de la cour suprême du Cap et conseiller juridique d'un cabinet de Port Elizabeth où il préside une section locale du parti national. Il est alors engagé dans de multiples activités culturelles et sportives pro-Afrikaners comme la société de culture afrikaans qu'il préside localement.

En 1938, il démissionne du parti national et renonce à se présenter aux élections générales dans la circonscription de King William's Town pour se consacrer à ses activités militantes au sein de l'Ossewa Brandwag (la sentinelle des chars à bœufs), une organisation afrikaner pro-nazie. Chef local de l'OB dans la région du Cap-Oriental, il est mis en détention par le gouvernement en avril 1942 et interné pendant plus de 14 mois en raison de ses activités politiques contre l'effort de guerre, une fois relâché, il est mis aux arrêts à domicile pendant 3 mois.

Son accession vers le pouvoir

Une fois la guerre terminée, vivant dorénavant avec son épouse, Martini Vorster à Brakpan dans le Transvaal, John Vorster rejoint le Parti afrikaner et se présente en tant que candidat indépendant aux élections générales de 1948, mais il est battu de 2 voix par le candidat du parti uni, Alfred Trollip. Cinq ans plus tard, en 1953, il est néanmoins élu dans la circonscription voisine de Nigel. Il est parallèlement admis au barreau de Johannesburg.

En 1958, John Vorster entre dans le gouvernement d'Hendrik Verwoerd, en tant que vice-ministre de l'éducation, des arts et des sciences (1958-1961) et vice-ministre des pensions et de la sécurité sociale (1958-1961).

Chef de file de l'aile droite du parti national. Il devient une figure importante de la politique sud-africaine quand il est nommé ministre de l'éducation, des arts et des sciences (1961) et surtout ministre de la justice (1961-1966). A ce poste, il sera un strict exécutant de la politique d'apartheid, gagnant le surnom de Jackboot John, pour l'introduction du Sabotage Act de 1962, et les politiques de détentions de dissidents sans procès et le bannissement, une forme d'assignation à résidence[3].

Une semaine après l'assassinat de Verwoerd en plein parlement par un déséquilibré du nom de Dimitri Tsafendas, un métis d'origine grecque et mozambicaine, John Vorster devient président du Parti National et premier ministre d'Afrique du Sud après l'avoir emporté contre le ministre des transports, Ben Schoeman, président du parti national dans le Transvaal.

Un premier ministre pragmatique

Beaucoup plus détendu que son prédécesseur, John Vorster autorisa à se laisser photographier en train de jouer au golf en short court. Il n'hésita pas non plus à accueillir des journalistes de l'opposition dans son propre cabinet pour des réunions d'informations régulières[4]. Vorster accueillit également des visiteurs étrangers avec son surprenant salut, bienvenus dans l'État de police le plus heureux dans le monde[4]. Beaucoup plus raisonnable que son prédécesseur, il injecta un peu d'humanité et d'humour dans le lourd climat idéologique en Afrique du Sud[4]. Cette nouvelle perspective dans le leadership de l'Afrique du Sud fut qualifiée par les Sud-Africains blancs de gentillesse raisonnable[4]. Ainsi alors qu'elle avait déclaré que Hendrik Verwoerd avait quelque chose de presque diabolique, Helen Suzman, qui fut l'unique députée du parti progressiste au parlement sud-africain de 1961 à 1974 considéra par contre que Vorster avait de la chair et du sang[4].

Au racisme explicite de Johannes Strijdom et à celui implicite d'Hendrik Verwoerd avait succédé un homme qui fut le premier premier ministre nationaliste à affirmait qu'il n'avait pas de races supérieures où inférieures en Afrique du Sud[1]. C'est également sous son gouvernement que fut définitiement abandonné le concept du Baasskap instauré sous Johannes Strijdom et maintenu sous Hendrik Verwoerd au profit de la lutte contre le communisme.

En 1971, John Vorster refusa de faire modifier le drapeau sud-africain contrairement à ce que voulait faire Verwoerd qui souhaitait adopter un nouveau drapeau tricolore, débarrassé de l'Union Jack, et aux bandes verticales orange, blanche et bleue au centre duquel auraient figuré un springbok et des protéas.

En 1977 John Vorster mandata une commission dirigée par Erica Theron, chargée de proposer des réformes constitutionnelles. Dans ses rapports, la commission Theron stipula que le système parlementaire de Westminster était obsolète, inadapté pour une société multiculturelle et plurielle comme la société sud-africaine, renforçait les conflits politiques et la domination culturelle d'un groupe sur les autres, formant ainsi un obstacle à la bonne gouvernance du pays. La commission en appela au changement de système mais ne remit pas en question le principe des lois d'apartheid mises progressivement en place par le gouvernement sud-africain depuis 1948. Les conclusions de la commission Theron serviront de bases à la formation d'un parlement tricaméral, qui sera instauré en 1984 sous le gouvernement de Pieter Botha, successeur de Vorster, avec trois chambres séparées une pour les blancs, une pour les métis et une pour les indiens[5].

En politique intérieure John Vorster a assoupli certaines lois vexatoires du petty apartheid. Il autorisa ainsi l'ouverture des bureaux de poste, des parcs, et de certains hôtels et restaurants aux noirs[3].

L'assouplissement de la politique d'apartheid dans les recontres sportives internationales

Sur le plan sportif, Vorster annonce en 1967 un relâchement des règles en qui concerne les rencontres sportives internationales : il annonce que les équipes sportives internationales comprenant à la fois des joueurs blancs et des joueurs de couleur sont désormais acceptées en Afrique du Sud, à la condition qu'elles n'aient pas de visée politique[6]. La même année, son gouvernement abrogea la législation d'Apartheid interdisant des équipes sportives multi-raciales pour permettre à l'Afrique du Sud d’être admise aux Jeux olympiques de Mexico[7]. Toutefois l'équipe sélectionnée pour ces jeux olympiques ne peut y participer en raison des protestations de nombreux pays africains[8].

Pourtant en 1968, Vorster refusa la présence de Basil D'Oliveira, joueur Métis de cricket anglais d'origine sud-africaine dans l'équipe d'Angleterre de cricket venue faire une tournée en Afrique du Sud cette même année : refusant tout d'abord qu'un équipe comprenant D'Oliveira puisse entrer sur le territoire sud-africain, Vorster se sert des réactions anti-apartheid que la non-sélection de D'Oliveira a déclenchées. Il oppose donc au Marylebone Cricket Club un refus qui obligera le club (organisateur de la tournée) à la faire annuler. En revanche, il autorisa la présence de joueurs Maoris dans l'équipe de Nouvelle-Zélande de rugby à XV venue rencontrer les Springboks sud-africains en 1970 et en 1976, une décision qui provoqua une grave crise au sein même du parti quand les plus extrémistes emmenés par Albert Hertzog (connu pour ses discours anglophobes et fils de l'ancien général boer et ancien premier ministre James Barry Hertzog), Jaap Marais et Louis Stofberg firent scission pour fonder en 1969 le Herstigte Nasionale Party (HNP), (un parti d'extrême droite)[9].

Ce schisme renforça la popularité de Vorster au sein de la communauté blanche, y compris chez les progressistes anglophones (pourtant opposés à la politique d'Apartheid). Après s'être montré intraitable au début des années 1960 avec les nationalistes noirs anti-apartheid en concoctant les lois les plus répressives du régime, il se montrait à présence intraitable avec les héritiers spirituels de Verwoerd, n'hésitant pas à aller jusqu'à risquer le schisme politique afin de préserver, selon sa vision, l'unité et la source du pouvoir afrikaner. Pendant les années 1970, il a assumé un contrôle presque complet sur le mouvement nationaliste afrikaner[1].

Dans les années 1970, son ministre des sports, Piet Koornhof annonce la mise en place d'équipes sportives zoulous, xhosas, indiennes, et métisses. En 1976, le gouvernement sud-africain consent qu'une des premières équipes mixtes sud-africaines affronte la grande Argentine en match amical, à cette occasion Jomo Sono, joueur des Orlando Pirates Football Club marque 4 buts et permet à l'Afrique du Sud de s'imposer 5-0[10].

L’inflexion de la politique sud-africaine dans le Sud-Ouest Africain/Namibie sous John Vorster

Contrairement à son prédécesseur qui avait fait interdire l'ANC en Afrique du Sud, suite au massacre de Sharpeville en 1960, John Vorster n'a jamais fait interdire la SWAPO, mouvement anti-Apartheid luttant contre l'occupation sud-africaine du Sud-Ouest Africain/Namibie. En 1967, son gouvernement annonce qu'il accorde une autonomie limitée à l'Ovamboland, une zone tribale[4], fief de l'organisation. Suite à la grève de milliers d'ouvriers Ovambos entre décembre 1971 et juin 1972, le gouvernement Vorster entreprend des réformes et abroge la loi de 1920 dite maître et serviteurs.

Suite à la désignation de la SWAPO comme représentant unique et authentique du peuple namibien par l'Assemblée générale des Nations Unies, le 12 septembre 1973, et percevant les divisions au sein même des mouvements d'opposition du Sud-Ouest Africain, Vorster abandonne les objectifs du rapport Odendaal, un rapport de 1964, mis en place en 1968 qui prévoyait la constitution de dix bantoustans sur le territoire namibien, dont six ayant vocation à devenir autonomes, représentant ainsi plus des deux tiers de la population namibienne et décide dans le cadre de sa politique de détente avec les pays africains de s'engager dans la voie de l'autodétermination du territoire « y compris celle de l'indépendance. Il va ainsi faire de la Namibie un terrain de négociations politiques dont il réutilisera les résultats pour la Rhodésie dirigée par Ian Smith. C'est également sous John Vorster que eurent lieu les dernières élections où seuls les blancs de Namibie eurent le droit de voter pour élire l'assemblée législative du Sud-Ouest Africain, elles ont lieu le 24 avril 1974 et furent remportées comme en 1950, 1953, 1955, 1961, 1965, et 1970 par le parti national du Sud-Ouest Africain.

En novembre 1974, l'ensemble des autorités du territoire, y compris les autorités tribales et les représentants des partis politiques noirs sont invités par l'assemblée législative du Sud-Ouest africain, dominée par le Parti national du Sud-Ouest Africain à déterminer leurs avenir politique. Toutefois l'invitation fut déclinée par la SWAPO et la SWANU.

En juillet 1975, son ministre de l'administration et du développement bantou, Michiel Coenraad Botha mit fin à un projet de délocalisation des tribus Ovaherero dans le Bantoustan du Hereroland dans l'est du pays. Ce faisant, Botha mettait fin à la mise en œuvre des conclusions du rapport Odendaal et amenait Clemens Kapuuo, chef des Ovaherero à rejoindre les pourparlers constitutionnels de la Conférence de la Turnhalle qui dureront de septembre 1975 à octobre 1977.

Le 1er septembre 1977, Vorster nomme comme administrateur du Sud-Ouest africain, Martinus Steyn, un juge à la réputation libérale, qui un mois après sa nomination abroge les lois d'Apartheid sur les mariages mixtes, et sur l'immoralité, et supprime les contrôles intérieurs sur tout le territoire, à l'exception de la zone diamantifère et de la frontière septentrionale.

La conférence de la Turnhalle débouchera sur les premières élections multiraciales namibiennes (boycottées par la SWAPO, la SWANU et le parti national du Sud-ouest africain) qui ont lieu en décembre 1978 et qui sont remportées par l'Alliance démocratique de la Turnhalle avec 82% des voix.

Sa politique de détente avec les pays africains

Plus pragmatique, plus émotionnel, et surtout moins dogmatique que son prédécesseur, John Vorster, entreprit en politique étrangère une politique de détente avec les pays africains. Il noua des relations suivies avec de nombreux chefs d'état africains comme l'Ivoirien, Félix Houphouët-Boigny[11]. où le Zambien, Kenneth Kaunda. En février 1967, il provoqua une certaine agitation en recevant avec toutes les honneurs une délégation commerciale Malawite[7]. et exempta les diplomates de ce pays de l'application des lois d'Apartheid[12]. Il invita Joseph Leabua Jonathan, le premier ministre du Lesotho à déjeuner dans un majestueux hôtel du Mount Nelson dans la ville du Cap[7]. Dans le même temps il apportait une aide militaire et policière au gouvernement blanc de Ian Smith en Rhodésie.

Son ouverture à l'Afrique a suscitait le plus grand intérêt et lui donna le plus de satisfaction dans sa carrière. L'effondrement de l'empire colonial portugais en 1974 avait créer un vide dangereux en Afrique du Sud. Cette dernière pouvait combler la brèche en devenant une superpuissance régionale vigoureuse, prête à apporter une aide généreuse au développement et à son tour être acceptée par les états africains noirs comme une force de stabilisation. John Vorster pensait qu'il était prêt à prendre des risques considérables pour y parvenir. John Vorster croyait aussi que les états africains conservateurs accepteraient l'Afrique du Sud à condition qu'il puisse offrir trois choses, un règlement acceptable en Rhodésie et en Namibie et une modification de l'apartheid (donnez-nous six mois pour voir où va l'Afrique du Sud) déclara t'il à la fin de l'année 1974 ce qui déclencha une frénésie de spéculation[1].

Mais le vote par l'Assemblée Générale des Nations Unies de la résolution 2145, le 17 octobre 1966 déclarant que l'Afrique du Sud avait failli à ses obligations résultant du mandat qui lui avait été confié par la SDN pour occuper le Sud-Ouest Africain. La révocation du mandat sud-africain dans le Sud-Ouest Africain (future Namibie) par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1968. La déclaration de l'illégalité de la présence sud-africaine en Namibie par le Conseil de sécurité des Nations Unies en 1970, la confirmation de la révocation du mandat sud-africain dans le Sud-Ouest Africain par un avis consultatif de la Cour internationale de Justice le 21 juin 1971, et l'exclusion de l'ambassadeur d'Afrique du Sud aux Nations Unies, Pik Botha, par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1974 mirent à mal cette politique de détente.

La médiation de John Vorster dans le conflit en Rhodésie

Pour Robert Jaster, chef de la CIA en Afrique, la Rhodésie était le test majeur de cette politique de détente. d'autant plus que les buts Vorster de ce dernier étaient différents de ceux de Ian Smith, premier ministre de Rhodésie et seul homme politique blanc de la région dont la côte de popularité était supérieure à celle du premier ministre sud-africain au sein de la communanté blanche[13].

Au début du mois de janvier 1973, Ian Smith provoqua l'hostilité de son grand voisin sud-africain en prenant la décision de fermer sa frontière avec la Zambie où les intérêts économiques de l'Afrique du Sud sont considérables[14]. L’état tampon de Rhodésie du Sud devenait un fardeau pour son puissant voisin. L'éditorial d’un journal sud-africain exprima cette mauvaise humeur en demandant à Monsieur Smith de « rechercher des solutions aux problèmes existants » au lieu d’en créer de nouveaux[15]. Ainsi, un pont aérien fut mis en place entre la Zambie et l’Afrique du Sud pour le transport de matériel d’exploitations des mines[16]. La frontière fut finalement rouverte dès le 5 février 1973 marquant un échec diplomatique pour Smith lâché par ses alliés. Un épisode qui démontrait par ailleurs la dépendance de la Rhodésie envers l’Afrique du Sud.

Dans le cadre de sa politique de détente avec les pays africains, John Vorster décide d'intervenir auprès de Smith pour tenter de l’amener à négocier la fin de la domination de la minorité blanche en Rhodésie. Le 11 décembre 1974, sous la pression de Vorster, Smith annonce la libération de tous les prisonniers politiques, assuré selon lui de la fin des actes de terrorisme en Rhodésie et de l'organisation prochaine d’une conférence constitutionnelle avec des chefs nationalistes noirs modérés mais c'est un échec.

Avec l'effondrement du colonialisme portugais au Mozambique et en Angola, John Vorster réalisa que le cordon sanitaire des états blancs en Afrique se désagrégeait et qu'il s'est rendu compte que l'Afrique du Sud ne pouvait se permettre de soutenir le régime de Ian Smith dans le cas d'une guerre raciale en Rhodésie, en conséquence il ordonna le retrait de 2 000 membres de la police paramilitaire sud-africaine et fit retirer quelque 50 hélicoptères Alouettes appartenant à la flotte sud-africaine qui ont jouait un rôle important dans la lutte contre la guérilla[17]. au moment même où, pour contrer la guérilla, les forces de sécurité du gouvernement rhodésien multiplient les raids contre les bases d’entraînement de la ZANU et de la ZAPU en Zambie, Vorster fit également réduire les liens commerciaux entre l'Afrique du Sud et la Rhodésie.

Pour Smith, le comportement de Vorster est une trahison digne de ce qu'il attendait de la Grande-Bretagne et non d'un allié, mais il est obligé de céder. A plusieurs reprises, John Vorster tenta de persuader Ian Smith de se réconcilier avec les leaders nationalistes noirs rhodésiens, après une vaine tentative en juin 1975, l'UNAC dirigée par l'évêque méthodiste Abel Muzorewa déclara que Vorster aboyait sur Smith alors qu'il devait être mordant[17].

En concordance avec Kenneth Kaunda, le président de la Zambie, (avec qui il déjeuna à l'hôtel intercontinental de Musi-o-tunya en présence de deux leaders nationalistes noirs rhodésiens, Abel Muzorewa et Joshua Nkomo et du secrétaire sud-africain pour les affaires étrangères Brand Fourie)[18]. lors de sa visite surprise en Zambie John Vorster fit organiser dans un wagon sud-africain situé au-dessus des Chutes Victoria, une rencontre entre Smith et les principaux chefs rebelles de Rhodésie. Ian Smith insista pour que la rencontre ait lieu en Rhodésie alors que l'UANC voulut qu'elle est lieu ailleurs car au moins deux de ses représentants le révérend Ndabaningi Sitholé et James Chikerema étaient soumis à une arrestation basée sur des accusations de subversion en cas de retour en Rhodésie[17]. Au bout de neuf heures d'entretien, cette conférence entre Smith, Abel Muzorewa, Joshua Nkomo, le révérend Ndabaningi Sitholé, et Robert Mugabe se solda par un échec.

En 1976, inquiet de l'évolution politique du Mozambique et de l'Angola, deux anciennes colonies portugaises récemment indépendantes et dirigées par des gouvernements marxistes favorables aux mouvements de guérilla, Vorster entreprit de calmer la situation en Rhodésie quitte à laisser s'y installer un gouvernement noir modéré. Il avait l'appui des Britanniques mais surtout celui des Américains. En effet Henry Kissinger, le secrétaire d’État américain, partisan de la détente avec les régimes « blancs » d’Afrique et de l'adoucissement des relations avec l’Afrique du Sud, avait entreprit de mettre en place une « diplomatie globale » à l’avantage du gouvernement de Pretoria. En échange de pressions de Vorster sur Ian Smith, le gouvernement américain s’abstiendrait de pressions directes sur les questions concernant l’avenir du Sud-Ouest africain et sur la pérennité de l’apartheid.

Le 18 septembre 1976 au cours d'un match de rugby à l'Ellis Park Stadium de Johannesburg entre l'Afrique du Sud et la Nouvelle-Zélande, John Vorster réussit à convaincre Ian Smith d'assouplir sa position et d'accepter de rencontrer le secrétaire d’État américain Henry Kissinger, le lendemain matin après 4 heures de discussions, Ian Smith accepte le principe de l'accession de la majorité noire au pouvoir[19]. Mais les obstacles s’amoncelent vite, relatifs notamment au processus de transition (organisation du cessez-le-feu, le désarmement des forces armées, la surveillance des élections, la coordination interne entre les mouvements de guérilla, etc).

En mai 1977, la rencontre au palace Hofburg de Vienne en Autriche entre John Vorster et le vice-président américain Walter Mondale[20]. aboutit à une impasse. La solution interne rhodésienne basée sur un gouvernement multiracial visé par les accords de Salisbury du 3 mars 1978, signés entre Smith et trois leaders noirs rhodésiens modérés, Abel Muzorewa, le révérend Ndabaningi Sitholé et le chef Jeremiah Chirau, ne recevra pas ainsi l'aval de la nouvelle administration américaine. Deux ans plus tard, suite aux accords de Lancaster House, un nouveau processus sous patronage britannique aboutit à l'indépendance du Zimbabwe (ex-Rhodésie) qui sera gouverné par Robert Mugabe, le chef marxiste de la ZANU.

L'invasion de l'Angola par les troupes sud-africaines (aôut-décembre 1975)

En 1975, soutenu par le gouvernement américain de Gerald Ford, John Vorster avec le soutien de Hendrik van der Bergh, chef des services de renseignements sud-africains envisagea une implication minimum et circonstanciée des forces armées sud-africaines pour installer un gouvernement pro-occidental dans le nouvel État indépendant d'Angola, gouverné alors par les marxistes du MPLA (Mouvement populaire de libération de l'Angola). Mais Pieter Willem Botha et son chef des armées, Magnus Malan, convaincus de l'existence d'un plan global soviétique dont le but est la prise de pouvoir en Afrique du Sud, se firent alors les avocats d'un plan plus radical, une invasion du pays par les troupes sud-africaines pour chasser le MPLA de Luanda.

Finalement c'est la première option qui est approuvée et en août 1975, les troupes sud-africaines envahirent le sud de l'Angola et poussèrent jusqu'à Luanda. En décembre, le congrès américain fit retirer son aide financière aux mouvements et aux troupes hostiles au MPLA alors que l'armée sud-africaine était aux portes de la capitale angolaise. Furieux et humiliés, les sud-africains apparurent alors comme les seuls coupables de l'invasion et furent obligés de se retirer du pays. Ils apporteront dorénavant une aide logistique au mouvement rebelle de l'UNITA de Jonas Savimbi afin notamment de protéger la frontière nord de leur colonie du Sud-Ouest africain contre les infiltrations de l'organisation indépendantiste SWAPO.

Les relations avec l'Ouest

En 1976 pour redresser l'image de son pays et pailler les condamnations internationales suite à la répression des émeutes de Soweto, John Vorster entreprit une série de visites en Europe (France, Allemagne de l'Ouest) et au Moyen-Orient, sa visite d'état en Israël au cours de laquelle la coopération nucléaire et militaire entre les deux pays fut relancée fut son plus grand succès diplomatique, accueilli par le premier ministre israélien Yitzhak Rabin comme un défenseur des libertés au nom des valeurs communes aux deux états, Vorster s'inclina devant le mémorial dédié à l'Holocauste et devant le Mur des Lamentations à Jérusalem[21].

Alors que les relations de l'Afrique du Sud avec les pays occidentaux s'était maintenue à un bon niveau jusqu'au milieu des années 1970, celles-ci se détériorèrent avec l'arrivée au pouvoir de Jimmy Carter aux États-Unis. En 1977, pour la première fois, les pays occidentaux disposant d'un droit de veto au conseil de sécurité des Nations unies refusèrent de bloquer une résolution instaurant un embargo total sur la vente d'armes à destination de l'Afrique du Sud. Parallèlement, le gouvernement américain faisait savoir qu'il ne soutiendrait plus le gouvernement sud-africain dans sa politique au sud-ouest africain et renonçait à sa médiation avec le gouvernement rhodésien.

Sa chute politique

En 1976, son vice-ministre de l'administration et de l'éducation bantoue, Andries Treurnicht, membre de l'aile dure du parti tenta d'imposer aux écoliers noirs l'enseignement obligatoire en afrikaans ce qui déclencha les émeutes de Soweto suivi de la répression par les forces de sécurité. Pour John Vorster, les émeutes sont moins une contestation du régime qu'une faillite des services de sécurité, incapables de prévoir l'évènement et arrêter les meneurs en amont[1]. La répression menée par les forces de police aboutit notamment à l'arrestation et la mort de Steve Biko en 1977.

Un jour, en réponse à un journaliste qui lui demandait si l'Apartheid n'était pas un régime répressif, Vorster répondit qu'il n'aimait pas la manière dont la question était posée et que d'ailleurs il ne pensait pas que ce journaliste voulait des informations et que si ce dernier voulait conduire l'interview de cette façon elle pouvait être arrêtée.

En 1977, un scandale politico-financier (emploi de fonds secrets pour financer dans la presse nationale et internationale des articles favorables à la politique gouvernementale) impliqua son ministre de l'information et de l'Intérieur Connie Mulder.

En octobre 1977, son gouvernement fait arrêter 50 leaders noirs et interdire 18 organisations noires et multiraciales, ce qui poussera l'ONU à voter un embargo sur les armes à destination de l'Afrique du Sud[3].

Lors des élections du 30 novembre 1977, le parti national dirigé par Vorster remporte son plus grand succès électoral (64% des voix) alors que l'opposition de droite et celle de gauche sont laminées. John Vorster bénéficie alors d'un taux de popularité supérieur à 80% au sein de la communauté blanche, tant chez les anglophones que chez les Afrikaners[1]. Même l'un des plus fermes opposants à l'apartheid, le journaliste Donald Woods, ne manque pas de parler avec une certaine empathie de ses entretiens avec John Vorster[1].

Compromis dans le scandale de l'information, John Vorster annonce dans un discours prononcé en afrikaans et en anglais sa démission du poste de premier ministre et de celui de président du parti national[3],. C'est son ministre de la défense, Pieter Botha, président du parti national de la province du Cap qui lui succéda à la tête du gouvernement et du parti national après avoir éliminé lors des élections internes au sein du parti national, ses deux rivaux, Pik Botha, ministre des Affaires étrangères et représentant de l'aile libérale du parti national (qui était pourtant très populaire chez les blancs sud-africains et qui était considéré comme le favori de Vorster)[22]. et Connie Mulder, président du parti national du Transvaal. le 10 octobre 1978, Vorster se fait élire au poste honorifique de président de la république par les députés.

En juin 1979, rattrapé par le scandale de l'information, (La commission d'enquête chargée d'enquêter sur le scandale conclura qu'il avait menti dans son temoingage sous serment au sujet de son rôle dans toute cette affaire, alors qu'elle l'avait pourtant exonéré de toute responsabilité dans son rapport préliminaire), John Vorster démissionne brusquement de son poste de président de la république, sa longue carrière se termine en disgrâce, son dernier acte officiel en tant que président de la république fut de recevoir le rapport qui a conduit à sa démission[23].

John Vorster se retire alors de la vie politique pour aller vivre à Oubos, à 150 km à l'ouest de Port Élisabeth.

En 1982, John Vorster apporte son soutien au parti conservateur d'Afrique du Sud d'Andries Treurnicht lors de son congrès-fondateur[24].

Malade depuis plusieurs années, (des rumeurs disait qu'il souffrait d'une congestion pulmonaire et d'une embolie à la jambe)[3]. John Vorster est mort au Cap à l'âge de 67 ans le 10 septembre 1983 et enterré 3 jours plus tard à Kareedouw au Cap-Oriental.

Famille

John Vorster avait épousé Martini Steyn Malan (1917-2000) le 20 décembre 1941 à Worcester (province du Cap). Ils eurent 3 enfants (Elizabeth née en 1945, Willem Carl né en 1950 et Pieter Andries né en 1951).

Martini Vorster fit partie des anciennes premières dames sud-africaines qui furent invitées par le président noir du pays Nelson Mandela pour un déjeuner à la résidence présidentielle de Pretoria en compagnie d'épouses de dignitaires de l'ANC. au cours duquel elle conversera amicalement avec Albertina Sisulu, la femme de Walter Sisulu (qui fut condamné aux côtés de Nelson Mandela lors du procès de Rivonia en 1964) et Adélaïde Tambo, épouse de Oliver Tambo (qui fut le président de l'ANC en exil pendant 30 ans jusqu'en 1990).

Références

  1. a, b, c, d, e, f et g BJ Vorster et le cheval du sultan, article du professeur et politologue Hermann Giliomee sur Politicsweb, 3 septembre 2008
  2. Pierre Haski, L'Afrique blanche : Histoire et enjeux de l'apartheid, Seuil, 1987,
  3. a, b, c, d et e SOUTH AFRICA: Vorster's Double Shocker sur Time, 2 octobre 1978
  4. a, b, c, d, e et f www.time.com/time/magazine/article/0,9171,941074,00.html South Africa Touch of Sweet Reasonableness, 31 mars 1967
  5. www.sahistory.org.za/.../tricameral-parliament.htm
  6. Bruce Murray et Christopher Merrett, Caught Behind: Race and Politics in Springbok Cricket, University of KwaZulu-Natal Press, 2004, p 93
  7. a, b et c www.time.com/time/magazine/article/0,9171,941074,00.html : South Africa Touch of Sweet Reasonableness, 31 mars 1967
  8. www.time.com/time/magazine/article/0,9171,900012,00.html : The Olympics : Boycotting South Africa, 8 mars 1968
  9. E. J. Verwey, E. W. Verwey & Nelly E. Sonderling, New Dictionnary of south african biography, Human Sciences Research Council Press, 1999, p 98-101
  10. Le pelé de Soweto, article paru dans le n°2377 du nouvel observateur du 27 mai au 2 juin 2010
  11. [www.dialprod.com/memoire/paix.html Dès 1970, le président ivoirien préconise l'ouverture d'un dialogue avec le pays de l'apartheid, il recevra John Vorster en présence du président sénégalais Léopold Sédar Senghor à Yamoussoukro en 1974.
  12. Daniel Bach, ibid, p 204 - le Malawi sera le seul état africain à entretenir avec l'Afrique du Sud des relations diplomatiques au niveau des ambassades. Et c'est au Malawi que John Vorster effectuera sa première visite officielle dans un pays africain en 1970. Le président malawite Kamuzu Banda se rendra en visite officielle en Afrique du Sud un an plus tard
  13. "BJ Vorster et le cheval du sultan", article du professeur et politicologue Hermann Giliomee
  14. Le groupe sud-africain Oppenheimer contrôlait les mines zambiennes de l’Anglo-American corporation et l’Afrique du Sud vendait chaque année pour 100 millions de dollars de produits manufacturés à la Zambie
  15. The Sunday Times du 28 janvier 1973
  16. Roland pichon, ibid, p 175
  17. a, b et c www.time.com/time/magazine/article/0,9171,913423,00.html : RHODESIA: A Bizarre Venue, 25 août 1975
  18. www.tleg.co.nz/history.php
  19. Archives INA, le journal télévisé d'Antenne 2 du 19 septembre 1976
  20. SOUTH AFRICA: Mondale v. Vorster: Tough Talk sur Time, 30 mai 1977
  21. Frères en armes le pacte secret d’Israël avec Pretoria, Article publié dans le journal britannique le Guardian le 7 février 2006
  22. SOUTH AFRICA : The Not-So-Favorite Choice sur Time, 9 octobre 1978
  23. www.time.com/time/magazine/article/0,9171,920409,00.html : SOUTH AFRICA: Vorster Quits, 18 juin 1979
  24. Pierre Haski, L'Afrique blanche : Histoire et enjeux de l'apartheid, Seuil, 1987, p. 137

Sources

  • E. J. Verwey, E. W. Verwey, Nelly E. Sonderling, New dictionary of South African biography, Human Sciences Research Council Press, 1999, p 253-259

Bibliographie

  • John D'Oliveira, Vorster : the Man, Johannesburg, Ed. Ernest Stanton, 1977
Précédé par John Vorster Suivi par
Marais Viljoen (intérim)
Safricaarms.png
Président de l'Afrique du Sud
1978 à 1979
Marais Viljoen
Hendrik Verwoerd
Safricaarms.png
Premier ministre d'Afrique du Sud
1966 à 1978
Pieter Willem Botha
François Christiaan Erasmus
Flag of South Africa 1928-1994.svg
Ministre de la justice
1961 à 1966
Petrus Cornelius Pelser
Jan Serfontein
Flag of South Africa 1928-1994.svg
Ministre de l'éducation, des arts et des sciences
1961
Jan de Klerk


Drapeau de l'Afrique du Sud de 1912 à 1928 Premiers ministres d’Afrique du Sud Drapeau de l'Afrique du Sud de 1928 à 1994

Premiers ministres d'Afrique du Sud
Louis Botha · Jan Smuts · James Barry Hertzog · Jan Smuts · Daniel François Malan · JG Strijdom · Hendrik Verwoerd · John Vorster · Pieter Botha ·


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