- Histoire du maghreb
-
Histoire du Maghreb
Historiographie
Les matériaux historiques
L'historien du Maghreb dispose de plusieurs sources :
Sources écrites
- Chroniques historiques, orientales, flo,maghrébines et andalouses. Elles sont essentiellement centrées sur un règne ou une dynastie, qu’elles présentent sous l’angle chronologique, évènementiel, et politique. Le travail se fait sur l’original ou sur des copies, lesquelles sont traduites ou non. Il reste en ce domaine un immense travail à faire.
- Récits de voyage, portés sur l’intérêt géographique, culturel, la variété des coutumes et des paysages. Souvent très précis et riches en descriptions, ces documents sont des éléments de la culture savante dans un monde vaste et dynamique.
- Dictionnaires biographiques (tabaqât) de tous formats, qui renseignent diversement sur les personnages qui ont composé la société (dictionnaires de poètes, de médecins…). Les manâqib en sont une catégorie particulière, centrée sur les vies de saints, par lieux ou par époques. Ceux-ci, eurent une aura réelle, sur la société entière (et non limitée au peuple), et leurs biographies révèlent « un autre aspect » de la vie religieuse. De plus, elles sont une source immense d’informations « périphériques », mais essentielles, sur les petits bourgs, la vie populaire, les moussems, etc. Les ouvrages peuvent être additionnés de textes justificatifs, polémiques, et sont un espace de débat.
- Recueils de fatwa et de nawâzil : ce sont des textes juridico-religieux. Le nawâzil est un « cas d’espèce » : il décrit un cas très précis, une problématique qui peut englober n’importe quel champ, et compile les explications et les prises de position de toute une série de lettrés sur plusieurs siècles.
- Traités théologiques (en immense quantité), scientifiques, politiques (qui peuvent être juridiques aussi bien qu’« éthiques »), commerciaux (conservés dans les chancelleries des royaumes chrétiens – Barcelone, Vatican, cités italiennes…-, bilingues ; en revanche peu d’archives du côté musulman avant le XVIe siècle et la mise en place de la bureaucratie ottomane, par cause des ruptures dynastiques)
- Littérature de marchands, navigateurs, mémoires de captivité (de chrétiens ou de musulmans) regorgeant d’informations, sous le vernis littéraire.
- Archives makhzeniennes (c'est-à-dire des source étatiques) : dès le XVIIIe siècle.
Monuments et archéologie
- Sources épigraphiques (gravures) : monnaie, monuments, waqf / habous (actes notariés des dons)… ces sources offrent des précisions sur les dates, les noms de monarques et de notables, etc.
Les limites des sources au Maghreb
- Il est difficile d’accéder à une connaissance de l’économie intérieure du monde musulman, par manque de registres et de comptes, et ce, contrairement à l’Europe.
- Les possibilités offertes par l’archéologie, potentiellement énormes mais qui se heurtent à la pauvreté des moyens mis en œuvre, aux questions du sacré et des sépultures, et à celle des moyens de construction de la période étudiée (pisé, terre) qui laissent peu de traces).
- Comment aborder la société ? L’essentiel des sources se rapporte à une société « d’en haut », et masculine. Les archives testamentaires, les recueils juridiques, cependant, éclairent tous les champs de la vie sociale (y compris les femmes).
- L’identité berbère. Le Maghreb voit cohabiter des populations arabe et berbère, mais ce sont les structures tribales berbères qui nourrissent et construisent le fait politique. La littérature andalouse stigmatise fréquemment le berbère (insurgé, fruste, politiquement et religieusement déviant). Néanmoins, il n’y a pas de dynamique de confrontation, mais des échanges. Existence d’une littérature religieuse berbère indépendante.
Définition géographique du Maghreb
Les sous-ensembles
- L'Ifriqiyya correspond à l’actuelle Tunisie, s’étendant sur la Kabylie vers l’ouest.
- Le Maghreb al-Awsat, littéralement Maghreb central
- Le Maghreb al-Aqsâ, Maghreb extrême, le Maroc actuel
- Le Maghreb connaît alors une plus grande ouverture sur le Sahara qu’aujourd’hui.
Aspects géographiques
- L’espace du Maghreb est morcelé, ce qui a joué un rôle capital dans la défense des particularismes.
- Les côtes, marécageuses et inhospitalières, n’ont pas été aussi attractives, ni les plaines, que les colons ont assainies afin d’y développer l’agriculture.
- Le climat n’est pas méditerranéen, car l’altitude moyenne est élevée.
- Le relief est orienté est-ouest, ce qui signifie une pénétration nord-sud difficile, mais des communications est-ouest aisées (c’est le chemin que prirent les conquêtes).
- Deux versants, l’un orienté vers le nord, et la Méditerranée, l’autre vers le Sud, ouvert sur le Sahara. L’Atlas, central et tempéré, est un espace agricole.
L’espace maghrébin est compartimenté, assez peu urbanisé, permettant le maintien des particularismes et des structures tribales, et positionné en intermédiaire (nord-sud, est-ouest). Au XVIe siècle, les découvertes de nouvelles routes commerciales déstabilisera les sociétés du Maghreb.
Grandes étapes chronologiques
Avant l'islamisation
- Vers 1100 avant JC : expansion phénicienne en Afrique du nord et création de nombreux comptoirs le long des côtes dont Carthage
- 264-146 avant JC : les 3 guerres puniques entre Carthage et Rome. Après la dernière guerre, Rome rase Carthage et crée sa première province sur le continent africain Africa correspondant au nord de la Tunisie actuelle.
Articles détaillés : Carthage et Civilisation carthaginoise.- 112-105 : révolte menée par le berbère Jugurtha contre l'occupation romaine
Article détaillé : Berbères.- 17 après JC : le numide Tacfarinas prend la tête d'une révolte contre l'occupation romaine dans l'actuelle Algérois
- 42 : Rome occupe toute l'Afrique du nord
- 1er et 2e siècle : les berbères embrassent le christianisme comme symbole de résistance à l'occupant naguère païen.
- 193 : Septime Sévère devient empereur romain. Il est originaire de Leptis Magna, ville actuellement en Libye
- 212 : tous les habitants de l'Empire, dont ceux des provinces d'Afrique deviennent citoyens romains (édit de Caracalla)
- 302-305 : persécution des chrétiens par l'empereur Diocletien
- 380 : le christianisme, religion officielle de l'empire. Les berbères choisissent le donatisme, autre marque de résistance et d'opposition à l'occupant.
- 395 : Augustin de Thagaste est élu évêque d'Hippone (actuelle Annaba en Algérie). Il sera l'un des plus important docteur de l'église catholique.
- 439-533 : Après la péninsule ibérique, le Maghreb souffre à son tour de l'invasion des peuplades germaniques. Les Vandales occupent Carthage et chassent l'occupant romain pour s'installer à sa place.
Article détaillé : Royaume Vandale.- 534 : Bélisaire, général byzantin occupe Carthage et le Constantinois. Entre temps, les berbères réussissent à résister aux vandales et s'organisent en royaumes.
L'islamisation (646-711) (en arabe : el fat'h)
- 646 : Suite à l'attaque byzantine contre les musulmans au nord de la péninsule arabique et en Syrie, une guerre sans merci va se déclencher entre les deux parties et ne se terminera qu'avec la chute de Constantinople. Les musulmans vainqueurs en Syrie poursuivront les Byzantins là où ils se trouvent. En Egypte d'abord puis jusqu'au nord-ouest de la Libye, où ils avaient l'habitude de fuir pour revenir à l'assaut.
- 670 : fondation de Kairouan par Oqba Ibn Nafaa qui va servir de base pour l'islamisation de tout le Maghreb.
- Fin du 7e siècle : l'islam s'installe dans tout le Maghreb, les occupants byzantins sont chassés.
- 695-705 : rébellion berbère contre les Arabes menées par la reine Kahena dans les Aurès
- 711 : les Arabes contrôlent tout le Maghreb.
Article détaillé : Conquête musulmane du Maghreb.711-1500
- 711 :
- 745 : les Berbères kharidjites s'emparent de Kairouan
- 1016 : début du règne de Muizz ibn Badis, de la dynastie des Zirides (بنو زيري)
- 1062 : début du règne de Tamim ben al-Muizz, fils est successeur de Muizz ibn Badis
- 1087 : une coalition chrétienne comprenant des Gênois, des Pisans, des Amalfitains, et des Normands d'Italie, attaque Mahdia qui est prise, pillée, et saccagée
- 1108 : mort de Tamim ibn Muizz
- 1123 : attaque navale normande sur Mahdia : la flotte est dirigée par Christodulus, un Grec ou un Musulman (nommé en arabe "Abdul-Rahman al-Nasrani") au service des Normands. Échec de l'expédition
- 1135 : les Normands dirigés par l'amiral Georges d'Antioche, un Grec arabophone autrefois au service des Zirides, attaquent l'île de Djerba et s'en emparent
- 1140 : attaque normande sur Tunis
- 1146 : les Normands du roi de Sicile, Roger (Rudjar en arabe), après avoir fait la conquête de Tripoli (Libye actuelle), menace l'actuelle Tunisie, cherchant à contrôler l'Afrique du Nord
- 1148 : conquêtes normandes de Mahdia, de Sousse, de Gabès, et de Sfax ; les Normands contrôlent tout le littoral de Sfax à Gabès
- 1153 : conquête normande de Annaba
- 1160 : les Almohades (Al-Muwaḥḥidun : الموَحدون), nouveaux maîtres de l'Afrique du Nord, chassent définitivement les Normands, dont le royaume connaît une guerre civile (révolte des barons normands contre l'autorité du roi Guillaume le Mauvais, fils et successeur du roi Roger.
Période ottomane
- 1492 : l'Espagne est entierèment reconquise (prise de Grenade) par les chrétiens. Juifs et musulmans sont expulsés vers le Maghreb
- 1505 - 1510 : tentatives espagnoles pour contrôler les côtes du Maghreb. Construction de la forteresse espagnole, le Penon en face du port d'Alger.
Article détaillé : Afrique espagnole.Colonisation européenne
- 1827 : crise diplomatique entre la France et l'Algérie
- 1830 : les troupes françaises prennent Alger, début de la colonisation
- 1838-1847 : résistance d'Abd el Kader
- 1848 : l'Algérie est déclarée territoire français
Article détaillé : Histoire de l'Algérie.- 1864 : ouverture du Maroc au commerce européen
- 1906 : le Maroc est placé sous tutelle des puissances européennes à la suite de la conférence d'Algésiras, Tanger devient « ville internationale »
- 1912 : protectorat français sur le Maroc (traité de Fès)
Article détaillé : Histoire du Maroc.- 1869 : la Tunisie passe sous contrôle d'une commission internationale présidée par la France
- 1881 : protectorat français sur la Tunisie (traité du Bardo) entrainant une révolte populaire
Article détaillé : Histoire de la Tunisie.Seconde guerre mondiale
Indépendances
La conquête arabe
Administration. Les modalités de la conversion
Trois éléments entrent en jeu pour définir les modalités selon lesquelles le Maghreb va être administré par les conquérants arabes : • Les motivations des vainqueurs, qui seront généralement d’exploiter ce territoire à leur profit. • La naissance du kharijisme • Les modalités mêmes selon lesquelles s’est déroulée la conquête.
Le Maghreb apparaît comme un terrain secondaire d’expansion, les moyens investis sont modestes et subissent les contrecoups des crises du pouvoir central. C’est un lieu de fuite et de refuge, pour les groupes persécutés (Shiites, Kharijites, membres de la famille du Prophète), qui seront en général bien accueillis (les ennemis de mes ennemis…), notamment les Kharijites et leur idéologie égalitaire.
(à compléter)
Les motivations de la conquête
- Le Maghreb est un pays peu connu des Arabes, à l’époque de sa conquête, et beaucoup moins prestigieux que la Syrie ou l'Iraq, qui sont le berceau d’antiques civilisations, de villes puissantes, et de monothéismes. Au contraire, le Maghreb apparaît comme un pays perfide, qui égare, et soulève la méfiance générale des autorités et des chroniqueurs. Cette défiance peut, à rebours, être interprétée comme un écho des difficultés rencontrées, des résistances, et se manifeste par une stigmatisation.
- La fin de la conquête n’implique pas directement un changement d’administration des populations soumises, et les ponctions restent massives, ce qui de fait est illégal, lorsque cela touche à des populations converties.
En 739, les Califes Omeyyades exigent toujours des femmes berbères pour leur harem ; en 754, les Abbassides feront la même demande, qui cependant sera refusée par le gouverneur de l’époque, qui expliquera que la conversion à de fait aboli l’esclavage. Entre ces deux dates, est survenu un évènement essentiel : entre 740 et 742, une insurrection généralisée, au nom de l’Islam contestataire kharijite, des Berbères exploités et exaspérés.
La question du butin et de l’impôt
Quelques points [A CLASSER PEUT-ÊTRE]
- La garnison du Maghreb comprend de 10 000 à 40 000 hommes, accompagnés de leur famille, et bénéficiaires du butin.
- L’exploitation peut prendre la forme de prélèvements variés, de luxe, humains, de nourriture, selon les nécessités du pouvoir.
- Le statut des nouveaux convertis est en question. La situation présente un décalage vif entre l’aspect égalitaire porté par l’Islam, et la réalité de l’exploitation des Berbères. Cet aspect facilitera la diffusion du kharijisme.
- Des rivalités apparaissent parmi les dirigeant et les soldats, entre nouveaux convertis et plus anciens, Berbères et Arabes.
- Le Kharâj et la Jiziya – Le premier est un impôt foncier sur les terres conquises ; le statut de ces dernières étant cristallisé durant la période de la conquête ; le second est un impôt par capitation imposé aux Gens du Livre et considéré comme un pacte de protection, leur permettant, malgré un statut souvent difficile, de conserver leur religion. Issu du Qur’ân, celui-ci ne s’applique pas (en théorie) aux nouveaux convertis, mais en pratique il est prélevé au Maghreb et en Égypte.
Ces deux impôts vont figer les rapports de domination hérités de la conquête, entre vainqueurs et vaincus, et leur donner des répercussion encore des siècles plus tard en attisant les discordes.
- Deux éléments entrent en contradiction, qui sont la nécessité pour le pouvoir de trouver des fonds, et l’élaboration d’un droit musulman.
Le point de rupture se fera entre 720 et 739 ;
- la hausse des besoins du Califat, poussera les gouverneurs à étendre la Jiziya ; la tentation sera d’imposer des mesures contraires au droit musulman, en Égypte et au Maghreb.
- les réfugiés kharijites seront bien accueillis, et exciteront au soulèvement ;
En 739, les insurrections kharijites des Berbères auront pour moteur la rébellion et le désir d’intégration à l’Umma, souvent au nom de l'islâm « vrai » contre celui des occupants.
Le Maghreb Kharijite, entre révolte et intégration
(à compléter)
Colonisations européennes
- Voir les articles Maroc, Algérie, Tunisie.
- Afrique espagnole
- france
Voir aussi
Liens externes
- Le Maghreb sous domination française (1830-1962) par Philippe Conrad, Historien.
- L'Italie et le Maghreb au Moyen Âge par Georges Jehel, Professeur émérite des Universités.
- L'Afrique chrétienne, de la « grande persécution » à l'invasion vandale par François Decret, Professeur honoraire des universités.
- L'Afrique chrétienne, de l'invasion vandale au Maghreb musulman par François Decret, Professeur honoraire des universités.
- L'Afrique vandale par Serge Lancel, Professeur émérite de l’université de Grenoble, Membre de l’Institut.
- Les particularités de l'islam au Maghreb par Paul Balta, Ancien directeur du Centre d'études de l'Orient contemporain à l'université de Paris III-Sorbonne Nouvelle.
Catégorie : Histoire du Maghreb
Wikimedia Foundation. 2010.