Histoire des femmes

Histoire des femmes

L’histoire des femmes est une branche de l'histoire consacrée à l'étude des femmes en tant que groupe social, apparue dans les années 1970 et étroitement liée aux luttes féministes[1]. De nombreux auteurs constatent en effet l'absence d'« historicité » des études sur les femmes[2],[3]. Ce qu'ils analysent comme un processus de déshistoricisation est un phénomène qui tente de nier tout processus historique influençant la condition féminine et qui s'appuie pour cela sur des invariants réels et historiques[4]. L'histoire des femmes devrait donc s'appuyer sur ce que Pierre Bourdieu appelle une « reconstitution de l'histoire du travail historique de déshistoricisation ».

Dans la perspective féministe, jusqu'au milieu du XXe siècle, les sociétés occidentales accordent un traitement favorisant les hommes et assujettissant[5] les femmes, tant au point de vue du droit que des usages et coutumes. En effet, les traditions accordent une importance particulière au rôle social de femme au foyer, qui doit se consacrer aux tâches ménagères, à la reproduction et à l'éducation des enfants. Notons cependant que la dévalorisation implicite de ce rôle de "femme traditionnelle" n'est que récente, liée au poids grandissant pris par la sphère économique dans le monde [réf. nécessaire]. Par ailleurs, ce rôle de femme au foyer n'exclut pas l'exercice d'une profession, notamment depuis la révolution industrielle.

L'idée de l'égalité des sexes ne s'impose ainsi que récemment, mais les femmes ont su bien avant tirer parti de conditions historiques pour s'affranchir des contraintes et différences qui leur sont imposées. On ne saurait cependant parler d'une évolution continue de la condition féminine vers l'émancipation, car son histoire est ponctuée par d'importants mouvements de balancier, y compris lors des périodes révolutionnaires. Ainsi, la Réforme, dans le domaine religieux, mais aussi la Révolution française et les socialismes, malgré leurs prétentions émancipatrices, tenteront souvent de les renvoyer au foyer. Cette dernière contradiction explique selon Andrée Michel la naissance du féminisme [citation nécessaire].

Sommaire

Les origines

Selon certaines féministes, inspirées par les travaux de Marija Gimbutas, les sociétés de la préhistoire auraient connu des formes de pouvoir matriarcal, fondés sur le culte de la « Grande Déesse ». Ce sont les femmes qui auraient ainsi soi-disant inventé l'agriculture. Pourtant, elles auraient pâti de la seconde révolution néolithique, à l'origine de la sédentarisation, mais aussi de la guerre livrée à la nature et aux autres peuples. Surtout, les envahisseurs indo-européens auraient porté un coup fatal au matriarcat. Claudine Cohen remarque cependant que le culte de la mère peut exister dans des sociétés misogynes, et que rien ne permet vraiment de dire « ce qui dans les rares vestiges de la préhistoire ressortit à l'activité de l'un ou l'autre sexe ». L'anthropologue Françoise Héritier a travaillé sur ce point.

Antiquité méditerranéenne

Égypte

Aline, portrait funéraire du Fayoum

On n'a que peu d'informations sur la vie quotidienne des femmes et de leur statut dans l'Égypte ancienne. Comme dans toutes les civilisations antiques, il y eut quelques souveraines ou régentes qui parvinrent à régner, telles Nitocratis ou Hatchepsout. Certaines semblent avoir joué un certain rôle politique à côté du pharaon, comme Néfertiti, qui disparait de la scène assez mystérieusement. La vie de la Grande épouse royale, telle celle de Néfertari ou Isisnofret, épouses de Ramsès II, est assez bien connue, mais leur rôle politique était limité à la représentation. En général, leur fonction se limitait à assurer une descendance et à gérer les activités du Harem Royal, dont les Égyptiens semblent avoir été les inventeurs.

  • Les mariages étaient arrangés par le père parfois dès l'âge de six ans.
  • Les hommes pouvaient avoir plusieurs épouses et des maîtresses, des harems.
  • Les femmes en revanche étaient astreintes à la monogamie.
  • Tous les textes de référence d'époque en notre possession sont rédigés par des hommes.
  • Les cas de pharaons femmes sont rares. Seulement 6 sur 2000 ans d 'Histoire, et la majorité d'entre elles sont là "par intérim". Certaines ont même été "oubliées" sur les listes royales par les scribes ; c'est dire le peu de considération qu'elles avaient.
  • Contrairement à ce que certains cherchent à faire croire, d'autres civilisations antiques d'Orient comptèrent de nombreuses femmes régnantes. Ce n'est ni une invention égyptienne ni même une pratique courante en Égypte.
  • Toutes les études "sérieuses" sur ces questions mettent en avant le fait que l'Égypte fut bien, tout au long de son histoire, une société patriarcale. Et même si certains codes de loi proclament bien une égalité entre l'épouse et l'époux, dans les faits, il en va différemment.
  • Il en va de même pour de nombreuses fonctions politiques et professionnelles, interdites aux femmes, et il a fallu attendre l'époque hellénistique pour voir quelques évolutions sur ce point.

Perse

Article détaillé : Femme iranienne.
Une mosaïque de l’ère Sassanide déterrée à Bishapur. Certaines mosaïques représentaient des femmes dévêtues. Celle-ci est conservée au Louvre.

Il est un fait indiscutable qu’à Persépolis, où la pierre conserve l’Histoire de la Perse antique, que les femmes sont absentes. Une grande partie de Persépolis et plus particulièrement les intérieurs ayant été détruits par Alexandre le Grand et par le temps, certains chercheurs pensent qu’il est possible que certaines de ces parties aient pu représenter des femmes. Cependant, il y a de nombreux autres exemples de pierres ayant préservé la figure de femmes de la Perse antique.

D’un autre côté, les femmes ont joué un rôle important dans la vie quotidienne sous la dynastie Achéménide. Elles travaillaient au côté des hommes dans les ateliers et y recevaient le même salaire qu’eux. Les femmes de haute naissance avaient même une influence sur les affaires de l'État. Les femmes membres de la famille royale possédaient leurs propres domaines, et nombre de documents parvenus jusqu’à nous témoignent de leur implication dans la gestion des affaires : des lettres sur l’acheminement du grain, du vin, et des animaux jusqu’au palais depuis des possessions lointaines. Par exemple, les seules limites à l’autorité de la reine douairière étaient fixées par le souverain lui-même. De telles coutumes persistèrent jusqu’à l’empire sassanide, avec moins d’importance cependant. Purandokht, qui était la fille du roi Khosrau II gouverna l’empire perse durant presque deux ans avant d’abdiquer. À cette époque, le plus haut rang féminin était tenu par la mère du roi, puis la mère du prince héritier et enfin les filles et sœurs du roi.

Les femmes qui n'étaient pas de condition noble disposaient d'une certaine indépendance économique: elles avaient le droit de travailler (certains métiers étaient autorisés aux deux sexes et d'autres étaient réservés), de posséder des propriétés et de les vendre et étaient elles-aussi obligées de payer des impôts. Des découvertes archéologiques ont même montré l'existence de femmes qui étaient chef d'entreprises ou de certaines autres qui avaient atteint des postes militaires de haut rang.

Les historiens pensent que c’est en fait Cyrus le Grand qui, dix siècles avant l’Islam, a établi la coutume de couvrir les femmes afin de protéger leur chasteté. D’après cette théorie, le voile est ainsi passé des Achéménides aux Séleucides. Ceux-ci l’ont, à leur tour, transmis aux Byzantins d’où les conquérants arabes l’ont adopté, le répandant à travers le monde arabe. Cela dit, le voile est omniprésent dans le monde méditerranéen : les femmes grecques mariées se doivent de porter un voile sur leurs cheveux, la Bible impose la même obligation aux épouses légitimes. La chevelure visible est le signe des prostituées (cf Marie-Madeleine lavant avec ses cheveux, instrument de son péché et de sa rédemption, les pieds du Christ).

Grèce

Article détaillé : Place des femmes en Grèce antique.

Rome

Article détaillé : Femme romaine.

Les femmes d'Étrurie furent certainement celles qui, dans l'antiquité, eurent relativement le plus de liberté, et le statut le moins contraignant. Cela était très mal vu des Grecs et des Romains avant que l'Étrurie ne devienne province romaine. Les Romaines étaient juridiquement assimilées à d'éternelles mineures et soumises toute leur vie durant à l'autorité d'un tuteur, leur père puis leur mari. La patria potesta qui donne droit de vie ou de mort au pater familias sur tous les membres de sa famille fut réduite au IIe siècle avant J.-C. puis supprimée au IIe siècle après J.-C. Les Romaines jouirent d'un statut moins draconien que les Grecques. Elles avaient par exemple libre accès aux stades, théâtres et autres lieux publics. La liberté de mœurs qu'elles eurent à l'époque impériale reflète davantage l'oisiveté dont bénéficiaient les femmes de l'aristocratie qu'une réelle liberté du point de vue juridique ; le divorce existait mais avait un tout autre sens qu'aujourd'hui. Au IIe siècle ap. J.-C. l'empereur Marc-Aurèle délivre la femme romaine de l'institution de la manus, qui en faisait jusque là une mineure perpétuelle. Sans jouir d'aucun droit politique, elle peut désormais divorcer et se remarier, et elle a droit à la même part de l'héritage paternel que ses frères. Des appellations comme celle de « matrone » sont l'indice d'un statut social sans commune mesure avec celui de la femme grecque, enfermée dans le gynécée.

Moyen Âge

Article détaillé : Femmes au Moyen Âge.

Haut Moyen Age

L'Église catholique romaine tient une position ambivalente vis-à-vis des femmes. Créées à l'image de Dieu, dotées d'une âme immortelle à l'égal de l'homme, elles peuvent accéder à la sainteté[6]. Elles sont toutefois exclues des fonctions sacerdotales et, au principe d'égalité devant Dieu, s'oppose une hiérarchie terrestre qui les placent dans une position subordonnée. Saint Augustin, grande source d'inspiration du droit canonique, distingue ainsi l'ordre de la grâce, dans lequel la femme est l'égal de l'homme, de l'ordre de la nature où elle est à son service[6]. Les femmes se voient ainsi conférer un statut ambivalent. Comme la Vierge Marie, il leur faut allier la pureté et la maternité. Dans la hiérarchie établie par les théologiens et les canonistes, les vierges se voient offrir une place supérieure aux veuves et aux femmes mariées[7]. Les martyres de la pureté incarnent cette idéalisation de la chasteté.

La législation ecclésiastique joue dans l'ensemble un rôle de protection vis-à-vis des femmes. L'Église réprime progressivement les abus les plus criants, interdisant le rapt ou au maître de violer une esclave vierge, au père d'abuser de la fiancée de son fils et de partager la couche de la mère et de la fille. L'obsession est de mettre fin à l'inceste, qui s'était largement répandu.

Le mariage chrétien établit la liberté de choix et la libre volonté des deux époux : ce sont eux qui sont à égalité les ministres du mariage par l'échange symétrique des consentements (et non le prêtre qui n'en est qu'un témoin privilégié) et le prêtre doit s'assurer de la liberté de leur choix par des questions préalables. Si, dans la pratique, les mariages arrangés se poursuivirent, particulièrement dans les classes sociales supérieures, du moins le principe de liberté et d'égalité des époux était-il posé. La répudiation est interdite et le divorce autorisé en trois cas : la stérilité, la consanguinité jusqu'au 7e degré ou l’ordination ultérieure d’un des époux. L’adultère est puni.

Apparu au VIe siècle, le couvent, garant de sécurité matérielle, représente aussi la possibilité d'une vie spirituelle et intellectuelle pour les femmes. Les abbesses exercèrent un pouvoir égal à celui des abbés, et parfois des évêques. La figure emblématique de l'abbesse est l'érudite Hildegarde de Bingen qui vécu à la fin de la période (1098-1179).

Politique

En Gaule, au Ve siècle, selon la tradition, une femme de 28 ans, la future Sainte-Geneviève, appelle les défenseurs de Paris, qui s'apprêtaient à fuir, à résister aux Huns et contribue à sauver la ville.

En Algérie, au VIIe siècle, une femme libre berbère (juive ou chrétienne selon les versions) combattit les Omeyades, après avoir rassemblé autour d'elle une armée d'hommes. Elle vainquit deux fois l'armée Omeyade. Ce sont les historiens arabes de la période médiévale qui lui donnèrent le nom sous lequel on la connaît, la Kahina. Elle fut finalement capturée et décapitée. Figure légendaire de l'identité kabyle et berbère, elle est censée avoir uni tous les hommes de cette nation contre l'envahisseur arabe et musulman.

Moyen Age classique

La plupart des femmes mariées étaient sous le pouvoir de leurs maris.

Politique

Si l'émiettement de l'empire carolingien avait permis à un grand nombre de femmes nobles d'accéder au pouvoir politique et économique, voire militaire, la centralisation de l'État du XIIe siècle leur ferme cette perspective, note Andrée Michel[8]. Cependant, une femme comme Aliénor d'Aquitaine (1133-1204) joua en Angleterre et en Aquitaine un rôle politique, puis culturel, essentiel.

Au XVe siècle, Jeanne d'Arc, âgée de moins de 18 ans, parvient à se faire admettre comme chef de guerre et le reste pendant deux ans. Les circonstances de cette affaire, rendue possible par un contexte politique très particulier, ne sont pas entièrement élucidées. Une partie de l'Église a adopté une position soupçonneuse sur l'épopée de Jeanne (et notamment sur la prétention d'une très jeune femme à avoir reçu une mission divine sans passer par une autorité religieuse instituée): l'Inquisition s'est inquiétée de l'affaire, et c'est d'ailleurs un tribunal ecclésiastique (soucieux de plaire à l'occupant Anglais) qui l'a condamnée au bûcher, après qu'elle a été abandonnée par le roi Charles VII de France. L'histoire de Jeanne d'Arc, qui reste un cas unique, révèle un des paradoxes d'une société dans laquelle, au quotidien, la femme est maintenue dans une situation subordonnée, mais où une femme à peine sortie de l'adolescence a pu faire accepter son autorité par des guerriers de métier endurcis.

Église

Cependant, l'Église, dès le XIe siècle et les réformes grégoriennes, s'efforcèrent de limiter le nombre des religieuses et d'éliminer le pouvoir des femmes en son sein[réf. nécessaire]. À partir de la fin du XIIe siècle se forment dans le nord de l’Europe des communautés de femmes célibataires ou veuves, les « béguines ». Sans faire vœu d'appartenance à aucun ordre religieux, elles mènent une vie spirituelle intense et s'investissent dans l'action caritative.

Littérature

La littérature médiévale est tiraillée entre deux extrêmes. Au XIe et XIIe siècles, deux genres littéraires s'opposent : les fabliaux insistent surtout sur la malignité de la femme et la littérature courtoise définit un idéal de comportement à l'égard des femmes de rang supérieur. Le XIIIe voit le triomphe de la littérature chevaleresque.

Renaissance

La renaissance du droit romain en Occident fait reculer les droits des femmes dans tous les domaines. « Progressivement, mais inéluctablement, les femmes se sont vu exclure de la sphère politique et publique. Même à la Renaissance, lorsque certaines d'entre elles exercent encore un pouvoir réel, quoique de plus en plus contesté, l'échec final est pour ainsi dire la clef de compréhension de tout pouvoir féminin » écrit Thierry Wanegffelen[9]. Aussi peut-on reprendre le titre de l'épilogue de son ouvrage de 2008: « De la Renaissance à l'âge classique : la défaite des souveraines »[10].

Droit

La réinstauration du droit romain en Europe restreint considérablement les droits des femmes qui redeviennent de véritables mineures, abolissant ainsi les acquis chrétiens du haut Moyen Âge.

En France, au XVIe siècle, la femme mariée devient juridiquement incapable. Marie de Gournay (1566-1645), fille adoptive de Montaigne, exprime sa colère dans L'Égalité des hommes et des femmes et Le grief des femmes.

Économie

Pendant la période moderne, le travail des femmes est rendu invisible pour l’historien par le « silence des sources »[11], en particulier des sources fiscales dans lesquelles les femmes mariées s’effacent derrière leur mari, considéré comme le chef de feu. Dans les contrats de mariage, si la règle est de faire apparaître la profession du mari, celle de l’épouse est le plus souvent tue[12]. Le travail des femmes, repérable en creux, est néanmoins largement répandu. Les femmes ont la charge quasi-exclusive du travail domestique et reproductif (soin des enfants et des personnes âgées), participent activement à l’économie familiale et exercent fréquemment une activité salariée, à domicile ou à l’extérieur du foyer. Pour plus de 80% de la population, le travail des femmes s’avère indispensable pour la subsistance du foyer ou pour la constitution des dots des jeunes filles[13].

Le cycle de la vie familiale joue un rôle prépondérant dans le type d’occupation féminin. Les filles célibataires participent à l’économie domestique et sont amenées, pour les plus pauvres, à s’employer dans la domesticité ou dans la boutique en vue de constituer leur dot. Les femmes mariées épousent le plus souvent la profession de leur mari, en conservant parfois une activité salariée conçue comme un complément aux revenus du foyer. Les veuves sont autorisées dans certaines professions à conserver la maîtrise de l’emploi exercé par leur mari ; les plus aisées y trouvent l’occasion d’occuper le devant de la scène ; les plus pauvres doivent trouver à s’employer pour survivre[14]. Dans une société très largement rurale, les femmes travaillent majoritairement dans le secteur agricole. Dans le monde urbain, trois secteurs concentrent la majorité de l’emploi féminin : la domesticité, le textile et le commerce[15].

Du XIVe siècle au XVIe siècle, les femmes se voient confisquer par les hommes la plupart des professions et fonctions auxquelles elles avaient accès, en particulier l'exercice de la médecine populaire[réf. nécessaire]. Les guildes d'artisanes sont éliminées[réf. nécessaire].

Religion

Le droit romain s'impose aussi au sein de l'église catholique. La misogynie des traités de théologie morale des XIVe siècle et XVe siècle est féroce ; la persécution contre les « sorcières » fait des dizaines de milliers de victimes[réf. nécessaire]. Christine de Pisan (1364-1430) plaide dans ce climat la cause des femmes, en particulier celle de Jeanne d'Arc.

Ni l'humanisme, ni la Réforme protestante n'améliorent sensiblement le statut de la femme. Pendant une courte période, les femmes profitent des ouvertures ménagées par la Réforme. La lecture par les femmes de la Bible et des textes sacrés en langue vulgaire est un temps prôné par les prédicateurs[16]. À l’image de Marie Dentière, certaines femmes saisissent l’opportunité qui leur est offerte pour se faire prédicatrices ou se mêler de théologie[17]. Elles bénéficient également de l’effort d’alphabétisation entrepris à partir des années 1560 à travers le catéchisme. Cette liberté de parole est cependant rapidement étouffée. Luther dissout les communautés religieuses et sa propre épouse, Katherine von Bora, donne l'exemple du retour de la femme au foyer. Plusieurs figures féminines, comme Marguerite de Navarre ou Renée de France, continuent cependant de jouer un rôle de première importance dans le développement de la nouvelle doctrine[18]. Au XVIIe siècle, certaines sectes protestantes dissidentes, comme les anabaptistes ou les quakers, autorisent les femmes au prêche ou à la prêtrise[19].

XVIIe-XVIIIe siècles

Du dix-septième au dix-neuvième siècle, l'importance accrue accordée à la vie de famille et à l'enfant a des conséquences contradictoires sur le statut de la femme. Son rôle dans l'éducation est clairement reconnu. Au thème du péché se substitue celui de la nature féminine, plus portée aux sentiments, à l'amour, qu'à la raison. Mais cela signifie également que la femme se doit de se cantonner à son rôle d'épouse et de mère (Rousseau, Kant). Dans les Salons, les dames de l'aristocratie comme la marquise de Rambouillet règnent sur la vie intellectuelle. Apparaît le type de la femme de lettres ou de sciences, mais aussi du bas-bleu ou de la précieuse. Condorcet théorise l'égalité des sexes.

Si les femmes participent activement à la Révolution française, ramenant en particulier de Versailles à Paris « le boulanger, la boulangère et le petit mitron » (journées du 5 et du 6 octobre 1789), les revendications de certaines, comme Olympe de Gouges, auteur de la Déclaration des droits de la femme, ne sont pas prises en compte par les députés - elle finira d'ailleurs sur l'échafaud. Le Code civil français de 1804 reflètera ce conservatisme. La volonté des femmes de participer à la vie publique est rapidement freinée par la majorité des révolutionnaires qui refusent notamment de les voir armées ou bénéficier d'un droit de vote, à quelque niveau que ce soit. Même si seule une minorité de militantes souhaite ces attributions, toutes les revendications sont fortement critiquées, au point même où les habitudes traditionnelles (présence des femmes dans les manifestations, dans les troupes, éventuellement comme combattantes) sont récusées. À partir d'octobre 1793, toute autonomie des femmes est bannie de la vie politique. Les plus politisées qu'elles soient "enragées" comme Pauline Léon, Claire Lacombe, "girondines" comme Olympe de Gouges ou Manon Roland, contre-révolutionnaires, comme Marie-Antoinette ou Charlotte Corday sont réprimées, voire exécutées. Paradoxalement, ce sont les femmes contre-révolutionnaires gardent les pratiques antérieures, certaines se trouvant même dans les armées vendéennes. Non moins paradoxalement, le divorce instauré in extremis le dernier jour de l'Assemblée législatif en 1792 va être largement utilisé par les femmes qui régularisent des situations matrimoniales difficiles. Dès 1795, les hommes s'attaquent peu à peu à la liberté des femmes, leur interdisant par exemple des réunions dans les rues, cherchant à limiter les effets du divorce. Les femmes qui retrouvent une visibilité sont les fameuses "merveilleuses", images même de ce qui est attendu d'un sexe à la fois soumis, séduisant et futile. L'Empire consacre cet état de fait, limitant le divorce, restaurant l'autorité du père de famille. Cependant,l'expérience révolutionnaire laisse des souvenirs et des espérances, dans lesquels s'enracinent les revendications ultérieures[20].

XIXe siècle

Politique

En France, comme le note Geneviève Fraisse, malgré le Code civil, certaines femmes auront cependant eu l'occasion d'exprimer une volonté politique, de prendre conscience de leurs problèmes propres, en même temps que de leur désir d'appartenir à la nouvelle société en qualité de membre actif. Le féminisme aura désormais partie liée avec la gauche, républicaine, utopiste puis socialiste.

Mœurs

Le thème bourgeois de la femme au foyer se répand dans les milieux populaires[réf. nécessaire]. La condition féminine dans la société victorienne prend des caractéristiques particulières au cœur de l'Empire britannique à son zénith. Elle est notamment marquée, comme aux États-Unis à la même période, par la doctrine de la coverture qui suspend la personnalité juridique de la femme mariée pour la fondre avec celle de son époux. En vertu de ce principe, la femme mariée perd à titre individuel toute capacité juridique.

Économie

Dès le début de la révolution industrielle, les femmes entrent dans les usines, notamment dans le secteur textile, bastion traditionnel de l’emploi féminin. Le travail des ouvrières rencontre cependant une vive opposition de la part du mouvement ouvrier naissant. La mécanisation permet en effet la substitution d’ouvrières peu qualifiées à des emplois qualifiés autrefois exclusivement masculins. Le salaire des femmes, nettement inférieur à celui des hommes, est également une aubaine pour les employeurs. Les premiers syndicalistes dénoncent la concurrence déloyale mais aussi la désorganisation des foyers qu’entraînerait le travail féminin. Les proudhoniens, dominants en France, sont attachés à une répartition sexuée des rôles sociaux qui maintient les femmes au foyer, conception qu’ils partagent avec les économistes de leur temps[21]. Lors du congrès de Genève de l’Association internationale des travailleurs en 1866, le refus du travail des femmes est voté à leur initiative, au motif qu’il constitue un « principe de dégénérescence pour la race et un des agents de démoralisation de la classe capitaliste »[22].

Aux États-Unis, le principal syndicat - la Fédération américaine du travail - est hostile au travail des femmes et empêche leur accès à de nombreux métiers[23]. En réaction, les ouvrières new-yorkaises s’organisent de manière autonome au sein de l’International Ladies' Garment Workers' Union. L’arrivée de migrantes juives d’Europe de l’Est, plus politisées, est à l’origine du premier conflit social d’ampleur dans le secteur de la confection avec le soulèvement des 20000 mené par Clara Lemlich en 1909[24]. En Grande-Bretagne, c'est vingt ans plus tôt, avec la grève des ouvrières des manufactures d’allumettes à Londres en 1888, qu'a eu lieu le premier conflit social d'ampleur mené par des ouvrières sans qualifications.

XXe siècle : Pays développés

Politique

En France, Léon Blum accorde certes en 1936 quatre secrétariats d'État à des femmes, mais pas le droit de vote. Ce n'est qu'à partir des années soixante-cinq que les femmes font triompher en Occident l'idée de l'égalité des sexes ; certains estiment que la possibilité de maîtriser leur fécondité a représenté de ce point de vue la principale avancée.

Guerres mondiales

Le Victory Program : ouvrière travaillant sur un moteur de bombardier B-25 "Billy Mitchell" ; département motorisation, North American Aviation, Inc. (octobre 1942).

La participation des femmes dans l'effort lié à la guerre totale que s'imposent les puissances belligérantes fera évoluer de manière induite les droits des femmes ; l'Histoire des femmes dans la guerre évolue[25], certaines deviennent combattantes dans les armées régulières ou dans la Résistance. Sans en faire des soldats, d'autres nations telles le Royaume-Uni les incorporent en temps qu'auxiliaires féminines. Les États-Unis mettent fin pour six ans à la perspective de la femme au foyer en employant 6 millions de concitoyennes dans les industries d'armement du Victory Program ; « l'arsenal des démocraties », selon la formule de Franklin Delano Roosevelt : le président l'a dit, elles l'ont fait.

Notamment pendant le déroulement de la Seconde Guerre mondiale, où l'auteur anonyme du récit Une femme à Berlin émet l'idée que les grands perdants dans cette guerre sont les hommes, annonçant l'avènement ultérieur d'une libération sexuelle[26]. À la libération, les femmes n'ont pas été épargnées puisque le phénomène collectif et revanchard des Femmes tondues a été observé.

Économie

Dans les pays développés, les femmes sont plus diplômées que les hommes (en 1996, on comptait en France 1 133 900 étudiantes pour 928 000 étudiants), sans que les disparités disparaissent, tant en ce qui concerne les filières d'études que la vie professionnelle et le niveau des salaires.

Depuis le début des années 1970, le nombre des femmes actives a augmenté de plus de trois millions en France, mais D. Kergoat note que de 1962 à 1992 ouvriers et ouvrières ont vu leur qualification suivre des mouvements inverses. Les classifications supérieures se masculinisent, les catégories d'ouvriers non qualifiés se féminisent encore davantage. Dans les autres domaines d'activité, cependant, le meilleur niveau de formation initiale va de pair avec l'accès aux postes d'encadrement et de commandement, tout spécialement en Île-de-France[27].

Moeurs

Si certaines féministes entendent dissocier radicalement la révolution des mœurs impulsée par la lutte des femmes à partir des années soixante-cinq de la « révolution sexuelle », il y a, plus généralement, convergence de l'individualisme et du féminisme.

XXe siècle: Pays en voie de développement

Manifestation à Dhaka au Bangladesh pour l'emploi des femmes.

Politique

Dans le tiers-monde, femmes politiques (souvent les héritières de quelque héros national) et écrivaines jouent un rôle politique essentiel dans la lutte contre les régimes autoritaires et corrompus, qui prennent appui sur l'armée et le conservatisme des mœurs.

Education

Le statut et l'éducation des femmes sont une des clés de la sortie du sous-développement. Plus autonomes et mieux éduquées les femmes sauront maîtriser leur fécondité, éduquer leurs enfants, participer plus efficacement à la vie économique, où elles jouent presque toujours un rôle essentiel.

Il reste cependant beaucoup à faire. Dans le monde, 120 millions d'enfants n'ont pas accès à l'école ; les deux tiers sont des filles[réf. nécessaire].

Si, au moment de la décolonisation, les stratégies de développement des pays nouvellement indépendants se sont orientées en premier lieu vers l'éducation, il faut attendre les années 1970 pour que les organismes internationaux et les administrations des pays du tiers-monde prennent conscience du rôle fondamental de la force de travail des femmes dans la survie des populations rurales de ces régions. « Pivot essentiel de la vie des familles, c'est elle qui devrait être au centre de la formation », considère Willy Randin[28]. De nombreux projets d'éducation informelle (non scolaire) à destination des femmes rurales se limitent aux conseils domestiques. Les femmes ont pourtant d'autant plus besoin de formation agricole qu'elles se voient souvent confier les champs les plus difficiles à cultiver, au Niger par exemple. Les femmes doivent encore assurer des activités commerciales ou artisanales, complément d'autant plus nécessaire que, parfois, le mari utilise pour lui-même ses propres revenus, les femmse devant acheter seules les biens pour la consommation familiale. L'éducation des femmes joue enfin un rôle économique indirect. Les femmes sont chargées d'éduquer les enfants, elles peuvent leur transmettre une mentalité mieux adaptée à l'économie moderne, «l'idéologie de la réussite individuelle » (Anne Guillou). L'hygiène permettra aussi de pallier les conséquences économiques de maladies trop fréquentes qui diminuent la productivité des agriculteurs. La contraception comme le recul de l'âge du mariage soulagera l'économie du poids de la démographie. Ainsi, la politique volontariste de la Tunisie à l'égard des femmes, amorcée dès 1966, leur a donné accès à l'enseignement et à l'emploi (selon les chiffres de l'Unesco, les étudiantes représentaient en 1996 44,5% des 121 700 étudiants tunisiens). Cela a pu contribuer à la baisse du taux de fécondité, aujourd'hui voisin de celui de l'Occident.

Une bonne

La charge même de travail qui pèse sur les femmes rend particulièrement difficile le suivi assidu d'une formation. Les petites filles sont souvent considérées comme une force de travail d'appoint, domestique en particulier, voire mariées précocement. De plus le garçon continue le lignage, quand le capital culturel et professionnel de la fille appartiendra pour ainsi dire à son mari, c'est-à-dire à un autre lignage. Au Bénin, on tolère plus facilement la scolarisation des cadettes que celle de l'aînée, mais seul le garçon sera soutenu financièrement. Notons pourtant que c'est au plus fort de la vague islamique que l'alphabétisation des femmes a connu des progrès fulgurants au Maghreb, passant en Algérie, selon l'Unesco, de 24% en 1980 à 49% en 1995 (Tunisie, 32% et 55%; Maroc, 16% et 31%). En 1998, le taux d'activité des femmes marocaines de plus de 15 ans atteignait 33%. Si l'éducation des femmes est rendue difficile par la lourdeur même des tâches de reproduction et de production qui leur incombent dès l'enfance, elle peut finalement être facilitée par des investissements modiques : en Afrique, construction de moulins à mil ou de puits. Le défaut de moyens de transport peut gêner tant l'accès à la formation que l'engagement des femmes dans des activités rémunératrices, commerciales et artisanales. Mais selon Ester Boserup, insister uniquement sur le rôle économique traditionnel des femmes pourrait bien conduire à les cantonner dans les tâches les moins productives et les moins rémunératrices.

Dans les villes des pays peu développés, l'alphabétisation des femmes est devenue monnaie courante. Mais les jeunes citadines reçoivent rarement une éducation qui leur offre des débouchés professionnels dans le secteur moderne, sauf en ce qui concerne les carrières commerciales. L'école ne cherche guère à stimuler leur intérêt pour les matières liées à la vie professionnelle, ou sinon les oriente vers un champ restreint d'activités, comme le secrétariat, l'enseignement ou les métiers médico-sociaux. E. Boseru remarquait que lorsque les Universités s'ouvrent aux jeunes filles, elles se rassemblent d'abord dans les facultés de Lettres, puis en Médecine et dans les branches apparentées. Selon elle, les jeunes filles auraient intériorisé la coutume qui veut que les femmes s'occupent des enfants et des malades. Il y a cependant des pays, comme la Thaïlande, où il est de tradition que les femmes exercent un métier. Elles entrent alors directement en compétition avec les hommes sur le marché général du travail. Il n'y a pas en fin de compte de lien direct entre le niveau d'étude des femmes et celui de leur activité, comme le montre le cas de la Grèce. À l'inverse de ce qui s'est passé en France, l'emploi féminin diminue en Grèce depuis le tournant des années soixante. Les femmes grecques ne constituent qu'une force de travail d'appoint, au moindre coût. Elles seront aussi les premières licenciées. En Afrique, la déconfiture du système scolaire rend difficile la réussite scolaire des jeunes filles. Même lettrées, les jeunes filles n'auront que bien peu de chance de trouver un emploi salarié qualifié, domaine monopolisé par les hommes. Selon Anne Guillou, l'instruction marginalise les femmes par rapport à l'ordre traditionnel. La classe lettrée s'étoffe, mais ces femmes ont bien du mal à s'intégrer socialement et économiquement, en raison justement du sous-développement comme de la structure toujours très traditionnelle de la société.

Le féminisme

Le féminisme désigne d'abord un courant d'idées lié à la dénonciation de l'oppression subie par les femmes. Parce que les revendications des femmes sont inséparables d'une critique globale de la société et des représentations, le féminisme a depuis 1965 calqué sa rhétorique sur celle des partis ouvriers ou de libération des peuples colonisés (Women Movements). Actuellement, les thèmes féministes, très diffus, sont plutôt intégrés à une vision démocratique et libérale des rapports entre les individus.

Le féminisme et l'image des femmes

Le corps des femmes constitue le terrain privilégié de la confrontation des féministes et de leurs adversaires. Dans la théorie féministe, pour celui qui est considéré comme paternaliste, les femmes ne seraient au fond que l'instrument de la reproduction, ou de la jouissance. Pour les féministes, les femmes ont dû revendiquer et obtenir, contre cette représentation, certains « droits » : le droit de se cultiver et de travailler en dehors de la maison, ou de disposer de leur salaire, la liberté de disposer de leur corps (droit au divorce, à la contraception, sans oublier la levée des restrictions concernant la recherche de paternité, en 1993). Elles ont également lutté pour que le viol soit systématiquement condamné.

Selon Bourdieu[29], cependant, l'aliénation des femmes se fait aussi de façon plus subtile, lorsqu'elles croient par exemple se reconnaître dans les activités de séduction, se définissant ainsi par et pour le regard de l'autre, et non comme sujet autonome. Plus généralement, s'agit-il, comme le croyaient certains romantiques allemands, de libérer le propre des femmes, afin qu'il nourrisse enfin la culture et la société dans son ensemble, influence et civilise le comportement des hommes ? (Différentialisme) Ou bien cette prétendue nature féminine n'est-elle que le sous-produit de la domination masculine ? C'est là la problématique essentielle que le féminisme contemporain se doit de résoudre, en pratique comme en théorie.

La lutte des sexes ?

Malgré le radicalisme sectaire qu'on leur prête, les féministes post-soixante-huitardes n'ont pas fait de leur mouvement une structure fermée. Elles ont opté pour une multitude de petits groupes très réactifs. C'est que les femmes ne constituent pas une classe économique, encore moins une nation. Elles ne peuvent pas espérer construire une société par exclusion des hommes. Il s'agit plutôt pour elles de créer les conditions sociales de leur épanouissement et de l'égalité des sexes. Cette stratégie a permis indiscutablement une bonne diffusion des thèses de la critique féministe dans les partis, les syndicats et la société entière. Historiquement, les premières féministes ne séparaient pas leur action des mouvements d'émancipation comme les Lumières, puis, au dix-neuvième siècle, les partis politiques républicains ou les socialismes utopique et marxiste. Des femmes comme Louise Michel se sont battues lors de la Commune aux côtés des hommes. Pour certaines féministes, c'est la gauche politique qui n'a pas été à la hauteur de ses idéaux universalistes et égalitaires. Selon Edith Thomas, la cause des femmes a réuni tous les hommes, ou presque, contre elle, y compris ceux de gauche ; quand ils en parlent, les historiens marxistes ne voient dans la « question féminine » qu'un aspect de la « question sociale ».

Sociologues et surtout anthropologues comme Françoise Héritier considèreraient plutôt que la domination des femmes par les hommes n'est pas propre à une époque ni à une société données. Selon cette dernière, cette domination s'enracine dans les structures de l'imaginaire symbolique, ce qui ne veut en aucun cas dire que les femmes sont par nature réellement inférieure aux hommes.

Pourtant, quelle que soit la réalité de ces invariants structuraux, dans une perspective féministe, la fausse évidence de la supériorité masculine serait inséparable du fonctionnement d'institutions historiques, comme l'Église, la famille, l'école, qui entendraient persuader les femmes de leur infériorité. Les féministes considèrent que le succès des femmes dans tous les domaines, dès lors qu'elles y ont accès, suffit à le démontrer. Il y aurait donc bien une lutte entre les sexes, qui constituerait une constante de l'histoire et de l'anthropologie, lutte larvée ou ouverte, parfois sanglante, lutte qui s'expliquerait par la volonté des hommes de maintenir les femmes dans un état perpétuel de tutelle et de s'approprier le contrôle de leur fécondité. Ainsi, les hommes des sociétés traditionnelles seraient bien moins ouverts que les femmes à la modernité : ils auraient beaucoup de privilèges à y perdre.

L'émancipation sociale des femmes et ses limites.

Du moins en Occident, le succès des idées féministes est plus éclatant que celui du féminisme politique, qui ne s'est finalement manifesté dans l'histoire contemporaine que de façon épisodique. Ce succès, même relatif, est sans doute une des raisons de la désaffection à l'égard du militantisme féministe. Outre l'action militante, l'émancipation des femmes s'expliquerait par le déclin de l'influence de l'Église, par la généralisation du travail féminin salarié et son contrecoup sur la cellule familiale, par les progrès des conceptions libérales des mœurs et de l'individu. En France, les femmes obtiennent le droit de vote en 1944, le planning familial est créé en 1956 par Mme le Dr Veil.

La loi Simone Veil (janvier 1975) qui dépénalise l'avortement est définitivement adoptée en 1979. En 1992, Véronique Neiertz fait voter la loi qui pénalise le harcèlement sexuel au travail, les violences familiales et les commandos anti-IVG. Mentionnons enfin le principe de la parité politique, inscrit dans la constitution en 1999. La loi donne souvent l'impression de courir après les mœurs, mais traduit aussi la volonté politique de lutter contre les inégalités entre les sexes et de promouvoir la dignité des femmes.

Mais certaines questions sont plus complexes : la garde des enfants, généralement attribuée aux femmes en cas de divorce, reproduit la division traditionnelle des rôles. Si les femmes ont le droit de travailler et de disposer de leur salaire, cela n'entraîne pas un partage équitable des tâches domestiques, qui alourdissent leur journée (la "double journée") et entravent de fait leur carrière professionnelle. Le libéralisme a joué un rôle important dans l'émancipation des femmes, mais il tend aussi à restreindre les protections contre les discriminations salariales ou celles qui concernent l'emploi et la carrière. Ainsi, le temps partiel est souvent contraint et tend à devenir la norme chez les femmes. La réussite des femmes se fait surtout dans des domaines qui subissent une certaine désaffection de la part des hommes, comme la fonction publique ou l'enseignement, qui sont relatifs au "care" (soin, aide). En revanche, les femmes occupent moins de 5 % des postes de direction en science de l'Union européenne, et environ 2 % des postes de numéro un ou deux des entreprises françaises de plus de 500 salariés. Certaines professions se sont cependant féminisées sans perdre de leur « valeur sociale » : droit, médecine, journalisme.

Ailleurs dans le monde, l'accès des femmes aux études supérieures n'a pas toujours conduit à l'égalité avec les hommes, ni même à la remise en cause des statuts traditionnels. Dans nos régions, un certain culte de la violence et des conduites viriles, en particulier dans les milieux populaires, pourrait selon les féministes conduire à une remise en cause de l'égalité des femmes et des hommes.

Voir aussi

Références

  1. "Partant, [le féminin] a constitué, en premier lieu, un domaine d'étude où les femmes ont enquêté sur les racines historiques et les dynamiques sociales de leur oppression", BONESIO, Luisa, La femme et la féminité comme objet de recherche, Encyclopaedia Universalis, Paris, 1990
  2. Monique David-Menard indique dans l'article Femme de l'Encyclopaedia Universalis, que les études sur les femmes semblent "remarquablement anhistoriques".
  3. Dans Une chambre à soi, Virginia Woolf remarque quant à elle que de nombreux hommes écrivent des traités sur les femmes (ou sur « la » femme), sans pour autant posséder une autre autorité (scientifique, historique) que celle d'être des hommes.
  4. BOURDIEU Pierre, La domination masculine, p 114 à 116, Paris, Seuil, 1998
  5. BONESIO, Luisa, Op. cit.
  6. a et b Jean Verdon, Les Femmes en l'An Mille, Perrin, 1999, p. 19.
  7. Verdon (1999), p. 162.
  8. Le féminisme, PUF, 1979
  9. Le pouvoir contesté. Souveraines d'Europe à la Renaissance, Payot, 2008, page 443.
  10. idem
  11. Scarlett Beauvalet-Boutouyrie, Les femmes à l’époque moderne. XVIe-XVIIIe siècles, Belin, 2003, p. 99.
  12. Beauvalet-Boutouyrie (2003), p. 100.
  13. Beauvalet-Boutouyrie (2003), p. 103.
  14. Beauvalet-Boutouyrie (2003), p. 101.
  15. Beauvalet-Boutouyrie (2003), p . 114.
  16. Beauvalet-Boutouyrie (2003), p. 150.
  17. Beauvalet-Boutouyrie (2003), p. 152.
  18. Beauvalet-Boutouyrie (2003), p. 153.
  19. Beauvalet-Boutouyrie (2003), p. 154.
  20. Jean-Clément Martin, La Révolte brisée. Femmes dans la Révolution et l'Empire,Armand Colin, 2008.
  21. Joan Wallach Scott, « L'ouvrière, mot impie, sordide. », Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 83, juin 1990. Masculin/féminin-1. pp. 2-15.
  22. Cité in Michèle Riot-Sarcey, Histoire du féminisme, La Découverte, Paris, 2008, p. 53.
  23. Sara Evans, Les Américaines. Histoire des femmes aux États-Unis, Belin, 1992, p. 269.
  24. Evans (2003), p. 273.
  25. vidéo Les femmes dans la guerre sur le site de France 2.
  26. Des photocopies du texte Une femme à Berlin circuleront d'ailleurs en Allemagne en 1968 compte tenu de ces remarques associées au récit de l'expérience de viol subi les lendemains immédiats de la bataille de Berlin.
  27. Jacques Scheibling, référence à préciser
  28. RANDIN Willy: Femmes source de progrès: Sud, des actes concrets, Favre SA, 2004
  29. BOURDIEU, Pierre, Op cit

Bibliographie

Les ouvrages suivants sont classés par ordre chronologique pour mieux respecter l'évolution des pensées et des recherches.

  • Emily Anne Eliza Shirreff, Essays and Lectures on the Kindergarten, Principles of Froebel's System, and their Bearing on the Higher Education of Women (1863).
  • Mathilde Laigle, Le livre des Trois Vertus de Christine de Pisan et son milieu historique et littéraire, Paris, Honoré Champion, 1912.
  • Pierre Grimal, Histoire mondiale de la femme, Paris, Nouvelle librairie de France, 1965-1967.
  • Maurice Bardèche, Histoire des femmes, Paris, Stock, 1967-1968 (2 volumes).
  • Andrée Michel, Le Féminisme, P.U.F., 1979 (réédité en 1998).
  • Marie-Jo Bonnet, Les relations amoureuses entre les femmes du XVI au XXe siècle (Denoël-Gonthier 1981) Odile Jacob, 1995.
  • Marija Gimbutas, The language of the Goddess, Harpercollins, 1989, 388 p. (ISBN 0062503561)
  • Michelle Perrot et Georges Duby (dir.), Histoire des femmes en Occident, Plon, Paris, 1990-1991 (5 volumes).
  • Christopher Lasch, Les Femmes et la vie ordinaire (Women and the Common Life. Love, Marriage, and Feminism, 1997), Climats, 2006.
  • Pierre Bourdieu, La Domination masculine, Seuil, 1998.
  • Michelle Perrot, Les femmes ou les silences de l'histoire, Paris, Flammarion, 1998.
  • Françoise Thébaud, Écrire l'histoire des femmes, ENS-Éditions, 1998.
  • Nacéra Benseddik, "Être femme dans le Maghreb ancien", Awal, 20, 1999, p. 113-150.
  • Florence Montreynaud, Le XXe siècle des femmes, Éditions Nathan, Paris, 1999.
  • André Rauch, Crise de l'identité masculine, 1789-1914, Hachette, 2001.
  • Willy Randin, Femmes source de progrès: Sud, des actes concrets, Favre SA, 2004.
  • David Gilles, « La condition juridique de la femme en Nouvelle-France : essai sur l’application de la Coutume de Paris dans un contexte colonial », Cahiers aixois d’histoire des droits de l’outre-mer français, PUAM, Aix-en-Provence, n°1, 2002, pp. 77-125.
  • Eliane Gubin, Catherine Jacques, Florence Rochefort, Brigitte Studer, Françoise Thébaud, Michelle Zancarini-Fournel (co-dir.), préface de Michelle Perrot, Le siècle des féminismes, Paris, Les Éditions de L'Atelier, 2004.
  • Marie-Jo Bonnet, Les femmes dans l'art, qu'est-ce que les femmes ont apporté à l'art?, Ed. de La Martinière, 2004.
  • Dossier "Histoire des femmes" dans Historiens et Géographes, n°392, octobre 2005, p.69-145. ISSN 004675X
  • Nacéra Benseddik,"Laßt die Hände nach Wolle greifen …", Antike Welt, hft 3, 2006, p. 23-30.
  • Jean-Clément Martin, La Révolte brisée. Femmes dans la Révolution et l'Empire,Armand Colin, 2008.
  • Thierry Wanegffelen, Le pouvoir contesté. Souveraines d'Europe à la Renaissance, Payot & Rivages, 2008.
  • David Gilles, « Les filles du roi en Nouvelle-France : administrer une politique de peuplement colonial sous l’Ancien régime », La femme dans l’histoire du droit et des idées politiques, (ss. dir. E. Gasparini et P. Charlot). Éditions universitaires de Dijon, 2008, pp. 29-59.
  • Yannick Ripa, Les femmes en France, 1880 à nos jours, Editions du Chêne, Paris, 2007.
  • Les religieuses dans le cloître et dans le monde: des origines à nos jours, Actes du 2e colloque international du CERCOR, Poitiers, 29 septembre-2 octobre 1988, éd. Nicole Bouter, Publications de l'université de Saint-Etienne, 1994.
  • Jean-François Wagniart et Hélène Latger, Des femmes sans histoire ?, Institut de recherches de la FSU / Syllepse, Paris, 2004
  • Jean C. Baudet, Curieuses histoires des dames de la science, Jourdan, Bruxelles, 2010.
  • Nichola Anne Haxell, « "Ces Dames du Cirque": A Taxonomy of Male Desire in Nineteenth-Century French Literature and Art », MLN, vol. 115, no. 4, The Johns Hopkins University Press, French Issue (Sep., 2000), p. 783-800 [1]

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