Place des femmes en Grece antique

Place des femmes en Grece antique

Place des femmes en Grèce antique

Femme filant, détail d'une œnochoé attique à fond blanc du Peintre de Brygos, vers 490 av. J.-C., British Museum

Dans les épopées homériques déjà, la Grèce antique s’affirme comme une société patriarcale. Au VIIIe siècle, la cité en se développant se bâtit sur une double exclusion : « club de citoyens », elle exclut les étrangers (métèques) et les esclaves ; « club d’hommes », elle exclut les femmes[1]. Aristote définissant la citoyenneté comme la possibilité de participer au pouvoir politique[2], la femme en est donc la plus éloignée : contrairement aux métèques et aux esclaves, elle ne peut jamais devenir citoyenne. Il faut attendre l’époque hellénistique pour voir de grandes figures de femmes émerger dans le monde grec, des reines comme les Bérénice, Arsinoé ou Cléopâtre.

Sommaire

L’épopée homérique

L'Iliade et surtout l'Odyssée, quand ils ne dépeignent pas des combats et des banquets royaux, comprennent de nombreuses scènes de la vie quotidienne, où les femmes sont sur le devant de la scène. Le caractère historique de ces descriptions est évidemment sujet à caution : cependant, il semble probable que le ou les poètes auteurs de ces deux épopées ait tiré son inspiration, dans ces passages, de la vie quotidienne de son époque, au VIIIe siècle av. J.-C.

Fresque de « la Parisienne », palais de Cnossos

Dans les épopées, la femme a un triple rôle : épouse, reine et maîtresse de maison[3]. Épouse d'abord ou future épouse, ce qui permet d'appréhender la complexité des pratiques matrimoniales grecques. On trouve d'abord le classique système du contre-don, illustré par le contre-exemple d'Agamemnon pressant Achille de reprendre le combat. Il lui offre l'une de ses trois filles en précisant : « qu'il emmène celle qu'il voudra dans la demeure de Pélée, et sans m'offrir de présents[4] ». Il s'agit là d'une pratique exceptionnelle : normalement, l'époux doit donner à son beau-père des présents, les ἕδνα / hêdna. La femme vient alors s'installer chez son époux, ici, dans la demeure du père d'Achille. L'union est monogame chez les héros grecs comme troyens. Cependant, les pratiques matrimoniales restent encore peu formalisées : Hélène, épouse légitime de Ménélas, est traitée également comme l'épouse légitime de Pâris. Priam déroge à la règle de monogamie ; au reste, son palais accueille ses fils et leurs épouses mais aussi ses filles et leurs maris.

Les femmes des rois homériques sont aussi des reines. Ainsi, au chant VI de l'Iliade, Hécube peut-elle convoquer les femmes de Troie pour une cérémonie religieuse. Au chant IV de l'Odyssée, Télémaque se rendant à Sparte est accueilli dans la salle du banquet par Hélène qui siège devant les compagnons de son mari. De même, Arété, femme d'Alcinoos, siège dans la salle du palais, aux côtés de son époux.

Enfin, elles sont des maîtresses de maison, régissant l'οἶκος / oikos, c'est-à-dire la maison, le domaine. Leur symbole est la quenouille : Pénélope tisse sa célèbre toile, à l'instar d'Hélène — qui représente la guerre de Troie — ou encore Andromaque, qu'Hector renvoie à son métier au moment où il part au combat[5]. Il leur revient également accueillir les hôtes, comme le fait Arété pour Ulysse ou Polycaste, fille de Nestor, pour Télémaque. Enfin, elles doivent gérer les ressouces du domaine. Quand Ulysse part pour Troie, c'est à Pénélope qu'il confie les clefs du trésor.

Autour de l'épouse légitime gravitent les servantes et les concubines. Les premières sont à la disposition du maître de maison. Ainsi, à la fin de l'Odyssée, Ulysse tue également les servantes qui avaient couché avec les prétendants. Elles aident les épouses dans leurs travaux domestiques et sont supervisées par une intendante, personnage central de l’oikos grec. La nourrice occupe également une place importante, témoin le rôle joué par Euryclée, nourrice d'Ulysse puis de Télémaque, achetée cent bœufs par Laërte, qu'il honore « à l'égal de son épouse[6]. Les concubines sont des captives de guerre, le lot du vainqueur, qui servent de dons ou de contre-dons entre rois, telles Briséis et Chryséis. Lorsque Troie est prise, la femme et les filles de Priam sont des trophées à part entière pour les vainqueurs achéens. Les femmes, quel que soit leur statut, restent avant tout soumises aux hommes, qu'ils soient des maris ou, dans le cas de Pénélope, son fils Télémaque.

Les siècles obscurs et l'époque archaïque

Témoignages archéologiques

La principale source que nous ayons sur les femmes de cette époque est archéologique : représentations picturales sur la céramique ou matériel funéraire. En effet, dès les siècles obscurs, le choix d'objets déposés dans les tombes dépend du sexe du défunt.

Les femmes et la colonisation grecque

L'époque archaïque voit les Grecs, contraints par l'étroitesse de leurs terres, se lancer dans un grand mouvement de colonisation. La plupart du temps, les colons sont uniquement des hommes : ils comptent sur la population indigène pour leur fournir des épouses. C'est le procédé traditionnel du mariage par rapt. Hérodote[7] rapporte ainsi que les colons athéniens fondateurs de Milet, en Carie, attaquent les autochtones, s'emparent des femmes et tuent les hommes. Pour se venger des agresseurs, les femmes cariennes jurent de ne jamais manger avec leurs « époux » et de ne jamais les appeler par leur nom[8].

Mariages et tyrans

Le mariage comme moyen d'établir des alliances trouve son apogée à partir de la seconde moitié du VIIe siècle av. J.-C., alors que beaucoup des cités grecques sont gouvernées par des tyrans, c'est-à-dire des monarques extra-constitutionnels, dont le pouvoir s'établit sui generis. En rupture avec les féodalités antérieures, ils s'appuient néanmoins sur elles pour asseoir leur pouvoir. Ainsi, l'Athénien Pisistrate se marie trois fois : la première fois, avec une Athénienne anonyme ; la seconde, avec une Argienne de haut rang ; la troisième, avec la fille de son adversaire Mégaclès, de la puissante famille des Alcméonides. À la fin du Ve siècle av. J.-C., Denys l'Ancien, tyran de Syracuse, veuf de sa première femme, double le bénéfice de son mariage en contractant deux alliances simultanément[9] : les deux épouses sont les filles de grands personnages, l'une de Locres, l'autre de Syracuse.

Les filles de tyrans servent le même propos : les familles aristocratiques rivalisent pour obtenir leur main. Ainsi, lorsque Clisthène, tyran de Sicyone au début du VIe siècle av. J.-C., marie sa fille Aragisté, treize prétendants, issus des grandes familles de douze cités, se présentent pour elle. Pendant un an, les prétendants vivent au palais de Clisthène, entretenus comme les prétendants de Pénélope. Dans le même temps, Clisthène les jauge suivant leur lignée, leurs vertus, leurs prouesses sportives ou encore la puissance de leur lignée. Les tyrans recourent également à l'endogamie, faute de partis jugés suffisants pour les filles : ainsi, Denys marie l'un de ses fils à sa propre sœur, tandis que l'un de ses frères épouse sa nièce[10].

À Gortyne

Gortyne est une petite cité de Crète qui est loin de jouer un rôle de premier plan en Grèce antique. Néanmoins, elle a livré trois fragments de pierre inscrite constituant ce que l'on a appelé le « Code de Gortyne », comprenant sept chapitres de législation privée, principalement centrée sur le droit de la famille[11].

Comme dans les autres cités grecques, la femme à Gortyne est une inférieure. Elle est sous la tutelle permanente d'un homme : père, frère ou époux. Si elle est protégée contre le viol, la législation ne distingue pas celui-ci de la séduction : il est indifférent qu'elle ait été consentante ou non — seuls les intérêts de son gardien sont pris en compte. Le mariage est par essence l'union de deux lignées : le gardien dispose du droit de donner sa protégée en mariage. Quand elle donne naissance à des enfants, son gardien prend seul la décision de les garder ou de les exposer.

Cependant, la femme jouit à Gortyne d'une autonomie beaucoup plus grande que dans les autres cités. Elle peut posséder des biens, qu'ils soient meubles ou immeubles. Elle les acquiert principalement par sa dot : elle reçoit la moitié d'une part d'héritage mâle, hors préciput (maison familiale et instruments agricoles). Elle est libre de disposer de ses biens : ni son mari, si son fils n'ont le droit de les placer en hypothèque. En cas de divorce ou de veuvage, la dot lui reste acquise et elle peut l'utiliser pour se remarier. En revanche, il semble assuré que la femme ne gère pas elle-même ses biens. Ainsi, en cas de divorce, l'époux conserve la moitié des revenus de la dot, même s'il est en tort.

La fille héritière (c'est-à-dire orpheline et sans frères), la patrôïôkos (de τὰ πατρῷα / tà patrỗia, « le bien paternel »), a le droit de refuser celui qui doit normalement l'épouser, c'est-à-dire le plus proche parent. En l'absence de plus proche parent, ou en cas de refus de ces derniers, la patrôïôkos est libre d'épouser qui elle veut (ou peut). Si elle est déjà mariée, la situation varie suivant l'existence ou non d'enfants : en gros, du moment qu'elle a déjà des enfants qui puissent recueillir l'héritage du côté de leur mère, la patrôïôkos est laissée dans une relative liberté, situation qui contraste avec celle de l'épiclère athénienne (cf. ci-dessous).

À Athènes

Athènes est la principale source d'informations sur les femmes en Grèce. Il est difficile de savoir à quel point les caractéristiques athéniennes peuvent s'appliquer aux autres cités grecques.

Filles et femmes de citoyen

Athénienne portant le chiton, détail de la frise des Ergastines, musée du Louvre

La femme athénienne est une éternelle mineure, qui ne possède ni droit juridique, ni droit politique. Toute sa vie, elle doit rester sous l’autorité d'un κύριος / kúrios (« tuteur ») : d’abord son père, puis son époux, voire son fils (si elle est veuve) ou son plus proche parent.

Statut

Son existence n’a de sens que par le mariage, qui intervient généralement entre 15 et 18 ans. Celui-ci est un acte privé, un contrat conclu entre deux familles. Curieusement, le grec n’a pas de mot spécifique pour désigner le mariage. On parle de ἐγγύη / engúê, littéralement le gage, la caution : c’est l'acte par lequel le chef de famille donne sa fille à un autre homme. La cité n’est pas témoin et n’enregistre pas sur un acte quelconque cet événement, qui en soi ne suffit pas à conférer à la femme le statut marital. Pour cela, il faut y ajouter la cohabitation. Le plus souvent, celle-ci suit l’engué. Cependant, il arrive que l’engué ait lieu alors que la fille est encore enfant. La cohabitation n’a donc lieu que plus tard. De manière générale, la jeune fille n’a jamais son mot à dire dans son futur mariage.

Avec sa propre personne, la jeune mariée apporte également sa dot dans sa nouvelle famille. Elle est généralement constituée de numéraire. La dot n'est pas à proprement parler la propriété du mari : lorsque sa femme meurt sans enfants ou en cas de divorce par consentement mutuel, la dot doit être rendue. Lorsque la somme est importante, le tuteur de la mariée se protège souvent par une hypothèque spéciale, l'ἀποτίμημα / apotímêma : un bien immobilier est engagé comme contrepartie, engagement matérialisé par un horos. À défaut de remboursement de la dot, la terre est saisie.

Le divorce sur l'initiative de l'épouse ne devrait normalement pas être permis : seul le tuteur pourrait demander la dissolution du contrat. Cependant, des exemples montrent que la pratique existe bien. Ainsi, Hipparétè, femme d'Alcibiade, demande le divorce en se présentant en personne auprès de l'archonte[12]. Les commentaires de Plutarque suggèrent qu'il s'agit là d'une procédure normale. Dans le Contre Onétor de Démosthène, c'est le frère de l'épouse, son tuteur, qui introduit la demande de divorce.

Une stricte fidélité est requise de la part de l'épouse : son rôle est de donner naissance à des fils légitimes qui puissent hériter des biens paternels. Le mari surprenant sa femme en flagrant délit d'adultère est ainsi en droit de tuer le séducteur sur-le-champ. La femme adultère, elle, peut être renvoyée. Selon certains auteurs, l'époux bafoué serait même dans l'obligation de le faire sous peine de perdre ses droits civiques. En revanche, l'époux n'est pas soumis à ce type de restriction : il peut recourir aux services d'une hétaïre ou introduire dans le foyer conjugal une concubine (παλλακή / pallakế) — souvent une esclave, mais elle peut aussi être une fille de citoyen pauvre.

Un cas particulier : la fille épiclère

Femmes lavant le linge, pélikè attique du Peintre de Pan, v. 470-460 av. J.-C., musée du Louvre

La fille dite « épiclère » est celle qui se trouve seule descendante de son père : elle n'a ni frère, ni descendant de frère susceptible d'hériter. Selon la loi athénienne, elle n'est pas héritière mais « attachée (ἐπι) à l'héritage (κλῆρος) ». En conséquence, elle doit épouser son plus proche parent : à travers elle, les biens familiaux passent à son mari, puis à ses enfants, les petits-enfants du défunt. Ce principe, relativement simple, est à l'origine de cas compliqués, sur lesquels nous n'avons pas de renseignements précis : ainsi, si la fille épiclère est déjà mariée au moment du décès de son père, nous ignorons si le plus proche parent est en droit de dissoudre d'autorité le mariage précédent. En revanche, il existe au moins deux cas de proches parents divorçant de leurs épouses (et veillant au remariage de celles-ci) pour épouser des filles épiclères.

Dans la cité

Les femmes de bonne famille ont pour principal rôle de tenir leur oikos. Elles sont confinées au gynécée, littéralement la « pièce des femmes », entourées de leurs servantes. Elles ne se risquent hors du domaine familial que pour accomplir des fonctions religieuses. En revanche, les femmes du peuple apportent au ménage un complément de ressources en vendant leur surproduction agricole ou artisanale : olives, fruits et légumes, herbes — ainsi Aristophane fait-il de la mère d'Euripide une vendeuse de cerfeuil — tissus, etc. Les auteurs comiques comme les orateurs attestent également de femmes vendeuses au détail d'huiles parfumées, de peignes, de petits bijoux ou encore de rubans. Elles manient donc de l'argent.

Métèques et esclaves

Nous savons peu de choses sur les femmes métèques, hormis le montant de la taxe qui les frappe : le μετοίκιον / metoíkion s'élève pour elles à six drachmes annuelles, contre douze pour un homme. Nombre d'entre elles suivent simplement leur mari, venu s'installer à Athènes pour affaires ou pour suivre l'enseignement d'un maître réputé. On peut supposer que leur mode de vie est semblable à celui des filles et femmes de citoyens.

Une minorité est constituée de femmes seules venu quérir fortune à Athènes. Les plus pauvres finissent souvent comme prostituées (πόρναι / pórnai) dans des bordels du Pirée ou d'Athènes même. Les femmes plus éduquées peuvent devenir courtisanes. Tenant salon, elles sont les compagnes quasi-officielles des hommes d'affaires et des hommes politiques athéniens. La plus célèbre d'entre elle est Aspasie, originaire de Milet. Concubine de Périclès, ce dernier abandonne sa femme légitime pour elle. Belle, intelligente, accueillant chez elle l'élite intellectuelle de son temps, elle joue d'égal à égal avec les hommes. Revers de la médaille, elle est la cible par les auteurs comiques, qui la dépeignent comme une vulgaire tenancière de bordel et une intrigante.

À Sparte

Sparte se distingue d'entre les autres cités grecques en ce qu'elle place les femmes plus ou moins sur un pied d'égalité avec les hommes : tous sont asservis à l'État et à son but premier, la reproduction de soldats vigoureux et disciplinés.

L'éducation

Jeunes Spartiates s'exerçant à la lutte, Edgar Degas, v.1860, National Gallery

Sparte présente la particularité d'avoir un système éducatif obligatoire pour tous et organisé par l'État, là où les autres cités laissent les parents seuls responsables de leurs enfants. En outre, elle est non seulement obligatoire pour les garçons, mais aussi pour les filles. Alors que le but du système, pour les garçons, est de produire des hoplites disciplinés, il est pour les filles de former des mères vigoureuses, qui donneront naissance à leur tour à des enfants forts et sains. Comme chez les garçons, le cursus commence à l'âge de 7 ans. Il prend fin vers 18 ans, âge auxquelles les jeunes femmes se marient. Il comprend deux volets : d'une part un entraînement physique pour affermir le corps ; d'autre part la μουσική / mousikế, terme qui chez les Grecs regroupe la danse, la poésie et le chant.

Pour ce qui est du volet sportif, Xénophon[13]. indique que Lycurgue institue un entraînement physique pour les deux sexes, comprenant la course à pied et la lutte, discplines confirmées par Euripide[14]. Plutarque (Vie de Lycurgue) ajoute à cette liste le lancer du disque et du javelot. Théocrite[15] représente des jeunes filles clamant fièrement leur participations aux mêmes courses que les garçons, le long du fleuve Eurotas et leur recours à l'embrocation, tous comme ces derniers. Au reste, elles s'entraînent également nues. Cet entraînement n'est pas réellement une préparation au combat : garçons et filles s'exercent séparément. Cependant, la vigueur des femmes spartiates est proverbiale en Grèce : Cléarque de Soles[16] (milieu du IIIe siècle ) rapporte ainsi qu'elles s'emparent des hommes adultes et célibataires et les frappent pour les forcer à se marier, ce qui implique une certaine force. Enfin, il semble que l'entraînement sportif comprenait une part d'équitation. Ainsi, des figurines votives retrouvés au sanctuaire d'Artémis Orthia montrent des jeunes filles montant en amazone.

S'agissant de la mousikê, les jeunes filles prennent part dans toutes les grandes fêtes religieuses à des parthénies — chœurs de vierges — dont Alcman est le plus grand auteur. Les chants sont appris par cœur ; ils permettent aux filles d'apprendre les grands récits mythologiques mais aussi d'acquérir le sens de la compétition : les chants font explicitement allusion à des concours de beauté ou encore de performance musicale. Des figurines votives les montrent jouant de divers instruments. Il semble que certaines Spartiates au moins sachent lire et écrire. Ainsi, des anecdotes, certes tardives, évoquent les lettres envoyées par les mères à leurs fils partis au combat. Gorgô, fille du roi Cléomène Ier est ainsi la seule à découvrir le secret d'un message envoyé par le roi Démarate : elle fait gratter la cire de la tablette, révélant ainsi le texte gravé sur le bois.

Le mariage

Pendant l'époque classique, deux systèmes concurrents se rencontrent à Sparte : le premier, traditionnel, est commun à toutes les cités grecques. Il s'agit d'assurer la prospérité de la lignée familiale. Le second se plie à l'idéal égalitariste étatique : il s'agit de produire des garçons vigoureux.

Dans la seconde optique, le mariage prend place plus tard que dans les autres cités : le mari a environ 30 ans et sa femme, environ 18. Il donne lieu à une curieuse forme d'inversion : l'entremetteuse rase le crâne de l'épouse, lui donne des vêtements masculins et la laisse seule sur une paillasse, dans le noir. L'époux, au sortir de la syssitie (repas en commun) rejoint sa femme, toujours dans l'obscurité, et après avoir eu une relation avec elle, repart pour rejoindre ses compagnons de dortoir. Le mariage reste ainsi secret, et ce jusqu'au premier enfant. Plutarque[17] note qu'ainsi, les époux « ignor[ent] la satiété et le déclin du sentiment qu'entraîne une vie commune sans entraves. »

Les femmes exercent une forme de contrôle sur leur mariage. Si les vieux maris sont incités à « prêter » leurs femmes à des jeunes gens vigoureux, Plutarque mentionne aussi que les femmes prennent parfois un amant de sorte que l'enfant à naître puissent hériter deux lots de terre au lieu d'un.

Aristophane imagine même dans Lysistrata, une comédie grecque antique, écrite en 411 av. J.-C., les femmes faisant la grève du sexe, afin de raisonner leur mari pour établir la paix entre les cités : "Pour arrêter la guerre, refusez-vous à vos maris."

À l'époque hellénistique

Notes

  1. Pierre Vidal-Naquet, « Esclave et gynécocratie dans la tradition, le mythe, l'utopie », dans Le Chasseur noir, éditions de la Découverte, 2005 (1re édition 1981), p. 269.
  2. Politique [lire en ligne] (III, 1).
  3. Mossé, p. p.19.
  4. Homère, Iliade [détail des éditions] [lire en ligne] (IX, 146). Traduction de Paul Mazon pour les Belles Lettres, 1937-1938. Sur la question des dons et contre-dons liés au mariage, voir Jean-Pierre Vernant, Mythe et société en Grèce ancienne, Maspéro, 1974.
  5. Iliade (VI, 490).
  6. L'Odyssée (I, 428-433).
  7. Histoires [détail des éditions] [lire en ligne] (I, 146).
  8. Cf. Jean Rougé, « La colonisation grecque et les femmes », dans Cahiers d'histoire no 15 (1970), p. 307-317.
  9. Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne] (Dion, III, 2) et Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne] (XIV, 44, 3).
  10. Cf. Louis Gernet, « Mariages de tyrans », Droit et institutions en Grèce antique, Flammarion, coll. « Champs », 1982 (1re édition 1968), p. 229-249.
  11. Cf. Edmond Lévy, La Grèce au Ve siècle de Clisthène à Socrate, Seuil, 1995, p. 180-183.
  12. Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne] (Alcibiade, 8).
  13. République des Lacédémoniens [lire en ligne] (I, 4).
  14. Andromaque (595-601).
  15. Idylles (XVIII, 22-25).
  16. Fgt. 73 Werhli.
  17. Lycurgue (XV, 10).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) Eva C. Keuls, The Reign of the Phallus. Sexual Politics in Ancient Athens, University of California Press, Berkeley, 1985 (ISBN 0-250-07929-9).
  • Claude Mossé, La Femme dans la Grèce antique, Complexe, 1991 (1re éd. 1983) (ISBN 2-87027-409-2).
  • Sarah B. Pomeroy :
    • (en) Goddesses, Whores, Wives, and Slaves: Women in Classical Antiquity, Schocken, 1995 (ISBN 080521030X),
    • (en) Families in Classical and Hellenistic Greece: Representations and Realities, Oxford University Press, 1999 (ISBN 0-19-815260-4),
    • (en) Spartan Women, Oxford University Press, 2002 (ISBN 0-19-513067-7).
  • Claire Préaux, « Le Statut de la femme à l’époque hellénistique, principalement en Égypte », dans Recueils de la société Jean Bodin, II, 1959, I, p. 127-175.
  • Pierre Vidal-Naquet, « Esclavage et gynécocratie dans la tradition, le mythe et l’utopie », dans Le Chasseur noir, La Découverte, coll. « Poche », 1995 (ISBN 2-70714-500-9), p. 267-288.

Liens externes

  • (en) Διοτίμα, ressources sur l'histoire des femmes et les gender studies dans le monde antique
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