Ferhat Abbas

Ferhat Abbas
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Ferhat Abbas
فرحات عباس
Mandats
1er président du Gouvernement provisoire de la République algérienne
19 septembre 19589 août 1961
&&&&&&&&&&&010552 ans, 10 mois et 20 jours
Prédécesseur Poste créé
Successeur Benyoucef Benkhedda
Président de l'Assemblée nationale constituante de la République algérienne démocratique et populaire
(chef de l'État par intérim)
20 septembre 196215 septembre 1963
&&&&&&&&&&&&036011 mois et 25 jours
Prédécesseur Abderrahmane Farès
Successeur Ahmed Ben Bella (président de la République)
1er président du Front de libération nationale
1er novembre 195425 septembre 1962
&&&&&&&&&&&028857 ans, 10 mois et 24 jours
Prédécesseur Poste créé
Successeur Ahmed Ben Bella
Biographie
Nom de naissance Ferhat Mekki Abbas
Date de naissance 24 Aout 1899
Lieu de naissance Flag of Algeria.svg Taher, Jijel
Lieu de décès Alger (Algérie)
Nationalité algérienne
Parti politique Front de libération nationale (FLN)
Profession Pharmacien
Religion Islam sunnite

Algeria coa (1962).svg
Chefs d'État algériens

Ferhat Abbas (en arabe : فرحات عباس), de son vrai nom Ferhat Mekki Abbas, né le 24 aout 1899 à Taher et mort le 24 décembre 1985 à Alger, était un homme politique et leader nationaliste algérien. Fondateur du parti Union démocratique du manifeste algérien (UDMA), membre du Front de libération nationale (FLN) durant la guerre d'indépendance de l'Algérie et président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) de 1958 à 1961, il est élu à l'indépendance du pays, président de l'Assemblée nationale constituante devenant ainsi le premier chef d'État de la République algérienne démocratique et populaire.

Sommaire

Biographie

Enfance et éducation

Il est né dans la mechta de « Bouafroune », douar "chahna", à 12 km au sud de Taher (dans l'actuelle commune d'oudjana, wilaya de jijel), le 24 août 1899, dans une famille paysanne kabyle[1] de 12 enfants. Fils de caïd, son père est Saïd Ben Ahmed Abbas et sa mère Maza bint Ali. Sa famille, originaire de la petite Kabylie, a dû quitter la région après l'échec de la révolte menée en 1871 par Mohamed El Mokrani[1]. Le grand-père est alors chassé de ses terres par les autorités françaises et reconduit à la condition de fellah. Condamné à être ouvrier-agricole, il descend des Hauts-plateaux pour se rendre sur la côte.

Entré à l'école à l'âge de dix ans, Ferhat Abbas fait ses études primaires à Jijel et, bon élève, il est envoyé en 1914 faire ses études secondaires à Philippeville (actuelle Skikda). De 1921 à 1924, il fait son service militaire et commence déjà à écrire des articles pour différents journaux sous le pseudonyme de Kamel Abencérages[2]. Étudiant en pharmacie à la faculté d’Alger de 1924 à 1933, il devient le promoteur de l’Amicale des étudiants musulmans d’Afrique du Nord, dont il est vice-président en 1926-1927, puis président de 1927 à 1931, date à laquelle il transforme l'amicale en association. Il est également élu vice-président de l'UNEF lors du Congrès d'Alger de 1930.

Lutte contre l'idéologie coloniale

Ferhat Abbas est d'abord favorable à la politique d'assimilation avec un maintien du statut personnel, il milite activement au Mouvement de la jeunesse algérienne, qui réclame l’égalité des droits dans le cadre de la souveraineté française.

En 1931, il publie le livre Le Jeune Algérien, regroupant notamment ses articles écrits dans les années 1920, et dont la thèse se rapporte à la lutte contre la colonisation pour assurer l'entente entre les Français et musulmans. Il dénonce notamment « 100 ans de colonisation française ». Dans ce livre, il est aussi question d'« algérianité », de convoitise des colons, d'État algérien et d'islam : « Nous sommes chez nous. Nous ne pouvons aller ailleurs. C’est cette terre qui a nourri nos ancêtres, c’est cette terre qui nourrira nos enfants. Libres ou esclaves, elle nous appartient, nous lui appartenons et elle ne voudra pas nous laisser périr. L’Algérie ne peut vivre sans nous. Nous ne pouvons vivre sans elle. Celui qui rêve à notre avenir comme à celui des Peaux-Rouges d’Amérique se trompe. Ce sont les Arabo-Berbères qui ont fixé, il y a quatorze siècles, le destin de l’Algérie. Ce destin ne pourra pas demain s’accomplir sans eux »[3].

Diplômé docteur en pharmacie en 1933, il s’établit à Sétif où il devient rapidement une importante figure politique en devenant conseiller général en 1934, conseiller municipal en 1935 puis délégué financier. Il adhère à la Fédération des élus des musulmans du département de Constantine en tant que journaliste au sein de son organe de presse, l'hebdomadaire L’Entente franco-musulmane (communément appelé « L’Entente »), et se fait très tôt remarquer par son président le docteur Bendjelloul qui le promeut, en 1937, rédacteur en chef du journal. Plus radical dans son combat et dans ses revendications, dénonçant notamment le « code de l'indigénat », il fonde son propre parti en 1938, l’Union populaire algérienne. L'Entente devient alors une véritable tribune politique pour Ferhat Abbas[4].

Vers la cause nationaliste

La période de la Seconde Guerre mondiale joue un rôle important dans l'évolution de Ferhat Abbas, en mettant un terme à ses espoirs d'« égalité dans le cadre d’une souveraineté française », le convainquant que le colonialisme était « une entreprise raciale de domination et d'exploitation » dans laquelle même les élites républicaines françaises les plus éclairées étaient entièrement impliquées[5].

Ferhat Abbas est engagé volontaire dans l’armée française en 1939. Le 10 avril 1941, il adresse au maréchal Pétain, chef du régime de Vichy, un rapport intitulé « L'Algérie de demain », attirant son attention sur le sort des indigènes musulmans et réclamant prudemment des réformes : Pétain lui répond poliment, mais ne prend aucun engagement[6]. Après le débarquement allié en Afrique du Nord, Abbas se tourne vers l'amiral Darlan, maintenu au pouvoir par les Alliés, mais ce dernier fait, pour le sort des musulmans comme pour celui des juifs d'Algérie, le choix de l'immobilisme[7].

Ferhat Abbas publie, le 10 février 1943, un manifeste demandant un nouveau statut pour l’Algérie, qui va beaucoup plus loin que ses précédentes requêtes : le « Manifeste du peuple algérien »[8], suivi d'un additif en mai, un « Projet de réformes faisant suite au Manifeste du Peuple algérien » faisant notamment allusion à une « nation algérienne ». Le projet est alors soumis à la Commission des réformes économiques et sociales musulmanes tout juste créée par le gouverneur général Peyrouton. Mais son successeur, le général Georges Catroux, bloque le projet et rejette les initiatives prises par Ferhat Abbas qui est, de septembre à décembre, assigné à résidence à In Salah par le général de Gaulle, chef du Comité français de la Libération nationale[9].

De Gaulle répond par la suite en partie aux réclamations des musulmans : par les décrets du 7 mars 1944, il permet l'accession de dizaines de milliers de musulmans à la citoyenneté française, sans pour autant toucher au statut coranique, et constitue des assemblées locales comptant deux cinquièmes d'élus indigènes. Abbas et ses amis jugent cependant ces concessions insuffisantes[6]. Le 14 mars 1944 Abbas crée l’association des Amis du manifeste de la liberté (AML) soutenu par le cheikh Brahimi de l'Association des oulémas et Messali Hadj. En septembre 1944, il crée l’hebdomadaire Égalité (avec pour sous-titre Égalité des hommes - Égalité des races - Égalité des peuples)[10]. Au lendemain des émeutes de Sétif de mai 1945, tenu pour responsable avec Mohammed Bachir et Chérif Saâdane, il est arrêté et l'AML est dissoute. Libéré en 1946, Ferhat Abbas et son compagnon de cellule Chérif Saâdane également arrêté pour le massacre de Sétif fondent l’Union démocratique du manifeste algérien (UDMA). En juin, le parti obtient onze des treize sièges du deuxième collège à la seconde Assemblée constituante et Ferhat Abbas est élu député de Sétif.

Combat indépendantiste

Après le refus à deux reprises de son projet sur le statut de l'Algérie, il démissionne de l'Assemblée en 1947. Il durcit alors ses positions, l’hebdomadaire l’Égalité devient, en février 1948, Égalité - République algérienne puis République algérienne en juin de la même année[10]. Alors qu'il y annonce dès 1953 une rupture imminente et définitive[11], le Front de libération nationale (FLN) lance le 1er novembre 1954 les premières actions armées[12] et marque le début de la « révolution algérienne ».

Il rejoint, d'abord secrètement, en mai 1955 le FLN, après plusieurs rencontres avec Abane Ramdane et Amar Ouamrane, puis annonce publiquement son ralliement et la dissolution officielle de l'UDMA lors d'une conférence de presse au Caire le 25 avril 1956. Dès le 20 août 1956, à l'issue du congrès de la Soummam, il devient membre titulaire du CNRA (Conseil national de la révolution algérienne), puis entre au CCE (Comité de coordination et d'exécution) en 1957. Ferhat Abbas devient ensuite président du premier gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) à sa création le 19 septembre 1958, puis du second GPRA, élu par le CNRA en janvier 1960. En août 1961, considéré comme n’étant pas assez ferme face au gouvernement français[9], il est écarté du GPRA et remplacé par Benyoucef Benkhedda.

À l'indépendance de l'État algérien, lors de la « crise de l’été 1962 »[13], opposant le GPRA de Benkhedda et le bureau politique du FLN, Ferhat Abbas rallie le 16 juillet les partisans de Ben Bella, tout en désapprouvant le principe de parti unique retenu par le programme du congrès de Tripoli[14]. Il succède à Abderrahmane Farès, président de l'exécutif provisoire, et devient le président, élu par 155 voix contre 36 blancs ou nuls, de la première Assemblée nationale constituante (ANC) fixée le 20 septembre, faisant fonction de chef de l'État à titre provisoire. Le 25 septembre 1962, il proclame la naissance de la République algérienne démocratique et populaire[15].

Militant démocrate

Il quitte ses fonctions le 15 septembre 1963 suite à son profond désaccord avec la politique de « soviétisation » de l'Algérie par Ahmed Ben Bella dénonçant « son aventurisme et son gauchisme effréné »[16] qui l'exclura du FLN et l'emprisonnera à Adrar dans le Sahara la même année. Il est libéré en mai 1965, à la veille du putsch du 19 juin par Houari Boumédiène.

Retiré de la vie politique, mais toujours militant et fervent démocrate, il rédige avec Benyoucef Benkhedda, Hocine Lahouel, ex-secrétaire général du PPA-MTLD, et Mohamed Kheireddine, ex-membre du CNRA, en mars 1976, un « Appel au peuple algérien »[17], réclamant des mesures urgentes de démocratisation et dénonçant « le pouvoir personnel » et la Charte Nationale élaborée par Boumédiène. Il est alors une nouvelle fois assigné à résidence jusqu’au 13 juin 1978. En 1980, il publie ses mémoires dans Autopsie d’une guerre puis, en 1984, dans L’Indépendance confisquée, virulente dénonciation de la corruption et de la bureaucratie, qui régnait en Algérie, engendrée par les régimes successifs de Ben Bella et Boumedienne[9]. Il est décoré au nom du président alors en exercice, Chadli Bendjedid, le 30 octobre 1984, de la médaille du résistant dans sa villa du quartier de Hussein Dey.

Ferhat Abbas est mort à Alger le 24 décembre 1985. Il est enterré au carré des martyrs du cimetière El Alia d'Alger.

Œuvres

  • Le Jeune Algérien. La Jeune Parque, Paris, 1931 [réédition Garnier, 1981. Le Jeune Algérien : 1930. De la colonie vers la province. (suivie de) Rapport au maréchal Pétain : Avril 1941. (ISBN 2-7050-0358-4)].
  • J’accuse l’Europe. Libération, Alger, 1944.
  • Guerre et révolution I : La nuit coloniale. Julliard, Paris, 1962.
  • Autopsie d'une guerre : L’aurore. Garnier, Paris, 1980 (ISBN 2-7050-0290-1).
  • L'indépendance confisquée. Flammarion, Paris, 1984 (ISBN 2-0806-4718-0).
  • Demain se lèvera le jour. Alger-Livres éditions, Alger, 2010 (ISBN 978-9-9478-9719-5).

Notes et références

  1. a et b Ferhat Abbas, Une utopie algérienne, p.  18 et 19.
  2. Kamel, en référence au dirigeant turc Mustafa Kemal, et Abencérages, pour la dynastie maure d'Andalousie durant la Reconquista.
  3. Ferhat Abbas, Le Jeune Algérien, p. 143.
  4. « Ferhat Abbas, journaliste à L’Entente (1935-1942). Une plume exceptionnelle combative » [(fr) lire en ligne], par Leïla Benammar Benmansour, 19 février 2006 (voir archive) [PDF]
  5. Jeremy F. Lane, « Ferhat Abbas, Vichy's National Revolution, and the Memory of the 'Royaume arabe' ». L'Esprit Créateur - Volume 47, 2007 (printemps), pp. 19-31.
  6. a et b Pierre Montagnon, La France coloniale, tome 2, Pygmalion-Gérard Watelet, 1990, pages 108-110
  7. Jacques Cantier, L'Algérie sous le régime de Vichy, Odile Jacob, 2002, p. 372.
  8. « 10 février 1943 : Ferhat Abbas réclame une Algérie autonome », Herodote.net
  9. a, b et c « ABBAS, Ferhat (1899-1985) » par Guy Pervillé, in Parcours, L’Algérie, les hommes et l’histoire, recherches pour un dictionnaire biographique de l’Algérie, no 8 (novembre-décembre 1987), pp. 5-16 [(fr) lire en ligne].
  10. a et b « Dans l'autonomie ou par la lutte armée » - Leïla Benammar Benmansour, El Watan, avril 2007 [PDF]
  11. Il écrit notamment dans La République algérienne, trois semaines avant le déclenchement du 1er novembre 1954 : « Notre peuple, las de s'indigner et de plaider en vain sa cause devant un tribunal qui ne connaît d'autres règles que celle que lui inspire le racisme, s'est tu. On a interprété ce silence et ce calme comme l'expression d'une adhésion. En réalité, la colère est à son comble et ce silence est fait de mépris et de révolte. L'Algérie n'est pas calme, et le divorce pourrait très vite être définitif ».
  12. Voir aussi l'article Déclaration du 1er novembre 1954.
  13. La crise de l’été 1962 « La deuxième mort » du congrès de la Soummam - Boukhalfa Amazit, El Watan [PDF]
  14. « Projet de programme », Déclaration du Congrès de Tripoli (Juin 1962).
  15. Proclamation de la République algérienne, Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire, 1re année, no 1, 26 octobre 1962 p. 5 [PDF]
  16. Extrait de L'indépendance confisquée (Éditions Flammarion, 1984) : « J'ai démissionné de la présidence de l'Assemblée nationale constituante dès le jour où la Constitution du pays fut discutée et adoptée en dehors de l'Assemblée que je présidais et des députés élus pour le faire. La discussion et l'adoption eurent pour cadre une salle de cinéma de la ville, Le Majestic. Là fut institutionnalisé le parti unique, à l'instar des démocraties populaires. »
  17. « Appel au peuple algérien », Manifeste du 10 mars 1976.

Bibliographie

Annexes

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