- Chevauchée
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Pendant la guerre de Cent Ans, les expéditions anglaises furent appelées chevauchées. Il s'agissait de long raids dévastateurs sur plusieurs centaines de kilomètres et sur un front de plusieurs kilomètres.
Le terme est aussi appliqué plus vastement pour désigner toute campagne de ce genre pendant la période médiévale, par exemple la chevauchée du Hainaut de Charles comte d'Anjou en 1254.
Principales chevauchées
Chevauchée d’Édouard III en 1339
L'armée du roi de France Philippe VI ayant lancé une offensive victorieuse en Aquitaine, allant jusqu'à assiéger Bordeaux et étant sous la menace d'un débarquement français en Angleterre, Édouard III d'Angleterre décide de porter la guerre en Flandre. Il s'est assuré de l'alliance des villes flamandes qui ont besoin de la laine anglaise pour faire tourner leur économie mais aussi de l'empereur et des princes de la région qui voient d'un mauvais œil les avancées françaises en terres d'empire. Ces alliances se sont faites sous la promesse de compensations financières de la part du roi d'Angleterre. Aussi quand il débarque le 22 juillet 1338, à Anvers, à la tête de 1 400 hommes d'armes et 3 000 archers, ses alliés s'empressent de lui demander d'acquitter ses dettes plutôt que de lui fournir les contingents prévus. Le roi d'Angleterre passe alors l'hiver en Brabant à négocier avec ses créanciers[1]. Pour neutraliser les troupes du roi de France arrivées à Amiens le 24 août, il lance des négociations que mènent l'archevêque de Canterbury et l'évêque de Durham. La manœuvre réussit et le roi de France doit renvoyer sa considérable armée. Mais ce statu quo mécontente les contribuables des deux camps qui se saignent pour financer des armées qui ne font que se regarder en chiens de faïence[2]. C'est Édouard III qui lance l'offensive. Ayant réussi à garantir ses dettes vis-à-vis de ses alliés, il marche avec eux sur Cambrai (ville d'empire mais dont l'évêque s'est rangé du côté de Philippe VI) fin septembre 1339. Cherchant à provoquer une bataille rangée avec les Français où il pourrait exploiter la supériorité tactique conférée par l'arc anglais, il pille tout sur son passage, mais Philippe VI ne bouge pas. Le 9 octobre, commençant à épuiser les ressources locales, il doit se décider à livrer bataille. Il oblique donc vers le sud ouest et traverse le Cambraisis en brûlant et tuant tout sur son passage : 55 villages du diocèse de Noyon sont rasés[3]. Les deux armées se rencontrent une première fois près de Péronne. Édouard III a 12 000 hommes et Philippe VI 25 000. Le roi d'Angleterre trouvant le terrain défavorable se retire. Philippe VI lui propose de se rencontrer le 21 ou le 22 octobre en terrain découvert où leurs armées pourront en découdre selon les règles de chevalerie. Édouard III l'attend près du village de la Capelle en terrain favorable, retranché derrière pieux et fossés, ses archers positionnés sur les ailes : une charge de cavalerie serait suicidaire et le roi de France se retranche aussi laissant l'honneur aux Anglais d'attaquer. Le 23 octobre 1339, faute que l'un des deux adversaires ne veuille prendre l'initiative, les deux armées rentrent chez elles. La chevalerie française, qui comptait se financer sur les rançons demandées aux éventuels prisonniers faits au cours de la bataille, gronde. Elle accuse Philippe VI de « renardie »[4].
Chevauchée d’Édouard III en 1346
Article détaillé : Chevauchée d’Édouard III en 1346.Le 12 juillet 1346 Édouard III débarque à Saint-Vaast-la-Hougue avec une flotte de 1 000 voiles, portant 40 000 hommes et entreprend une chevauchée qui le mène à Caen, au gué de Blanquetaque pour passer la Somme, à Crécy et à Calais.
Telles des hordes sauvages, les godons, pillent, incendient, rançonnent et font des razzias à travers le Cotentin, la Normandie, le Vexin, le Beauvaisis, le Vimeu, le Ponthieu. Le passage de la Somme au gué de Blanquetaque marquera, pour la France, le début d'un enchaînement de calamités en particulier sous le règne de Jean le Bon fils de Philippe VI de Valois.Chevauchée de Lancastre en 1356
L'arrestation de Charles II de Navarre, dit Charles le Mauvais, fait basculer les Navarrais et une bonne partie de la noblesse normande dans le camp anglais. Début juin 1356, Philippe de Navarre et Geoffroy d'Harcourt reçoivent des renforts anglais : le duc de Lancastre débarque dans le Cotentin, et ils font leur jonction avec des troupes de Robert Knowles venues de Bretagne[5]. Lancastre établit son camp à Montebourg, près de Valognes. Il contourne Évreux, prise par les Français quelques jours auparavant, et va piller Vernon et les faubourgs de Rouen[5]. Jean le Bon le poursuit et le rattrape à Laigle le 8 juillet 1356 avec une armée plus nombreuse[6]. Les Français, fatigués par la poursuite, remettent le combat au lendemain. Les Anglais fuient durant la nuit[7]. Jean le Bon, met alors le siège devant Breteuil, qu'il prend après un long siège.
Chevauchée du Prince noir en 1356
Le 4 août 1356, le Prince noir quitte Bordeaux à la tête d'une armée anglo-gasconne et, se dirigeant vers le nord-est, il ravage le Périgord, le Quercy et le Berry. À Romorantin, cette troupe se dirige vers Tours avant de se replier au sud, à l'annonce de l'arrivée de l'armée française. La poursuite aboutit le 19 septembre à la bataille de Poitiers et à la capture du roi Jean II le Bon.
Chevauchée d'Édouard III en 1359-1360
En accord avec le roi Jean et son entourage londonien qui ne veulent pas que la mort éventuelle d'Édouard III sur le champ de bataille ne déclenche des représailles à leur encontre, le roi Charles V lui oppose la tactique de la terre déserte et mène une guerre d'escarmouches refusant toute bataille rangée. Les portes de Reims restent closes. Or, conformément à sa stratégie qui consiste à forcer les Français à livrer une grande bataille en rase campagne, Édouard III n'a pas emmené de machines de guerre qui l'auraient ralenti. Il se dirige vers la Bourgogne. Cette chevauchée tourne au fiasco pour les Anglais, harcelés, affamés, privés de montures (faute de fourrage). Pendant ce temps, des marins normands mènent un raid sur le port de Winchelsea (mars 1360), déclenchant une panique en Angleterre[8].
Fou de rage, Édouard III remonte vers Paris et laisse son armée commettre de nombreuses exactions : il ne s’agit plus de la simple extorsion visant à nourrir son armée mais de la destruction systématique de toutes les ressources - les pieds de vignes sont arrachés, le bétail abattu et toute âme qui vive massacrée. Ces exactions entraînent un vif ressentiment contre les Anglais. Nombre d’entre elles ont lieu pendant le carême et la Semaine sainte et, lorsque l’armée anglaise est décimée par un violent orage de grêle le lundi 13 avril 1360, nombre de chroniqueurs y voient la main de Dieu[9]. Édouard III se décide alors à négocier. Il signe la paix à Brétigny, où il dissout son armée de mercenaires. Celle-ci, pour se solder, se livre au pillage en Bourgogne, seule région « ouverte », car, contrairement à la Champagne et l'Île de France, leur arrivée n'y était pas prévue. Ces mercenaires forment l’embryon des grandes compagnies.
Chevauchée de Lancastre en 1369
Début août 1369, Jean de Gand débarque à Calais et lance une chevauchée jusqu'à Harfleur où Philippe le Hardi est en train de préparer un débarquement franco-flamand en Angleterre[10]. On lui oppose la stratégie de la terre déserte et la chevauchée ne peut s'emparer de la ville. L'armée anglaise est harcelée par les troupes du duc de Bourgogne et, craignant d'être piégée, regagne Calais[10].
Chevauchée de Robert Knowles en 1370
Robert Knowles à la tête d'une chevauchée de 2 500 archers et 1 600 hommes d'armes[11], part de Calais fin juillet 1370 et pille les campagnes contournant Amiens, Noyon, Reims et Troyes. Le calcul du roi de France est que les chevauchées ne permettent pas de tenir le terrain et attisent l'anglophobie dans les territoires pillés. Charles V de France continue de miser sur une guerre de siège et de propagande qui lui permet de reprendre du terrain ville, après ville, le plus souvent sans combat[12]. Il renforce le prestige de la couronne de France par ces victoires malgré le retour de la peste et les souffrances engendrées par la tactique de la terre déserte (il laisse les chevauchées anglaises piller les campagnes dont la population s'est réfugiée dans les forteresses qui ont été reconstruites dans tout le royaume). Ainsi la chevauchée de Knowles est refoulée de Bourgogne. Elle passe 2 jours devant les portes de Paris, pillant les faubourgs sous les yeux des Parisiens à l'abri derrière les murs de la capitale[13]. Charles V doit montrer que les impôts prélevés pour conduire la guerre sont utiles, d'autant que la nouvelle du sac de Limoges vient d'arriver : les esprits s'échauffent. Olivier de Clisson lui déconseille formellement une bataille rangée. Pour rassurer le pays mis à feu et à sang par la chevauchée de Robert Knolles, Charles V fait connétable le très populaire Bertrand du Guesclin qui vient de rentrer victorieux de Castille, ayant vaincu Pierre le Cruel l'allié des Anglais à Montiel[14] et lui confie une armée levée grâce à un emprunt forcé pour harceler les Anglais. Du Guesclin harcèle Robert Knowles et le bat à Pontvallain le surprenant alors qu'il s'apprêtait à franchir le Loir[15]. La zizanie ayant gagné les capitaines anglais, la chevauchée se désagrège arrivée en Bretagne.
Chevauchée de Lancastre en 1373
N’ayant pas les moyens logistiques et financiers de soutenir la guerre de siège que lui impose Charles V de France et qui semble conduire à la reconquête progressive de toute l’Aquitaine, Édouard III d'Angleterre tente d’affaiblir l’effort français en Guyenne par l’ouverture de nouveaux fronts.
Édouard III tente une chevauchée censée ruiner la France dans ses forces vives. Le 12 juin 1373, il institue son fils Jean de Gand duc de Lancastre lieutenant spécial et capitaine général dans le royaume de France[16]. Il conduit à travers la France une chevauchée des plus dévastatrices. Mais celle-ci reste sous contrôle : Philippe le Hardi tient les ponts et les château sur son aile droite, Bertrand du Guesclin la suit et empêche tout repli vers Calais. Elle traverse la Picardie et le Vermandois mais ne pouvant aller vers l’ouest elle se dirige vers Reims, puis Troyes où elle trouve portes closes[17]. Battu par Olivier V de Clisson à Sens, le duc de Lancastre ne peut rejoindre la Bretagne, il tente donc de rallier la Guyenne en traversant le Limousin[17]. Ses hommes sont affamés, les chevaux crevés (ou mangés), la fin de l’expédition se fait à pied et il perd la moitié de ses effectifs (les défections sont nombreuses). Trop lourdes les armures ont été jetées[17]. Elle est sauvée d’un désastre plus complet par les villes de Tulle, Martel et Brive qui ouvrent leurs portes sans coup férir. Mais le moral n’y est plus la zizanie gagne les chefs : Montfort lâche la chevauchée[17]. L’arrivée piteuse du résidu des troupes de Jean de Gand, duc de Lancastre à Bordeaux, brise le moral des fidèles au roi d’Angleterre : les français avancent nettement reprenant Tulle, Martel et Brive, mais surtout en entrant dans la Réole qui verrouille le Bordelais et dont les Bourgeois savent ne plus pouvoir compter sur aucun secours[18].
Liens internes
Notes et références
- Georges Minois, La guerre de Cent Ans, Perrin 2008, p.62.
- Georges Minois, La guerre de Cent Ans, Perrin 2008, p. 63-64.
- Georges Minois, La guerre de Cent Ans, Perrin 2008, p. 64.
- Georges Minois, La guerre de Cent Ans, Perrin 2008, p. 65.
- Jean Favier, La guerre de Cent Ans, Fayard 1980, p. 205
- Jean Favier, La guerre de Cent Ans, Fayard 1980, p. 206
- Jean Favier, La guerre de Cent Ans, Fayard 1980, p. 207
- Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 388
- Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p.390
- Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p.572
- Dans Histoire des Français de Jean Charles Léonard Simonde de Sismondi 1828 Tome 11l'auteur indique 4 000 archers et 1 500 lances
- Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, Perrin 1992, page 301
- Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 575-576
- Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 576-577
- Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 578
- Jean Favier, La guerre de Cent Ans, Fayard 1980,p. 356
- Jean Favier, La guerre de Cent Ans, Fayard 1980, p. 357
- Jean Favier, La guerre de Cent Ans, Fayard 1980, p. 358
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