Chambre à gaz

Chambre à gaz
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Chambre à gaz du camp d'extermination de Majdanek (photo prise en 2007).

Une chambre à gaz est un dispositif destiné à donner la mort, consistant en une pièce hermétiquement close dans laquelle un gaz toxique ou asphyxiant est introduit. L'agent toxique le plus communément utilisé est le cyanure d'hydrogène. Les chambres à gaz sont une méthode d'exécution de la peine de mort aux États-Unis depuis le début des années 1920. En Allemagne, elles furent utilisées à large échelle par le programme génocidaire des nazis.

Les chambres à gaz sont toujours utilisées en Corée du Nord[1].

Sommaire

États-Unis

Ancienne chambre à gaz à la Prison d'État de San Quentin, utilisée aujourd’hui pour les exécutions par injection létale.

Cinq États américains (Arizona, Californie, Maryland, Missouri et Wyoming) utilisent la chambre à gaz pour appliquer la peine de mort[2]. Cette méthode utilisée la première fois pour la mise à mort d’un chinois Gee John, exécuté pour assassinat le 8 février 1924 au Nevada, s’est généralisée dans de nombreux États de l’ouest américain, mais est aujourd'hui très rarement employée. Les condamnés à mort ont en effet le choix entre la chambre à gaz et l'injection létale, excepté au Wyoming où la chambre à gaz n'est utilisée que si la méthode courante est jugée anticonstitutionnelle.

Le condamné est installé et sanglé sur une chaise en acier, placée au milieu d’un caisson étanche, mais néanmoins vitré. Une solution soluble à base Cyanure de potassium est alors versé par un système mécanique actionné de l’extérieur par le bourreau, dans un seau d’eau contenant un acide fort comme l'acide sulfurique, situé sous l’assise de la chaise du condamné.
L’action chimique inhalée (dégagement d'acide cyanhydrique-HCN) par le condamné provoque sa mort en cinq minutes maximum environ.

Le plus connu des condamnés mis à mort selon cette méthode est probablement Caryl Chessman exécuté le 2 mai 1960 à la Prison d'État de San Quentin en Californie.

Depuis 1976, onze personnes ont été exécutées par gaz létal aux États-Unis[3]. La dernière fut Walter LaGrand le 3 mars 1999 à Florence dans l’Arizona[4].

Allemagne nazie

Cette technique d'exécution a été poussée à un niveau industriel dans les camps d'extermination par les nazis pour exterminer principalement des Juifs, mais également des résistants, des handicapés mentaux, des Noirs, des Roms, des homosexuels, des francs-maçons et des communistes pendant la Seconde Guerre mondiale. Le gaz employé à Auschwitz fut l'acide cyanhydrique, dégagé par le Zyklon B de la firme IG Farben. Dans certains autres camps d'extermination, ce sont des gaz d'échappement qui ont été utilisés de façon exclusive, qui tuaient les victimes par intoxication au monoxyde de carbone, soit dans des chambres à gaz (Dans les camps de l'Aktion Reinhardt), soit dans des camions mobiles comme ce fut le cas, par exemple, à Chelmno à partir de décembre 1941.

Contre les personnes handicapées

Des gazages utilisant les gaz d'échappement furent expérimentés par les nazis pour assassiner les personnes handicapées (ou les malades étiquetés « vies inutiles ») dans un vaste plan d’eugénisme, qui fit au total, selon les estimations, de 70 000 à plus de 100 000 victimes, très majoritairement entre 1939 et 1941, le plan ayant officiellement cessé suite aux protestations de l’Église catholique romaine (il y eut ensuite une campagne d'élimination sauvage, n'utilisant plus de gaz et faisant nettement moins de victimes).

Article connexe : Eugénisme sous le nazisme.

Bâtiments

À Auschwitz, les locaux de gazage faisaient partie des crématoires (on appelle alors "crématoire" un bâtiment incluant en un même lieu les salles de déshabillage (ou vestiaire), chambres à gaz et salles des fours). À Auschwitz il y a cinq crématoires appelés K I, K II, K III, K IV et K V (K I à Auschwitz I, les autres à Auschwitz II c’est-à-dire Birkenau). Les crématoriums diffèrent dans leur conception; les K II et K III ont leurs salle de déshabillage et chambre à gaz enterrées[5] alors que les K IV et K V ont toutes leurs pièces constitutives en terre plein.

Le crématoire II fut livré le 31 mars 1943. Dans les bordereaux de réception, il est indiqué que la leichenkeller I (morgue I) est équipée d'une porte étanche aux gaz, de quatre colonnes grillagées et quatre obturateurs en bois[6]. Ces colonnes grillagées en treillis de fil de fer servaient au versement du Zyklon B à partir des ouvertures percées dans le toit. En outre cette pièce est équipée d'un système de désaération de 8 000 m³/heure avec une soufflerie en bois pour l'extraction de vapeurs ou gaz corrosifs. La porte étanche aux gaz était munie d'un regard de verre double de 8mm d'épaisseur avec garniture et joints de caoutchouc. La commande du 12 juin 1943 nº 600 indique : « une clé pour la chambre à gaz ». La firme Riedel indique pour le 2 mars 1943 : « damer et bétonner le sol dans la chambre à gaz ».

En plus de ces Krematorium, il y avait dans le bois à la lisière extérieure du camp de Birkenau des chambres à gaz dans deux lieux appelés Bunker. Les deux Bunker[7] ont été utilisés avant la construction des K II à V. Il s'agissait au départ de chaumières paysannes existant antérieurement au camp et appartenant à des paysans polonais qui en ont été expropriés. Ils ont ensuite été l'objet de travaux destinés à les adapter à leurs fonctions sur ordre de R. Höß le commandant du camp, qui tenait lui-même ses ordres de Himmler. La capacité de ces Bunker était bien inférieure à celle des crématoires. Les Bunker 1 et 2 ont cessé d'être utilisés lorsque les Krematorium ont été terminés. Le Bunker 1 (deux chambres à gaz) a alors été détruit. Le Bunker 2 (quatre chambres à gaz) en revanche a été conservé et remis en service lors des transports massifs de Juifs hongrois durant l'année 44 car les quatre crématoires n'y suffisaient pas. Pour certaines, les chambres à gaz prenaient l'apparence anodine de salles de douches pouvant contenir simultanément jusqu'à 3 000 personnes pour les K II et III et 2 000 pour les K IV et V.

Méthode

Une fois les portes fermées, un officier SS versait les cristaux de Zyklon B par des ouvertures dans le toit qu'il obturait ensuite par des dalles en béton (aux K I, K II et K III) ou par des lucarnes de bois en haut des murs (aux Bunkers et aux K IV et K V). Dans le premier cas, le produit tombait dans des colonnes creuses jalonnant la chambre d'où le gaz commençait à diffuser. La mort survenait progressivement après 6 à 20 minutes (variable selon la quantité de personnes dans la salle et la chaleur) de convulsions et d'étouffement. Après un délai qui était jugé convenable par un médecin SS regardant pour cela dans la pièce par un judas, on ouvrait les portes. Peu après, dans les crématoires équipés de ventilation, les cadavres étaient sortis de la chambre à gaz. Là, un Kommando était chargé de raser les cheveux des femmes et de récupérer les objets de valeur, y compris les dents en or. Ensuite, ces prisonniers devaient empiler les cadavres dans des monte-charges vers la salle des fours aux K II et III parce que les chambres à gaz y étaient au sous-sol.

Au Bunker 1 d'Auschwitz, par exemple, il était nécessaire d'attendre plusieurs heures avant de faire venir le Sonderkommando des prisonniers chargés de sortir les corps (pour que les gaz se soient suffisamment dissipés), ou bien il fallait les équiper de masques à gaz. Forts de cette expérience, les travaux ordonnés par les SS au Bunker 2 ont prévu deux portes se faisant face pour chacune des quatre chambres à gaz afin d'en faciliter l'aération. Dans les quatre complexes de chambres à gaz-crématoires construits par la suite à Auschwitz, les SS ont demandé aux entreprises de prévoir des systèmes de ventilation.

Jamais l'eau n'a coulé dans ces pseudo-douches de Birkenau. Les pommeaux étaient là seulement pour obtenir le calme des victimes en leur faisant croire aussi longtemps que possible qu'ils allaient réellement prendre une douche désinfectante avant de pouvoir pénétrer dans le camp. Dans ce but, les SS d'Auschwitz avaient également placé des pancartes Zum Baden sur les portes, ainsi que des crochets numérotés dans les vestiaires où les victimes se déshabillaient (on leur disait alors de bien retenir le numéro). À Treblinka, les pommes de douches n'étaient pas raccordées à l'eau non plus. Comme à Birkenau, les prisonniers devaient utiliser des tuyaux d'arrosage avant de sortir les corps.

La présence des chambres à gaz et leur utilisation par les SS est paradoxalement l'objet d'une méconnaissance du grand public utilisée par les négationnistes pour tenter de nier leur existence. La confusion provient également d'une mauvaise connaissance de la différence entre :

  • les camps d'extermination (Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, ou les camps mixtes Auschwitz, Majdanek) qui en disposèrent — ou qui utilisèrent le procédé des camions, selon les cas —, pour certains dès 1941, à fins d'assassinats en masse principalement des Juifs (dès leur arrivée dans ces véritables centres de mise à mort),
  • les camps de concentration qui servaient de camp de travail (Dachau, Buchenwald, Mauthausen, ...) qui n'en firent qu'un usage limité, afin d'éliminer les déportés trop épuisés ou malades, devenus inaptes au travail (procédé permettant qu'il y ait le moins de traces possible pour évaluer leur nombre avec précision)
  • les camps de transit (Drancy, ...) qui étaient une étape avant transfert.

Négationnisme

Article détaillé : Négation de la Shoah.

Les négationnistes prétendent notamment que les descriptions faites par les survivants et les témoignages de nazis (par exemple celui de Dieter Wisliceny, dont le témoignage eut une certaine importance dans le procès d'Eichmann[8]) seraient inexactes.

Selon ces thèses négationnistes, la toxicité du Zyklon B serait telle qu'il aurait été impossible d'entrer dans les chambres à gaz sans masques avant plusieurs heures, ce qui rendrait impossible le rendement admis par tous les historiens.

Corée du Nord

L'existence de chambres à gaz a été révélée dans le principal camp de concentration nord-coréen[1]. le Camp 22, qui pourrait accueillir 50 000 personnes, possède des chambres qui serviraient à la fois à éliminer les prisonniers et à la fois à mener des expérimentations.

Un ancien chef du camp 22 a donné une description d'une chambre. Avec 3,5 mètres de large pour 3 mètres de long, elle est assez grande pour gazer une famille entière. Etant donné l'idéologie eugéniste du régime nord-coréen, il est en effet fréquent que la famille entière d'un prisonnier politique, jusqu'à trois générations, soient condamnée. Des scientifiques sont chargés de prendre des notes sur le déroulement des exécutions, car ces dernières serviraient également d'expérimentation pour développer des armes chimiques.

Abattage d'animaux

Les chambres à gaz sont également largement utilisées comme moyen d'abattage massif d'animaux, notamment pour l'exploitation de la fourrure animale, l'intérêt étant de la préserver en bon état.

Des caissons à gaz sont commercialisés pour tuer par suffocation des pigeons préalablement capturés. L'agonie du pigeon dure environ cinq minutes et selon la société qui vend ses machines, qui affirme aussi qu'elle serait sans douleur et qualifie d'« euthanasie » la mort ainsi administrée [9].

Ce n'est pas le cas pour Elisabeth de Fontenay qui considère que ses mises à mort sont douloureuse au même titre que le gazage humain, qualifié aussi d'« euthanasie » par les nazis lorsque pratiqué sur les Juifs dans les camps de la mort :

« Oui, les pratiques d'élevage et de mise à mort industrielles des bêtes peuvent rappeler les camps de concentration et même d'extermination, mais à une seule condition : que l'on ait préablement reconnu un caractère de singularité à la destruction des Juifs d'Europe, ce qui donne pour tâche de transformer l'expression figée “comme des brebis à l'abattoir” en une métaphore vive. Car ce n'est pas faire preuve de manquement à l'humain que de conduire une critique de la métaphysique humaniste, subjectiviste et prédatrice. »

— Le silence des bêtes, ou la philosophie à l'épreuve de l'animalité, éditions Fayard.

Bibliographie

  • Manuscrits des Sonderkommandos d'Auschwitz-Birkenau, Des voix sous la cendre, Livre de poche, 2006
  • Auschwitz vu par les SS, trois documents commentés par des historiens, écrits par des officiers SS du camp : R. Höss le commandant, J.P. Kremer médecin et P. Broad, éd. Musée d'état d'Auschwitz-Birkenau, 2004
  • Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, éd. Fayard, 1988 ; rééd. Gallimard, 3 vol., 1992
  • Eugen Kogon, Hermann Langbein, Adalbert Rückerl, Les chambres à gaz secret d'État. Seuil, Points Histoire, 1987
  • Jean-Claude Pressac, Les Crématoires d'Auschwitz, éd. du CNRS 1993 (épuisé puis réédité)
  • Rudolf Höß, Le Commandant d'Auschwitz parle, éd. La Découverte, 2005
  • Germaine Tillion, Ravensbrück, Seuil, 1988
  • Georges Wellers, Les chambres à gaz ont existé. Des documents, des témoignages, des chiffres, éd. Gallimard, collection « Témoins », 1981.

Notes et références

  1. a et b Barnett, Antony : Revealed: the gas chamber horror of North Korea's gulag (1 February 2004). Consulté le 30 September 2010.
  2. Portail d'information sur la peine de mort, « Gaz létal », juin 2005
  3. (en) Death Penalty Information Center, « Facts About the Death Penalty ». 1 mars 2008
  4. (en)Death Penalty Information Center, « Searchable Database of Executions ». Page consultée le 30 mars 2008.
  5. plan du crématorium II in les chambres à gaz, secret d'état, Eugen Kogon, Hermann Lagbein Seuil 1987, illustrations et fac-similés pp.10 et 11
  6. Jean-Claude Pressac, les crématoires d'Auschwitz, éd. du CNRS 1993 p.79
  7. description utilisation et témoignages in les chambres à gaz, secret d'état, Eugen Kogon, Hermann Langbein, Seuil 1987, pp.185 à 192
  8. Affidavit of Dieter Wisliceny Source: Nazi Conspiracy and Aggression. Volume VIII. USGPO, Washington, 1946/pp.606-619. [This affidavit is substantially the same as the testimony given by Wisliceny on direct examination before the International Military Tribunal at Nurnberg, 3 January 1946.]
  9. Les caissons à « euthanasie » pour pigeons

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes


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