Germaine Tillion

Germaine Tillion

Germaine Tillion, née le 30 mai 1907 à Allègre (Haute-Loire) et morte le 19 avril 2008 à Saint-Mandé[1] (Val-de-Marne), est une ethnologue et une résistante française.

Sommaire

Biographie

Son père Lucien Tillion est magistrat, et sa mère est l'écrivaine Émilie Cussac, connue sous le nom d'Émilie Tillion.

L'ethnologie des Chaouis

Germaine Tillion suit une formation d'ethnologue auprès de Marcel Mauss et Louis Massignon. Licenciée en lettres, elle est diplômée de l'École pratique des hautes études, de l'École du Louvre, et de l'INALCO. Entre 1934 et 1940, dans le cadre de sa thèse, elle réalise quatre séjours en Algérie pour étudier l'ethnie berbère des Chaouis présente dans l'Aurès.

La Résistance intérieure

De retour en France au moment de l’armistice de 1940, son premier acte de résistance est de donner les papiers de sa famille à une famille juive qui sera ainsi protégée jusqu'à la fin de la guerre[2]. Après les arrestations et les exécutions de Boris Vildé, Anatole Lewitsky, l'arrestation de Paul Hauet (dont elle est l'adjointe dès 1940), Germaine devient, de 1941 à 1942, chef d'un mouvement de Résistance après la guerre connu sous le nom de groupe Hauet-Vildé, plus tard homologué sous celui de groupe du musée de l'Homme. Après la guerre, son rang sera validé par le grade de commandant. Le réseau travaille à l’évasion des prisonniers et au renseignement. Amie des Lecompte-Boinet, elle est en contact avec Combat Zone Nord. Presque tous ses camarades ayant été arrêtés, elle se tourne vers un groupe en relation avec les services britanniques, le réseau Gloria.

Elle analyse que la résistance s'est réalisée dans l'urgence: ce ne sont pas les réseaux qui cherchaient des volontaires mais des volontaires qui cherchaient des organisations. La Résistance devait organiser des évasions, informer la population soumise à la propagande nazie et soutenir les Anglais[2].

Le Verfügbar aux Enfers

Dénoncée par l'abbé Robert Alesch[3], Germaine Tillion est arrêtée le 13 août 1942, et déportée le 21 octobre 1943 à Ravensbrück. Elle y perd sa mère, l'écrivain Émilie, grande résistante, déportée en 1944 et gazée en mars 1945. Pendant son internement au camp, elle écrit sur un cahier soigneusement caché, une opérette Le Verfügbar aux Enfers (les « Verfügbar » — verfügbar = disponible — étaient les déportées soumises aux corvées et brimades par refus de travail) où elle mêle à des textes relatant avec humour les dures conditions de détention, des airs populaires tirés du répertoire lyrique ou populaire. Elle sera mise en scène pour la première fois en 2007, au Théâtre du Châtelet, à Paris[4].

Elle évite la mort en échappant à un convoi vers le camp de Mauthausen grâce à une hospitalisation et des complicités. Des négociations entre Heinrich Himmler et le diplomate suédois Folke Bernadotte permettent aux survivantes de Ravensbrück dont Germaine Tillion d'être soignées en Suède[2].

L'École pratique des hautes études

Après la guerre, elle se consacre à des travaux sur l’histoire de la Seconde Guerre mondiale (enquête sur les crimes de guerre nazis, sur les camps de concentration soviétiques entre 1945 et 1954) puis sur l’Algérie. Elle a soutenu en France l’enseignement dans les prisons. Directrice d’études à l’École pratique des hautes études, elle a réalisé vingt missions scientifiques en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.

Guerre d'Algérie

Elle retourne en Algérie en 1954 pour une mission d’observation et participe à la création de centres sociaux : ses nombreux travaux de recherches au cours de sa carrière au CNRS et à l’EHESS portent sur les sociétés méditerranéennes.

À Alger, le 4 juillet 1957, elle rencontre clandestinement Yacef Saadi, chef de la Zone autonome d'Alger, (ZAA) durant la bataille d'Alger, à l'instigation de ce dernier, pour tenter de mettre fin à la spirale des exécutions capitales et des attentats aveugles[2].

Après l'Algérie

Après la guerre d'Algérie, elle s'engage dans divers combats politiques :

  • contre la clochardisation du peuple algérien ;
  • contre la torture en Algérie ;
  • pour l'émancipation des femmes de Méditerranée, qui doivent par obligation économique avoir beaucoup d'enfants mais aussi privilégier les fils sur les filles[2].

Son séminaire d’ethnologie du Maghreb à l'École pratique des hautes études est resté une référence.

En 1999 elle est élevée à la dignité de Grand-croix de la Légion d’honneur, une parmi six femmes, avec Geneviève de Gaulle, Valérie André, Jacqueline de Romilly, Simone Rozès et Christiane Desroches Noblecourt.

En 2004, elle lance avec d'autres intellectuels français un appel contre la torture en Irak.

Elle meurt le samedi 19 avril 2008 à son domicile de Saint-Mandé (Val-de-Marne) dans sa 101e année.

Pensée

Germaine Tillion considère que chacun doit rester vigilant face au mal qui peut revenir: « Au terme de mon parcours je me rends compte combien l'homme est fragile et malléable. Rien n'est jamais acquis. Notre devoir de vigilance doit être absolu. Le mal peut revenir à tout moment, il couve partout et nous devons agir au moment où il est encore temps d'empêcher le pire[2]. » Pour elle le nazisme est l'incarnation du mal[2].

Germaine Tillion pense que la haine entre deux communautés provient d'un manque d'espace, et que le défi du XXIe siècle est la survie d'une humanité sans cesse grandissante sur une planète aux ressources limitées, ce dont l'homme vient à peine de prendre conscience[2].

Hommages et mémoire

  • Le Musée de l'Homme lui a rendu hommage avec l'exposition Germaine Tillion : Ethnologue et résistante (30 mai 2008 - 8 septembre 2008)[5].
  • Le Conseil général d'Ille-et-Vilaine baptise son collège de La Mézière du nom de Germaine Tillion le 18 décembre 2008[6],[7]
  • À Sain-Bel dans le Rhône, le lycée du Pays de l'Arbresle est baptisé Germaine Tillion et inauguré le 6 mars 2009[8].
  • La promotion 43 du cycle supérieur de management public de l'INET (Institut national des études territoriales) 2009/2010 a pris le nom de promotion Germaine Tillion le 13 février 2009.
  • La promotion 35 (2008/2009) de l'Institut régional d'administration (IRA) de Metz a pris également le nom de promotion Germaine Tillion.
  • La promotion 59 de commissaires de police de l'ENSP (École nationale supérieure de la police) 2007/2009 a pris le nom de promotion Germaine-Tillion le 23 juin 2009[9].
  • La promotion 2011 de l'Institut national du patrimoine (France) (INP) a pris le nom de promotion de Germaine Tillion.
  • En septembre 2006, le collège d'Aussonne en Haute-Garonne fut baptisé Germaine Tillion.
  • À Lardy dans l'Essonne, le collège inauguré le 13 juin 2009 est dénommé collège Germaine-Tillion[10].
  • La Compagnie Lanicolacheur a réalisé un spectacle intitulé Il était une fois Germaine Tillion[11], notamment présenté du 12 au 22 mars 2010 au Théâtre de la Criée de Marseille[12].
  • L'Université de Bretagne-Sud a inauguré le 24 avril 2007 un amphithéâtre baptisé Germaine Tillion[13].
  • La bibliothèque municipale de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) a pris le nom de « bibliothèque Germaine Tillion » le 7 novembre 2008[14].
  • La bibliothèque Trocadéro, à Paris, qui possède un fonds spécialisé dans les voyages et le tourisme, a reçu en septembre 2010 le nom de Germaine Tillion[15].

Films

Plusieurs films ont été consacrés à Germaine Tillion :

  • G. Tillion : la République des Cousins, 1974, Francis Bouchet, Jacques Kébadian, Michel Anthonioz
  • Germaine Tillion, Du côté de chez Fred, 1990, Michel Hermant
  • Sœurs dans la Résistance, 2000, Maïa Wechsler (USA)
  • Je me souviens, 2001, Jean Baronnet, Colette Castagno
  • Les images oubliées de Germaine Tillion, 2001, Augustin Barbara, François Gauducheau
  • Les trois vies de Germaine Tillion, 2001, Gilles Combet, Jean Lacouture
  • La jeunesse d’une centenaire, Une conscience dans le siècle, 2001-2002, IDEMEC, Christian Bromberger
  • Le 100e anniversaire de Germaine Tillion, 2007, Léa Todorov
  • Le Verfügbar aux Enfers, France, 2007, 58 min, David Ünger
  • Là où il y a du danger, on vous trouve, 2007, Miriam Grossi, Carmen Rial, UFSC-Brésil
  • Germaine et Geneviève, Isabelle Gaggini-Anthonioz, Jacques Kébadian

Distinctions

Publications

  • Fragments de vie (2009)
  • Combats de guerre et de paix (2007)
  • Une opérette à Ravensbrück, Éditions de La Martinière, 2005 et Éditions du Seuil (coll. Points), 2007 : inclut le texte du Verfügbar aux Enfers, préface de Tzvetan Todorov, présentation de Claire Andrieu
  • À la recherche du vrai et du juste. À propos rompus avec le siècle (2001)
  • L’Algérie aurésienne en collaboration avec Nancy Woods (2001)
  • Il était une fois l’ethnographie (biographie) (2000)
  • Les ennemis complémentaires (1958)
  • Ravensbrück (1988)
  • Le Harem et les cousins (1966)
  • L’Algérie en 1957 (1956)
  • L'Afrique bascule vers l'avenir (1959)

Biographies

  • Martin Blumenson, Le Réseau du Musée de l'Homme, Éditions Le Seuil, Paris, 1979
  • Jean Lacouture, Le Témoignage est un combat : une biographie de Germaine Tillion, Seuil, 2000
  • Nancy Wood, Germaine Tillion, une femme-mémoire : d’une Algérie à l’autre, Autrement, 2003
  • Sous la direction de Tzvetan Todorov, Le siècle de Germaine Tillion, Seuil, 2007
  • Douglas Martin, Germaine Tillion, French Anthropologist and Resistance Figure, Dies at 100. Obituary, The New York Times, Friday, April 25, 2008, p. B7.
  • Germaine Tillion, édité par Tzvetan Todorov, Fragments de vie, Seuil, 2009, (ISBN 978-2-02-099681-5)

Documentaires

L'ethnologue et résistante Germaine Tillion, 92 ans, vient de retrouver dans ses archives des clichés pris dans le massif des Aurès, en Algérie, où elle effectuait ses premières missions dans les années 1930. Ces photos témoignent d'un monde disparu, mais surtout ils éclairent la vie, la pensée et la personnalité de cette femme qui fut l'un des grands témoins du XXe siècle.

  • Germaine Tillion, une conscience dans le siècle de Christian Bromberger, 2002, couleur, 28 min

Entretien de Germaine Tillion avec Christian Bromberger, professeur à l’Université de Provence et Thierry Fabre, responsable du pôle euro-Méditerranée de la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme

Visionner le film sur Télé Campus Provence

Notes et références

  1. Décès de Germaine Tillion, ethnologue et résistante dans Le Figaro du 19 avril 2008
  2. a, b, c, d, e, f, g et h Ne pas tourner le dos par Germaine Tillion, Le Nouvel-Observateur, 31 mai 2007
  3. Un prêtre de Saint-Maur-des-Fossés qui, payé par le service des renseignements militaires allemands, dénoncera, jusqu'à la fin de la guerre, de nombreux résistants qui lui confiaient leurs activités en confession et sera exécuté en 1949 (Germaine Tillion, Ravensbrück, Seuil, 1973, p. 15 ; voir aussi Le témoignage est un combat, Jean Lacouture, Seuil 2000, p. 118 et suivantes, et http://lb.wikipedia.org/wiki/Robert_Alesch, http://www.chronicart.com/livres/livres_fictions.php3?id=2680)
  4. Les coulisses d'une opérette en enfer, Ouest-France, 20 avril 2009.
  5. Dossier de presse de l'exposition du Musée de l'Homme [PDF]
  6. Collège de La Mézière : un nom le 18 décembre, Ouest-France, 11 novembre 2008
  7. Le collège de la Mézière se dénommera Germaine-Tillion, Ouest-France, 18 décembre 2008
  8. Les voeux du maire pour 2009, mairie de Sain-Bel
  9. La 59ème promotion baptisée !, site de l'ENSP
  10. Le 100e collège s’appellera Germaine-Tillion, Le Parisien, édition Essonne, 18 mai 2009
  11. Il était une fois Germaine Tillion
  12. Mise en scène Xavier Marchand avec Valentine Carette, Valerie Crunchant, Camille Grandville, Pascal Omhovère et Myriam Sokoloff
  13. [PDF] Diagonale n°7 (février/mars 2009) issus de http://www.univ-ubs.fr
  14. Inauguration de la Bibliothèque “Germaine Tillion” à Saint-Maur-des-Fossés, germaine-tillion.org, 3 janvier 2009
  15. La bibliothèque Trocadéro prend le nom de Germaine Tillion, Paris.fr, 7 septembre 2010
  16. Germaine TILLION et le "Vervfügbar aux Enfers"

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

Le Musée de la Résistance et de la Déportation de la Ville de Besançon possède un fonds d'archives légué par Germaine Tillion. Il s'agit de dossiers généraux sur le camp de Ravensbrück avec des comptes-rendus, extraits ou copies des études, ouvrages et articles parus sur le camp ; des dossiers thématiques sur des points sensibles : expériences, exécutions, lesbiennes, sabotages, procès... sur des éléments statistiques et des données concernant des convois (trains des 8, 11, 15 août 1944, par exemple). Ces pièces ont été réunies et doublées de fichiers par numéros matricule et nominatifs de l’ensemble des femmes déportées de France (sauf déportées juives), à partir de diverses sources : registres d’écrous des prisons françaises et allemandes, registres de Ravensbrück, listes du Ministère des Anciens combattants, listes dressées par les déportées elles-mêmes (par exemple au revier). Ce fonds, résultat également d’une enquête lancée par régions, est complété par des dossiers individuels contenant des témoignages, de la correspondance, des poèmes... L’ensemble de ce fonds a été déposé en 1995 au Musée de Besançon qui s’efforce de poursuivre le travail, de le porter à la connaissance des chercheurs.

Articles connexes

Liens externes


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