Musique luxembourgeoise

Musique luxembourgeoise

La musique luxembourgeoise est proche de ses voisines européennes. Au cours de son histoire, la région du Luxembourg a été le théâtre d'innombrables remous ethniques, mêlant de multiples éléments étrangers aux mœurs indigènes et apportant aux « résidents », tout comme à leur musique, des mutations multiples.

Sommaire

Musique classique

Moyen Âge et Renaissance

Le territoire luxembourgeois était réparti sur deux juridictions ecclésiastiques : la province de Cologne avec le diocèse de Liège (Oesling), et la province de Trèves avec l'archidiocèse de Trèves. De ce fait, il est bien compréhensible que la musique religieuse dans l'ancien duché ait suivi plus ou moins deux courants différents, aux confins des civilisations latine et germanique.

A Liège, siège du diocèse ardennais, Sedulius et Otveus inaugurèrent au IXe siècle la tradition musicale messine, qui reçut ses lettres de noblesse avec la nomination de l'évêque Étienne (900-920), formé à Metz.

Ayant subi l'influence d'Aix-la-Chapelle et de Metz, Liège accomplit la réforme grégorienne et devint, à partir du IXe siècle, un haut lieu de la musique. Le plus ancien document de musique belge, le Planctus Karoli, écrit en notation neumatique et attribué à Colomban de St Trond, de même que le drame liturgique de Samuel, mêlé de musique et en notation analogue, témoignent de l'activité musicale à Liège.

Un jeune trouvère nommé Jacques Bretel parcourut en 1285 le Barrois, la Lorraine et le Luxembourg. Il rencontra Joffroi IV dans son château d'Esch-sur-Sûre, l’« asile des ménestrels ». Bretel devait, comme héraut d'armes (?) du comte de Chiny, Louis de Looz, inviter la noblesse aux fêtes que son maître offrait à Chauvency, en octobre 1285, en l'honneur du comte Henri VI de Luxembourg, surnommé le Lion. La chevalerie du Luxembourg, sortie de ses manoirs, dansa et chanta beaucoup au tournoi, des chansons et des danses françaises, avec l'accompagnement de tambourins, de flageolets et de flûtes : Bretel cite près d'une quarantaine de refrains différents. On joua au Jeu du roi et de la reine et au Jeu du roi qui ne ment pas. C'étaient de petites pièces à la façon du Jeu de Robin et Marion, d’Adam de la Halle : des pastorales mêlées de chansons. On joua encore à : le béguinage, l'ermite, le pèlerinage, le provençal, le robardel, Bérengier ou le chapelet. Dans le chapelet, le personnage principal était la comtesse de Luxembourg, Béatrice d'Avesnes, la mère du futur empereur Henri VII de Luxembourg.

Le château de Durbuy en Ardenne, « gîte d'étape » du comte de Luxembourg Jean l’Aveugle, roi de Bohême, accueillait dans ses murs, de même que le château de Luxembourg, l'illustre personnage qu'était Guillaume de Machaut, musicien poète et secrétaire du roi Jean. Guillaume de Machaut (1300-1377) est reconnu indéniablement comme le père spirituel de l’Ars nova dans l'histoire de la musique, avec la « création » de la polyphonie.

Le duc Wenceslas 1er (1352 1383) avait accueilli à sa cour un ménestrel luxembourgeois, Jean d'Ivoix, «le poète au petit chapeau». Les Chartes Reinach rapportent d'autre part que Wenceslas II (1383 1419) autorisa le 8 mars 1398 le gouverneur du Duché de Luxembourg, Ugo von Elter, à payer la somme de 550 florins à ses «Stadtpfeifer». Les musiciens du Moyen Âge étaient groupés comme les différents corps d'artisans dans une corporation. En 1466 on trouve parmi les diverses associations une «corporation des cuisiniers et des musiciens», «Zunft der Küche, Lüttenschlâger und Pfiffer», qui comptait en 1765 encore 266 membres.

Sous les ducs de Bourgogne, puis sous les Habsbourg (XVe et XVI siècles), les Pays Bas virent une floraison de compositeurs, des Liégeois, puis des Hennuyers, qui émerveillèrent l'Europe ; les Belges, les « Fiamminghi » répandirent leur musique partout. L'art nouveau se perfectionna, tant dans le contrepoint que dans l'harmonie, et transforma les rythmes et les modes. II toucha à son apogée dans la musique vocale des messes, motets, chansons du XVIe siècle, qui sont d'un style polyphonique admirable.

Nous ne conservons pas 'de documents qui mentionnent chez nous des représentations de drames liturgiques ou des miracles médiévaux; seul un texte du XVe siècle fait allusion au « Jeu de Marie et de Joseph », « dat spyl . . . van Marien und Josep », un mystère représenté à Luxembourg en 1471 ou en 1472. Cependant le théâtre religieux dont la musique était tirée des chants liturgiques, ou composée dans le genre de ceux-ci, ou encore sous forme d'airs populaires a existé à Trèves et à Metz, et nous avons dû subir l'influence de ces deux villes.

Excepté les textes trévirois de deux religieux nous ne conservons la musique d'aucun de ces jeux. Tout au plus la mélodie de l'un ou l'autre cantique religieux, de l'un ou l'autre noël, encore en usage dans nos églises, peut elle être tirée d'un drame religieux médiéval. La musique de danse de cette époque, le Moyen Âge finissant, ne nous est pas connue davantage. Cependant on relate l'une ou l'autre «soirée dansante»; Elisabeth de Goerlitz, le 1e'et le 15 mai 1418, dansa à l'hôtel de ville de Luxembourg («noch danzte unser gnedige frauwe [van Brabant] uf demselben rathuse uf pinxstage zu avent . . .»). En 1463, on cite, à Luxembourg, une danse de la Saint Jean («sent Johans dancze»); au carnaval de 1479, dans la même ville une danse des épées, exécutée «von jongen gesellen bürgeren und bürgerssoenen, die in der tzalen van 40 personen danzten mit blossen swerderen und riffen achter di stat».

Quels furent chez nous ces corps de trompettes, ces groupements de musiciens (Stadtpfeifer) employés dans les villes pour rehausser l'éclat des cérémonies publiques? Lors des deux processions jubilaires en l'honneur de la Vierge, en 1666 et en 1678, des corps de musique, trompettes, timbales, tambours, prirent une part très active aux fêtes qui se déroulèrent avec un faste extraordinaire dans la capitale. Le 28 janvier 1698, le nouveau gouverneur de la province de Luxembourg, le comte d'Autel, fut reçu par la jeunesse de la ville, qui était allée à sa rencontre, «avec des violons, hautbois, tambours et gonfanons» (chronique manuscrite de S. Fr. Blanchart). Quand un siècle plus tard, le lieutenant gouverneur et capitaine général des Pays Bas, le prince royal duc Albert de Saxe et de Teschen, avec l'archiduchesse Marie Christine d'Autriche son épouse, entra solennellement à Luxembourg (24 août 1791), une garde d'enfants en uniformes avait été constituée; parmi eux se trouvaient des musiciens, tambours et fifres; la " milice bourgeoise entra en action «accompagnée de sa ' musique turque qui était composée de 30 musiciens».

Les Jésuites organisaient dans leur Collège à Luxembourg, aux XVIIe et XVIIIe siècles, de nombreuses représentations théâtrales : tragédies et comédies en latin ou en français, aux sujets sacrés et pieux, pastorales et ballets et la musique y était toujours mêlée.

D'autre part, les confréries et les corporations des villes ont donné de temps à autre des représentations, dans le cadre de leurs grandes fêtes.

De nombreuses troupes ambulantes de comédiens, venant de toutes parts, ont traversé notre pays depuis le XVIe siècle. Elles nous ont fait connaître maintes chansons populaires, joué sans doute plus d'une pièce de Hans Sachs, dont peut être la « Tragedi Melusina, mit 25 Personen zu agieren ». Ces acteurs, jongleurs, danseurs, chanteurs musiciens firent leur apparition partout, mais de préférence visitèrent les foires. Leur art, au XVIIIe siècle, se rapprochait assez de l'« opéra comique » de la foire tel qu'il s'était développé en France dans le courant du XVIIe siècle, avec ses farces mêlées de couplets, ses pantomimes interrompues par des chansons, son petit orchestre de cordes et de hautbois et ses danses.

Sur notre territoire d'une exiguïté extraordinaire, dans une capitale forteresse, réduite dès le XVe siècle à un modeste chef lieu, en l'absence de grands mécènes et d'une cour véritable, la musique était incapable de prendre un grand développement. La musique religieuse des cantiques et des chants sacrés, soit dans la partie wallonne, soit dans la partie germanique du Duché, subissait, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, l'influence de Liège et de Trèves. II en allait de même pour les chansons populaires, dont le grand nombre nous est venu de France, de Belgique et d'Allemagne. L'une ou l'autre mélodie est née sur notre sol, et rendue en 1675 dans le recueil du Père Jésuite Dom. Nugent, intitulé «Christliche Nachtigall», «das ist der edlen und lieben Jugendt der Hertzoglichen Stadt Lutzenburg zu geistlicher Lust und Lieb auff 75 auserlesen schoene melodeyen 75 new gemachte::Gesànglein so auch Gebettwei(3 gebraucht mdgen werden». Parmi nos chants populaires les plus anciens, citons ceux des pèlerins de saint Job à Beckerich, de saint Laurent à Grevenmacher, un chant en l'honneur de saint Sébastien à Echternach . . .

Période classique et romantique

L'activité des Luxembourgeois, sur le plan musical, prit réellement naissance en 1793, avec la création de la «Philharmonie Municipale» de Wiltz, œuvre de Kiseloppsky, ancien chef de musique d'un régiment prussien.

Vers 1815, il est fait mention à Luxembourg Ville de groupements de musiciens d'une certaine valeur, comme par exemple la musique bourgeoise, dont le chef était Henri Joseph Cornély, maître de chapelle et organiste à Luxembourg, et qui allait y fonder en 1822 la première école de Musique.

On cite un «choeur de musique des élèves de l'Athénée» ( une harmonie instrumentale) et en 1821 on relève que dans la procession de l'Octave de Notre Dame de Luxembourg, les élèves du cours de chant de l'Athénée exécutaient des cantiques sous la direction du Rhénan Heinrich Stammer, professeur à l'Athénée. Celui-ci avait aussi réalisé un recueil de 44 chants pour ses élèves: «Lieder für die gesangliebende Jugend am Athenaeum in Luxemburg», paru en 1818 chez L. Lamort, suivi en 1823 d'un livre de cantiques religieux.

Le 8 décembre 1822 eut lieu à l'Aula de l'Athénée, devant 212 spectateurs, un grand concert vocal et instrumental de bienfaisance, exécuté par des civils et des militaires, au profit des sinistrés de Grevenmacher (où un incendie avait, le 18 novembre de la même année, détruit presque toutes les maisons de la ville). Une «Société philharmonique», constituée à Luxembourg, inaugura l'année 1830 par une soirée musicale à laquelle assistèrent plus de 200 personnes, et au rogramme de laquelle figurèrent «l'admirable ouverture de Robin du Bois, chef d'oeuvre de Weber, une symphonie de Beethoven» et les deux ouvertures de «La Muette de Portici» et de «Guillaume Tell». Peu d'années auparavant, en 1824, était mort «l'Homère Theis», comme l'appelait, Mathias Gelhausen, plus connu sous le nom de «Blannen Theis», (1760 1824), un ménétrier aveugle dont les couplets très populaires étaient chantés partout. «C'était un grand vieillard chauve et voûté, qu'un caniche pelé et une vieille femme guidaient dans les rues et par les campagnes. II portait une besace, et accompagnait de son violon les chansons qu'il improvisait le plus souvent. Les chansons eurent un incroyable succès et valurent au rhapsode une popularité et une réputation qu'envierait plus d'un poète moderne.» Les musiques militaires de la garnison, appartenant à des régiments prussiens et brandebourgeois, plus tard (à partir de 1864) à des régiments rhénans, donnèrent régulièrement (de 11.30 heures à 12.30 heures), à cette époque, des concerts sur la Place d'Armes. Fortes de 30 à 35 musiciens, sous des chefs dont les noms nous sont restés (Orlamünder, Carl Faust, Wenzelburg, Lützenkirchen), elles jouissaient d'une certaine popularité. Quelques grands concerts firent connaître au public luxembourgeois des sommités musicales de l'époque telles que J. Wolfram, «un des plus justement célèbres parmi les artistes européens» (1834 et 1843), F. Liszt, qui joua à l'Hôtel de Luxembourg, sous les auspices de la Société philharmonique (1845), le grand pianiste Thalberg (1846). . . Les élèves de l'Athénée, dans leurs sections de musique et de chant, ne contribuèrent pas seulement à la solennité des fêtes scolaires, mais offrirent encore à un plus grand public des concerts de bienfaisance, tels que celui du 2 juillet 1842, qui était donné au profit des sinistrés de Wasserbillig et de Stolzemburg, deux localités ravagées par des incendies. Sur leurs programmes figuraient Donizetti, Bellini et d'autres compositeurs de l'époque.

Le chant enseigné et pratiqué déjà dans les collèges, fit son entrée également dans l'Ecole normale fondée en 1845, ainsi que dans les écoles primaires, pour lesquelles A. Godart composa un manuel de chant, «Theoretisch praktische Gesangschule für die Primàrschulen» (1850 ss). Les cours de chant étaient donnés aux futurs maîtres d'école par l'abbé Majerus, directeur de l'Ecole normale, ensuite par les Belges Mancion et Boisseaux; enfin par l'Allemand Henri Oberhoffer (1857), qui enseigna la musique aux normaliens pendant une trentaine d'années. La musique vocale, cultivée dans les écoles et les églises, se vit créer un foyer nouveau dans une société de chant de la capitale, la «Liedertafel», née en 1843. L'année suivante fut fondée une Ecole de musique de la Ville. Due à l'initiative privée, comme l'institution de Cornély, mais élevée sur des bases plus larges que celle-ci, cette Ecole municipale, qui vécut jusqu'en 1882, joua un rôle important dans la vie musicale de Luxembourg. Parmi ses directeurs figure J.A. Zinnen.

Une nouvelle société dramatique était constituée vers 1848, sous le nom de «Gym», à laquelle appartenaient des poètes de langue luxembourgeoise tels qu'Edmond de la Fontaine, Michel Lentz, Fendius, et qui devait à l'origine grouper surtout des jeunes gens épris de culture physique. Comme ses prédécesseurs allemands, nés par centaines à cette époque, le «Turnverein luxembourgeois», que distingue un noble esprit de liberté, un remarquable caractère d'égalité démocratique, recèle un véritable ferment de progrès et d'émancipation...

Le «Turnverein» organisa bientôt des représentations théâtrales; sur les programmes figuraient aussi bien des pièces et des vaudevilles français (Désaugiers, surtout Scribe) que du Kotzebue et un novum important des intermèdes d'auteurs luxembourgeois comme E. de la Fontaine (appelé «Dicks») et M. Lentz. La «Gym» cultiva encore la musique vocale, exécutant des chœurs français et allemands. Lé 25 février 1855, elle représenta le premier «vaudeville» en langue luxembourgeoise, «De Scholtschein», dont l'auteur était Edmond de la Fontaine (Dicks). Dans les années suivantes, d'autres pièces de Dicks furent représentées par la «Gym» qui occupa, jusqu'en 1870, une place importante dans la vie théâtrale de Luxembourg.

L'activité des Luxembourgeois, sur le plan musical, ne cessa de croître dans la seconde moitié du XIXe siècle. Lors de l'inauguration des chemins de fer, en 1859, compositeurs locaux et étrangers rivalisèrent heureusement, remportant les uns et les autres des succès mérités auprès d'un public d'élite et tout à fait international. Une cantate de circonstance du Luxembourgeois Zinnen fut «hautement appréciée par tous les connaisseurs»; elle était «à grand choeur d'hommes, sur les paroles françaises de M. Neumann, professeur à l Athénée, avec accompagnement d'orchestre . . . une facture large et parfaitement harmonisée, un rythme bien entendu et bien approprié à la poésie la distinguent» («Le Courrier de Luxembourg», 6 octobre 1859).

Deux autres cantates, sur des textes également français, avaient été composées par le Luxembourgeois Victor Klein et le jeune musicien français de Galiot. Le patois fut à l'honneur. Les fêtes de l'inauguration des chemins de fer s'accompagnèrent de concerts festivals donnés sur la Place Guillaume par la musique bourgeoise de la ville et le corps de musique des chasseurs luxembourgeois du contingent fédéral réunis sous la direction de Zinnen.

Avec les chemins de fer une ère nouvelle commença. La circulation fut intensifiée dans tout le pays, des relations multiples s'établirent entre les différentes parties et les différentes localités. De nouvelles sociétés de musique et de chant, fondées dans les faubourgs de la capitale «Fanfare de Clausen», 1851, «Fanfare de Grund», 1852, Société chorale «Sang a Klang» de Pfaffenthal, 1857, «Société Philharmonique Luxembourg», (1861), se liguèrent avec celles qui existaient déjà pour former à l'exemple de l'«Allgemeiner Deutscher Musikverein», (constitué en 1859 sur l'initiative de Franz Liszt, et qui organisait depuis 1859 de grands festivals) une association de toutes les sociétés de musique du pays, l'«Allgemeiner Luxemburger Musikverein», 1863, dont le premier directeur fut J.A. Zinnen.

Le 5 juin 1864, l'«Allgemeiner Luxemburger Musikverein» organisa à Ettelbruck son premier grand festival, avec 18 sociétés de chant et 10 sociétés de musique, 500 chanteurs et 240 musiciens; on chanta une œuvre de Zinnen, «Ons Hemecht», très simple et très belle, d'un caractère presque religieux qui devint plus tard notre hymne national. Dès 1870, les sociétés musicales et chorales de 32 localités étaient affiliées à l'«Allgemeiner Luxemburger Musikverein».

En 1867, les deux bataillons de chasseurs luxembourgeois, en garnison jusqu'à cette date dans les villes de Diekirch et d'Echternach, vinrent occuper Luxembourg, après le départ des troupes prussiennes. Leurs deux musiques furent fusionnées et la direction confiée au chef de musique Hoebich. La tradition des concerts militaires sur la Place d'Armes fut continuée. Bientôt, sur le désir de la princesse Amélie, l'épouse du prince lieutenant Henri des Pays Bas, un petit orchestre fut formé au sein de la musique militaire, qui allait toutes les semaines donner des concerts au château de Walferdange, où résidait le prince.

Avec l'entrée en scène de Dicks et de Zinnen, la musique et le théâtre luxembourgeois conquirent presque du jour au lendemain une place importante dans la vie de la nation. Sans doute les pays étrangers, auxquels nous avions dû beaucoup, continuèrent ils d'inspirer et de former nos compositeurs, de représenter chez nous leurs chefs d'œuvre; cependant la production indigène, ses sources une fois dégagées, ne se ralentit plus, et nous verrons, à partir de Zinnen, défiler devant nous une longue théorie de musiciens dont le talent et les mérites sont assez grands pour qu'ils retiennent notre attention:

  • Michel Lentz (1820 1893)
  • Edmond de la Fontaine «Dicks» (1823 1891)
  • J. A. Zinnen (1827 1898)
  • Laurent Menager (1835 1902) .

La musique des chasseurs luxembourgeois devint en 1881, après l'abolition du service militaire obligatoire, le corps de musique de la compagnie des volontaires. Dirigée successivement par Hoebich, Ph. Decker, Kahnt, Patzké, F. Mertens, elle jouissait des faveurs particulières du gouvernement luxembourgeois et devint bientôt une troupe d'élite, et une pépinière de chefs de musique qui allèrent donner un grand essor aux sociétés d'harmonie et de fanfare du Grand Duché.

L'activité de la «Société de Philharmonie» fut des plus heureuses pour le développement du goût musical chez nous. Conduit par des chefs tels que L. Menager, Vermast, Kirschbaum (de Trèves), Patzké (un Autrichien), Kaempfert (de Francfort), comptant parmi ses membres de bons musiciens comme J. P. Flohr (1875 1935), qui fut également un critique très écouté (dans la « Luxemburger Zeitung»), l'orchestre de la Philharmonie s'attaquait aux œuvres symphoniques des plus grands maîtres..

A côté de la Philharmonie, qui fut le meilleur ensemble symphonique de la ville et du pays jusqu'à la création de l'Orchestre du Conservatoire (sous V. Vreuls), le petit orchestre du «Gesellenverein» faisait figure assez modeste; cependant il comptait parmi ses directeurs des musiciens de valeur comme Hoebich, H. Oberhoffer, L. Menager.

Le 23 juillet 1891, les sociétés de chant et de musique du pays, réunies à Luxembourg pour l'entrée solennelle du Grand Duc Adolphe, furent regroupées dans l'«Union Adolphe», qui succéda à l'«Allgemeiner Luxemburger Musikverein». Elles reprirent la tradition des festivals, pratiquée depuis 1864, et organisèrent des concours annuels qui furent un puissant stimulant pour musiciens et chanteurs.

Dans les écoles primaires et dans les collèges, le chant faisait partie de la matière d'enseignement, comprenant des leçons de solfège aussi bien que l'exécution de chœurs, de chants populaires ou religieux. La jeunesse des villages les plus modestes fut initiée à cette musique vocale, à laquelle beaucoup de maîtres d'école, qui avaient été formés par Oberhoffer, prodiguèrent des soins particuliers, affinant le goût de la population campagnarde.

Guillaume Stomps, un Rhénan qui fonda à Luxembourg le premier magasin de musique, édita les opérettes de Dicks ainsi que les premiers recueils de chansons populaires luxembourgeoises, parmi lesquels figurait un petit ouvrage posthume d'E. de la Fontaine, contenant des chansons plus anciennes.

A la génération des Zinnen, Dicks, Lentz, Menager, Oberhoffer succédèrent, après 1870, de nombreux compositeurs de musique vocale et instrumentale, profane et religieuse. Un directeur de musique à Echternach, Thomas Muller, composa des mélodies sur une pièce de l'écrivain luxembourgeois A. Duscher; son neveu J. A. Muller (1854 1931) fut une des personnalités les plus représentatives de notre monde musical.

Un grand animateur, Félix Krein, dont la chanson «Den lerzmann» (1873) devint populaire à Eschsur Alzette, contribua beaucoup à l'essor que prit la vie musicale dans cette cité industrielle et dans tout le bassin minier.

La musique vocale et instrumentale a été enrichie d'autre part par quelques compositeurs moins connus aujourd'hui: L. Bassing, Fr. Engelhardt, A. Greyson, J. J. Vesque, Ph. Manternach, J. Spogen, G. Stomps, G. Kahnt, N. S. Pierret, N. Steffen, J. Sevenig, W. Dumont et V. Goldschmit. La liste des compositeurs luxembourgeois se poursuit par: Charles Günther, A. Kowalsky, J. P. Beicht, Louis Beicht, M. Hülsemann, P. Albrecht, Louis Petit, P. Barthel, Th. Decker, D. Heckmes, E. Boeres, J. P. Penning, Ph. Warnimont, J. P. Neuen, A. Foos, Lou Koster, J. Krüger, J. Eiffes, Pierre et Jean Faber, A. Thorn, H. Pensis, Norbert Stelmes, René Thiry, René Mertzig, Emile Quaring, Albert Leblanc,' J. P. Schmit, M. Lamberty, J. Hoffmann, René Hemmer, Norbert Hoffmann, CI. Krumlowsky, Pierre Nimax, R. Ponchelet . . .

Le 30 avril 1906, vingt quatre ans après la fermeture de l'école municipale de musique, le Conservatoire de Musique cela Ville de Luxembourg Fondation Eugénie Dutreux, ouvrit ses portes au no 16 de la rue du Saint Esprit sous la direction de Victor Vreuls (Verviers). Bientôt d'autres villes du Grand Duché allaient suivre avec la création d'écoles de musique. Par la suite l'intérêt général à la musique s'est merveilleusement développé, emmenant la Municipalité de Luxembourg à faire construire un nouveau Conservatoire qui ouvrira ses portes dans le courant de 1984.

II importe de commenter encore un art luxembourgeois, relativement jeune et exclusivement contemporain, qui n'a pris son essor que dans le courant des années 1930 : la musique symphonique.

Au début des années 1930, à défaut de la qualité des enregistrements musicaux actuels, les stations de radio diffusion se devaient d'avoir, pour remplir les tranches musicales, un orchestre de musique légère et selon l'importance de la station, aussi un orchestre symphonique. L'Orchestre symphonique de Radio Luxembourg, fondé en 1933, a connu des débuts modestes et difficiles, mais sous la compétence et l'impulsion de son premier chef permanent Henri Pensis, il s'est vite acquis une renommée européenne appréciable. C'est surtout la musique du XXe siècle qui avait trouvé en Henri Pensis et l'orchestre de RadioLuxembourg des serviteurs consciencieux et fidèles. Quelques uns des compositeurs contemporains les plus importants ont confié leurs œuvres à la réalisation de l'ensemble instrumental luxembourgeois.

Des Luxembourgeois, amateurs et même professionnels, nous ont bien légué des opérettes, des chansons populaires, des chœurs, des marches, valses et ouvrages divers pour ensembles de fanfare et d'harmonie, mais cet héritage ne saurait suffire à rendre un palmarès de l'activité créatrice dans le domaine de la musique luxembourgeoise. Dans le courant des dernières décennies, le répertoire musical luxembourgeois s'est enrichi d'un apport qualitativement indiscutable d'œuvres symphoniques ainsi que de musique de chambre. Le répertoire est à la fin incarné et dominé par les compositeurs: Jules Krüger, René Mertzig, Edmond Cigrang, Norbert Hoffmann, René Hemmer, André Wengler, Marco Kraus, Jeannot Welter et Alex Mullenbach . . .

Le folklore est l'expression de l'âme et de l'esprit d'un peuple et se marque de caractères variés. Le folklore comprend des danses, des mélodies, des chansons, des textes et des usages, où il est souvent question d'amour, de bonne table, de boissons, de métiers, de labeurs journaliers ou d'exercices d'armes, où on décèle des parentés et des ressemblances, compte tenu du cadre géographique et historique.

Bon nombre de nos chansons et mélodies populaires ne datent que du XIXe siècle et sont en général extraites de pièces de théâtre et d'opérettes. Parmi nos mélodies les plus anciennes, il importe de citer en premier lieu le «Hàmmelsmarsch» (la marche des moutons), que le comte Pierre Ernest de Mansfeld fit jouer au carillon de son château à Clausen. Retenons encore «Le'wer Herrgottsblies'chen» (chandeleur), «Scheder, Schueder» (brandons), «Kirmeslidd», «Den E'm Steffen», «Nikloslidd» (St Nicolas) dont les auteurs sont Bone/Oberhoffer . . .

La danse populaire renaît depuis plus de 25 ans grâce à l'idéalisme d'un groupe de jeunes gens, qui s'est donné le nom de «Uucht la veillée» et dont le but fut la «mise en valeur des aspects typiques du folklore luxembourgeois». Leur initiative se vit couronnée de succès et incita à la création d'autres ensembles du même genre.

Au cours des siècles, nos ancêtres avaient rarement le temps et bien peu de raisons pour danser : l'occasion en était parfois donnée à Luxembourg ville, par exemple lors des visites princières.

En général, les noces et les kermesses donnaient principalement lieu à des réjouissances. Certaines des danses populaires anciennes, comme le «Minnewee» (menuet), «Badetti» (pas de deux), «Schiberli», des polkas et autres, sont reprises par nos ensembles folkloriques qui depuis plus d'un quart de siècle en ont su ranimer l'intérêt général.

À partir de la fin du siècle dernier, suite à l'industrialisation du pays, la musique de danse, musique d'entrain ou musique «légère», trouvait ses adeptes dans nos régions. Des musiciens luxembourgeois, amateurs et professionnels, constituaient les premiers ensembles qui jouaient dans les cafés concerts, aux bals de kermesse, dans les cinémas (films muets), etc.

À l'issue de la Première Guerre mondiale, un genre de musique nouveau fêtait son entrée en scène: le jazz, importé des Etats Unis d'Amérique. Certains orchestres de danse allaient s'attaquer à la musique d'ambiance et vers la fin des années 1920, Luxembourg compte déjà bon nombre d'excellents musiciens comme: Fred Gehlen, Josy Thoma, Andy Felten, Batty Nuss, René

Schmidt, suivis par Johny Glesener, Tony Meyer, Johny Nimax, Josy Martin, Willy Hülsemann, Josy Gehrend . . .

Excellents musiciens, comme solistes et à l'ensemble, certains d'entre eux n'en étaient pas moins de très bons compositeurs et arrangeurs. Les «pionniers de la musique légère» ont animé la scène musicale luxembourgeoise et leurs efforts ont été couronnés de succès. Grâce à leur endurance ils sont parvenus à combler un certain vide dans notre vie culturelle et ont su inciter de nombreux jeunes à prendre leur relève: Paul Dahm, C. Vanoli, Gast Waltzing, Claude Muller, C. Hastert, R. Nuss . . . ont pris l'envolée.

Pour conclure, on peut affirmer que notre pays peut, à juste titre, s'enorgueillir d'un réseau à la fois vaste et dense de musiciens. Cela peut paraître surprenant à notre époque qui, dominée par la technique, a relégué la musique l'un des quatre éléments du quadrivium des anciens, où elle voisinait avec les mathématiques au rang d'un passe temps facultatif et l'a écartée des moyens de formation scolaire.

Les sociétés de musique, les chorales, les groupes folkloriques et les ensembles les plus divers prennent une place de plus en plus importante dans la politique culturelle. Trouver du plaisir et meubler ses loisirs, en faisant soi même de la musique, est en effet une forme de culture et d'occupation dont l'importance grandit au fur et à mesure que les loisirs prennent de l'extension par suite de l'évolution de notre civilisation.

Musique traditionnelle

Musique actuelle

Voir aussi

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Sources

  • Alexis Hoffmann, Centenaire de la Chorale Municipale Sainte-Cécile de Wiltz, 1974, « Wiltz en Ardenne, à l'écoute de Liège » .
  • Revue Saint Chrodegang, 1953, « L'école de chant messine » .
  • (de) J. P. Schmit, Ein Echternacher Musikdokument, 1958 .
  • Joseph Meyers, La Vie Musicale, 1939 .
  • M. Tesch, La chanson populaire luxembourgeoise, 1929 .
  • (lb) Lex. Roth, Lidder a Biller vu Lëtzebuerg, 1983 .
  • (de) Roger Spautz, Luxemburgs Pioniere der leichten Muse, 1983 .

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Musique luxembourgeoise de Wikipédia en français (auteurs)

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