Musique au Luxembourg

Musique au Luxembourg

Musique au Luxembourg

La musique au Luxembourg : au cours de son histoire plus que millénaire, la région du Luxembourg a été le théâtre d'innombrables remous ethniques, mêlant de multiples éléments étrangers aux moeurs indigènes et apportant aux «résidants» des mutations multiples.

Le réseau routier aménagé par les Romains et traversant nos régions, a été bénéfique à l'essor commercial du territoire. Le passage de commerçants, de légionnaires et d'érudits y a laissé des traces.

Un des rares documents que l'antiquité nous a légués sur les instruments de musique et l'activité musicale en général dans nos régions, c'est un des médaillons de la mosaïque romaine de Nennig, et en plus un des plus remarquables, représentant un orgue hydraulique et son organiste.

Diverses fouilles nous ont également fait découvrir par la suite d'autres souvenirs musicaux appartenant à l'époque romaine, comme par exemple des bas reliefs représentant des danseuses munies de cimbalettes, le couple Euterpe et une «Mélusine» musicienne, dont les origines ne remontent cependant pas aussi loin. A côté de ces témoignages indirects, nous ne possédons cependant ni document concret sur la vie musicale, ni texte de musique, originaire de nos régions. datant des premiers siècles de notre ère.

Il est cependant permis d'affirmer, malgré l'absence de témoignages concrets, que la musique, ou plutôt l'expression musicale, fleurit en quelque sorte depuis plus de 2000 ans dans nos régions

Nombreux sont dans l’actuel Grand-duché les sites fréquentés ou même habités par nos ancêtres trévirois. La carte des fouilles archéologiques montre une fréquentation très dense de la région du sud du pays – le «  bon pays  », alors qu’elle reste plus sporadique dans les régions septentrionales , les Ardennes. Traversé par d’importantes voies de communication , notamment celle venant de Lyon pour passer ensuite via Paris , Reims, Verdun et Arlon pour rejoindre Trèves à l’est ainsi que par celle touchant la pointe septentrionale de notre pays pour converger vers Cologne, Aix-la-Chapelle ou Liège ainsi que par tout un réseau de voies secondaires le territoire de l’actuel Grand-duché était bien ouvert à l’agriculture, au commerce et à l’artisanat des Celtes et de leurs successeurs Gallo-romains. Trèves et Metz, les centres administratifs et commerciaux n’étaient pas loin et les habitants de ces villes avaient l’habitude de s’approvisionner dans nos contrées et pratiquaient l’échange de produits originaires d’autres régions. Au cours de leurs déplacements dans notre pays les citoyens romains prenaient goût à nos campagnes et s’y installaient. Les nombreux monuments funéraires et villas découverts dans les vallées de la Moselle, de la Sûre et de l’Alzette en sont les témoins.

Arlon, Bitbourg et Ivoix , en bordure de l’actuel Grand-duché de Luxembourg, Dalheim (Ricciacus), Altrier, Mersch, Contern, Mamer et le Titelberg sont à considérer désormais comme agglomérations à but essentiellement artisanal ou relais. Le reste du pays avait un caractère plutôt rural et était parsemé de domaines agricoles et de fermes aux abords d’une civilisation réputée urbaine. La «  Pax Romana » emmena la culture de la vigne et des arbres fruitiers, accentua le développement des techniques de production artisanales gauloises, développa les réseaux de communication sans altérer les structures enracinées avant la conquête des Gaules par les armées de Jules César.

A en croire Jules César et Tacite il existait chez nous des bardes qui, à la fois poètes et musiciens , composaient des chants guerriers qui entraînaients les soldats irrésistiblement au combat. Une fois la paix retrouvée, il revint à ces mêmes bardes l’honneur de chanter la bravour des héros et de composer des œuvres d’un lyrisme intime. Les chants cultuels étaient abondamment pratiqués dans les incantations des druides. Ces chants du culte , loin encore d’être des cantiques, peuvent néanmoins être considérés comme éléments primitifs de notre littérature musicale européenne .

Bannis des cités par l’intrusion de l’art musical gréco-romain, traqués ensuite par l’église catholique naissante comme éléments païens, leurs traces ont été effacées par la suite. Le moine Eginhard, biographe de Charlemagne, rapporte dans sa chronique que le grand monarque avait pris la pieuse décision d’en faire recueillir les derniers vestiges. Hélas, ses efforts de conserver ces reliques musicales occidentales sont restés vains, puisque leurs traces se sont perdues dans la nuit des temps .

L’histoire de la musique occidentale est sans aucun doute étroitement liée à l’évolution des musiques chrétiennes dont elle est fortement imprégnée. On peut s’imaginer que les chants chrétiens des premiers siècles après J.-Chr. se rattachaient à quelques survivances des rituels hébreux. Ainsi les psalmodies ( récitation des psaumes bibliques ) de même que les chants antiphoniques , où les versets chantés par un soliste alternaient avec les répons de la foule émanent des cérémonies de la religion juive. Les communautés monastiques de l’Eglise d’Orient, en particulier celles d’Antioche, de Smyrne ainsi que de celles d’Egypte entretenaient la tradition de ces chœurs. Dans les Eglises d’Occident naissaient dans même espace de temps les premiers chants liturgiques de la messe.

L’attestation des ‘ hymnes ‘ – genre de cantiques originaires du Moyen-Orient – dans l’église des premiers temps date du Ier siècle après J.-Chr. . Les chrétiens les composaient à l’instar des hérétiques ariens qui s’efforçaient de répandre leurs fallicieuses doctrines par des chants de propagande . On rapporte qu’une circonstantce fortuite aurait favorisé la diffusiob de ce que nous appelons communément ‘ hymnes ‘ en Occident.

Exilé en Phrygie par le Concile de Béziers en 356 , l’évêque de Poitiers , Saint Hilaire aurait été influencé par un des plus célèbres compositeurs d’hymnes indigènes , Ephrem d’Edesse . Ce Père de l’Eglise, inquiet du succès des chants composés par l’hérétique Bardesane ( vers 222 ) aurait , selon la tradition , emprunté les mélodies et composé des textes d’hymnes . A son retour en Gaule Hilaire de Poitiers se mit à rédiger des hymnes dont trois nous sont encore conservés. Vers la fin du IVe siècle le chant liturgique fut introduit officiellement dans le diocèse de Milan , grâce à Saont Ambroise , évêque de Milan , à qui on accordait inconsidérément la paternité globale du rite milanais qualifié d’ambrosien. Entre le IVe et le VIe siècle évoluent les différents chants liturgiques de la messe : offertoire et communion ( Saint Augustin , propagateur de l’œuvre de St. Ambroise ) puis ‘ Gloria in excelsis ‘ et enfin Kyrie et Sanctus.

Les initiatives disparates firent sans doute ressentir à l’Evêque de Rome le besoin d’élaborer une charpente pour cette liturgie naissante et d’organiser un office cohérent ainsi que des cadres capables de lutter efficacement contre les essais de féodalité. Cette œuvre, combien utile pour la liturgie chrétienne naissante, est attribuée à Saint Grégoire qui prêta son nom au chant ‘ grégorien ‘ – certainement à tort puisque le Patriarche de l’Occident était loin d’être un compositeur , mais un coordinateur soucieux de créer une harmonie parfaite au sein de l’Eglise en ralliant les hésitants autour d’un répertoire commun dont l’utilité se faisait sentir. Cependant la réforme de Grégoire n’eut pas un succès immédiat.

En Gaule le chant grégorien ne fut accepté par les évêques et le clergé que sous l’impulsion de Pépin le Bref et de Charlemagne qui en furent les propagateurs décidés.

Au cours du premier quart du VIe siècle Boèce rédige son ouvrage théorique ‘ de institutione musica ‘ , véritable bible musicale durant tout le Moyen-Âge qui est perdue en grande partie . Ce traité musical , ensemble avec celui élaboré par Cassiodore un demi-siècle plus tard , est un des principaux ouvrages qui contribuèrent à la diffusion de la science musicale grecque en Occident. Dès le début, l’élément grecque , en l’occurrence la technique musicale , reprise dans la musique chrétienne , a joué à côté des formes hébraïques un rôle fondamental.

ANICIUS-MANLIUS-TORQUATUS-SEVERINUS BOETIUS ( Boèce ) , né à Rome vers 475 dans une ancienne famille de la noblesse romaine , devint consul en 510 avant de devenir conseiller secret de Théodoric , Roi des Ostrogoths . Soupçonnant Boèce , à tort , d’entretenir des relatins de traître avec la Cour de Byzance, le fit emprisonner puis décapiter vers 524 . Philosophe et mathématicien remarquable , Boèce consacra une partie de sa vie à la rédaction d’un ouvrage théorique ‘ De musica ‘ en 5 volumes. Tout ce que le monde du Moyen-Âge connaissait de musique grecque , il le devait à Boèce et Cassiodore. D’aucuns ont prétendu , à tort , que Boèce aurait remplacé la notation grecque par la notation alphabétique au moyen des lettres ‘a’ à ‘p’ ou ‘A’ à ‘P’ utilisée parfois au Xe et au XIIe siècle.

Quant à MAGNUS AURELIUS CASSIODORUS ( Cassiodore ), né à Schillazzo en Lucanie vers 485 , fut chancelier des rois Théodoric et Athalaric , puis en 514 consul à Rome. Plus tard dans sa vie il se retira au couvent de Vivarese et se mit à la rédaction de son ouvrage ‘ De artibus ac disciplinis liberalium litterarum ‘ dont une partie traite de musique ( institutiones musicae ) . Propagateurs de la musique antique , Boèce et Cassiodore devinrent les seules sources dans lesquelles plus tard au Moyen-Âge , théoriciens et compositeurs pouvaient puiser pour se procurer une idée de l’antiquité musicale.

Au 6e siècle, le poète Venantius Fortunatus, plus tard évêque de Poitiers, fit le voyage en bateau de Metz à Andernach; il fut impressionné par la musique qu'il entendit sur son chemin, la voix sonore du batelier:

…Vocibus excussis pulsabant organa montes, Reddebantque mox pendula saxa tropos. Laxabat placidos mox aerea tela susurros,

Respondit cannis rursus ab alpe frutex; Nunc tremulo fremitu, modo plano musica cantu Talis rupe sonat qualis ab aere meat. … «Les accords de l'instrument sonore frappaient les collines, et les rochers qui surplombent renvoyaient les mélodies dans la vallée. Le tissu des cordes d'airain fit courir un murmure nonchalant et les arbustes du rivage firent écho aux sons des flageolets; tantôt un chant uni fait que le rocher retentit d'accents pareils à ceux envoyés par les cordes» (trad. M. Tesch).

L’uniformisation de la musique liturgique et le projet de sa propagation , réaction austère du Pontif , rencontra de vives réactions . Malgré le zèle des moines bénédictins chargés par Grégoire le Grand à diffuser ce nouvel évangile, le clergé séculier se montra hostile à la réforme . Aussi semble-t-il que dans nos régions clergé et fidèles ne savaient plus où s’en tenir : Grégoire le Grand , Saint Ambroise , Saint Augustin … deux camps adverses . L’un étant progressiste , l’autre , le diocèse milanais traditionaliste s’affirmait par sa fidélité au rite ambrosien , sa notation neumatique sur portée et l’impression en rouge de la ligne de FA et refusait de tenir compte de l’Antiphonaire romain .

Que des liturgies locales se soient développées et maintenues dans nos régions jusqu’à l’époque carolingienne , nul n‘en peut douter . Mais à partir de la seconde moitié du VIIIe siècle , elles durent peu à peu disparaître devant la puissance sans cesse croissante de la liturgie romaine.

Dès le début de la monarchie mérovingienne, des transformations lentes, mais profondes avaient affecté la vie politique et le centre de gravité de l'Occident se déplace définitivement: un autre monde, axé sur le Rhin, tend à remplacer un monde et une civilisation révolus, centrés sur la Méditerranée.


L'époque Carolingienne

En Neustrie comme en Austrasie, les derniers rois Mérovingiens , les «rois fainéants» , après avoir perdu toute autorité , durent s’incliner devant le destin. Le pouvoir passa aux mains du chef des domestiques du palais royal , celui qu’on appelait le ‘maire du palais’. Vers 720 , un maire du palais du nom de Charles , surnommé ultérieurement Martel , dont la famille s’était acquis au cours du règne des Mérovingiens de grandes propriétés près de Liège, en Austrasie, se rendit maître de presque toute la Gaule. , Bien plus , il eut la gloire d’arrêter en 732 à Poitiers une terrible invasion arabe , venue d’Espagne. Le titre de roi ne revint cependant uq’à son fils Pépin le Bref qu détrôna en 751 le dernier roi Mérovingien et prit sa place. Comme ce derenier s’était montré protecteur zèlé des évêques et missionnaires , il obtint que le Pape le reconnût roi légitime en Gaule. Comme autrefois Clovis , champion du catholicisme face aux ariens , Charles et Pépin protègent l’Eglise contre arabes et païens , devant une partie leur succès à l’appui de celle-ci.

Pépin le Bref se fit sacrer , à l’instar des anciens rois hébreux : Saint Boniface en 751 et trois ans plus tard , le pape Etienne II lui firent l’onction d’huile sainte. La royauté de droit divin va durer pendant plus de mille ans. Pépin soutenait le missionnaire anglo-saxon Boniface , compagnon de Saint Willbrord et l’aidait à réformer le clergé en Gaule qui se trouvait en pleine décadence. Cette politique d’entente avec l’Eglise va continuer sous le règne de son fils Charlemagne ( 768 – 814 ) dont nous possédons une biographie rédigée en latin par son ami et secrétaire, le moine Eginhard.

Charlemagne , grand conquérant et prince chrétien fonda assez tôt des écoles et provoqua avec toute sa force la renaissance des arts et des lettres qu’il soutenait par-dessus tout .

Du temps de Charlemagne , nous assistons à un renouveau de la musique d’orgue et de la musique d’église qui subissent de fortes influences italiennes . Charlemagne à qui on attribue d’ailleurs l’hymne ‘Veni creator’ , se fit envoyer par le pape Adrien II, deux des meilleurs musiciens de Rome , Pierre et Romain.

Le premier se fixa à Metz , dont la ‘schola’ atteignit bientôt une réputation extraordinaire.

La «réforme carolingienne», opérée par Charles Martel, Pépin le Bref et Charlemagne, fut une oeuvre de longue haleine mais profonde qui fut poursuivie jusqu'en plein 9e siècle. Un des domaines où les efforts des Carolingiens n'ont jamais ralenti fut, fait remarquable, celui de la liturgie et du chant.

Nous assistons à un renouveau de la musique qui subit de fortes influences italiennes: le Pape Adrien II envoya deux des meilleurs musiciens de Rome, Pierre et Romain, à Charlemagne. Pierre se fixa à Metz. Les chroniqueurs sont unanimes pour reconnaître, dès le 8e siècle, dans la cité de Metz, la métropole de la musique sacrée au-delà des Alpes, le centre de rayonnement de la réforme grégorienne le plus important de la Gaule. Saint Chrodegang, évêque de Metz (742 766) est le personnage clef de cette «Schola Cantorum »messine, qui sous son impulsion allait jouir d'une immense renommée en tant que première école de musique spécialisée d'Europe, jusqu'au 12e siècle. A côté de l'école messine, le chancelier Alcuin fonda de son côté une institution identique à Aix la Chapelle, la «Schola Palatina».

Le territoire luxembourgeois était réparti sur deux juridictions ecclésiastiques, la province de Cologne avec le diocèse de Liège (Oesling), et la province de Trèves avec l'archidiocèse de Trèves. De ce fait, il est bien compréhensible que la musique religieuse dans l'ancien Duché a suivi plus ou moins deux courants différents, aux confins des civilisations latine et germanique. A Liège, siège du diocèse ardennais, Sedulius et Otveus inaugurèrent au 9e siècle la tradition musicale messine, qui reçut ses lettres de noblesse avec la nomination de l'évêque Etienne (900-1920), formé à Metz.

Liège ayant subi l'influence d'Aix la Chapelle et de Metz, accomplit la réforme grégorienne et devint, à partir du 9e siècle, un haut lieu de la musique. Le plus ancien document de musique belge est le «Planctus Karoli», écrit en notation neumatique et attribué à Colomban de St Trond, de même que le drame liturgique.de Samuel, mêlé de musique et en notation analogue, qui témoignent de l'activité musicale à Liège.

On admettra volontiers que, pris dans les courants et relations entre Metz et Liège, les paroisses ardennaises aient bénéficié davantage du génie musical de leur ville épiscopale. A côté de Metz et de Liège, le monastère de Saint Gall se développa comme foyer ardent de l'homophonie grégorienne, cultivée aussi dans les abbayes de Stavelot, Malmédy, Saint Hubert, Echternach et Altmünster à Luxembourg ainsi que dans les Scholae cantorum de Trèves et de Soissons.

Les écoles monastiques, il est vrai, rivalisèrent avec celles des églises séculières. La musique occupa une place importante dans l'enseignement, étant, «la plus noble des sciences modernes» d'après saint Thomas d'Aquin, qui â donnait «le premier rang parmi les sept arts libéraux».

L'abbé Berengaudus d'Echternach (915 935) inaugura une école monastique où il enseigna luimëme aux côtés du moine Marquardus (t 952), qui en devint le directeur. Marquardus écrivit un traité remarquable sur l'oeuvre de Boèce (t 525), le théoricien romain d'ailleurs très à l'honneur dans les milieux des théoriciens médiévaux.

Marquardt, dont la science fut universelle, dédia son ouvrage au roi Louis (d'Outremer); il composa encore des hymnes, des oeuvres en prose, des cantiques, des mélodies, des Vies, etc., d'après le témoignage de Trithemius: «E quibus (scriptis) exstat in Musicam Boëtii commentariorum opus quod Ludovico Gallorum Ragi inscripsit . . . Hymnos quoque, prosas et varios in laudem sanctorum cantus et melodias composuit; cum aliis multis quae proiundum hominis testantur ingenium.» Héribert, qui fut le successeur de Marquardt, ne se distingua pas seulement par sa science théologique profonde, mais s'occupa également de musique, dans les études sur le monocorde: «de mensura monochordi similiter scripsit» (Trithemius). L'école d'Echternach subit l'influence de Saint Gall. II est connu par ailleurs que, dans la rivalité des deux musiques, religieuse et profane, des textes «en langue vulgaire» (profane) étaient substitués parfois à des textes religieux; plus souvent cependant des mélodies religieuses furent adaptées à des textes profanes.

De nombreux «codices» en témoignent de par leur notation en neumes. Un nombre assez important d'ouvrages du vénérable centre monastique d'Echternach, témoignages de l'aventure historique du phénomène musical en général, de l'abbaye d'Echternach et de sa bibliothèque en particulier, sont conservés en Allemagne, en Belgique, en France etc.

II n'est presque rien resté de la musique profane et populaire médiévale qui représentait un art instrumental et surtout vocal homophonique. On peut cependant affirmer, à en croire les chroniqueurs de l'époque, qu'une importante activité musicale se déployait dans les châteaux forts.

La tradition de la chanson, dans le sens le plus général du terme, était enracinée très solidement dans nos régions par les bateleurs, les jongleurs, les ménestrels, les troubadours et les trouvères, véritables commis voyageurs de l'art qui prospectaient les clientèles les plus diverses et alimentaient en refrains variés toutes les classes de la société.

Un jeune trouvère natif de Lille, Jacques Bretex, parcourut en 1285 le Barrois, la Lorraine et le Luxembourg. II rencontra Joffroi IV dans son château d'Esch sur Sûre: «. . . l'asile des ménestrels». Bretex devait, comme héraut d'armes du comte de Chiny, inviter la noblesse aux fêtes que son maître offrait à Chauvency, en octobre 1285, en l'honneur du comte Henri IV de Luxembourg. La chevalerie de notre pays, sortie de ses manoirs, dansa et chanta beaucoup aux tournois de Chauvency, des chansons et des danses françaises, avec l'accompagnement de tambourins, de flageolets et de flûtes. On joua le Jeu du Roi et de la Reine, et le Jeu du Roi qui ne ment pas. C'étaient de petites pièces à la façon du Jeu de Robin et de Marion, d'Adam de la Halle: des pastorales mêlées de chansons. On joua encore le Béguinage, l'Ermite, le Pèlerinage, le Provençal, le Robardel, le Bérengier ou le Chapelet. Dans le Chapelet, le personnage principal était la comtesse de Luxembourg, Béatrice d'Avesnes, la mère du futur empereur Henri VII.

Le château de Durbuy en Ardenne, «gîte d'étape» du comte de Luxembourg «Jean l'Aveugle», Roi de Bohême, accueillait dans ses murs, de même que le Château de Luxembourg, l'illustre personnage qu'était Guillaume de Machaut, musicien poète et secrétaire du Roi Jean. Guillaume de Machaut (1300 1377) est reconnu indéniablement comme le père spirituel de l'«Ars Nova» dans l'histoire de la musique, avec la «création» de la polyphonie.

Le duc Wenceslas 1er (1352 1383) avait accueilli à sa cour un ménestrel luxembourgeois, Jean d'Ivoix, «le poète au petit chapeau». Les Chartes Reinach rapportent d'autre part que Wenceslas II (1383 1419) autorisa le 8 mars 1398 le gouverneur du Duché de Luxembourg, Ugo von Elter, à payer la somme de 550 florins à ses «Stadtpfeifer». Les musiciens du Moyen Age étaient groupés comme les différents corps d'artisans dans une corporation. En 1466 on trouve parmi les diverses associations une «corporation des cuisiniers et des musiciens», «Zunft der Küche, Lüttenschlâger und Pfiffer», qui comptait en 1765 encore 266 membres.

Sous les ducs de Bourgogne, puis sous les Habsbourg (15e et 16e siècles), les Pays Bas virent une floraison de compositeurs, des Liégeois, puis des Hennuyers, qui émerveillèrent l'Europe; les Belges, les «Fiamminghi» répandirent leur musique partout. L'art nouveau se perfectionna, tant dans le contrepoint que dans l'harmonie, et transforma les rythmes et les modes. II toucha à son apogée dans la musique vocale des messes, motets, chansons du 16e siècle, qui sont d'un style polyphonique admirable.

Nous ne conservons pas 'de documents qui mentionnent chez nous des représentations de drames liturgiques ou des miracles médiévaux; seul un texte du 15e siècle fait allusion au «Jeu de Marie et de Joseph», «dat spyl . . . van Marien und Josep», un mystère représenté à Luxembourg en 1471 ou en 1472. Cependant le théâtre religieux dont la musique était tirée des chants liturgiques, ou composée dans le genre de ceux ci, ou encore sous forme d'airs populaires a existé à Trèves et à Metz, et nous avons dû subir l'influence de ces deux villes.

Excepté les textes trévirois de deux religieux nous ne conservons la musique d'aucun de ces jeux. Tout au plus la mélodie de l'un ou l'autre cantique religieux, de l'un ou l'autre noël, encore en usage dans nos églises, peut elle être tirée d'un drame religieux médiéval. La musique de danse de cette époque, le Moyen Age finissant, ne nous est pas connue davantage. Cependant on relate l'une ou l'autre «soirée dansante»; Elisabeth de Goerlitz, le 1e'et le 15 mai 1418, dansa à l'hôtel de ville de Luxembourg («noch danzte unser gnedige frauwe [van Brabant] uf demselben rathuse uf pinxstage zu avent . . .»). En 1463, on cite, à Luxembourg, une danse de la Saint Jean («sent Johans dancze»); au carnaval de 1479, dans la même ville une danse des épées, exécutée «von jongen gesellen bürgeren und bürgerssoenen, die in der tzalen van 40 personen danzten mit blossen swerderen und riffen achter di stat».

Quels furent chez nous ces corps de trompettes, ces groupements de musiciens (Stadtpfeifer) employés dans les villes pour rehausser l'éclat des cérémonies publiques? Lors des deux processions jubilaires en l'honneur de la Vierge, en 1666 et en 1678, des corps de musique, trompettes, timbales, tambours, prirent une part très active aux fêtes qui se déroulèrent avec un faste extraordinaire dans la capitale. Le 28 janvier 1698, le nouveau gouverneur de la province de Luxembourg, le comte d'Autel, fut reçu par la jeunesse de la ville, qui était allée à sa rencontre, «avec des violons, hautbois, tambours et gonfanons» (chronique manuscrite de S. Fr. Blanchart). Quand un siècle plus tard, le lieutenant gouverneur et capitaine général des Pays Bas, le prince royal duc Albert de Saxe et de Teschen, avec l'archiduchesse Marie Christine d'Autriche son épouse, entra solennellement à Luxembourg (24 août 1791), une garde d'enfants en uniformes avait été constituée; parmi eux se trouvaient des musiciens, tambours et fifres; la " milice bourgeoise entra en action «accompagnée de sa ' musique turque qui était composée de 30 musiciens».

Les Jésuites organisaient dans leur Collège à Luxembourg, aux 17e et 18e siècles, de nombreuses représentations théâtrales: tragédies et comédies en latin ou en français, aux sujets sacrés et pieux, pastorales et ballets et la musique y était toujours mêlée.

D'autre part, les confréries et les corporations des villes ont donné de temps à autre des représentations, dans le cadre de leurs grandes fêtes.

De nombreuses troupes ambulantes de comédiens, venant de toutes parts, ont traversé notre pays depuis le 16e siècle. Elles nous ont fait connaître maintes chansons populaires, joué sans doute plus d'une pièce de Hans Sachs, dont peut être la «Tragedi Melusina, mit 25 Personen zu agieren». Ces acteurs, jongleurs, danseurs, chanteurs musiciens firent leur apparition partout, mais de préférence visitèrent les foires. Leur art, au 18e siècle, se rapprochait assez de l'«opéra comique» de la foire tel qu'il s'était développé en France dans le courant du 17e siècle, avec ses farces mêlées de couplets, ses pantomimes interrompues par des chansons, son petit orchestre de cordes et de hautbois et ses danses.

Sur notre territoire d'une exiguïté extraordinaire, dans une capitale forteresse, réduite dès le 15e siècle à un modeste chef lieu, en l'absence de grands mécènes et d'une cour véritable, la musique était incapable de prendre un grand développement. La musique religieuse des cantiques et des chants sacrés, soit dans la partie wallone, soit dans la partie germanique du Duché, subissait, jusqu'à la fin du 18° siècle, l'influence de Liège et de Trèves. II en allait de même pour les chansons populaires, dont le grand nombre nous est venu de France, de Belgique et d'Allemagne. L'une ou l'autre mélodie est née sur notre sol, et rendue en 1675 dans le recueil du Père Jésuite Dom. Nugent, intitulé «Christliche Nachtigall», «das ist der edlen und lieben Jugendt der Hertzoglichen Stadt Lutzenburg zu geistlicher Lust und Lieb auff 75 auserlesen schoene melodeyen 75 new gemachte::Gesànglein so auch Gebettwei(3 gebraucht mdgen werden». Parmi nos chants populaires les plus anciens, citons ceux des pèlerins de saint Job à Beckerich, de saint Laurent à Grevenmacher, un chant en l'honneur de saint Sébastien à Echternach . . .

L'activité des Luxembourgeois, sur le plan musical, prit réellement naissance en 1793, avec la création de la «Philharmonie Municipale» de Wiltz, oeuvre de Kiseloppsky, ancien chef de musique d'un régiment prussien.

Vers 1815, il est fait mention à Luxembourg Ville de groupements de musiciens d'une certaine valeur, comme par exemple la musique bourgeoise, dont le chef était Henri Joseph Cornély, maître de chapelle et organiste à Luxembourg, et qui allait y fonder en 1822 la première école de Musique.

On cite un «choeur de musique des élèves de l'Athénée» ( une harmonie instrumentale) et en 1821 on relève que dans la procession de l'Octave de Notre Dame de Luxembourg, les élèves du cours de chant de l'Athénée exécutaient des cantiques sous la direction du Rhénan Heinrich Stammer, professeur à l'Athénée. Celui ci avait aussi réalisé un recueil de 44 chants pour ses élèves: «Lieder für die gesangliebende Jugend am Athenaeum in Luxemburg», paru en 1818 chez L. Lamort, suivi en 1823 d'un livre de cantiques religieux.

Le 8 décembre 1822 eut lieu à l'Aula de l'Athénée, devant 212 spectateurs, un grand concert vocal et instrumental de bienfaisance, exécuté par des civils et des militaires, au profit des sinistrés de Grevenmacher (où un incendie avait, le 18 novembre de la même année, détruit presque toutes les maisons de la ville). Une «Société philharmonique», constituée à Luxembourg, inaugura l'année 1830 par une soirée musicale à laquelle assistèrent plus de 200 personnes, et au rogramme de laquelle figurèrent «l'admirable ouverture de Robin du Bois, chef d'oeuvre de Weber, une symphonie de Beethoven» et les deux ouvertures de «La Muette de Portici» et de «Guillaume Tell». Peu d'années auparavant, en 1824, était mort «l'Homère Theis», comme l'appelait, Mathias Gelhausen, plus connu sous le nom de «Blannen Theis», (1760 1824), un ménétrier aveugle dont les couplets très populaires étaient chantés partout. «C'était un grand vieillard chauve et voûté, qu'un caniche pelé et une vieille femme guidaient dans les rues et par les campagnes. II portait une besace, et accompagnait de son violon les chansons qu'il improvisait le plus souvent. Les chansons eurent un incroyable succès et valurent au rhapsode une popularité et une réputation qu'envierait plus d'un poète moderne.» Les musiques militaires de la garnison, appartenant à des régiments prussiens et brandebourgeois, plus tard (à partir de 1864) à des régiments rhénans, donnèrent régulièrement (de 11.30 heures à 12.30 heures), à cette époque, des concerts sur la Place d'Armes. Fortes de 30 à 35 musiciens, sous des chefs dont les noms nous sont restés (Orlamünder, Carl Faust, Wenzelburg, Lützenkirchen), elles jouissaient d'une certaine popularité. Quelques grands concerts firent connaître au public luxembourgeois des sommités musicales de l'époque telles que J. Wolfram, «un des plus justement célèbres parmi les artistes européens» (1834 et 1843), F. Liszt, qui joua à l'Hôtel de Luxembourg, sous les auspices de la Société philharmonique (1845), le grand pianiste Thalberg (1846). . . Les élèves de l'Athénée, dans leurs sections de musique et de chant, ne contribuèrent pas seulement à la solennité des fêtes scolaires, mais offrirent encore à un plus grand public des concerts de bienfaisance, tels que celui du 2 juillet 1842, qui était donné au profit des sinistrés de Wasserbillig et de Stolzemburg, deux localités ravagées par des incendies. Sur leurs programmes figuraient Donizetti, Bellini et d'autres compositeurs de l'époque.

Le chant enseigné et pratiqué déjà dans les collèges, fit son entrée également dans l'Ecole normale fondée en 1845, ainsi que dans les écoles primaires, pour lesquelles A. Godart composa un manuel de chant, «Theoretisch praktische Gesangschule für die Primàrschulen» (1850 ss). Les cours de chant étaient donnés aux futurs maîtres d'école par l'abbé Majerus, directeur de l'Ecole normale, ensuite par les Belges Mancion et Boisseaux; enfin par l'Allemand Henri Oberhoffer (1857), qui enseigna la musique aux normaliens pendant une trentaine d'années. La musique vocale, cultivée dans les écoles et les églises, se vit créer un foyer nouveau dans une société de chant de la capitale, la «Liedertafel», née en 1843. L'année suivante fut fondée une Ecole de musique de la Ville. Due à l'initiative privée, comme l'institution de Cornély, mais élevée sur des bases plus larges que celle ci, cette Ecole municipale, qui vécut jusqu'en 1882, joua un rôle important dans la vie musicale de Luxembourg. Parmi ses directeurs figure J.A. Zinnen.

Une nouvelle société dramatique était constituée vers 1848, sous le nom de «Gym», à laquelle appartenaient des poètes de langue luxembourgeoise tels qu'Edmond de la Fontaine, Michel Lentz, Fendius, et qui devait à l'origine grouper surtout des jeunes gens épris de culture physique. Comme ses prédécesseurs allemands, nés par centaines à cette époque, le «Turnverein luxembourgeois», que distingue un noble esprit de liberté, un remarquable caractère d'égalité démocratique, recèle un véritable ferment de progrès et d'émancipation...

Le «Turnverein» organisa bientôt des représentations théâtrales; sur les programmes figuraient aussi bien des pièces et des vaudevilles français (Désaugiers, surtout Scribe) que du Kotzebue et un novum important des intermèdes d'auteurs luxembourgeois comme E. de la Fontaine (appelé «Dicks») et M. Lentz. La «Gym» cultiva encore la musique vocale, exécutant des choeurs français et allemands. Lé 25 février 1855, elle représenta le premier «vaudeville» en langue luxembourgeoise, «De Scholtschein», dont l'auteur était Edmond de la Fontaine (Dicks). Dans les années suivantes, d'autres pièces de Dicks furent représentées par la «Gym» qui occupa, jusqu'en 1870, une place importante dans la vie théâtrale de Luxembourg.

L'activité des Luxembourgeois, sur le plan musical, ne cessa de croître dans la seconde moitié du 19e siècle. Lors de l'inauguration des chemins de fer, en 1859, compositeurs locaux et étrangers rivalisèrent heureusement, remportant les uns et les autres des succès mérités auprès d'un public d'élite et tout à fait international. Une cantate de circonstance du Luxembourgeois Zinnen fut «hautement appréciée par tous les connaisseurs»; elle était «à grand choeur d'hommes, sur les paroles françaises de M. Neumann, professeur à l Athénée, avec accompagnement d'orchestre . . . une facture large et parfaitement harmonisée, un rythme bien entendu et bien approprié à la poésie la distinguent» («Le Courrier de Luxembourg», 6 octobre 1859).

Deux autres cantates, sur des textes également français, avaient été composées par le Luxembourgeois Victor Klein et le jeune musicien français de Galiot. Le patois fut à l'honneur. Les fêtes de l'inauguration des chemins de fer s'accompagnèrent de concerts festivals donnés sur la Place Guillaume par la musique bourgeoise de la ville et le corps de musique des chasseurs luxembourgeois du contingent fédéral réunis sous la direction de Zinnen.

Avec les chemins de fer une ère nouvelle commença. La circulation fut intensifiée dans tout le pays, des relations multiples s'établirent entre les différentes parties et les différentes localités. De nouvelles sociétés de musique et de chant, fondées dans les faubourgs de la capitale «Fanfare de Clausen», 1851, «Fanfare de Grund», 1852, Société chorale «Sang a Klang» de Pfaffenthal, 1857, «Société Philharmonique Luxembourg», (1861), se liguèrent avec celles qui existaient déjà pour former à l'exemple de l'«Allgemeiner Deutscher Musikverein», (constitué en 1859 sur l'initiative de Franz Liszt, et qui organisait depuis 1859 de grands festivals) une association de toutes les sociétés de musique du pays, l'«Allgemeiner Luxemburger Musikverein», 1863, dont le premier directeur fut J.A. Zinnen.

Le 5 juin 1864, l'«Allgemeiner Luxemburger Musikverein» organisa à Ettelbruck son premier grand festival, avec 18 sociétés de chant et 10 sociétés de musique, 500 chanteurs et 240 musiciens; on chanta une oeuvre de Zinnen, «Ons Hemecht», très simple et très belle, d'un caractère presque religieux qui devint plus tard notre hymne national. Dès 1870, les sociétés musicales et chorales de 32 localités étaient affiliées à l'«Allgemeiner Luxemburger Musikverein».

En 1867, les deux bataillons de chasseurs luxembourgeois, en garnison jusqu'à cette date dans les villes de Diekirch et d'Echternach, vinrent occuper Luxembourg, après le départ des troupes prussiennes. Leurs deux musiques furent fusionnées et la direction confiée au chef de musique Hoebich. La tradition des concerts militaires sur la Place d'Armes fut continuée. Bientôt, sur le désir de la princesse Amélie, l'épouse du prince lieutenant Henri des Pays Bas, un petit orchestre fut formé au sein de la musique militaire, qui allait toutes les semaines donner des concerts au château de Walferdange, où résidait le prince.

Avec l'entrée en scène de Dicks et de Zinnen, la musique et le théâtre luxembourgeois conquirent presque du jour au lendemain une place importante dans la vie de la nation. Sans doute les pays étrangers, auxquels nous avions dû beaucoup, continuèrent ils d'inspirer et de former nos compositeurs, de représenter chez nous leurs chefs d'oeuvre; cependant la production indigène, ses sources une fois dégagées, ne se ralentit plus, et nous verrons, à partir de Zinnen, défiler devant nous une longue théorie de musiciens dont le talent et les mérites sont assez grands pour qu'ils retiennent notre attention:

  • Michel Lentz (1820 1893)
  • Edmond de la Fontaine «Dicks» (1823 1891)
  • J. A. Zinnen (1827 1898)
  • Laurent Menager (1835 1902) .

La musique des chasseurs luxembourgeois devint en 1881, après l'abolition du service militaire obligatoire, le corps de musique de la compagnie des volontaires. Dirigée successivement par Hoebich, Ph. Decker, Kahnt, Patzké, F. Mertens, elle jouissait des faveurs particulières du gouvernement luxembourgeois et devint bientôt une troupe d'élite, et une pépinière de chefs de musique qui allèrent donner un grand essor aux sociétés d'harmonie et de fanfare du Grand Duché.

L'activité de la «Société de Philharmonie» fut des plus heureuses pour le développement du goût musical chez nous. Conduit par des chefs tels que L. Menager, Vermast, Kirschbaum (de Trèves), Patzké (un Autrichien), Kaempfert (de Francfort), comptant parmi ses membres de bons musiciens comme J. P. Flohr (1875 1935), qui fut également un critique très écouté (dans la « Luxemburger Zeitung»), l'orchestre de la Philharmonie s'attaquait aux oeuvres symphoniques des plus grands maîtres..

A côté de la Philharmonie, qui fut le meilleur ensemble symphonique de la ville et du pays jusqu'à la création de l'Orchestre du Conservatoire (sous V. Vreuls), le petit orchestre du «Gesellenverein» faisait figure assez modeste; cependant il comptait parmi ses directeurs des musiciens de valeur comme Hoebich, H. Oberhoffer, L. Menager.

Le 23 juillet 1891, les sociétés de chant et de musique du pays, réunies à Luxembourg pour l'entrée solennelle du Grand Duc Adolphe, furent regroupées dans l'«Union Adolphe», qui succéda à l'«Allgemeiner Luxemburger Musikverein». Elles reprirent la tradition des festivals, pratiquée depuis 1864, et organisèrent des concours annuels qui furent un puissant stimulant pour musiciens et chanteurs.

Dans les écoles primaires et dans les collèges, le chant faisait partie de la matière d'enseignement, comprenant des leçons de solfège aussi bien que l'exécution de choeurs, de chants populaires ou religieux. La jeunesse des villages les plus modestes fut initiée à cette musique vocale, à laquelle beaucoup de maîtres d'école, qui avaient été formés par Oberhoffer, prodiguèrent des soins particuliers, affinant le goût de la population campagnarde.

Guillaume Stomps, un Rhénan qui fonda à Luxembourg le premier magasin de musique, édita les opérettes de Dicks ainsi que les premiers recueils de chansons populaires luxembourgeoises, parmi lesquels figurait un petit ouvrage posthume d'E. de la Fontaine, contenant des chansons plus anciennes.

A la génération des Zinnen, Dicks, Lentz, Menager, Oberhoffer succédèrent, après 1870, de nombreux compositeurs de musique vocale et instrumentale, profane et religieuse. Un directeur de musique à Echternach, Thomas Muller, composa des mélodies sur une pièce de l'écrivain luxembourgeois A. Duscher; son neveu J. A. Muller (1854 1931) fut une des personnalités les plus représentatives de notre monde musical.

Un grand animateur, Félix Krein, dont la chanson «Den lerzmann» (1873) devint populaire à Eschsur Alzette, contribua beaucoup à l'essor que prit la vie musicale dans cette cité industrielle et dans tout le bassin minier.

La musique vocale et instrumentale a été enrichie d'autre part par quelques compositeurs moins connus aujourd'hui: L. Bassing, Fr. Engelhardt, A. Greyson, J. J. Vesque, Ph. Manternach, J. Spogen, G. Stomps, G. Kahnt, N. S. Pierret, N. Steffen, J. Sevenig, W. Dumont et V. Goldschmit. La liste des compositeurs luxembourgeois se poursuit par: Charles Günther, A. Kowalsky, J. P. Beicht, Louis Beicht, M. Hülsemann, P. Albrecht, Louis Petit, P. Barthel, Th. Decker, D. Heckmes, E. Boeres, J. P. Penning, Ph. Warnimont, J. P. Neuen, A. Foos, Lou Koster, J. Krüger, J. Eiffes, Pierre et Jean Faber, A. Thorn, H. Pensis, Norbert Stelmes, René Thiry, René Mertzig, Emile Quaring, Albert Leblanc,' J. P. Schmit, M. Lamberty, J. Hoffmann, René Hemmer, Norbert Hoffmann, CI. Krumlowsky, Pierre Nimax, R. Ponchelet . . .

Le 30 avril 1906, vingt quatre ans après la fermeture de l'école municipale de musique, le Conservatoire de Musique cela Ville de Luxembourg Fondation Eugénie Dutreux, ouvrit ses portes au n° 16 de la rue du Saint Esprit sous la direction de Victor Vreuls (Verviers). Bientôt d'autres villes du Grand Duché allaient suivre avec la création d'écoles de musique. Par la suite l'intérêt général à la musique s'est merveilleusement développé, emmenant la Municipalité de Luxembourg à faire construire un nouveau Conservatoire qui ouvrira ses portes dans le courant de 1984.

II importe de commenter encore un art luxembourgeois, relativement jeune et exclusivement contemporain, qui n'a pris son essor que dans le courant des années trente: la musique symphonique.

Au début des années trente, à défaut de la qualité des enregistrements musicaux actuels, les stations de radio diffusion se devaient d'avoir, pour remplir les tranches musicales, un orchestre de musique légère et selon l'importance de la station, aussi un orchestre symphonique. L'Orchestre symphonique de Radio Luxembourg, fondé en 1933, a connu des débuts modestes et difficiles, mais sous la compétence et l'impulsion de son premier chef permanent Henri Pensis, il s'est vite acquis une renommée européenne appréciable. C'est surtout la musique du 20e siècle qui avait trouvé en Henri Pensis et l'orchestre de RadioLuxembourg des serviteurs consciencieux et fidèles. Quelques uns des compositeurs contemporains les plus importants ont confié leurs oeuvres à la réalisation de l'ensemble instrumental luxembourgeois.


Des Luxembourgeois, amateurs et même professionnels, nous ont bien légué des opérettes, des chansons populaires, des choeurs, des marches, valses et ouvrages divers pour ensembles de fanfare et d'harmonie, mais cet héritage ne saurait suffire à rendre un palmarès de l'activité créatrice dans le domaine de la musique luxembourgeoise. Dans le courant des dernières décennies, le répertoire musical luxembourgeois s'est enrichi d'un apport qualitativement indiscutable d'oeuvres symphoniques ainsi que de musique de chambre. Le répertoire est à la fin incarné et dominé par les compositeurs: Jules Krüger, René Mertzig, Edmond Cigrang, Norbert Hoffmann, René Hemmer, André Wengler, Marco Kraus, Jeannot Welter et Alex Mullenbach . . .

Le folklore est l'expression de l'âme et de l'esprit d'un peuple et se marque de caractères variés. Le folklore comprend des danses, des mélodies, des chansons, des textes et des usages, où il est souvent question d'amour, de bonne table, de boissons, de métiers, de labeurs journaliers ou d'exercices d'armes, où on décèle des parentés et des ressemblances, compte tenu du cadre géographique et historique.

Bon nombre de nos chansons et mélodies populaires ne datent que du 19e siècle et sont en général extraites de pièces de théâtre et d'opérettes. Parmi nos mélodies les plus anciennes, il importe de citer en premier lieu le «Hàmmelsmarsch» (la marche des moutons), que le comte Pierre Ernest de Mansfeld fit jouer au carillon de son château à Clausen. Retenons encore «Le'wer Herrgottsblies'chen» (chandeleur), «Scheder, Schueder» (brandons), «Kirmeslidd», «Den E'm Steffen», «Nikloslidd» (St Nicolas) dont les auteurs sont Bone/Oberhoffer . . .

La danse populaire renaît depuis plus de 25 ans grâce à l'idéalisme d'un groupe de jeunes gens, qui s'est donné le nom de «Uucht la veillée» et dont le but fut la «mise en valeur des aspects typiques du folklore luxembourgeois». Leur initiative se vit couronnée de succès et incita à la création d'autres ensembles du même genre.

Au cours des siècles, nos ancêtres avaient rarement le temps et bien peu de raisons pour danser: l'occasion en était parfois donnée à Luxembourg ville, par exemple lors des visites princières.

En général, les noces et les kermesses donnaient principalement lieu à des réjouissances. Certaines des danses populaires anciennes, comme le «Minnewee» (menuet), «Badetti» (pas de deux), «Schiberli», des polkas et autres, sont reprises par nos ensembles folkloriques qui depuis plus d'un quart de siècle en ont su ranimer l'intérêt général.

A partir de la fin du siècle dernier, suite à l'industrialisation du pays, la musique de danse, musique d'entrain ou musique «légère», trouvait ses adeptes dans nos régions. Des musiciens luxembourgeois, amateurs et professionnels, constituaient les premiers ensembles qui jouaient dans les cafés concerts, aux bals de kermesse, dans les cinémas (films muets) etc.

A l'issue de la Première Guerre mondiale, un genre de musique nouveau fêtait son entrée en scène: le jazz, importé des Etats Unis d'Amérique. Certains orchestres de danse allaient s'attaquer à la musique d'ambiance et vers la fin des années vingt, Luxembourg compte déjà bon nombre d'excellents musiciens comme: Fred Gehlen, Josy Thoma, Andy Felten, Batty Nuss, René

Schmidt, suivis par Johny Glesener, Tony Meyer, Johny Nimax, Josy Martin, Willy Hülsemann, Josy Gehrend . . .

Excellents musiciens, comme solistes et à l'ensemble, certains d'entre eux n'en étaient pas moins de très bons compositeurs et arrangeurs. Les «pionniers de la musique légère» ont animé la scène musicale luxembourgeoise et leurs efforts ont été couronnés de succès. Grâce à leur endurance ils sont parvenus à combler un certain vide dans notre vie culturelle et ont su inciter de nombreux jeunes à prendre leur relève: Paul Dahm, C. Vanoli, Gast Waltzing, Claude Muller, C. Hastert, R. Nuss . . . ont pris l'envolée.

Pour conclure, on peut affirmer que notre pays peut, à juste titre, s'enorgueillir d'un réseau à la fois vaste et dense de musiciens. Cela peut paraître surprenant à notre époque qui, dominée par la technique, a relégué la musique l'un des quatre éléments du quadrivium des anciens, où elle voisinait avec les mathématiques au rang d'un passe temps facultatif et l'a écartée des moyens de formation scolaire.

Les sociétés de musique, les chorales, les groupes folkloriques et les ensembles les plus divers prennent une place de plus en plus importante dans la politique culturelle. Trouver du plaisir et meubler ses loisirs, en faisant soi même de la musique, est en effet une forme de culture et d'occupation dont l'importance grandit au fur et à mesure que les loisirs prennent de l'extension par suite de l'évolution de notre civilisation.


Sources

  • «Wiltz en Ardenne, à l'écoute de Liège.>. Abbé Alexis Hoffmann (dans « Centenaire de la Choral Municipale Ste Cécile de Wiltz «  1974).
  • « L'école de chant messine» (dans Revue Saint Chrodegang 1953).
  • «Ein Echternacher Musikdokument» Abbé J. P. Schmit 1958
  • «La Vie Musicale» Joseph Meyers 1939
  • «La chanson populaire luxembourgeoise.. M. Tesch – 1929
  • «Lidder a Biller vu Lëtzebuerg» texte: Lex. Roth 1983
  • «Luxemburgs Pioniere der leichten Muse» Roger Spautz – 1983
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