- François-Pierre Gaudart
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François-Pierre Gaudart (v. 1732 - 25 septembre 1809) est un agent de la Compagnie des Indes, un officier et un administrateur colonial des Indes françaises.
Sommaire
Famille
François-Pierre Gaudart est baptisé le 23 octobre 1732 à Paris, en la paroisse Saint-Jacques du Haut-Pas, les Gaudart possédant une maison rue Saint-Jacques. C’est le premier né de Louis-François Gaudart (1700-1738), bourgeois de Paris, maître maçon, entrepreneur de bâtiments à Paris, et de Marie-Marguerite Adnot (1710-1752). Deux frères suivront, Louis-Edme, baptisé le 8 mars 1735 et François-Alexandre, baptisé le 5 mars 1738.
Vers 1780, François-Pierre aurait eu un fils illégitime, nommé Pierre, avec Marie-Françoise Beaumore, qui le déclare comme son « élève ». Celui-ci réside rue de Villenour à Pondichéry et nous perdons sa trace après 1798.
François-Pierre se marie, le 13 novembre 1790, au cours d’une cérémonie religieuse hindoue à Négapatam, près de Karikal, avec Antoinette-Madura Nayagar. La famille d'Antoinette-Madura revendique son appartenance à la caste noble des Nayakar, de souche royale, et qui régnèrent à Madura de 1565 à 1736.
De ce mariage naissent six enfants :
- Joachim Gaudart, né le 19 août 1791 à Karikal. Son père lui fait enseigner, outre le français qui est sa langue maternelle, l’anglais, le sanscrit et le tamoul. Après la mort de celui-ci, il apprend les langues télougou et persane, de sorte qu’il peut écrire, lire et parler assez bien toutes ces langues.
Nommé traducteur de la langue tamoule près de la cour de justice de Trichinopoly en mars 1810, puis prévôt (magistrat) par intérim de cette province sous messieurs R.H. Latham et J. Byng, juges et magistrats. Placé comme interprète et traducteur sous monsieur E.P. Blake, juge assesseur à la cour de justice à Kumbakonam. Ce magistrat est remplacé et lui-même, malade, donne sa démission. Rétabli, il se rend à Madras où il travaille tant dans cette ville que dans le Nord.
On trouve dans le relevé des subsistances payées par les Anglais aux familles françaises de Karikal, en date du 22 avril 1815, qu’une allocation mensuelle de 15 roupies lui est versée pour lui et sa famille.
Traducteur des langues indiennes de la cour supérieure et provinciale d’appel et de justice criminelle de Trichinopoly, du 3 mai 1815 à novembre 1816. Il s’adresse, le 15 avril 1817, pour un emploi, ayant toute sa famille à charge, au gouverneur général de Pondichéry par l’intermédiaire du colonel comte de Béranger qui avait repris possession de cette ville le 14 janvier et en était l’administrateur. Sans résultat, il écrit à nouveau le 9 juillet 1817 à Joseph Dayot, intendant général des établissements français aux Indes orientales. Il décède, vers 1824 (?), dans l’Inde anglaise sans postérité connue.- Marie-Eudoxie Gaudart, née en 1799 à Negapatam et décédée après 1816. Sans postérité connue.
- Gaspard Gaudart dit Gaudart aîné, jumeau de Marie-Eudoxie, né en 1799 à Négapatnam. Pensionnaire, le 8 août 1810, de la province de Tanjore suite à la cession de celle-ci à la Compagnie anglaise, au montant annuel de 34 pagodes, 12 fanons et 68 caches. Écrivain, avocat, conseil commissionné, arpenteur juré, curateur aux biens vacants, propriétaire, réside rue Dehita à Karikal. Il se marie le 19 février 1844 à Négapatnam avec Jeanne Marie Joséphine Stahlmann, fille de Jean Mathieu Stahlmann, maître d’école, et d’Anne-Marie Thomas d’Hayda. Il décède à Karikal le 13 décembre 1848. Sans postérité connue.
- Balthazar Gaudart, né le 16 mai 1804 sans doute à Karikal. D’après une tradition familiale tenace, il serait parti aux Amériques (?). Sans postérité connue.
- Melchior Gaudart, né en 1805 et décédé en bas-âge, avant 1818.
- Pierre-Eustache Gaudart dit Gaudart jeune, né le 1er février 1807 à Karikal. Orphelin de père à l’âge de deux ans et demi, il est élevé par son frère aîné. Il commence comme premier commis greffier assermenté près le tribunal d’instance de Karikal, puis conseil européen près le tribunal de première instance de Karikal le 17 mars 1842, enfin conseil commissionné, conseil agréé près les tribunaux de Karikal pour finir doyen des conseils agréés.
Il épouse le 2 février 1835, à la paroisse Notre-Dame du Rosaire de Tranquebar, capitale de l’Inde danoise, Marie-Théodore-Louise Jude, fille de Pierre-Paul Léandre Jude, capitaine au long cours, négociant, et de Marie von Lichtenstein. Ce sera le seul de sa famille à avoir une postérité.
En 1845, il est membre de l’assemblée des notables électeurs de Karikal. Propriétaire de terres et d’une maison à Karikal rue d’Orbigny, il y décèdera le 3 mai 1872. Il est inhumé le lendemain, après une cérémonie religieuse catholique, au cimetière catholique des Français de Karikal. Il avait rédigé un testament à Karikal le 29 juin 1870.
De son mariage, il aura six enfants alliés avec les Tessier, O’Connell, Donaghue, Desnos de Kerjean (famille du neveu de Dupleix), et Conroy.Biographie
Enfance et éducation
Le père de François-Pierre décède brutalement, le 19 avril 1738, à Paris. Sa mère est nommée tutrice et Claude Liepard, cousin germain par alliance du fait de son mariage avec Marie-Marguerite Rocquet, est subrogé-tuteur par sentence du Châtelet de Paris du 28 avril 1738. Le 26 avril 1741, c’est son grand-père, Claude Gaudart, bourgeois de Paris, qui décède, suivi le 22 mars 1743 par sa grand-mère, Suzanne Rocquet.
François-Pierre reçoit une solide instruction étant destiné, par ses parents, à la carrière ecclésiastique. Ses deux frères et lui sont élevés par leur mère seule qui ne se remarie pas et qui pourvoit à leur éducation. Ils sont émancipés par lettres de chancellerie du palais, le 19 août 1752, soit six jours après le décès de celle-ci. Ces lettres sont entérinées par sentence du Châtelet de Paris, le 29 août. Le 26 septembre, par acte notarié, François-Pierre devient procureur de ses deux frères.
Le 23 novembre 1752, François-Pierre reçoit les ordres mineurs et la tonsure des mains de Monseigneur Christophe de Beaumont, archevêque de Paris. Clerc tonsuré, il est dit abbé du diocèse de Paris, attaché à la paroisse Saint-Eustache.
Départ aux Indes
Suite à une « affaire d’honneur », il s’engage à Lorient sous un faux nom dans les troupes de la Compagnie des Indes. Il débarque à Pondichéry en 1753, un an avant le départ du marquis-nabab Dupleix. Là, il est reconnu par l’un de ses camarades évadés du séminaire comme lui et qui avait quitté la soutane pour une lieutenance au même service. Sa situation change et, cadet, il reçoit la paie de sergent major avec promesse d’un brevet de sous-lieutenant.
Carrière militaire
Dans une lettre adressée à Dupleix et datée de l’île de Cheringam (Cheriyam), le 15 août 1754, Gilles-Louis de Penmarc’h de Mainville, commandant du bataillon des Indes, cite Aumont et François-Pierre Gaudart : « qui avaient une connoissance parfaite du terrain, les ayant eu avec moi toutes les fois que j’ai été le reconnoître ».
En 1756, François-Pierre, devenu officier, participe au détachement expédié au secours du général de Bussy qui combat la révolte du nizâm d’Hyderabad, le nabab Salabat Jang (1718-1763), souverain du Deccan. La troupe est sous les ordres du chevalier Law et du major Charles de Saubinet. « Le succès de cette marche et de leurs combats fut acheté par toutes sortes de pertes en vivres, en voitures, en convois et en hommes : cinquante blancs et deux cents cipayes ayant combattu d’abord pendant quatorze jours contre dix mille hommes, cavalerie et mille hommes pendant cinq jours, aux approches d’Haïderabad ».
La réussite exceptionnelle de cette troupe, largement inférieure en nombre, est due à une organisation et une discipline sans faille face à une armée démotivée et laissée à elle-même. Le 14 août 1756, à la veille de l’entrée des Français à Hyderabad, François-Pierre est blessé à la cuisse gauche. Il perd sa jambe, un an après, suite à l’amputation qui lui est faite à quatre doigts au-dessous de l’articulation du fémur. Il est alors réduit à ne marcher qu’avec l’aide de deux béquilles. Il décide alors de s’établir définitivement aux Indes, « puisqu’il a déjà un pied dans la tombe ». Remis lentement de ses blessures, il se retire à Mazulipatam et s’occupe, dès 1758, de tutelles judiciaires.
Agent de la Compagnie des Indes
Le 20 avril 1765, il est nommé agent de la Compagnie des Indes. Il y gravit tous les échelons : sous-commis, commis de second ordre le 15 octobre 1767, responsable de la caisse le 18 octobre 1767, sous-garde des magasins et marchandises de l’Inde et sous-inspecteur de la visite à Pondichéry le 12 février 1770, garde-magasin des effets de l’Inde en 1773, commis de premier ordre, garde-magasin des marchandises de l’Inde le 15 février 1774.
Il termine sa carrière comme responsable de tous les magasins et entrepôts et chef de visite de toutes les cargaisons de la Compagnie des Indes pour l’Europe. Les appellations à l’époque des emplois occupés ne correspondent en rien à celles utilisées de nos jours. Ses fonctions sont en fait du ressort du contrôle général et de l’administration.
Il est propriétaire d’un hôtel particulier rue de la monnaie à Pondichéry, et d’une maison de campagne, au sud de Pondichéry, à Virampatnam, sur la rivière Ariancoupom. Son hôtel est situé entre les bâtiments du collège colonial, devenu lycée français, et ceux de l’imprimerie du gouvernement.
Son engagement à la Compagnie des Indes ne l’empêche pas d’exercer d’une manière concomitante, comme homme de loi. Actif et apprécié jusqu’à la fin de sa vie, il est fondé de procuration, subrogé-tuteur, tuteur onéraire, mandataire, exécuteur testamentaire, liquidateur de succession, syndic de créanciers, curateur aux biens vacants, chargé de gestion judiciaire, rendant des sentences arbitrales, etc. Il est aussi franc-maçon, premier signataire, le 20 avril 1771, des nouveaux règlements de la loge catholique de Pondichéry.
Négociant privé
Suite à la suppression de la Compagnie des Indes, le commerce devient libre aux Indes. François-Pierre Gaudart s’installe alors à son propre compte comme négociant-armateur en 1775.
Le 12 avril 1777, a lieu le naufrage du vaisseau Le duc de Duras dont François-Pierre est l’un des armateurs. Celui-ci obtient alors une part des caisses d’argent sauvées. Voulant aider sa famille restée en métropole, il arme un navire mais il est ruiné par la capture de l’un de ses vaisseaux par un armateur anglais en 1778.
Administrateur colonial
Le 10 mars 1782, Pierre Duchemin, maréchal des camps et armées du Roi, général des troupes françaises aux Indes orientales, à la tête d’une armée comportant 2716 hommes, débarque de l’escadre du bailly de Suffren à Porto-Novo. Cette ville est alors sous le pavillon du nabab Haidar Ali Khan, râja de Mysore, plus connu sous le nom d’Hyder Ali. Il est le père du célèbre sultan Tippû Sâhib (1750-1799), ami des Français et qui donna tant de fil à retordre aux Anglais, en les chassant du Mysore en 1783.
Dès le 15 mars 1782, bien qu’ancien officier et malgré son handicap physique, un brevet de sous-lieutenant de cipahis à Porto-Novo est remis à François-Pierre Gaudart. Puis il reçoit une commission de lieutenant de police et lieutenant civil de la ville de Gondelour et de ses dépendances, datée du 22 avril 1782, de Pierre Duchemin, cité précédemment, et d’Augustin-François Motais de Narbonne, commissaire de la Marine et des Colonies, ordonnateur de l’armée et des possessions françaises aux Indes orientales. Il exerce véritablement les fonctions d’administrateur civil, bien que cette appellation ne soit employée qu’un siècle plus tard.
Pierre Duchemin et Hyder Ali se rencontrent le 22 juin 1782 et, le 25 juillet, a lieu l’entrevue du râja, accompagné d’une très nombreuse escorte, avec le bailly de Suffren. Celui-ci lui offre une superbe pendule en forme de pagode, prise de guerre sur le vaisseau anglais La Fortitude, et destinée à l’empereur de Chine. Du fait de ses fonctions, François-Pierre est présent à ces rencontres.
Son protecteur et ami, le général Charles Joseph Patissier de Bussy-Castelnau, débarque le 16 mars 1783 à Gondelour avec 2227 hommes. Il décède le 5 janvier 1785 à Oulgaret, près de Pondichéry.
Démission et ruine
Début 1785, François-Pierre Gaudart donne sa démission de sa charge, suite à des démêlés avec Nicolas Coutanceau des Algrains, qui s’était autoproclamé gouverneur général à la suite du décès de Bussy, et qui l’accuse d’une faute qu’il a lui-même commise.
Profondément blessé, il s’enfonce alors dans le Carnatic et ne peut plus, de ce fait, gérer ses affaires juridiques en cours. Celles-ci génèrent des impayés et il est déclaré en faillite. Bien que défendu par son ami Jean-François Pingault, écuyer, ses créanciers se regroupent et obtiennent la saisie de ses biens, meubles et immeubles. Le 24 mars 1787, la Cour ordonne que soient vendus par décret son hôtel particulier rue de la Monnaie, dans le quartier sud à Pondichéry, et sa maison de campagne à Virampatnam.
Vie privée et recherches ésotériques
Il se marie le 13 novembre 1790, au cours d’une cérémonie religieuse hindoue avec Antoinette-Madura Nayagar. Le père de son épouse, Nazamin Aroulananda Savrimuthu Pillai, est connu comme fermier et diwan, auteur d’un règlement de cultures à Karikal. Sa mère, Annamalle, appartient à une famille qui est considérée « comme étant l’une de celles qui ont le mieux servi la France ». Elle est la fille de Thiru Selva raya Pillai dit Pèdre, interprète de la chaudrie de Karikal. Celui-ci est un érudit lettré, traducteur en français du Ramayana. Il en envoie d’ailleurs une traduction au roi de France. À signaler l’attitude courageuse du propre père de Pèdre, en plein milieu de la guerre avec les Anglais, qui « leva secrètement et apporta le plan de la ville de Tanjaour et celui de Madras, et qui pour cela, eut deux fois sa maison pillée et rasée par les Anglais ».
Réputée d’une grande beauté et lettrée, Antoinette-Madura contribue aux études indianistes de son mari. La famille d'Antoinette-Madura lui ouvre par ailleurs les portes de l’ésotérisme indien, lui qui de nombreuses années auparavant, avait été initié à l’ésotérisme occidental, notamment par la franc-maçonnerie. Ce dépôt secret est conservé et transmis dans sa postérité.
Il complète sa formation ésotérique par l’étude du système ayur-védique qui utilise l’alchimie par deux procédés : les “drogues”, plantes médicinales et mercure (alchimie végétale et minérale, voie externe), et le yoga (alchimie spirituelle, voie interne). Il pratique alors gratuitement “la médecine dont il s’était acquis quelques connaissances au cours de ses études en France”, surtout en faveur de ses gens et des pauvres. Il trouve un remède contre la gravelle, guérit un lépreux et même un "noli me tangere", une personne atteinte d’un ulcère qui ne cicatrise pas.
François-Pierre Gaudart est nommé par les Anglais médecin de la prison de Karikal, le 15 décembre 1797, aux appointements de dix puis de quinze pagodes à l’étoile par mois, mais accusé « d’intelligence avec les prisonniers français et d’incitation à la révolte » contre l’occupant britannique, il est incarcéré à son tour à Négapatnam.
Fin de vie
Par manque de ressources, les dernières années de son existence lui sont des plus pénibles. Il rédige, en 1800, un livre intitulé Institutions, mœurs et religion des gentils anciens et modernes, qui, dit-on, est plagié en 1806 par l’abbé Jean Dubois sous le titre de Description du caractère, des us et coutumes du peuple de l’Inde et de ses institutions, religieuses et civiles. François-Pierre Gaudart est également l'auteur de deux livres sur la pharmacopée indienne.
Dans une lettre datée du 1er septembre 1809, il s’adresse par anticipation au général français qui viendrait prendre possession des établissements français de l’Inde pour céder les manuscrits de ses livres. Par ailleurs, il prend un soin particulier à l’éducation de ses enfants et leur laisse un ardent amour de la patrie absente, l’Inde étant toujours sous le joug anglais.
François-Pierre Gaudart décède à Karikal le 25 septembre 1809, et une cérémonie religieuse catholique est célébrée par le R.P. Garret, prêtre desservant de Karikal. Il est inhumé le même jour dans le cimetière catholique de ce comptoir français. Parmi ses fidèles amis, on relève : Pierre-Joseph Chevalier de Boistel, Charles Joseph Patissier de Bussy-Castelnau, Julien-Claude Le Pouliquen de La Prévôté, Pierre-Antoine comte de Narrberg, Jean-François Pingault, écuyer, etc.
Sources
↑ Prevost M., Roman d'Amat et H. Tribout de Morembert, Dictionnaire de biographie française, notice "Edmond Gaudart" par J. Valynseele, Librairie Letouzey et Anè. Fascicule LXXXVII Garnier-Gaultier, broché, Paris, 1980.
↑ Agnès de Place, Histoire et Généalogie de la Famille Gaudart, broché, 513 p, 1995.(ASIN B0000CQUHL)
↑ Hubert Lamant, Armorial Général et Nobiliaire Français, notice "Gaudart et Gaudart de Soulages",(réimpr. Tome XLIX n°193-196 Fascicules 1-4), broché, 319 p, juin 2009.
↑ Histoire & Généalogie, article "François-Pierre Gaudart (1732-1809) et la Compagnie des Indes", Revue bimestrielle n°13, pages 20-38, 2009.
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