Témoins de Jéhovah sous le IIIème Reich

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Témoins de Jéhovah
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Les Témoins de Jéhovah ont été persécutés par le régime nazi sous le IIIe Reich en raison de leurs prétendus liens avec les juifs, les franc-maçons et les communistes, à cause de leur refus de voter, de prendre les armes, de faire le salut hitlérien et de leur prosélytisme jugé subversif.

Des années 1920 à 1932, les Témoins de Jéhovah allemands ont été presque les plus nombreux du monde à cette époque ; ils ont subi l'opposition des Églises et ont dû se défendre devant les tribunaux. En 1933, avec l'arrivée d'Hitler au pouvoir, le mouvement a été officiellement interdit et a tenté une conciliation jusqu'à la fin de l'année. Puis de 1934 à 1937, les Témoins de Jéhovah ont lutté contre le régime nazi par la distribution de tracts, chaque nouvelle campagne entraînant son lot de persécutions. Enfin, à partir de 1938, de nombreux fidèles du mouvement ont connu l'enfer des camps de concentration.

Sommaire

Croissance et affermissement légal des Témoins de Jéhovah (1918-1933)

La persécution des Étudiants de la Bible, puis des Témoins de Jéhovah (nouvelle appellation en 1931), n'est pas venue de manière inattendue en Allemagne. Déjà au cours de la Première Guerre mondiale (1914-1918), les Étudiants de la Bible s'étaient faits remarquer de façon négative à cause de leur attitude critique envers l'État et des Églises. Dans les années 1920, ils ont encore attiré l'attention de par leur activité missionnaire et leur accusation des Églises. Rapidement, dans l'Allemagne appauvrie d'après-guerre, beaucoup de personnes traumatisées se sont trouvées vers le mouvement des Étudiants de la Bible (en 1918 : 3 900 fidèles, 1919 : 5 500, 1926 : 22 500). Ce phénomène n'a toutefois pas concerné seulement les Étudiants de la Bible.

Les accusations de la littérature nationale-socialiste avaient à cœur de présenter l'organisation des Étudiants de la Bible comme étant financée par les Juifs ou les francs-maçons, préparant une révolution bolchévique. L'origine du mouvement religieux, en provenance des États-Unis, a également été présentée comme une menace. Les Étudiants de la Bible avaient annoncé la chute de toutes les organisations et Églises nationales qui, selon leur point de vue, font partie du monde dirigé par Satan. Ils ont certes souligné leur neutralité politique et ont expliqué expressément que la destruction des nations ainsi que des Églises devrait avoir lieu uniquement par le moyen de Jésus et de Jéhovah. Cependant, à partir des publications des Étudiants de la Bible, certains critiques ont présenté beaucoup de leurs citations de telle sorte que d'après eux le mouvement religieux serait soutenu notamment par les systèmes juif et communiste. Il y eut à cette époque plusieurs théories de conspiration mondiale, dans lesquelles les Étudiants de la Bible ont occupé des positions centrales.

Des ecclésiastiques se sont livrés avec les Étudiants de la Bible à un combat, dans laquelle l'Église évangélique a montré plus d'engagement que l'Église catholique. Des apologistes appartenant à ces deux grandes Églises ont étudié intensivement l'enseignement des Étudiants de la Bible, pour offrir à leurs pasteurs des aides d'argumentation. Des actions, notamment par le moyen de tracts, ont été entreprises dans chacun des deux camps : tandis que des Étudiants de la Bible prêchaient et distribuaient des tracts devant les églises et des cimetières , des ecclésiastiques ont essayé d'imposer leur point de vue lors de discussions pendant les exposés des Étudiants de la Bible, et certains d'entre eux ont aussi repris en partie les arguments présentés par la presse nationale-socialiste.

D'autre part, les attaques des Étudiants de la Bible contre les Églises ont été ressenties comme des critiques sans aucune mesure. Ainsi, un livre sur l'Église catholique, La plus grande puissance secrète du monde, que le dirigeant allemand de la filiale des Étudiants de la Bible Paul Balzereit avait écrit et publié sous le pseudonyme P.B.Gotthilf dans une maison d'édition, a été mal perçu en général. Dans le livre, la responsabilité de la situation malheureuse du peuple allemand a été attribuée au Vatican, et les Étudiants de la Bible ont été présentés comme des ennemis de Rome. Le livre a été interdit et la communauté religieuse condamnée à une amende.

Les moyens juridiques mis en œuvre contre les Étudiants de la Bible étaient toutefois très limités. Bien que des centaines de procédures judiciaires aient lieu chaque année notamment à cause de leur démarchage à domicile, des amendes n'ont effectivement été imposées que dans peu de cas. Toutefois, à partir de 1931, un règlement appuyé par les milieux ecclésiastiques a envisagé une intervention de la police ainsi que des poursuites en cas d'insulte ou de dénigrement des coutumes ou des objets religieux. Sur la base de ce règlement, la Bavière a été un land précurseur pour ce qui a été de promulguer l'interdiction des Étudiants de la Bible en tant qu'organisation et de mettre en œuvre la saisie de ses biens.

Les Étudiants de la Bible eux-mêmes ont pris toutes ces mesures contre eux comme étant une confirmation de leur point de vue traditionnel, à savoir que l'État et l'Église combattent contre eux et sont donc dirigés par la Diable. Pour eux, les premiers chrétiens, dont ils s'estiment les successeurs, ont été poursuivis de façon semblable. Ils ont perçu la situation comme étant une confirmation des paroles de Jésus contenues dans l'Évangile selon Jean 15:19. Après la non-réalisation de la prophétie concernant Har-Maguédôn (la guerre finale de Dieu que les Témoins de Jéhovah, millénaristes, attendent depuis le début de leur existence), la croissance du mouvement a stagné en 1925, et à partir de 1928, le nombre de membres a d'abord diminué. Mais au cours des trois dernières années avant la prise de pouvoir d'Hitler, une augmentation considérable du nombre de fidèles a été enregistrée malgré tout. Malgré cette croissance, lors du début du socialisme-national au pouvoir en 1933, les 25 000 à 30 000 fidèles des Témoins de Jéhovah ne représentaient qu'environ 0,038 % de la population de la nation allemande.

Hésitation et tentative de conciliation (1933)

Lors de l'arrivée au pouvoir du régime nazi, les persécutions envers ceux qui se nommaient désormais Témoins de Jéhovah se sont intensifiées à cause de leur refus de voter, de prendre les armes, de faire le salut hitlérien et de leur prosélytisme jugé subversif, et d'accusations de liens avec les juifs, les franc-maçons et les communistes,.

En juin 1933, Les Témoins de Jéhovah tentèrent une conciliation avec le régime pour obtenir l'annulation de l'interdiction les frappant en Saxe, Bade et Bavière.

Le bureau allemand de Magdebourg a organisé une assemblée à Berlin, aux Wilmersdorfer Tennishallen, le 25 juin 1933 où serait utilisé le droit de pétition reconnu aux citoyens allemands. Environ 7 000 fidèles du mouvement ont assisté à l'assemblée et adoptèrent à cette occasion une résolution intitulée Déclaration. Après l’assemblée, les Témoins de Jéhovah en distribuèrent environ 2 100 000 d'exemplaires.

Cette Déclaration rédigée par Joseph Franklin Rutherford, alors président des Témoins de Jéhovah, a été envoyée à Hitler, alors Chancelier du Reich accompagnée d'une lettre manuscrite écrite par le dirigeant allemand des Témoins de Jéhovah de l'époque, Paul Balzereit.

Ils tentaient d'y montrer leur attachement à l'Allemagne et de récuser tout lien avec les Juifs, l'empire Anglo-américain, la Société des Nations, le Big-business et déclaraient [1]:

«  il a été constaté qu'il n'y a pas d'opposition dans les relations entre les Étudiants de la Bible d'Allemagne et le Gouvernement national du Reich allemand, mais au contraire - en ce qui concerne les idéaux religieux et apolitiques, ainsi que les aspirations des Étudiants de la Bible - ceux-ci sont en totale concordance avec les buts identiques parallèles du Gouvernement national du Reich allemand ... »

Cette recherche de conciliation idéologique maladroite a valu aux Témoins de Jéhovah des accusations d'allégeance au nazisme et d'antisémitisme[2]; par exemple, dans son ouvrage Apocalypse delayed, James Penton estime que les responsables de la Société Watchtower ont tenté de séduire le régime nazi par l'affirmation de leur loyauté envers les principes du gouvernement National Socialiste et par des déclarations antisémites dans la Déclaration de Faits.

Les Témoins de Jéhovah, de leur côté, récusent cette interprétation[3]. Le siège des Témoins de Jéhovah ne conteste pas l'authenticité de la Déclaration et affirme qu'elle a été écrite par le dirigeant allemand local des Étudiants de la Bible de l'époque. La Déclaration a été éditée officiellement par le mouvement dans l' Annuaire 1934 des Témoins de Jéhovah. Le mouvement insiste sur le fait que l'essentiel de son contenu n'est pas une prise de position en faveur du régime nazi, mais l'affirmation que leur mouvement était rigoureusement apolitique et religieux, avec des valeurs chrétiennes que Hitler, élevé dans la religion catholique, prétendait partager au tout début de son régime.

Cité par Guy Canonici dans l'ouvrage Les Témoins de Jéhovah face à Hitler[4], Detlef Garbe[5], historien et directeur du Mémorial de Neuengamme, a déclaré au sujet des jugements sévères portés par certains :

« Ils s'égarent dans leur critique, ou du moins ne prennent pas vraiment en compte le texte ni la situation. Ainsi, on ne pourra pas dire que les témoins de Jéhovah s'identifient par là à des antisémites, ni ne se recommandent comme d'éventuels alliés (...). Des désignations comme "congrès de sympathie pour le national-socialisme" (...), ou l'assertion que la direction de la Watch Tower aurait cherché à "conclure un pacte avec Hitler" (...) relèvent autant d'une approche orientée par la volonté de discréditer, que la lecture (...) qui découvre dans la Déclaration le soutien criminel de la politique hitlérienne antisémite. »

Dans le livre sous la direction de Hans Hesse, Garbe précise son avis sur cette déclaration dans un article :

«  Pour tenter de convaincre les autorités politiques du caractère purement religieux et non politique de leurs objectifs,(...), il se servit d'une argumentation qui soulignait qu'ils avaient certains 'idéaux élevés' en commun avec l'Etat national-socialiste, laissant parfois transparaître des accents antisémites.[6] »

Cela n'a pas réussi à apaiser le parti allemand et des fidèles ont été arrêtés et envoyés dans des camps de travail.

À partir de début 1934 et tout particulièrement d'octobre de cette année, le mouvement religieux est toutefois entré dans une logique de combat contre le nazisme par le moyen de la feuille imprimée.

Lutte contre le nazisme (1934-1937)

L'enfer des camps (1933-1945)

Renonciation demandé aux Témoins de Jéhovah par les S.S.
1. Je reconnais que l’Union Internationale des Témoins de Jéhovah professe une doctrine erronée et poursuit, sous le couvert d’activités religieuses, des buts subversifs.
2. Je me suis, par conséquent, détourné totalement de cette organisation et je me suis aussi libéré intérieurement de cette secte.
3. J’affirme, par la présente, ne plus jamais participer aux activités de l’Union Internationale des Témoins de Jéhovah. Je dénoncerai sur-le-champ toute personne voulant me gagner à la doctrine erronée des Témoins de Jéhovah, ou témoignant d’une façon ou d’une autre de son appartenance à cette secte. Je remettrai immédiatement au poste de police le plus proche toute publication me parvenant de cette organisation.
4. Je veux observer dorénavant les lois de l’État, défendre ma patrie en cas de guerre, les armes à la main, et m’intégrer entièrement dans la communauté nationale.
5. Il m’a été spécifié que si j’agis contrairement aux termes de la présente déclaration, je serai replacé en détention administrative.

Les Témoins de Jéhovah d'Allemagne ont été persécutés entre 1933 et 1945, car ils ne voulaient pas donner allégeance au parti nazi et refusaient de prendre les armes. Pour cela, ils ont été détenus, déportés dans les camps de concentration et emprisonnés durant l'Holocauste. Contrairement aux Juifs, aux homosexuels et aux Tsiganes, qui ont été persécutés pour des raisons raciales, politiques ou sociales, les Témoins de Jéhovah l'ont été par idéologie religieuse (Hitler cherchant à établir sa propre religion, dont il serait le messie promettant un Reich de mille ans, avec le soutien des Églises de l'époque). C'étaient les seuls détenus auxquels les Nazis donnaient la liberté s'ils renonçaient à leur foi, se soumettaient à Hitler et contribuaient à l'effort de guerre allemand. Sur 25 000 Témoins de Jéhovah, 10 000 furent incarcérés à un moment ou à un autre, la plupart d'entre eux perdirent leur emploi. Environ 2 000 Témoins de Jéhovah ont été déportés dans les camps de concentration où ils portaient un triangle violet, spécifique aux Témoins de Jéhovah, et 1 200 y ont laissé leur vie. 250 d'entre eux ont été exécutés pour refus de servir sous les drapeaux. Le musée de Koln en Allemagne donne [7] quant a lui les chiffres de 11300 personnes emprisonnées dont 1490 y ont péri.

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Sur les persécutions et les camps nazis

Sur l'affaire de la Déclaration de Faits

Bibliographie

  • Guy Canonici, Les Témoins de Jéhovah face à Hitler, Éditions Albin Michel, Paris, 1998.
  • Serge Chatelain, Pour en finir avec les camps, Éditions L'Harmattan, Paris, 2006.
  • (de)Garbe Detlef, Zwischen Widerstand und Martyrium : Die Zeugen Jehovas im « Dritten Reich », 1994.
  • S. Graffard, L. Tristan, Les Bibelforsher et le nazisme (1933-1945).Ces oubliés de l'histoire, Éditions Tirésias.
  • Hans Hesse, Persécution et résistance des Témoins de Jéhovah pendant le régime nazi 1933-1945, Éditions Schortgen, Esch-sur-Alzette (Luxembourg), 2005 (ouvrage collectif).
  • (en)Christine E. King, The Nazi State and the New Religions : Five Case Studies in Non-Conformity, Edwin Mellen Press, 1982. En ligne : chapitre VI, chapitre VII, appendices, notes.
  • Max Liebster, Lueur dans la Tourmente, Éditions Schortgen, Esch-sur-Alzette (Luxembourg), 2004.
  • Simone Arnold-Liebster, Seule face au Lion, Éditions Schortgen, Esch-sur-Alzette (Luxembourg), 2003.
  • Bernhard Rammerstorfer, Une volonté de fer, Éditions Schortgen, Esch-sur-Alzette (Luxembourg), 2007.

Références

  1. Lettre au Chancelier du Reich
  2. Dans la Déclaration de faits, rédigée notamment par Rutherford, les auteurs déclaraient qu'« il n'y a jamais eu le moindre argent de juifs qui a contribué à notre œuvre », « les juifs ont complètement rejeté Jésus Christ et nient avec emphase qu'il est le Sauveur du monde envoyé par Dieu pour le bien de l'humanité » et que « cela est une preuve suffisante pour montrer que nous ne recevons pas de soutien des juifs».Déclaration de Faits, sur le site de Jacques Luc
  3. Réveillez-vous !,8 juillet 1998, pp. 10-13
  4. Guy Canonici, Les Témoins de Jéhovah face à Hitler, Albin Michel, 1998, p. 416.
  5. Garbe Detlef, Zwischen Widerstand und Martyrium : Die Zeugen Jehovas im « Dritten Reich », 1994, p. 101.
  6. "Désintérêt de la société, désinformation de l'Etat, nouvelle persécution, et à présent, instrumentalisation de l'histoire ?" in Persécution et résistance des Témoins de Jéhovah pendant le régime nazi (1933-1945), éditions Shortgen, p. 262
  7. [1], p34
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