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Bogomilisme
Le bogomilisme est un mouvement chrétien hétérodoxe né au Xe siècle. Son nom vient du pope bulgare Bogomil. Il s'est développé en Bulgarie et en Bosnie, et a influencé une grande partie des Balkans. Inspiré par les gnostiques chrétiens et le manichéisme, il fut considéré comme une hérésie par l'Église catholique romaine et qu'elle a vivement combattu. Les empereurs byzantins eurent une attitude ambiguë à son égard, parfois le réprimant, parfois l'utilisant à leur profit. Il est possible que le bogomilisme ait servi d'inspiration aux cathares, mais au-delà des nombreux mythes et spéculations, il n'existe pas de certitude historique sur la question.
Sommaire
Histoire
Le mouvement bogomile fut fondé par un pope bulgare, le pope Bogomil - qui signifie en bulgare « ami de Dieu ». Il prêcha d'abord en Thrace, où il rencontra un véritable écho populaire. Puis le mouvement se déplaça en Bulgarie, où il y connut un grand succès entre le Xe et le XIIe siècle, notamment auprès du peuple, avant de tomber sous les persécutions byzantines (en particulier celles de l'empereur byzantin Alexis Ier Comnène et du patriarche Michel II Courcouas).
Le bogomilisme connut une seconde vie en Bosnie, de la fin du XIIe au début du XIVe siècle. Il fut un important facteur dans le développement historique de la Bosnie, à une époque où celle-ci était sous domination hongroise. Finalement, le mouvement disparut après la conquête ottomane et les conversions à l'islam qui s'ensuivirent. Certains historiens, analysant les vestiges laissés par les bogomiles (tombes) considèrent aujourd'hui que le mouvement bogomile a pu être plus ancien en Bosnie qu'en Bulgarie.
Les Bogomiles ont laissé dans tous les Balkans, et en particulier en Bosnie, de nombreuses tombes en pierre caractéristiques, décorées de symboles gnostiques et orientaux.
L'Église catholique romaine a toujours considéré le bogomilisme comme une hérésie et l'a combattu avec la plus grande fermeté. Les empereurs byzantins ont été plus ambigus : ils ont parfois réprimé le bogomilisme, notamment parce qu'il encourageait le sentiment national des peuples sous leur contrôle (Bulgarie, Bosnie), et également parce que son idéologie, rejetant les autorités constituées (en particulier la hiérarchie ecclésiastique) comme corrompues, était considérée comme « révolutionnaire ». Mais, à d'autres moments, ils ont su utiliser la force du sentiment populaire bogomile dans leur propre lutte contre Rome (notamment leurs liens avec les cathares, également en butte à l'hostilité de l'Église romaine).
Doctrine
Comme beaucoup d'« hérésies » persécutées avec efficacité, la doctrine bogomile nous est malheureusement surtout connue par les dénonciations de ses opposants, en particulier le Traité contre les Bogomiles du prêtre Cosmas, composé vers la fin du Xe siècle. On attribue aux bogomiles une riche littérature apocryphe puisant ses sujets dans les légendes hébraïques et chrétiennes. Un ouvrage bogomile apocryphe résumant leur doctrine, Le Livre secret, nous est parvenu dans sa traduction latine, par l'intermédiaire des Albigeois.
Le bogomilisme peut se définir comme un christianisme hétérodoxe, inspiré par le gnosticisme chrétien, le manichéisme perse et le paulicianisme. Le bogomilisme est dualiste : pour lui le monde est gouverné par deux principes, le Bien et le Mal, Dieu et le Diable. Tout le monde matériel, y compris le corps, est considéré comme l'œuvre du Diable, et donc voué au Mal. Seule l'âme est l'œuvre de Dieu. En conséquence, ils rejetaient les rapports sexuels, le mariage, et menaient une vie ascétique, s'abstenant en général de manger de la viande et de boire du vin.
Les bogomiles rejetaient l'Ancien Testament, et étudiaient seulement les Évangiles, en particulier celui de Jean, les Actes des apôtres et les Épîtres de Paul. Ils rejetaient l'Église, considérée comme appartenant au Monde (et donc au Diable), l'accusant d'être corrompue. Ils rejetaient également les sacrements. La prière était considérée comme une activité avant tout personnelle. Les bogomiles reconnaissaient cependant des guides spirituels, les « Parfaits », ceux des croyants qui avaient été particulièrement exemplaires et ascétiques. On retrouvera cette notion chez les cathares.
Le bogomilisme était globalement un mouvement rejetant toutes les autorités constituées, les princes comme les Églises, ce qui a contribué au grand engouement populaire qu'il a suscité, et explique aussi l'ampleur des répressions qu'il a subies.
Bogomiles et cathares
L'idée est souvent évoquée que les bogomiles seraient à l'origine du mouvement cathare. La proximité doctrinale entre les deux mouvements est en effet frappante. La doctrine bogomile apparaît à la fin du Xe siècle en Bulgarie, elle se serait étendue chez les Serbes et les moines de Constantinople, puis en Asie Mineure, avant de gagner l'Europe sous des formes différentes. Il est aujourd'hui établi que les bogomiles ont envoyé des missionnaires vers l'Europe de l'Ouest, mais rien ne permet de dire s'ils sont allés dans le sud de la France, ni s'ils ont fondé le mouvement cathare. Plus probablement, les deux mouvements, contemporains, sont « cousins », chacun gardant son autonomie et son originalité propre, mais s'influençant à travers des échanges réciproques.
Cependant, ces relations entre Bogomiles et Cathares ont constitué une composante importante de l'histoire de la chrétienté médiévale. Le bogomilisme et le catharisme sont deux mouvements religieux proches qui ont été déclarés hérétiques par l'Église catholique romaine, et vigoureusement combattus par elle (croisades). Dans le même temps, Rome était également en opposition à Byzance, en particulier depuis le grand schisme de 1054. Une solidarité de fait s'est donc constituée entre Cathares et Bogomiles, ces derniers se trouvant par ailleurs dans la sphère d'influence byzantine. Les empereurs byzantins, qui avaient eux-mêmes réprimés les bogomiles (en particulier parce qu'ils avivaient le sentiment national des peuples sous leur contrôle), ont pu utiliser ces liens dans une perspective stratégique et militaire. Ainsi, des liens ont été noués entre les comtes de Barcelone et l'Empire byzantin, et des mercenaires catalans et occitans ont combattu dans les armées byzantines. Les relations entre bogomiles et cathares se sont donc inscrites sur la toile de fond beaucoup plus large de la lutte âpre entre Église d'Occident (Rome) et Église d'Orient (Byzance), et elles ont constitué un paramètre géopolitique de cet affrontement.
Bibliographie
- The Bogomils. A study in Balkan neo-manicheism, O. Bolensky, Cambridge, 1948.
- Le Traité contre les Bogomiles de Cosmas le Prêtre, Traduction et introduction de Charles Puech et A. Vaillant, Paris, 1945.
- Jordan Ivanov, Monique Ribeyrole (trad.), Livres et légendes bogomiles, éd. G.P. Maisonneuve et Larose, 1976, d’un ouvrage écrit en bulgare en 1925.
- O. Bihalji-Merin et A. Benac, Tošo Dabac (photographie ), L'art des Bogomiles, éd. originale : Arthaud, 1966
- Marian Wenzel, Bosnian Style on Tombstone and Metal, éd. originale : Sarajevo-Publishing (en bosniaque et anglais), 1999.
- Borislav Primov, Monique Ribeyrole (trad.), Les Bougres, éd. Payot, traduit du bulgare, 1975 (éd. originale de Izdatelstvo na Otecest venlja front, janvier 1970).
- Thierry Mudry, Histoire de la Bosnie-Herzégovine, Ellipses, 1999.
- Noel Malcolm, Bosnia. A short history, Macmillan Londres, 1994, 1998.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Les Bogomiles, l'hérésie dualiste au cœur du monde byzantin
- Les Bogomiles, sur un site consacré à la Bosnie
- Les Bogomiles, aspects religieux
- Bogomilisme et manichéisme
- Le bogomilisme : envergure bulgare et européenne
- Le Livre secret cathare-bogomile : fiche technique
- Blog demandant l'inscription des stecci au patrimoine mondial de l'UNESCO
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