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Schizophrénie
Classification et ressources externesTissu brodé par une patiente atteinte de schizophrénie. CIM-10 F20 CIM-9 295 OMIM 181500 MedlinePlus 000928 La schizophrénie est une maladie mentale caractérisée par une dissociation de la personnalité, affectant le rapport du malade avec la réalité. Elle se manifeste principalement par des hallucinations auditives, des délires paranoïaques, un discours déconstruit et des schémas de pensée désorganisés. Elle engendre des dysfonctionnements cognitifs, sociaux et comportementaux, allant parfois jusqu'au repli autistique. C'est une psychose généralement chronique, qui survient à l'adolescence ou au début de l'âge adulte, avec une prévalence globale d'environ 0,3-0,7% dans la population[1],[2]. Son diagnostic se base principalement sur l'observation du comportement et des expériences rapportées par le patient.
Les facteurs connus pour être liés à la schizophrénie sont multiples. Des études indiquent que des facteurs génétiques, environnementaux, psychologique, neurobiologiques et sociaux jouent un rôle dans l'apparition de la maladie. Des drogues et des médicaments pourraient également causer l'apparition ou l'aggravation de certains symptômes. Les nombreuses combinaisons de symptômes observés chez les schizophrènes ont ouvert un débat pour savoir si ce diagnostic représentait une seule et même maladie ou plusieurs syndromes distincts. Il est ainsi courant d'utiliser le pluriel schizophrénies pour décrire l'ensemble de ces conditions.
Le terme « schizophrénie » provient du grec « σχίζειν » (schizein) signifiant fractionnement et « φρήν » (phrèn) désignant l’esprit et doit être compris au sens de fractionnement de l'esprit avec le réel et non pas comme une dissociation de l'esprit en plusieurs entités. Ainsi, la schizophrénie ne doit pas être confondue avec le phénomène de personnalités multiples, qui concernent les troubles dissociatifs de l'identité. L'amalgame est pourtant courant et le terme schizophrénie (ou ses dérivés) est souvent utilisé, notamment dans la presse ou le cinéma, pour désigner une entité aux facettes multiples ou antagonistes, ou des propos contradictoires.
Les individus schizophrènes présentent davantage de risques d'être atteints d'éléments de comorbidité, tels que la dépression ou des troubles de l'anxiété. Ils sont également fortement susceptibles de développer des addictions (50% des cas environ) et de souffrir de problèmes sociaux comme le chômage de longue durée, la pauvreté et le sans-abrisme. L'espérance de vie des personnes touchées est estimée inférieure de 10 à 12 ans à l'espérance de vie moyenne, à cause du risque plus élevé de problèmes de santé et d'un plus fort taux de suicide (environ 5 %)[3],[4].
La schizophrénie est couramment traitée par la prise d'antipsychotiques, qui réduit ou supprime l'activité des récepteurs à la dopamine et parfois à la sérotonine. La psychothérapie et la réinsertion sociale ou professionnelle prennent également une part importante dans la prise en charge des patients. Une psychanalyse peut être une solution alternative de prise en charge. Dans ce cadre, et dit approximativement, se révèle que c'est le maintien du déni initial dont fut victime le sujet, le plus souvent dans la petite enfance, qui génère la psychose, et notamment le développement schizophrénique. La cure vise à dénouer ce nœud.
Dans les cas les plus sérieux - lorsque l'individu présente un risque pour lui-même ou pour les autres - une hospitalisation forcée peut être nécessaire. Dans un certain nombre de cas, qui varie selon les cultures et les populations, l'évolution peut se faire vers une guérison complète ou quasi-complète[5].
Sommaire
Signes et symptômes
Une personne schizophrène, ou plus précisément diagnostiquée comme souffrant d'une schizophrénie, peut éprouver différents types d'hallucinations (les plus courantes étant la présence de voix imaginaires et des accès de délires, souvent étranges ou persécuteurs dans leurs natures) et présenter une pensée et un discours désorganisés. Ce dernier point peut aller de la perte du cours de sa pensée ou de ses idées, avec des phrases sans liens évidents, jusqu'à des suites de mots complétement incohérentes dans les cas les plus sévères (symptôme de schizophasie). Le retrait social, la dégradation de l'habillement et de l'hygiène de vie, et la perte de la motivation et du jugement sont couramment observés dans la schizophrénie[6]. De plus, il y a souvent un ensemble caractéristique de difficultés émotionnelles associées, comme par exemple un manque de réactivité[7]. Des défauts dans la cognition sociale sont couramment associés à la schizophrénie[8], de même que les symptômes de la paranoïa. Il en résulte souvent une forme d'isolation sociale[9]. Dans un sous-type beaucoup plus rare de schizophrénie, la personne demeure constamment muette, restant sans vie dans des postures étranges, ou montrant, au contraire, une agitation inexpliquée, ce qui est le signe d'une catatonie[10].
La fin de l'adolescence et le début de la vie adulte sont des périodes critiques pour l'apparition de la schizophrénie[11], périodes durant lesquelles devraient se développer normalement le comportement social puis professionnel d'un individu[12]. Chez 40% des hommes et 23% des femmes, la schizophrénie se déclare avant l'âge de 19 ans[13]. Pour minimiser au plus tôt l'impact de la schizophrénie sur le développement de l'individu, de nombreux travaux cherchent à identifier et traiter la phase prodromique de la maladie, estimée démarrer jusqu'à 30 mois avant l'apparition des symptômes[12]. Ceux qui développeront par la suite une schizophrénie pourraient présenter des symptômes psychotiques spontanés ou transitoires[14] et des symptômes moins spécifiques comme un retrait social, de l'irritabilité, de la dysphorie[15], ou encore de la maladresse[16], durant cette phase prodromique.
Les comorbidités, ou association d'autres pathologies, sont fréquentes dans les schizophrénies : intoxication, abus et dépendance aux substances, troubles anxieux, troubles de l'humeur, suicide, handicap social, iatrogénie. Globalement, les patients atteints de schizophrénie vivent 10 à 12 ans de moins en moyenne que l'espérance de vie dans la population générale [3],[4].
Symptômes de premier rang
Le psychiatre allemand Kurt Schneider (1887-1967) répertoria les formes particulières des symptômes psychotiques qui pouvaient, selon lui, distinguer la schizophrénie des autres psychoses [17]. Ils sont appelés symptômes de premier rang et comprennent l'impression d’être contrôlé par une force extérieure, de ne plus être maître de sa pensée, le vol de la pensée, l'écho et les commentaires de la pensée, l'impression que la pensée est transmise à d’autres personnes, la perception de voix commentant les pensées ou les actions du sujet, ou conversant avec d’autres voix hallucinées ; ce qui relève en somme de l'automatisme mental défini par Gaëtan Gatian de Clérambault dans les années 1920 [18].
Bien qu'ils ont beaucoup apporté au diagnostic de la schizophrénie, la spécificité de ces symptômes de premier rang est actuellement remise en cause. Une revue des études conduites entre 1970 et 2005 montre qu'ils ne permettent pas de confirmer ou d'infirmer un diagnostic de schizophrénie. Cette revue suggère en conclusion que ces symptômes soient moins prépondérants à l'avenir dans le système du diagnostic des maladies mentales[19].
Symptômes positifs et négatifs
Les schizophrénies sont caractérisées cliniquement par la dissociation psychique et la présence, en proportion variable, de symptômes dit positifs et négatifs[20]. Cette classification a été introduite par la neuropsychiatre américaine Andreasen dans les années 1980 [21],[22].
Les symptômes positifs sont les symptômes qui s'ajoutent à l'expérience de la réalité et aux comportements habituels et qui ne sont pas ressentis normalement par les individus sains. Ils comprennent les éléments sémiologiques communs aux états psychotiques aigus : idées délirantes, hallucinations pouvant impliquer l'ensemble des sens, déréalisation (impression d'étrangeté du monde, qui paraît irréel, flou, qui manque de sens), dépersonnalisation (impression de sortir de son propre corps), ainsi que les troubles cognitifs regroupés sous le terme de désorganisation ou troubles du cours de la pensée (phénomène du « coq à l'âne » quand le discours passe d'un sujet à un autre complètement différent)[23]. Les hallucinations sont couramment en relation avec le thème des idées délirantes[24]. Les symptômes positifs répondent positivement aux traitements médicaux[24].
Les symptômes négatifs sont ainsi dénommés car ils reflètent le déclin des fonctions normales et se traduisent par une altération des fonctions cognitives complexes d'intégration : altération des fonctions mnésiques, difficultés de concentration, pauvreté du langage spontané, du comportement moteur : aboulie, amimie, apragmatisme, mais aussi du fonctionnement social ou émotionnel : altération de la vie en relation, abrasement des affects et de la motivation (athymhormie) ou encore une absence de plaisir (anhédonie). A l'inverse des symptômes positifs, les symptômes négatifs sont beaucoup plus résistants aux traitements actuels[6]. Les recherches semblent indiquer que ces symptômes négatifs ont des conséquences beaucoup plus délétères et handicapantes sur la qualité de vie des personnes schizophrènes que les symptômes positifs et affectent plus fortement leur entourage[25],[26].
Les personnes souffrant de schizophrénie ne présentent jamais la totalité des symptômes mais plutôt un ensemble spécifique à chaque patients. Le grand nombre de combinaisons différentes possibles entre ces symptômes engendre des formes cliniques très variées. Ainsi, certains considèrent la schizophrénie comme un syndrome, traduction clinique de pathologies multiples et non comme une pathologie unique.
Causes et facteurs
La schizophrénie peut être vue comme la modification pathologique du fonctionnement cérébral suite à certain type de traumatismes, tel la crise psychotique. Durant la période de développement (avant et après la naissance jusqu'à l'adolescence), le fonctionnement du cerveau est notamment susceptible d'être profondément altéré [réf. nécessaire]. Le risque initial de développer une schizophrénie (sans connaître aucun des facteurs de risque chez une personne) est d'environ 1%. Des facteurs d'ordre génétique (gènes de susceptibilité) et d'ordre environnemental (infection, intoxication, etc.) influent sur ce risque [11],[27].
Génétique
La part de l'hérédité varie selon les études et les patients car il est difficile de séparer les effets de la génétique et de l'environnement[28]. Chez de vrais jumeaux, dans le cas d'une personne atteinte de schizophrénie, son jumeau a 40 % de risque de développer la maladie aussi[29]. Ceci n'implique pas obligatoirement une cause génétique, car les jumeaux pourraient avoir été exposés in utero aux conséquences immunitaires d'une infection virale (ou d'un vaccin) de la mère ou à un facteur environnemental. Néanmoins, il est démontré que le risque d'être atteint est supérieur si un parent proche est également atteint (risque de 6,5%)[30],[27].
Il est probable que de nombreux gènes soient impliqués mais chacun avec un faible effet sur le risque global. Certains gènes ont ainsi été identifiés comme marqueurs de risque, comme NOTCH4[31], NRG1 ou DTNBP1[27]. Certaines familles de protéines, comme les protéines à doigts de zinc de type 804A, ont été reliées à la schizophrénie[32]. De nombreux autres facteurs génétiques ont également été proposés, incluant des variations du nombre de copies de certains gènes ou des sites de l'histone sur l'ADN[31]. Néanmoins, être porteur de cette composante génétique ne signifierait pas que la personne devienne nécessairement schizophrène, et indiquerait simplement un risque ou une vulnérabilité accrus de développer une schizophrénie. Les recherches s'orientent vers la compréhension des interactions entre les gènes de vulnérabilité et les facteurs non génétiques[33].
Il semble exister une certaine similarité génétique commune entre la schizophrénie et les troubles bipolaires[34], ce qui amène à reconsidérer la distinction entre les deux syndromes[35],[36]. De même certains gènes impliqués sont également présents dans l'autisme.
En supposant qu'il y ait une base héréditaire, se pose la question de psychologie évolutionniste savoir pourquoi des gènes qui favorisent les psychoses ont été conservés, en supposant qu'ils représentent un désavantage évolutif. Une des théories développées suggère un rôle de ces gènes dans l'évolution du langage et de la nature humaine, néanmoins ces théories restent très controversées et se basent sur très peu de faits[37],[38].
Environnement
Les facteurs environnementaux associés au développement d'une schizophrénie comprennent entre autres les conditions de vie, la prise de drogue et les stress prénataux[11]. La façon dont les parents élèvent leur enfant ne semble pas avoir d'effet, néanmoins, les personnes qui ont le soutien de leurs parents s'en sortent mieux que ceux qui reçoivent majoritairement des critiques[27]. Le risque de schizophrénie semble être plus élevé en vivant en milieu urbain durant l'enfance ou l'âge adulte (augmentation d'un facteur 2 environ)[11],[27]. Cette différence se retrouve indépendamment de la prise de drogue, du groupe ethnique et de la taille du cercle social[39]. L'immigration et l'isolation sociale joue également un rôle prépondérant et peut être la conséquence de difficultés sociales, de discriminations raciales, de dysfonctionnements familiaux, d'une absence d'emploi ou encore de basses conditions de vie ou d'hébergement[27],[40]. Enfin des expériences traumatisantes et des abus subits durant l'enfance sont des facteurs de risques d'un diagnostic de schizophrénie plus tard durant la vie de l'individu[41],[42].
De nouvelles études ont montré que des facteurs environnementaux pouvaient activer ou désactiver les gènes responsables de la schizophrénie et du trouble bipolaire. Les gènes appelés GR24, lié au trouble bipolaire; et le gène ZNF659, lié à la schizophrénie, pourraient être chimiquement modifiés (méthylation ou demethylation) à cause de facteurs environnementaux comme le stress. Les gènes deviennent "on", sont activés, ainsi la maladie se déclare[43].
Développement précoce
Des processus liés au développement précoce du système nerveux sont considérés comme étant importants, en particulier au cours de la grossesse. Par exemple, des femmes qui étaient enceintes pendant la sévère famine de 1944 aux Pays-Bas présentaient un risque accru pour leur enfant de développer plus tard la maladie[44]. De même, des études ont comparé des mères finnoises ayant appris la mort de leur mari à la Guerre d'Hiver de 1939-1940, alors qu'elles étaient enceintes, à des mères ayant appris la mort de leur mari après la grossesse et ont montré, pour les premières, un risque fortement accru pour l'enfant de développer la maladie[45], ce qui suggère que même un traumatisme psychologique chez la mère peut avoir un effet néfaste.
En outre, il existe à présent des indications claires qu'une exposition prénatale à des infections virales ou bactériennes augmente le risque d'apparition de la schizophrénie, confirmant l'existence d'un lien entre une pathologie développementale et le risque de développer la maladie[46].
Certains chercheurs suggèrent que c'est une interaction entre des facteurs environnementaux lors de l'enfance et des facteurs de risque neurobiologiques qui détermine la probabilité de développer la schizophrénie à un âge ultérieur. Le développement neurologique de l'enfant est considéré comme sensible à des éléments caractéristiques d'un cadre social perturbé tels que le trauma, la violence, le manque de chaleur dans les contacts personnels ou l'hostilité. Chacun de ces éléments a été identifié comme un facteur de risque. Des recherches ont suggéré que les effets favorables ou défavorables de l'environnement de l'enfant interagissent avec les déterminants génétiques et les processus de développement du système nerveux, avec des conséquences à long terme pour le fonctionnement du cerveau. Cette combinaison de facteurs jouerait un rôle dans la vulnérabilité à la psychose qui se manifeste plus tard à l'âge adulte[47].
Substances toxiques
Selon le docteur Dolores Malaspina, directrice du département de psychiatrie de la New York University School of Medicine, le perchloroéthylène, substance toxique utilisée dans le nettoyage à sec, augmenterait de 3,5 fois le risque de développer des symptômes schizophréniques[48]. Ainsi, le tueur de Virginia Tech, Cho Seung-hui aurait pu être affecté par cette substance, ses parents ayant une entreprise de nettoyage à sec.
Virus
Les virus reviennent de manière récurrente sur le devant de la scène comme explication possible de la schizophrénie ou de certains symptômes qui résulteraient de la combinaison schizophrénie/virus. Par exemple, les infections au virus de l’herpès de type 1[49] ou au bornavirus[50] ont montré une certaine coïncidence avec la schizophrénie.
Certaines intoxications chroniques donneraient des tableaux pseudo-schizophréniques[réf. nécessaire].
Grossesse et infections prénatales
Durant le développement du fœtus, des problèmes dont peut souffrir la mère peuvent augmenter relativement le risque de schizophrénie chez son enfant lorsque celui-ci sera adulte : hypoxie, infections (voir ci-dessous), stress malnutrition, etc[11].
Plus de 200 études ont déjà suggéré que le risque de schizophrénie augmentait de 5 à 8 % chez les enfants nés en hiver ou au printemps[27],[51]. Une explication possible est que le risque de schizophrénie augmente chez les adultes dont la mère a été infectée par un virus grippal lors de sa grossesse (idem pour le risque de trouble obsessionnel-compulsif, d'autisme et d'autres maladies neurologiques)[52]. Jusqu'à un cinquième des cas de schizophrénie pourraient avoir pour cause une infection prénatale, ce qui laisse entrevoir une possibilité de prévention de ce type d'apparition de la schizophrénie[53].
Plusieurs études suggèrent que ce n'est pas le virus lui-même qui affecte le développement cérébral du fœtus, mais plutôt la réponse immunitaire au virus[54],[52]. Les cytokines émises par le système immunitaire pourraient être en cause, car elles jouent aussi un rôle dans le développement du cerveau. In vitro (sur des cultures cellulaires), à des taux élevés, comme lors d'une infection grippale, elles empêchent le développement normal des neurones. En temps normal, le placenta ne filtre ni les hormones ni les nutriments qui passent de la mère au fœtus. Quand la mère subit une infection grippale, le placenta se comporterait différemment, pouvant parfois inviter le fœtus à produire ses propres cytokines même s'il n'est pas en contact avec le virus. Ainsi, des études ont montré que l'interleukine 8 a notablement augmenté dans le sang de mères ayant donné naissance à des enfants qui ont développé la schizophrénie[réf. nécessaire]. Deux gènes qui semblent associés au risque de schizophrénie, sont également impliqués dans la production de cytokines[réf. nécessaire]. Cet effet de la réponse immunitaire et non de l'infection a été observée également lors d'expérience chez l'animal, par injection d'ADN viral (déclencheur de réponse immunitaire)[55]. Paradoxalement, ces résultats posent aussi la question de la recommandation des CDC américains de vacciner les femmes enceintes (car la vaccination provoque une réaction immunitaire, qui pourrait parfois aussi durablement agir sur le cerveau du fœtus) et les précautions à prendre en cas de pandémie grippale.
Ina Weiner[52] étudie si des antipsychotiques pourraient prévenir des schizophrénies d'origine environnementale de ce type. Des souris exposées in utero à un agent toxique chimique qui conduit beaucoup d'entre elles à développer des symptômes et des anomalies cérébrales équivalent à la schizophrénie chez l'Homme (avec des premiers signes de déclin cognitif à la puberté, avant un développement de symptômes proches d'une schizophrénie) ont été traitées par des antipsychotiques dès les premiers symptômes. Ce traitement les a protégées des symptômes de type schizophrénique et de modifications cérébrales associées (ex: diminution du poids de l'hippocampe), qui accompagnent la schizophrénie.
Drogues
Beaucoup de drogues ont été associées au développement de schizophrénie, notamment l'alcool, le cannabis, la cocaïne et les amphétamines[27]. La moitié environ des personnes qui souffrent de schizophrénies ont recours à l'usage de drogue et/ou à la consommation excessive d'alcool[56]. Le rôle du cannabis pourrait être déclencheur[57], mais les autres drogues sont principalement utilisées pour gérer la dépression, l'anxiété, l'ennui et la solitude que peuvent éprouver certains schizophrènes[56],[58].
Cannabis
Ce lien entre la consommation de cannabis et la schizophrénie a mené à des recherches plus poussées afin d'en déterminer l'origine. Deux relations peuvent être mises en évidence : une consommation de cannabis antérieure aux épisodes schizophréniques qui pourrait favoriser leur apparition et une consommation postérieure, qui tiendrait alors de l'auto-médication des patients (à l'instar de l'utilisation des autres drogues).
Ainsi, selon plusieurs études, certaines personnes présentant une vulnérabilité à la schizophrénie mais qui n'auraient pas présenté de symptômes de cette maladie durant leur vie dans des conditions de stress habituelles, pourraient entrer dans cette pathologie du fait de leur consommation de cannabis. Le risque relatif est de l'ordre de 4, ce qui signifie que a priori, indépendamment du degré de vulnérabilité d'une personne, celle-ci a quatre fois plus de risque de présenter une schizophrénie que si elle ne consommait pas de cannabis de manière régulière[59],[60],[61]. Néanmoins, d'autres études contradictoires sont relevées[62].
Ainsi, l'usage du cannabis étant en grande augmentation depuis les années 1980, si une corrélation linéaire existait avec la schizophrénie, la même courbe d'augmentation dans les diagnostics aurait dû être aperçue, ce qui n'est pas le cas.
Dans l'état actuel des recherches, selon l'Inserm « l’usage de cannabis apparaît donc comme l’un des très nombreux facteurs de causalité (ni nécessaire, ni suffisant) qui accompagnent la survenue de la schizophrénie, sans en affecter l'évolution de façon favorable, bien au contraire, ces produits aggravent certains symptômes. Au regard des études analysées par les experts, il apparaît néanmoins que toutes les personnes exposées au cannabis ne développeront pas la schizophrénie. »[63]
Mécanismes
L'un des objectifs majeurs des études portant sur la schizophrénie a été de trouver le lien entre le diagnostic de schizophrénie, établi par une observation du comportement, et des altérations du fonctionnement de certaines aires cérébrales. L’hypothèse la plus couramment acceptée est l'implication du système dopaminergique, qui attribue l'apparition des psychoses à une mauvaise interprétation du cerveau de l'activité incontrôlée des neurones dopaminergiques[11].
Neurobiologiques
Récemment, des chercheurs américains ont génétiquement créé le premier modèle animal reproduisant la schizophrénie, à savoir une souris avec un gène DISC1 incomplet[réf. nécessaire]. Cela devrait permettre de mieux comprendre l'évolution de cette maladie, et de développer de nouveaux traitements.
Modèle dopaminergique
Les troubles schizophréniques sont fréquemment rattachés à un dysfonctionnement de la voie dopaminergique mésolimbique. Cette théorie, connue sous le nom d'« hypothèse dopaminergique de la schizophrénie », est basée sur le fait que la plupart des substances à propriétés antipsychotiques ont une action sur le système de la dopamine. C'est la découverte fortuite d'une classe de médicaments, les phénothiazines, qui est à l'origine de cette découverte. Les médicaments antipsychotiques ou neuroleptiques agissant entre autres sur le système dopaminergique ont fait l'objet de développements ultérieurs et restent un traitement courant de première indication.
Cependant, cette théorie est actuellement considérée comme trop simplificatrice et incomplète, notamment du fait que de nouveaux médicaments (les antipsychotiques atypiques), comme la clozapine, sont aussi efficaces que les médicaments plus anciens (ou antipsychotiques typiques), comme l'halopéridol. Or cette nouvelle classe de molécules a également des effets sur le système de la sérotonine, et pourrait être un bloquant un peu moins efficace des récepteurs à la dopamine. Ainsi, sur le plan neurochimique, bien d'autres neuromédiateurs pourraient jouer des rôles dans la schizophrénie. Chaque fois qu'un nouvel éclairage est apporté sur l'un d'entre eux, son implication dans la vie psychique est avidement explorée par les chercheurs dans tous les champs de la psychopathologie. Selon le psychiatre David Healey, des compagnies pharmaceutiques auraient encouragé des théories biologiques trop simples pour promouvoir les traitements qu'elles proposaient[65].
Rôle du glutamate et des récepteurs NMDA
L'intérêt s'est également porté sur un autre neurotransmetteur, le glutamate, et sur la fonction diminuée d'un type particulier de récepteur au glutamate, le récepteur NMDA. Cette théorie a pour origine l'observation de niveaux anormalement bas de récepteurs de type NMDA dans le cerveau de patients atteints de schizophrénie examinés post-mortem[66], et la découverte que des substances bloquant ce récepteur, comme la phencyclidine ou la kétamine, peuvent mimer chez le sujet sain des symptômes et des troubles cognitifs associés à la maladie[67].
L'« hypothèse glutamatergique » de la schizophrénie devient actuellement de plus en plus populaire, en particulier du fait de deux observations : d'une part, le système glutamatergique peut agir sur le système dopaminergique, et d'autre part, une fonction glutamatergique réduite a pu être associée à un faible niveau de performance à des tests qui nécessitent le fonctionnement de l'hippocampe et du lobe frontal, dont on[Qui ?] sait qu'ils sont impliqués dans la schizophrénie[68]. Cette théorie est également étayée par des essais cliniques montrant que des molécules qui sont des co-agonistes du récepteur NMDA sont efficaces pour réduire les symptômes schizophréniques. Ainsi, les acides aminés D-sérine, glycine et D-cyclosérine facilitent la fonction du récepteur NMDA grâce à leur action sur le site co-agoniste recevant la glycine. Plusieurs essais cliniques contrôlés par placebo, et visant à augmenter la concentration de glycine dans le cerveau, ont montré une réduction des symptômes négatifs[69].
Données neurophysiologiques obtenues par imagerie cérébrale
Avec le développement récent des techniques d'imagerie médicale, beaucoup de travaux sont consacrés à l'étude de différences structurelles ou fonctionnelles dans certaines régions cérébrales chez des personnes atteintes de schizophrénie par rapport aux individus sains.
Le cerveau des personnes atteintes de schizophrénie serait d'apparence globalement normale et seules des techniques récentes d'imagerie cérébrale, utilisées lors d'étude sur des cohortes de patients, ont pu mettre en évidence certaines différences. La première différence structurelle observée fut la découverte d'un élargissement des ventricules cérébraux chez des patients dont les symptômes négatifs étaient particulièrement marqués[70]. Toutefois, ce résultat ne s'avère guère utilisable au niveau individuel, du fait de la grande variabilité observée entre les patients. Un lien entre l'élargissement ventriculaire et une exposition aux médicaments antipsychotiques a cependant été suggéré[71]. Des études plus récentes ont par la suite montré qu'il existe de nombreuses différences dans la structure cérébrale selon que les personnes présentent ou non un diagnostic de schizophrénie[72]. Toutefois, comme dans le cas des études antérieures, la plupart de ces différences ne sont détectables que lorsque des groupes et non des individus sont comparés, et ne sont conséquemment pas utilisables pour établir le diagnostic de schizophrénie.
Des études mettant en œuvre des tests neuropsychologiques combinés à des techniques d'imagerie cérébrale comme l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) ou la tomographie par émission de positons (TEP) ont cherché à mettre en évidence des différences fonctionnelles d'activité cérébrale chez des patients. Elles ont montré que ces différences surviennent plus fréquemment au niveau des lobes frontaux, de l'hippocampe et des lobes temporaux[73]. Ces différences sont fortement liées aux déficits cognitifs fréquemment associés à la schizophrénie, notamment dans le domaine de la mémoire, de l'attention, de la résolution de problèmes, des fonctions exécutives et de la cognition sociale.
Des enregistrements électroencéphalographiques (EEG) de personnes atteintes de schizophrénie lors de tâches à dominante perceptive ont montré une absence d'activité dans la bande de fréquence gamma (fréquences élevées), qui indiquerait une faible intégration de circuits neuronaux critiques du cerveau[74]. Les patients présentant des hallucinations intenses, des croyances illusoires et une désorganisation de la pensée avaient également la synchronisation de plus basse fréquence. Les médicaments pris par ces personnes ne permettaient pas de retour du rythme vers la gamme de fréquence gamma. Il est possible que les altérations de la bande gamma et de la mémoire de travail soient liées à des altérations des interneurones inhibiteurs produisant de l'acide gamma-aminobutyrique (GABA). Il est observé dans le cortex préfrontal dorsolatéral de patients atteints de schizophrénie une altération d'une sous-classe particulière d'interneurones GABAergiques caractérisés par la présence de la protéine parvalbumine[75].
Il existe des anomalies du lobe temporal, retrouvée lors d'analyse par IRM du cerveau d'adolescents atteints de schizophrénie[76],[77], notamment une diminution de la surface du sillon collatéral. Cette anomalie apparaitrait lors des modifications du cerveau, à l'adolescence. L'importance de ces modifications n'est apparemment liée ni à la durée de la pathologie, ni aux doses de médicaments pris par les patients.
Éléments psychanalytiques
Pour la psychanalyse, l'observable de la schizophrénie la dévoile comme un état maladif secondaire, quasi inévitable lors d'un cheminement dans la psychose (ce qu'elle nomme le parcours psychotique). Elle soutient que l'essentiel se passe dans la structure, et formalise le paradoxe que la schizophrénie est une crise non dégénérative.
La psychanalyse met en avant la notion vérifiée de prépondérance de l’histoire familiale, dans l'hypothèse d'une causalité : c’est le milieu psycho-affectif qui agit, et le sujet -l’individu- qui réagit. L'utilité de la recherche d’une hérédité de la schizophrénie est ainsi perçue comme minime, sachant aussi qu'elle est contraire au principe de guérison. De plus, et en dehors du champ propre à la psychanalyse, les modifications neuronales observées chez les patients semblent assez restreintes, et la plasticité cérébrale -la capacité qu'a le cerveau de se réorganiser- pourrait les rendre non prépondérantes.
La psychanalyse fonctionne sur et dans l'observable, autant que le fait, pour sa part, la théorie médicale. De cet observable, elle est capable d'assertions, à valeur de vérité. Cette recherche de rigueur, en fait permanente, est inscrite dans son histoire et dans sa praxis (pratique, technique).
Pour la psychanalyse de l'école de Lacan, la schizophrénie peut être vue, par-delà le rapport au langage, comme un état transitoire, correspondant à l'imprégnation organique de la crise psychotique. C'est alors un élément du parcours psychotique (qui, lui, est recensé comme solvable). La psychose est structure et construction, et, dans la crise ou épisode psychotique, émerge le passage schizophrénique.
Dans la phénoménologie de la psychose, la forclusion (terme de Lacan), ou mise-à-l'écart, est d'abord une nécessité vitale, qui éloigne des dénis initiaux, ceux de l'entourage, autant que celui du sujet. Ensuite, vient ou revient un temps de construction, c'est le propre de cette psychose, jusqu'à l'occurrence de (voire la nécessité de) la crise de folie.
La psychose est complexe, difficile à réguler, et inscrite d'apparents paradoxes. L'accident de la crise serait une tentative d'arrachement radical à ce qui s'est ingéré trop loin, et en l'absence de résolution, dans un emmêlement avec un pan de structure névrotique : celle-ci attenante au milieu. On retrouve cette composante de (pseudo-)névrose, pour les crises ultérieures, dans la narration du mythe propre à l'échafaudage paranoïaque. Ce mécanisme complexe est inhérent à la structure psychotique.
Au creux de la schizophrénie, est une exigence d'innocence, qui se révèle absolument autoritaire. Fabriquée sur des préceptes approximatifs ou faux, assemblés dans le conglomérat d'un schéma global, elle est revendiquée comme applicable à l'autre. La paranoïa provoque le caractère dramatique de toute crise. Passé l'épisode de crise, arrive une nouvelle donne, et la nécessaire construction salvatrice -parce que partielle résolution- peut reprendre.
La schizophrénie s’éloigne de cette capacité de construction qu’a la psychose en tant que structure : elle est repli autant qu'agitation, parfois impasse, possiblement dénouement tant qu'à l'écart du drame. Vis-à-vis de la structure, et même si elle semble inévitable, elle est d’autant plus épiphénomène que le délire lui-même : la construction se fait, pour elle, au nœud de l’imaginaire et du symbolique[78].
D'autres courants de pensée soutiennent que la schizophrénie est seulement une limite du spectre de l'expérience et du comportement, et que tous ceux qui vivent en société peuvent en avoir quelques expériences dans leur vie[79]. C'est le modèle continu de la psychose.
Diagnostic
Le diagnostic d'une schizophrénie repose sur la présence de signes cliniques, établie par une analyse des paroles du patient, de l'observation de son comportement et d'un entretien avec son entourage. Ce diagnostic peut éventuellement être complété par des tests neuropsychologiques. Il n'existe pas de test de dépistage biologique ou d'imagerie médicale permettant d'émettre un diagnostic positif de schizophrénie. La réalisation de bilans complémentaires, notamment somatiques, est indispensable, en particulier au début de la pathologie, afin de poser le diagnostic, mais aussi au cours de l'évolution de la maladie.
Le diagnostic catégoriel de la schizophrénie repose sur le recueil d'une liste de symptômes cliniques qui doivent être réunis pour qu'une personne reçoive le diagnostic de schizophrénie. Ces critères diagnostiques sont souvent ceux des classifications internationales : DSM-IV ou la classification internationale des maladies CIM-10. Ce diagnostic de schizophrénie dépendra à la fois de la présence et de la durée de certains signes ou symptômes. Des éléments subjectifs interviennent et sont dépendants du contexte familial, historique, social et culturel du patient. Par exemple, "la bizarrerie" s'interprète dans le contexte relationnel et le ressenti subjectif du clinicien intervient. Enfin, il est intéressant de noter que ces classifications ne prennent pas en compte (CIM-10) ou très peu (DSM) les troubles cognitifs liés à cette maladie.
Par ailleurs, il peut être nécessaire d'effectuer un diagnostic différentiel car plusieurs des symptômes positifs de la schizophrénie sont communs à d'autres désordres psychiques. Les schizophrénies se différencient des autres psychoses chroniques par le relâchement associatif, la diffluence des processus psychiques et le relâchement de la pensée. Le délire est lui-même souvent flou et mal organisé.[évasif] Pour poser le diagnostic, il importe donc de rechercher les manifestations de la dissociation. À ne pas confondre avec le terme de dissociation qui a été introduit par les classifications anglo-saxonnnes pour tenter de supprimer l'hystérie car la description « objective » de cette dernière pose problème[réf. nécessaire]. Il convient également d'éliminer les causes alternatives : l'exposition à des substances toxiques (ex: l'exposition chronique au cannabis et ses conséquences amotivationnelles…), l'épilepsie, la présence d'une tumeur au cerveau, les troubles endocriniens thyroïdiens, de même que d'autres affections physiques qui provoquent des symptômes apparemment analogues à ceux de la schizophrénie, telles l'hypoglycémie et la maladie de Wilson. Il faut également établir clairement qu'il ne s'agit pas d'un trouble bipolaire ou de toute autre psychose ou syndrome démentiel.
Présentation dans le DSM-IV
Dans la quatrième édition révisée du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV-TR)[80] publié par l'Association Américaine de Psychiatrie (APA) et regroupant l'ensemble des caractéristiques des maladies mentales, les critères pour l'établissement d'un diagnostic de schizophrénie sont répartis en trois points :
- Symptômes caractéristiques : ces symptômes peuvent être présents de façon isolée ou associée. Les troubles cognitifs sont souvent les premiers symptômes qui apparaissent chez la personne atteinte de schizophrénie. Ils sont appelés symptômes annonciateurs. Ce sont ces troubles qui entraînent les difficultés de socialisation chez une personne atteinte. Alors qu’ils se présentent en premier, ces symptômes annonciateurs persisteront plus longtemps que les symptômes aigus :
- Troubles d’attention, de concentration, manque de tolérance à l’effort : la personne atteinte prend du temps à répondre aux questions, à réagir aux situations demandant une réponse rapide ; il n’est plus capable de suivre ses cours, de se concentrer sur un film, etc.
- Troubles de mémoire : la personne atteinte de schizophrénie oublie de faire des tâches de la vie quotidienne (faire ses devoirs, aller à ses rendez-vous), a de la difficulté à raconter ce qu’il lit, à se rappeler ce que les autres disent ou à suivre une conversation. Sa mémoire autobiographique est affectée : il oublie plusieurs moments de son histoire personnelle. Sa mémoire de travail fonctionne plus difficilement : il est incapable d'effectuer plusieurs tâches en même temps en se souvenant où il en est dans chacune d’elles.
- Troubles des fonctions exécutives : les fonctions exécutives sont essentielles à tout comportement dirigé, autonome et adapté, comme préparer un repas. La personne atteinte a de la difficulté à conceptualiser les gestes nécessaires à la réalisation d’une tâche, à anticiper les conséquences ; il manque de planification, d’organisation des séquences d’actions pour réaliser un but et manque également de flexibilité, de discernement, de vérification, d’autocritique.
- Les symptômes aigus ou positifs se manifestent habituellement au début de l’âge adulte, entre 17 et 23 ans chez les hommes et entre 21 et 27 ans chez les femmes. Ils sont dits « positifs » parce qu’il s’agit de manifestations qui s’ajoutent aux fonctions mentales normales. C’est leur présence qui est anormale :
- Hallucinations : ce sont des perturbations des perceptions le plus souvent auditives (la personne atteinte de schizophrénie entend une voix qui fait des commentaires ou profère des insultes, des menaces), mais parfois aussi visuelles, olfactives ou tactiles.
- Délires : ce sont des erreurs de jugement logique. La personne atteinte s’imagine que la personne qui le regarde dans l’autobus ou qui le croise dans la rue est là pour l’espionner ; il se sent surveillé, persécuté, en danger ou croit que la télévision lui envoie des messages ; il est convaincu d’avoir le pouvoir d’influencer les évènements dans le monde, d'être contrôlé par une force extérieure, ou que d'autres individus puissent lire dans ses pensées, etc.
- Langage incohérent et agissements bizarres : la personne atteinte peut dire des phrases sans suite ou incompréhensibles et inventer des mots. Des agissements bizarres peuvent également être perçus, par exemple fermer les stores de la maison par crainte d’être espionné ; collectionner des bouteilles d’eau vides etc.
- Les symptômes déficitaires, dits négatifs, s’observent par un manque ou une absence de comportements spontanés, attendus :
- Isolement, retrait social : la personne atteinte de schizophrénie perd plaisir à ses activités de loisirs. Il délaisse ses amis, se retire dans sa chambre, devient même irritable si un individu tente de l’approcher. Il se coupe peu à peu de la réalité.
- Alogie ou difficulté de conversation : la personne atteinte ne trouve plus ses mots, donne des réponses brèves et évasives et ne réussit plus à communiquer ses idées ou ses émotions.
- Apathie, perte d’énergie : la personne atteinte passe ses journées devant la télé sans vraiment être capable de suivre ce qu'il s’y passe, il néglige son hygiène ou son apparence personnelle et manque de persistance ou d’intérêt pour commencer ou achever des tâches routinières (études, travail, ménage). Cette attitude donne une impression d’insouciance, de négligence, de manque de volonté et de paresse.
- Diminution de l’expression d’émotions : le visage de la personne atteinte devient inexpressif, ses inflexions vocales diminuent (il parle toujours sur le même ton), ses mouvements sont moins spontanés, ses gestes, moins démonstratifs.
- Dysfonctions sociales ou d'occupation professionnelle : pendant une durée significative depuis le commencement des troubles, l’un des domaines liés aux relations sociales comme l’activité professionnelle, les relations interpersonnelles ou l’hygiène, sont nettement réduites par rapport à la situation antérieure.
- Durée : les signes continus du trouble persistent pendant au moins six mois : cette période doit inclure au moins un mois de symptômes (ou moins en cas de traitement réussi) correspondant aux critères de type A. Lorsque les symptômes délirants sont apparus massivement et de manière brutale, et qu'ils durent en moyenne moins d'un mois, les anglo-saxons parlent de schizophrénie aigüe quand les francophones parlent de bouffée délirante.
Classification des formes
Plusieurs formes assez polymorphes, voire imbriquées de schizophrénie peuvent être distinguées :
- La schizophrénie simple. Les symptômes négatifs sont au premier plan : appauvrissement des relations socio-professionnelles, tendance à l’isolement et au repli autistique dans un monde intérieur. Il y a peu ou pas de symptômes délirants. Cette forme évolue lentement mais très souvent vers un déficit de plus en plus marqué.
- La schizophrénie paranoïde. C’est la forme la plus fréquente de schizophrénie. Le délire et les hallucinations dominent le tableau clinique et le sujet répond le plus souvent aux traitements antipsychotiques.
- La schizophrénie hébéphrénique. La dissociation de l’unité psychique du sujet est prédominante. C’est la forme la plus résistante aux thérapeutiques. Cette forme de schizophrénie touche principalement les adolescents.
- La schizophrénie catatonique. Le patient est comme figé physiquement et conserve les attitudes qui lui sont imposées, comme une poupée de cire. Il est enfermé dans un mutisme ou répète toujours les mêmes phrases. Actuellement, cette forme se traite et est donc rarement définitive.
- La schizophrénie dysthymique (troubles schizo-affectifs). Les accès aigus ont la particularité d’être accompagnés de symptômes dépressifs, avec risque suicidaire, ou au contraire de symptômes maniaques. Ces formes répondent au moins en partie aux traitements par thymorégulateurs (comme le lithium).
- La schizophrénie pseudonévrotique. Elle associe des symptômes de schizophrénie et des symptômes importants de névrose (hystérique, phobique, anxieuse ou obsessionnelle).
- La schizophrénie pseudo-psychopathique ou « héboïdophrénique ». Cet état est considéré comme un trouble à caractère pré-schizophrénique où l'adolescent a des comportements d'opposition importants envers son entourage en présence de troubles de la pensée, phases délirantes et impulsivité. Il coexiste alors des passages à l’acte très violents et des symptômes dissociatifs comme une grande froideur affective.
Le DSM-IV-TR propose, lui, une classification de la schizophrénie en cinq types :
- Type paranoïde : voir ci-dessus
- Type catatonique : voir ci-dessus
- Type désorganisé : le discours désorganisé, les comportements désorganisés et l'affect abrasé ou inapproprié prennent toute la place du tableau clinique. Grande incidence familiale avec un pronostic peu favorable.
- Type indifférencié : les symptômes clés de la schizophrénie sont présents et les critères généraux sont atteints sans rentrer dans un type particulier (paranoïde, catatonie, désorganisée).
- Type résiduel : l'absence de symptômes positifs actifs (hallucination, délire, comportement et discours désorganisé) est caractéristique ainsi que la présence de certains éléments atténués (croyances étranges) ou de symptômes négatifs (apathie, isolement social, perte de plaisir et d'intérêt, etc.).
Prévention
Il n'y a, pour l'instant, pas de prévention connue de la schizophrénie. Les interventions précoces (avant l'apparition des symptômes), à la suite d'une crise psychotique, n'ont jamais révélé d'effets concluants sur le développement de la maladie à long terme[81],[11]. Essayer de prévenir le développement de la maladie chez les personnes présentant un risque important ne serait pas conseillé[82]. Le développement d'une prévention de la schizophrénie est difficile, car il est freiné par l'absence de marqueurs cliniques ou biologiques fiables quant à l'apparition future de cette pathologie[83].
Traitements
L’un des premiers traitements de la schizophrénie a été la lobotomie frontale (isolation chirurgicale des lobe frontaux) qui permettait de réduire les hallucinations et les délires mais réduisait les personnes ainsi traitées en véritables épaves humaines.
Médicaments
Les neuroleptiques typiques et atypiques, dénommés récemment, pour des raisons essentiellement commerciales, antipsychotiques sont les principaux médicaments utilisés dans le traitement des schizophrénies ou des troubles voisins. Ils ne guérissent pas la maladie, ils contribuent à la soigner, et en atténuant quelques symptômes. Ils présentent des effets secondaires dont certains sont corrigés par des traitements dits « correcteurs ». Ils sont associés à d'autres psychotropes (anxiolytiques, hypnotiques, antidépresseurs). Les traitements médicamenteux ne sont qu'un aspect généralement indispensable mais jamais suffisant dans des soins complexes. Le traitement est un processus long et difficile.
Une deuxième génération d'antipsychotiques a été développée, il s'agit d'antagonistes à la dopamine et à la sérotonine (S. D. A.) ayant une action plus ciblée (moins d'effets secondaires). Au niveau méso-limbique, ils bloquent les récepteurs D2 (à dopamine, il y a donc une diminution des syndromes positifs. Au niveau méso-cortical, ils bloquent la production de sérotonine, ce qui déclenche la production de dopamine (déficiente à ce niveau), les symptômes négatifs disparaissent. Cette deuxième génération de neuroleptiques existe sous forme de comprimés ou d'injections à effectuer à des intervalles précis.
Le soin par injection -intramusculaire- assurerait une meilleure stabilité psychique au patient que la contrainte d'une prise quotidienne de comprimés : en effet le produit est libéré progressivement sans que le patient n'ait (plus) à s'en soucier et le risque d'arrêt total du soin médicamenteux - même pour une période supposée temporaire - disparait. Il existe, alternativement, la possibilité de poursuivre le soin médicamenteux avec usage de produit en gouttes, ce qui permet au soigné comme au soignant de déplacer le risque qui réside dans la réfraction - le refus de traitement - au bénéfice d'un pacte conjoint de soin, pour mettre en place une réelle qualité de vie personnelle et sociale.
Il est primordial pour une efficience du soin, que le patient ait la volonté d'être pris en charge et accepte sa médication et son mode d'administration. Le suivi du trouble schizophrénique associé à une psychose se fait sur la durée, et suppose d'éviter la venue de réfraction. Pour toutes ces raisons, l'injection ne peut être imposée en 'ambulatoire'.
Formes résistantes au traitement
La classe de neuroleptique peut être changée (un classique pour un atypique et vice et versa). En troisième intention (c'est-à-dire après l'utilisation d'au moins deux antipsychotiques différents), le traitement peut inclure la clozapine, un puissant neuroleptique, mais aussi le plus difficile à mettre en route car il a des effets secondaires graves comme l'agranulocytose. En France, il a ainsi une délivrance limitée à la semaine pendant les dix-huit premières semaines (après contrôle de la numération leucocytaire), puis tous les mois tant que dure le traitement, et demande une augmentation des doses très progressive.
L'utilisation de l'électroconvulsothérapie (ECT) ou sismothérapie -électrochocs- peut être utilisée en synergie[84] avec les neuroleptiques et potentialise leur action, et ce en particulier avec la clozapine au cours des schizophrénies résistantes. Les principaux effets secondaires sont des pertes transitoires de la mémoire. La stimulation magnétique transcranienne, effectuée de manière répétée, pourrait permettre de diminuer certains symptômes du schizophrène.[réf. nécessaire] Son utilisation n'est pas une pratique courante et il n'existe aucun consensus sur ce traitement.
Interaction
Il peut y avoir un interaction entre l'alcool et les neuroleptiques. L'alcool peut agir de manière néfaste dans le cadre de la guérison du patient s'il est consommé de manière régulière. Le mélange des deux peut provoquer un effet, nommé effet antabuse. L'alcool intervient alors comme inhibiteur du métabolisme du médicament. Chaque médicament agit différemment avec l'alcool, du fait de la combinaison chimique différente de chaque substance. Il est néanmoins prouvé que l'alcool et les médicaments peuvent provoquer chez le patient des troubles psychologiques voire psychotiques du fait de la combinaison des deux. Cela aggravant donc l'état du patient et sa stabilité dans le cadre de sa guérison. L'alcool est donc fortement déconseillé avec une prise de médicaments et pour ceux dont les symptômes ne se résoudraient qu'avec ces derniers.
Prises en charge
Psychothérapies
À la suite d'Eugen Bleuler, Carl Gustav Jung, son élève et temporaire compagnon de route de la psychanalyse, a ouvert la voie du traitement psychothérapeutique de la schizophrénie. Victor Tausk et, plus tard, Paul-Claude Racamier, Gisela Pankow, Harold Searles, Marguerite Sechehaye et son fameux Journal d'une schizophrène, Christian Müller, Salomon Resnik, Herbert Rosenfeld, Wilfred Bion et Frieda Fromm-Reichmann se sont intéressés tant aux traitements qu'à la théorie psychanalytique des schizophrénies. Dite réfractaire au transfert, la schizophrénie s'est pourtant révélée accessible à un travail psychanalytique. Il s'opère conjointement à un suivi médicamenteux (les écoles Canadiennes nomment cette autre nécessité comme le "tiers social") et recentre le sujet sur une indispensable psychose structurante (construction dans le langage) à l'écart du trouble organique d'abord omnipotent, avant de poursuivre une réadaptation de la personne jusqu'à l'intégrité, dans la fin de la psychanalyse (école de Lacan). L'analyse a lieu dans un cadre institutionnel ou le plus souvent en cabinet privé.
Remédiation cognitive
La remédiation cognitive[85] est une technique qui s'apparente aux méthodes thérapeutiques rééducatives. Elle est de plus en plus employée dans le traitement de la schizophrénie, en complément de l'association des neuroleptiques et de la psychothérapie. L'utilisation de la remédiation cognitive dans le traitement de la schizophrénie est justifiée par l'efficacité seulement partielle des autres traitements employés. Les symptômes négatifs, la désorganisation, les troubles attentionnels et mnésiques et certains symptômes positifs résistent fréquemment à ces traitements. De plus, des troubles attentionnels, amnésiques et exécutifs persistent souvent, même lorsque les symptômes positifs et négatifs se sont amendés sous l'effet du traitement neuroleptique. Or ces troubles sont à l'origine d'un handicap résiduel, gênant pour le patient qui en souffre.
En pratique, toutes les formes de remédiation cognitive employées, visent à agir sur des processus altérés, de manière à rendre les patients plus efficients dans la réalisation de certaines tâches. Cette intervention peut être réalisée de deux manières : soit en agissant directement sur les processus en question, soit en tentant de développer des compétences alternatives. L'objectif est de permettre au sujet de pouvoir traiter plus efficacement des situations élémentaires artificielles, ce qui pourra avoir un impact sur sa capacité à affronter les situations concrètes de sa vie quotidienne.
L'efficacité de plusieurs programmes (IPT, RECOS, CRT et REHA-COM) a été validée dans la schizophrénie. Chacun d'entre eux répond à des indications spécifiques. Le choix d'un programme dépend à la fois des déficits cognitifs du patient, de son profil clinique et des objectifs de réinsertion qui ont été définis avec lui.
Réadaptation psycho-sociale
La littérature anglo-saxonne utilise généralement le terme de « rehabilitation » pour faire référence au processus permettant à un individu de retrouver une fonction ou de pallier un déficit. Le terme français de « réadaptation » en est la traduction et convient donc pour désigner ce processus d'entraînement d'habiletés pour que la personne souffrant d'une maladie mentale collabore à des méthodes d'apprentissage en vue de développer ses capacités, assumer ses responsabilités dans la vie et fonctionner de façon aussi active et autonome que possible dans la société. Une littérature francophone utilise parfois dans ce même sens l'anglicisme « réhabilitation ». Toutefois, Le dictionnaire Petit Robert précise bien que la réhabilitation réfère plutôt à « rétablir dans ses droits […] dans l'estime publique, dans la considération d'autrui » ce qui est en fait l'objectif recherché par le processus de la réadaptation : avec un travail de réadaptation, le patient peut aspirer à la réhabilitation et au rétablissement.
Épidémiologie
L’incidence de la schizophrénie semble équivalente à travers le globe et ne semble pas avoir évolué durant le dernier demi-siècle[86]. La schizophrénie affecterait 0,3-0,7% de la population, à un moment donné de la vie[11]. En 2011 elle touchait 24 millions de personnes à travers le monde)[87]. Chaque année, une personne sur 10 000, âgée de 12 à 60 ans, développe cette pathologie. Elle touche plus fréquemment les hommes que les femmes (1,4 fois plus environ).
En France, 500 000 personnes sont concernées et 300 000 sont prises en charge[88], ce qui en fait un des troubles psychiatriques les plus importants de l'hexagone.
Le pic de déclaration de la maladie se situe entre 20 et 28 ans chez l’homme et entre 26 et 32 ans chez la femme[89]. Le développement d’une schizophrénie durant l’enfance est beaucoup plus rare que durant la vie adulte[90].
Paradoxalement, la schizophrénie semble avoir une prévalence hétérogène au niveau des cultures, des pays, des régions et parfois des villes. Néanmoins, il semble y avoir des variations d’estimation dues à la subjectivité de sa définition et de son diagnostic[11].
En général, l’âge moyen d’une admission pour schizophrénie se situe entre 25 et 35 ans. Des études ont montré que les personnes à faibles revenus avaient tendance à être diagnostiquées plus tardivement que celles aux revenus plus élevés. Elles sont donc plus susceptibles de vivre sans recevoir de traitement adapté[86].
Histoire
La littérature des civilisations grecque et romaine fait allusion à la schizophrénie sans indiquer comment elle était traitée, ou perçue.
Historiquement, le psychiatre Emil Kraepelin est le premier, en 1898, à faire la distinction entre la démence précoce décrite cinquante ans avant lui par Bénédict Augustin Morel, et les autres formes de folie. En 1911, elle est renommée schizophrénie par le psychiatre Eugen Bleuler, description plus adéquate de la maladie que la désignation de Kraepelin.
Ainsi, en 1898 Emil Kraepelin, parlant de la démence précoce, l'ancêtre théorique de la schizophrénie, lui trouve trois variations :
- l'hébéphrénie (hébé = adolescence, phrên = esprit) : qualifie une intense désagrégation de la personnalité ;
- la catatonie : la forme la plus grave ;
- la forme paranoïde : la forme la moins grave, s'appuyant sur des hallucinations.
En 1911, Eugen Bleuler utilise le terme de schizophrénie, et met en avant cinq symptômes :
- le trouble de l'association des idées ;
- le trouble de l'affectivité ;
- la perte de contact avec la réalité ;
- l'autisme (dans le sens du repli autistique) ;
- le syndrome dissociatif.
En 1919, le psychanalyste Victor Tausk est le premier à élaborer une théorique psychanalytique sur la schizophrénie[91]. Puis, en 1950 la psychanalyste suisse Marguerite Sechehaye est l'une des premières à adapter la technique freudienne pour traiter une patiente schizophrène, Renée[92].
En 1952, le Largactil est le premier médicament à agir efficacement sur plusieurs des symptômes de la schizophrénie. Découvert par Laborit, Jean Delay et Pierre Deniker, il s'agit du premier neuroleptique, ce qui marqua un tournant dans l'histoire du traitement de la schizophrénie et des autres psychoses, comme premier succès de la psychopharmacologie. En 1958 l'halopéridol est inventé en Belgique. Il se montre plus efficace et surtout moins sédatif que le Largactil. L'introduction des neuroleptiques s'est étalée sur plusieurs années - voire décennies - car elle suscitait de nombreuses et farouches résistances chez certains psychiatres, entre autres Henri Baruk et Henri Ey en France[93].
En 1956, Gregory Bateson, Donald D. Jackson, Jay Haley et John Weakland publient leur article commun Vers une théorie de la schizophrénie qui introduit le concept de « double contrainte » ou « injonction paradoxale » (double bind). Le rôle du contexte dans l'apparition de la schizophrénie ne vient pas s'opposer aux autres causes possibles, et il est précisé un peu plus tard en ces termes : "Là où prédomine la double contrainte comme modèle de communication, si l'attention diagnostique se concentre sur l'individu ouvertement le plus malade, il est constaté que le comportement de cet individu répond aux critères de la schizophrénie. C'est en ce sens seulement qui puisse être accordé à la double contrainte une valeur étiologique[94]."
Société
Une récente étude de l'implication des familles dans le traitement et la prise en charge de la schizophrénie, du retard mental, de la dépression, de la dépendance alcoolique et des troubles infantiles du comportement, paraît amplement justifiée. Des essais contrôlés seront encore nécessaires pour déterminer plus clairement le rôle de la famille dans le traitement d'autres affections, mais il apparaît déjà que les patients vivant avec leurs proches ont de meilleures chances de guérison que ceux qui sont en institution. Toutefois, un grand nombre d'études internationales font ressortir une étroite relation entre le débordement émotionnel chez les membres d'une famille et l'augmentation du taux de récidive chez les patients qui vivent avec eux. En modifiant l'atmosphère émotionnelle du foyer, ce taux peut être réduit (Leff & Gamble, 1995 ; Dixon et al., 2000). Une étude de l'OMS[95] a montré que les patients hospitalisés dans des centres psychiatriques pour schizophrénie dans les pays pauvres avaient plus de chance de guérison que dans les pays occidentaux. Car sous-équipés en médicament moderne, en personnel, et en lits disponibles, les psychiatres sont encouragés à réhabiliter dans les familles les personnes atteintes de schizophrénie. Une des explications est que dans les sociétés traditionnelles la schizophrénie est perçue comme une manifestation mystique, provoquée par des forces surnaturelles, loin d'être aussi stigmatisante qu'en Occident. Aussi, les sociétés traditionnelles seraient plus enclines à réintégrer et à resocialiser le patient, que les sociétés occidentales, elles aussi imprégnées d'idées reçues plus marquées par l'individualisme.
Lien avec la criminalité
Le sujet est particulièrement sensible du fait de la forte médiatisation dans les années 2000 des homicides commis par des sujets souffrant de schizophrénie. Il existe néanmoins des études sérieuses faites sur le sujet, particulièrement sur la population suédoise grâce à l’existence de registres bien documentés en matière de santé et de criminalité.
La Suède possède plusieurs bases de données sur sa population permettant le croisement de données diagnostiques et criminologiques sur plus de trois décennies entre 1973 et 2006 ce qui permet de s’intéresser à la part respective de la schizophrénie et de l’abus de substances toxiques dans la sur-représentation des sujets souffrants de schizophrénie parmi les auteurs de crimes violents. L'interprétation des données montre que cette maladie est corrélée avec la violence criminelle mais que cette corrélation est fortement atténuée si les différentes addictions associées sont prises en compte[96]. D'après le même registre et sur 13 ans[97], 45 crimes ont été commis pour 1 000 habitants dont 2,4 sont attribuables aux sujets souffrants de schizophrénie ou autres psychoses, soit 5 %. Ces conclusions sont retrouvées dans d'autres études[98],[99]: le risque de violence chez les personnes atteintes de toxicomanie (mais sans psychose) est similaire à ceux des individus souffrant de psychose avec toxicomanie. Le risque est plus important pour les sujets souffrant de toxicomanie que pour les sujets souffrant de psychoses, indépendamment de la comorbidité. Les personnes souffrant de schizophrénie développent ainsi fréquemment une dépendance à une substance psychotrope (autour de 30 %), ce qui peut les pousser plus facilement vers la criminalité[100].
Le risque de passage à l'acte criminel est donc réel mais semble essentiellement en rapport avec une toxicomanie associée et équivalent à celui du toxicomane non atteint de schizophrénie.
Idées reçues
- Le terme « schizophrénie », introduit initialement par Bleuler, signifie littéralement « esprit coupé », ou clivage. Associée à la fréquente représentation dans le cinéma anglo-saxon de personnages présentant des personnalités multiples, cette étymologie peut générer une confusion dans le grand public entre schizophrénie et trouble dissociatif avec personnalités multiples.
- La structuration psychotique est parsemée de moments de crise, qui sont aussi des passages par la schizophrénie. Dans une généralisation, une confusion est établie entre la psychose du sujet avec un soi-dit état permanent de schizophrénie. La schizophrénie est pointée à tort comme réfractaire à la thérapie analytique (conjointement, bien sûr, au suivi médical).
- La schizophrénie n'est pas une maladie génétique, mais la conséquence physiologique d'un dysfonctionnement établi durant la crise psychotique. Certains gènes dit « marqueurs de susceptibilité » sont étudiés pour leur lien avec le développement d'une schizophrénie. Dans l'état actuel des recherches, aucun gène ne provoque à lui seul une schizophrénie.
- La schizophrénie est parfois associée au génie artistique, sans pourtant qu'il soit constaté une plus grande proportion d'artistes chez les personnes atteintes de schizophrénie que chez l'ensemble de la population.
Personnalités
Il existe plusieurs personnalités atteintes de schizophrénie. Les diagnostics rétrospectifs sont pour le moins sujets à caution. Par exemple, le diagnostic concernant Van Gogh est toujours l'objet de débats. Le lecteur observera la plus grande réserve pour les diagnostics sans références fiables et cherchera à recouper cette information avec d'autres sources avant de l'utiliser.
- John Forbes Nash Jr, grand mathématicien, prix Nobel de science économique[réf. nécessaire];
- Syd Barrett, fondateur du groupe de rock psychédélique Pink Floyd, dont la schizophrénie a été accentuée par la consommation de LSD à la fin des années 1960[101] ;
- Peter Green, musicien, membre fondateur du groupe Fleetwood Mac[102] ;
- Vincent van Gogh, peintre et dessinateur hollandais de la deuxième moitié du XIXe siècle, voir les Lettres à son frère Théo, même si ce diagnostic a souvent été contesté[103] ;
- Bobby Fischer, champion du Monde d'Echecs 1972[104] ;
- Robert Schumann, compositeur allemand de la période du romantisme[105] ;
- Émile Nelligan, poète québécois disciple du symbolisme (art) et du romantisme, il a apporté une contribution considérable à la poésie québécoise.
- Hugo Wolf, compositeur austro-slovène[105] ;
- Roberto Succo, tueur en série[106] ;
- Zelda Sayre Fitzgerald, peintre et écrivaine américaine, mariée à Francis Scott Fitzgerald. Sa maladie inspira à son mari le personnage de Nicole Diver dans Tendre est la nuit[107] ;
- Antonin Artaud, poète, romancier, acteur, dessinateur, dramaturge et théoricien français du théâtre ;
- Unica Zürn, poète, dessinatrice et amante d'Hans Bellmer
- Lionel Aldridge, joueur de football pour les Packers de Green Bay
- Edvard Munch[réf. nécessaire], peintre
- David Helfgott[réf. nécessaire], pianiste
- Philip K. Dick, auteur de science fiction[réf. nécessaire].
- Jean-Jacques Rousseau, philosophe[108]
Notes et références
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- Brown S, Barraclough B, Inskip H, « Causes of the excess mortality of schizophrenia », dans British Journal of Psychiatry, vol. 177, 2000, p. 212–7 [lien PMID, lien DOI]
- Palmer BA, Pankratz VS, Bostwick JM, « The lifetime risk of suicide in schizophrenia: a reexamination », dans Archives of General Psychiatry, vol. 62, no 3, mars 2005, p. 247–53 [lien PMID, lien DOI]
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Annexes
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- Victor Tausk, De la genèse de l'appareil à influencer au cours de la schizophrénie, in Œuvres psychanalytiques, Payot-Rivages, 2000, Texte d'origine allemande traduit par un collectif, (ISBN 2-2288-9284-X) Résumé en anglais : On the Origin of the ‘Influencing Machine’ in Schizophrenia.
- Paul-Claude Racamier, Les Schizophrènes, Paris, Payot, coll. Petite Bibliothèque Payot, 2001, (ISBN 2-2288-9427-3).
- Harry Stack Sullivan, La Schizophrénie, un processus humain, Éd.: Erès, 1998, (ISBN 2-8658-6574-6)
- Frieda Fromm-Reichmann, Principes de psychothérapie intensive, ERES, 1999, (ISBN 2-8658-6752-8) (Une réflexion sur la psychothérapie institutionnelle)
- Herbert Rosenfeld, États psychotiques, PUF 1976, (OCLC 301608712)
- Wilfred Bion, Réflexion faite, PUF, 1983 (ISBN 2-1303-7604-5)
- Christian Müller, Études sur la psychothérapie des psychoses, Éd.: L'Harmattan, 1999, (ISBN 2-7384-7005-X)
- Marguerite Sechehaye, Journal d'une schizophrène, Presses Universitaires de France, 2003, 11e édition, (ISBN 2-1305-3795-2)
- Gisela Pankow, L'être-là du schizophrène, Éd.: Flammarion, Col.: Champs sciences N°708, 2006, (ISBN 2-0808-0158-9)
- Jean Besson, Traitement psychothérapique d'une jeune schizophrène, Collection Psychanalyse et civilisations, éditions L'Harmattan, 1995, (ISBN 2-7384-3937-3)
- Jean Besson, Laura Schizophrène, Contrepoint théorique, Collection Études psychanalytiques, éditions L'Harmattan, 2004, (ISBN 2-7475-6312-X)
Filmographie
Ces films ont pour thème la schizophrénie, ou mettent en scène un personnage schizophrène. Ce trouble est souvent confondu, de par son étymologie, avec le trouble dissociatif de l'identité dans la culture populaire (pour les films sur ce sujet, consulter la filmographie de l'article).
- Berlin Calling, de Hannes Stöhr avec Paul Kalkbrenner.
- Clean, Shaven de Lodge Kerrigan avec Peter Greene
- La Fosse aux serpents, d’Anatole Litvak (The Snake Pit, 1948).
- Un Homme d'exception, adapté de la biographie éponyme de John Forbes Nash, de Ron Howard avec Russell Crowe, Ed Harris, Jennifer Connelly.
- People Say I'm Crazy, de John Cadigan, schizophrène, qui filme sa propre vie (lien (en))
- Psychose, d'Alfred Hitchcock avec Anthony Perkins.
- Répulsion de Roman Polanski avec Catherine Deneuve.
- Shine, de Scott Hicks.
- Spider, de David Cronenberg.
- Une Vie Française, de Jean-Pierre Sinapi, avec Jacques Gamblin.
Articles connexes
- Enquête de Lausanne
- Langage de rêve, d'Emil Kraepelin
- Psychothérapie des psychoses
- Autisme en psychopathologie
Liens externes
- Société québécoise de la schizophrénie
- Catégorie Schizophrénie de l’annuaire dmoz
- Annuaire de sites francophone sur la schizophénie sur le site du CISMEF CHU de Rouen
- Guide à l'intention des familles sur le site de l'Agence de la santé publique du Canada
- [PDF] Guide de la Haute autorité de santé de la France
Catégories :- Schizophrénie, troubles schizotypiques et troubles délirants
- Psychose
- Symptômes caractéristiques : ces symptômes peuvent être présents de façon isolée ou associée. Les troubles cognitifs sont souvent les premiers symptômes qui apparaissent chez la personne atteinte de schizophrénie. Ils sont appelés symptômes annonciateurs. Ce sont ces troubles qui entraînent les difficultés de socialisation chez une personne atteinte. Alors qu’ils se présentent en premier, ces symptômes annonciateurs persisteront plus longtemps que les symptômes aigus :
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