Président de la République par intérim

Président de la République par intérim

Intérim (droit constitutionnel)

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En droit constitutionnel, l'intérim est une disposition généralement prévue par la constitution pour organiser les cas de vacance, d'empêchement ou d'absence temporaire d'un dirigeant (notamment un chef d'État), dans l'attente de son retour ou de la désignation d'un nouveau titulaire. À ce titre, l'intérim peut être considéré comme l'équivalent républicain de la régence.

Sommaire

L'intérim du président de la République

France France

L'intérim du président de la République est prévu à l'alinéa 4 de l'article 7 de la Constitution de la Cinquième République. Si le terme "intérim" n'y figure pas, ses causes sont cependant indiquées. Ainsi, en cas d'empêchement ou de vacance, les fonctions du président sont exercées provisoirement par le président du Sénat. Selon le fait générateur et l'évolution de la situation (le cas échéant), l'intérim du président prend fin, soit lorsque l'ancien président reprend ses fonctions, soit lorsque le nouveau président élu entre en fonction. En cas d'empêchement du président du Sénat, c'est le gouvernement qui exerce collégialement l'intérim présidentiel.

Caractéristiques de l'intérim

Le choix de l'intérimaire. Il peut surprendre car il aurait pu porter sur quatre autres organes : le Premier ministre, comme le prévoyait le projet référendaire du général de Gaulle en 1969[1]; le président de l'Assemblée nationale comme l'avait finalement retenu la constitution de la quatrième République (art. 41); un vice-président, comme il avait été prévu en 1848 mais dont la création dans un régime parlementaire aurait semblé nettement anachronique[2]; le Conseil des ministres, comme le prévoyait la constitution de la troisième République (art. 7) et comme cela fut envisagé initialement en 1958[3]. C'est finalement la solution du président du Sénat qui fut définitivement retenue dans le projet constitutionnel à partir de juin 1958, pour faire prévaloir notamment la continuité de la fonction présidentielle sur la logique de succession[4]. En effet, il n'était pas interdit de penser que l'intérim pouvait intervenir à un moment où l'Assemblée nationale pouvait avoir été dissoute et, par ailleurs, le Premier ministre apparaissait comme trop impliqué politiquement par la succession du président. C'est ce qui justifie à la fois le choix du président du Sénat et celui du Gouvernement (à défaut);

Un président intérimaire restreint. Compte tenu que le Sénat est plus en retrait dans la vie politique française, son président apparaissait comme devant avoir toutes les qualités de neutralité nécessaires à l'homme de transition qu'est le président par intérim. C'est aussi ce qui explique les restrictions apportées aux prérogatives du président intérimaire qui ne peut user des articles 11 (référendum législatif) et 12 (dissolution). En outre, sont neutralisés les articles 49 et 50 (responsabilité du Gouvernement), et 89 (révision constitutionnelle) lorsque l'intérim intervient à la suite d'un empêchement définitif (art. 7 al. 11). Ces dernières restrictions sont surtout la conséquence de l'exercice possible de l'intérim par le Gouvernement, de sorte que certains se demandent si elles ne s'imposeraient pas, de facto, même en cas d'empêchement provisoire[5]. Dans la pratique ces garde-fous s'ajoutent au fait que l'article 7 prévoit que, s'il y a lieu, une nouvelle élection présidentielle doit intervenir dans un délais maximum de trente cinq jours. C'est donc seulement en cas de force majeure (art. 7 al. 5) ou d'empêchement provisoire prolongé que l'intérim pourrait risquer de durer. Dans cette optique et en cas de crise, le président intérimaire pourrait parfaitement user des pouvoirs exceptionnels au titre de l'article 16. Rien ne s'oppose non plus à ce que le président intérimaire nomme un nouveau Premier ministre et le Gouvernement au cas où celui-ci viendrait à démissionner. Cependant, on pouvait penser que le président intérimaire devait rester en dehors de l'arène politique. Pourtant, le président Alain Poher, lors du premier intérim qu'il assura, malgré les engagements qu'il avait pris, ne s'est pas estimé tenu d'abandonner sa fonction lorsqu'il fit acte de candidature à l'élection présidentielle de 1969 contre Georges Pompidou (notamment)[6]. Malgré ce précédent, cetains estiment que la question reste à trancher[7].

L'intérim est à distinguer de la suppléance. L'article 21 de la constitution de la V° République prévoit que le Premier ministre peut suppléer le président de la République dans la présidence des conseils et des comités prévus par l'article 15 (art. 21 al. 3). Il prévoit surtout, qu'à titre exceptionnel, il peut, sur délégation, sur un ordre du jour déterminé, le suppléer pour présider le Conseil des ministres (art. 21 al. 4). Cette faculté a déjà joué au profit de cinq Premier ministres dans diverses circonstances majoritairement liées à l'état de santé du président.

Pratique de l'intérim depuis 1875

Nom de l'organe intérimaire Régime, circonstances Durée de l'intérim
Sous la V° République
Alain Poher, président du Sénat Décès du président Pompidou 2 avril au 24 mai 1974
Alain Poher, président du Sénat Démission du général de Gaulle 28 avril au 19 juin 1969
Sous la IV° République
néant Le président René Coty démissionna le 8 janvier 1959, lors de l'entrée en fonction du général de Gaulle élu le 2 décembre 1958 -
Sous la III° République
Conseil des ministres formé du Gouvernement André Tardieu Assassinat du président Paul Doumer 7 mai au 10 mai 1932
Conseil des ministres formé du Gouvernement Frédéric François-Marsal Démission du président Alexandre Millerand 11 juin au 13 juin 1924
Conseil des ministres formé du Gouvernement Alexandre Millerand Démission du président Paul Deschanel 21 septembre au 23 septembre 1920
Conseil des ministres formé du Gouvernement Charles Dupuy Décès du président Félix Faure 16 février au 18 février 1899
Conseil des ministres formé du Gouvernement Charles Dupuy Démission du président Jean Casimir-Perier 16 janvier au 17 janvier 1895
Conseil des ministres formé du Gouvernement Charles Dupuy Assassinat du président Sadi Carnot 25 juin au 27 juin 1894
Conseil des ministres formé du Gouvernement Maurice Rouvier Démission du président Jules Grévy 2 décembre au 3 décembre 1887
Conseil des ministres formé du Gouvernement Jules Dufaure Démission du président Mac-Mahon 30 janvier 1879

Autres pays

Mexique Mexique

Flag of Chechen Republic since 2004.svg Tchétchénie

Flag of Togo.svg Togo

L'intérim du Premier ministre ou d'un ministre

France France

En cas d'empêchement du Premier ministre ou d'un ministre, le Président de la République désigne un intérimaire pour agir à la place de l'autorité empêchée. En pratique, le dispositif a surtout pour fonction de régler la délégation de signatures lors de l'empêchement provisoire du titulaire. En cas d'empêchement définitif, le président de la République nommerait immédiatement un remplaçant s'il s'agit d'un ministre, et un nouveau Gouvernement, s'il s'agit du Premier ministre.

Désignation

Le décret présidentiel qui institue l'intérim est contresigné par le Premier ministre, si ce dernier ne se trouve pas d'ores et déjà empêché. En général, il s'agira de désigner par ordre protocolaire le numéro deux du Gouvernement pour remplacer le Premier ministre. Pour le remplacement d'un ministre et si l'empêchement était prévisible, le titulaire peut suggérer l'un de ses collègues au Premier ministre qui lui-même présentera un nom au président de la République qui en décide seul. Dans cette hypothèse, l'opportunité de l'intérim est toutefois préalablement examinée par le Secrétariat général du gouvernement auquel le ministre prévoyant d'être empêché (par exemple cas d'un déplacement à l'étranger) doit faire parvenir :

  • une note permettant d'apprécier l'opportunité du recours à la procédure de l'intérim (exemple : date, lieu et durée du déplacement, existence de dossiers urgents relevant du département ministériel) ;
  • une note dressant, dans l'ordre protocolaire, la liste des membres du gouvernement qui, le cas échéant, seraient en mesure d'assurer l'intérim.

Même si sous la Cinquième République l'habitude s'est prise d'avoir un Chef de Gouvernement sans portefeuille (sauf Raymond Barre de 1976 à 1978), rien n'empêche le Premier ministre d'assurer lui-même l'intérim d'un ministre (Cas de Michel Debré assurant l'intérim du ministre de l'Éducation nationale du 23 décembre 1959 au 15 janvier 1960, de Jacques Chirac assurant en janvier 1988 l'intérim de Édouard Balladur, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, et de Pierre Bérégovoy assurant l'intérim du ministre de la défense en 1993).

Effet de la désignation

La question s'est posée de savoir si le Premier ministre intérimaire était compétent dès sa désignation avant même la parution du décret présidentiel au journal officiel. Le Conseil constitutionnel a répondu par l'affirmative dans sa décision n° 89-264 du 9 janvier 1990 s'agissant de la validité de la loi de programmation relative à l'équipement militaire pour les années 1990-1993 qui était soumise à son appréciation :

« Considérant qu'en conférant, par décret en date du 14 décembre 1989, à M Lionel Jospin, ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, la charge d'assurer l'intérim de M Michel Rocard, Premier ministre, pendant l'absence de ce dernier, le Président de la République a, ainsi que l'y habilite l'article 5 de la Constitution, pris les dispositions nécessaires pour assurer la continuité de l'action gouvernementale ; que, sur le même fondement et pour des motifs analogues, le décret individuel chargeant un ministre de l'intérim du Premier ministre produit effet immédiatement sans attendre sa publication au Journal officiel ; que M Jospin possédait l'intégralité des pouvoirs attachés à la fonction qui lui était confiée à titre intérimaire ; qu'il avait, par suite, compétence pour engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote d'un texte, en application du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution ; »

Pratique de l'intérim du Premier ministre

  • 31 octobre 1992 : Jack Lang, ministre d'État, ministre de l'Éducation nationale et de la Culture, chargé de l'intérim du Premier ministre Pierre Beregovoy ;
  • 14 décembre 1989 : Lionel Jospin, ministre d'État, ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, chargé de l'intérim du Premier ministre Michel Rocard...

Autres pays

Notes et références

  1. Comme l'avait proposé également Paul Bastid en 1946 lors des travaux de la seconde assemblée constituante en vue de la future constitution de la IV° République. En 1958, Etienne Dailly fit la même suggestion lors des travaux préparatoires sur la V° République et déposa même un projet de loi en ce sens en 1974
  2. Toutefois, en 1848, le vice-président, destiné à remplacer le président empêché, n'était pas élu avec le président comme aux États-Unis, mais par l'Assemblée nationale (art. 70)
  3. Jean-Louis Debré, ouvrage référencé ci-après en bibliographie, pp 55 et 62.
  4. J.-L. Debré, op. cit., p 66. Egalement, Th. S. Renoux et M. de Villiers, ouvrage référencé ci-après en bibliographie, p 250
  5. Th. S. Renoux et M. de Villiers, op. cit., p 250
  6. Raymond Barillon et autres, ouvrage référencé ci-après en bibliographie, p 468
  7. Pour des raison d'opportunité, le Premier ministre de l'époque, Maurice Couve de Murville n'a pas souhaité saisir le Conseil constitutionnel de cette question, ibid. Egalement, Th. S. Renoux et M. de Villiers, pour qui « une telle candidature n'est peut être pas une hypothèse inattaquable... politiquement », op. cit., p 251

Voir aussi

Bibliographie

  • Raymond Barillon et autres, Dictionnaire de la constitution, Cujas, 4° édition, 1986
  • Jean-Louis Debré, La constitution de la cinquième République, PUF, 1975
  • Simon-Louis Formery, La constitution commentée article par article, Hachette supérieur, 9° édition, 2005
  • François Luchaire et Gérard Conac, La constitution de la république française, Economica, 1987
  • Thierry S. Renoux et Michel de Villiers, Code constitutionnel, Litec, 1994

Liens externes

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