Ouïghours

Ouïghours
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De jeunes Ouïghours.

Les Ouïghours (littéralement unité, langue ouïghour : ئۇيغۇر; en sinogrammes simplifiés :  ; en sinogrammes traditionnels : 維吾爾 ; en pinyin : Wéiwú'ěr) sont un peuple turcophone et musulman sunnite habitant la région autonome ouïghoure du Xinjiang (ancien Turkestan oriental) en Chine, et Asie centrale. Ils représentent une des cinquante-six nationalités reconnues officiellement par la république populaire de Chine (Wéiwú’ěr zú en pinyin). Ils sont apparentés aux Ouzbeks. Leur langue est le ouïghour.

Sommaire

Lexicologie de l’ethnie et de la langue

Pour l’orthographe de la langue ouïghoure on peut trouver de nombreuses variantes comme « ouïghour », « ouïgour », « ouigour », « ouighour », « uigur » en français, comme « Uyghur », « Uighur », « Uygur », « Uigur », « Wighor », « weiwuer » en anglais. L'orthographe la plus fréquemment utilisée depuis les années 1990 et qui tend à devenir la norme est « ouïghour » en français et « Uyghur » en anglais. Le nom du groupe ethnique et de la langue est prononcé [yjɤyr] et s’écrit « ئۇيغۇر » en ouïghour. L’utilisation de « gh » pour des noms propres qui ont le son [ɤ] (r comme roi) est courante en français. Par exemple : Afghan, Gharb, Maghreb.

Histoire

Avant que les Ouïghours ne se sédentarisent dans la région qui constitue l'actuel Xinjiang, ils furent des nomades vivant en Mongolie. En 744 ils vainquirent les Köktürks et les remplacèrent comme maîtres de Mongolie. Le 20 novembre 762, Bögü, troisième hâkan des Ouïghours, aida l'empereur chinois Tang Suzong à s'emparer de Luoyang, la capitale chinoise. Il se convertit au manichéisme, qui fleurira au Turkestan oriental (dont le nom de Xinjiang ne remonte qu'à sa conquête par la dynastie Mandchoue en 1884) jusque vers la fin du Ier millénaire (voir les magnifiques enluminures trouvées à Qoco [Gaochang] près de Tourfan).

Le christianisme nestorien, qui atteignit la Mongolie et la Chine, fut longtemps présent chez les Ouïghours ; au XIVe siècle, on trouve encore un évêché nestorien à Kachgar, capitale historique du Xinjiang et, en 1289, le khan mongol de Perse (ilkhan) Arghoun envoie le moine ouïghour nestorien Rabban Bar Sauma en ambassade auprès de Philippe IV le Bel et du roi d'Angleterre Édouard Ier avec une missive qui envisageait une attaque conjointe contre les Mamelouks.

La région autonome du Xinjiang

Cette vaste région de Chine, est connue sous divers noms. D’abord son nom officiel : Région autonome du Xinjiang. On l'appelle aussi Turkestan oriental ou encore République islamique du Turkestan oriental.

Pendant 1008 ans, cette région échappa au contrôle chinois, depuis la défaite de l’armée de l’Empire Tang face aux armées musulmanes, composées d’Arabes, de Tibétains et d’Ouïghours près de la rivière Talas au Kazakhstan (en 751 après Jésus-Christ) jusqu’à la conquête mandchoue de 1759. Cette conquête marqua la fin du Royaume ouïghour du Turkestan oriental. L’occupation mandchoue dura jusqu’en 1862 mais ces 63 ans d’occupation furent marqués par 42 révoltes ouïghoures. La dernière révolte, en 1863, chassa les Mandchous et un nouveau royaume indépendant vit le jour. Il fut reconnu par l’Empire ottoman, l’Empire russe et le Royaume Uni. Mais les Britanniques, craignant une expansion russe vers l’Est, persuadèrent la cour mandchoue de reconquérir le pays. Les banques britanniques financèrent la reconquête. L’armée mandchoue sous les ordres du général Zho Zhung Tang attaqua l’Ouïghouristan en 1876. Le Turkestan oriental, rebaptisé Xinjiang (autrefois transcrit Sinkiang), ce qui signifie littéralement en chinois « la nouvelle frontière » (新 xīn « nouveau » et 疆 jiāng « frontière, territoire limitrophe »), fut annexé à l’Empire mandchou des Qing le 18 novembre 1884.

La Chine nationaliste, après le renversement du « dernier Empereur » en 1911, maintint le Xinjiang dans la République de Chine. Les Ouïghours se soulevèrent à nouveau. En 1933 fut proclamée à Kachgar la République islamique du Turkestan oriental. Elle fut écrasée par les Soviétiques. En 1944, nouvelle tentative à Yili, plus au Nord. Celle-là dura 5 années, pendant lesquelles les Ouïghours administrèrent une région semi-autonome tolérée par le Kuomintang. L’expérience prit fin en 1949.

En 1950, un an après la victoire des communistes sur le Kuomintang de Tchang Kaï-chek, l’Ouïghouristan passa sous la domination communiste chinoise, qui perdure depuis. Un nouveau soulèvement ouïghour, en 1954 à Hotan, échoua face à l’armée rouge chinoise.

Cette région est riche en ressources minérales naturelles capitales pour la Chine (elle recèle en particulier les plus importantes réserves de pétrole, de gaz naturel, de charbon et d'uranium de Chine)[1], et constitue également une zone de peuplement han. Cette situation, considérée par une fraction des populations locales ouïghoures comme une colonisation han, demeure aujourd'hui encore une grave source de tensions entre communautés.

La Première République du Turkestan oriental, 1933-1934

Suite à l’écroulement de l’empire chinois en 1911, la province passe sous le contrôle successif de trois seigneurs de guerre chinois exerçant un pouvoir despotique. Après l’assassinat du premier (Yang Zhengxin) en 1928, Jin Shuren lui succède. Ses politiques maladroites sur fond d’ingérences japonaises, britanniques et soviétiques alimentent la multiplication des troubles. Il met un terme au régime d’autonomie dont bénéficiait la principauté de Komul (Hami) dans l’est du Xinjiang. Alors qu’il encourage l’établissement de colons Hans après avoir exproprié des paysans, une révolte des Ouïghours de Komul menée par Khodja Niaz et Yulbar Khan éclate en 1931. Les rebelles sont épaulés par le seigneur de guerre hui, Ma Zhongying, venu en renfort du Gansu voisin. Durant l’hiver 1932-1933, alors que s’activent les réseaux nationalistes souterrains et les différentes factions opposées au pouvoir provincial, les oasis du bassin du Tarim se soulèvent les unes après les autres. Le pouvoir provincial basé à Ürümqi finit par être coupé du sud de la province par les rebelles dounganes alliés aux musulmans turcophones. Dans le sud du Xinjiang, fief traditionaliste anticommuniste, une révolte menée par les émirs de Khotan éclate en 1933.

La première république du Turkestan oriental, ou République islamique du Turkestan oriental (RITO), est fondée en novembre 1933. Parallèlement, Sabit Damollah, proche du courant jadid, qui a activement milité pour rallier les différents foyers insurrectionnels à la RITO, tente de rallier l’est du Xinjiang en propulsant président Khodja Niaz. L’émir de Khotan, Mehmet Emin Bughra, est Premier ministre. Une alliance entre le courant islamique conservateur et les réformistes jadid s’opère. Comme le souligne sa constitution, la RITO est un État islamique fondé sur l’application de la sharia. Cependant, beaucoup des ministres de la RITO sont des personnalités proches du mouvement jadid. Outre assurer sa propre survie, la RITO tente de soustraire le Turkestan oriental à l’occupation chinoise et à l’influence soviétique. Mais le régime, fragile, est mis à bas le 6 février 1934 par la bête noire des autorités provinciales, Ma Zhongying, retourné par les Soviétiques contre la RITO.

Voir aussi: http://www.ceri-sciencespo.com/publica/etude/etude110.pdf [par Rémi Castets]

La Seconde République du Turkestan oriental (1944-1949)

Voir ici: Etude - CERI / IEP Paris

La résistance ouïghoure

Un marchand d'épices au Bazar égyptien, dans le district d'Istanbul Eminonu, avec le drapeau du Turkestan Oriental.

Le Mouvement islamique du Turkestan oriental est un mouvement au profil plutôt flou et obscur (il a été mis sur la liste des “organisations terroristes par le gouvernement US et l’ONU en septembre 2002[2]).

La résistance populaire ouïghoure d’aujourd’hui remonte à la fin des années 1980. Voici ce qu’on peut en savoir. En avril 1990, un soulèvement a lieu dans la ville d’Akto. Plus de 1 000 habitants descendent dans la rue pour protester contre le refus des autorités chinoises d’autoriser la construction d’une mosquée. Les troupes chinoises tirent dans la foule. Plus de 60 morts. En juillet 1990, les autorités du Xinjiang annoncent l’arrestation de 7 900 personnes au cours d’une opération visant à arrêter “les activités criminelles de séparatistes ethniques et autres délinquants criminels” .

La campagne contre le crime lancée sous le nom de “Frapper fort” par le gouvernement chinois en 1996, si elle entendait répondre aux inquiétudes de la population devant l’expansion de la criminalité et de la délinquance, a été l’occasion pour la police chinoise de s’en prendre aux militants politiques et religieux du Xinjiang, dont un certain nombre, accusés d’être favorables à l’indépendance, ont été exécutés publiquement à grands renforts de publicité. Plus de 10 000 personnes accusées de “séparatisme” ont été arrêtées au cours de cette campagne.

La révolte de 1997 et l'incident de Yining

Le 5 février 1997, à la veille du Ramadan, trente dignitaires religieux de renom sont arrêtés par la police à Guldja (en chinois : Yining). Six cent jeunes Ouïghours descendent alors dans la rue et vont réclamer leur libération devant le siège local du gouvernement. Ils sont brutalisés par la police et les troupes paramilitaires et violemment dispersés à coups de matraques électriques, de canons à eau et de gaz lacrymogènes. Dès le lendemain se déroule une manifestation massive de protestation. Les policiers et les paramilitaires tirent sur les manifestants. Bilan : 167 morts. Dans les heures qui suivent, 5 000 personnes sont arrêtées, dont des personnes âgées, des jeunes femmes et des enfants. On les accuse de vouloir « diviser la patrie », de mener une activité criminelle et fondamentaliste religieuse, bref d’être des « éléments contre-révolutionnaires ». Le gouvernement chinois décide alors l’exécution publique de sept Ouïghours pour l'exemple. Les sept victimes sont exécutées d’une balle dans la nuque, chargées sur un camion découvert et promenées à petite vitesse à travers la foule qui fréquente le bazar ouïghour et les quartiers environnants. Lorsque les Ouïghours qui pleurent les martyrs s’approchent trop près des camions, les soldats ouvrent le feu, faisant neuf nouvelles victimes. Le 15 octobre 2001, deux participants au soulèvement de 1997 furent exécutés, trois autres condamnés à des peines de mort suspendues pour 2 ans et six autres à des peines de prison (dont deux à perpétuité).

La répression chinoise depuis 2001

Le gouvernement chinois a profité du 11 septembre 2001 pour vendre son programme anti-terroriste à l’étranger. Il a obtenu l’extradition de militants ouïghours de plusieurs pays, dont le Pakistan, le Kazakhstan et le Kirghizistan. Vingt-six Ouïghours (au moins) ont été capturés en Afghanistan et au Pakistan et détenus à Guantanamo. À leur libération, cinq ont été expulsés vers l'Albanie (en 2007) et dix-sept devaient être accueillis par Palaos, en juin 2009, suscitant les protestations de Pékin[3]. Quatre autres ont reçu des permis de séjour dans les Bermudes[4].

Des organisations clandestines ouïghoures sont actives à l’intérieur du pays. On en sait très peu sur ces organisations. On connaît néanmoins le nom de deux d'entre elles : le Mouvement islamique du Turkestan oriental[5] (accusé d’une série d’attentats au Xinjiang) et la Jeunesse du foyer du Turkestan oriental (qualifiée de « Hamas du Xinjiang »). Ce groupe radical qui lutte pour l’indépendance du Turkestan oriental, compterait environ 2 000 militants, dont certains auraient été entraînés à la guérilla en Afghanistan et dans d’autres pays musulmans. Mais il existe une multitude d’autres groupes et mouvements, seulement connus par ce que veut bien en dire le gouvernement chinois.

À l’étranger, les Ouïghours sont présents au Kazakhstan, en Turquie, en Allemagne, en Suède, en Suisse et aux États-Unis d'Amérique. Au Kazakhstan se trouve une des plus anciennes organisations ouïghoures, le Comité pour le Turkestan oriental, basé à Almaty, la capitale. Il aurait intensifié ces activités ces derniers temps. Il a été formé à l’origine par d’anciens insurgés qui avaient combattu l’occupation chinoise entre 1944 et 1949. Le leader des indépendantistes ouïghours, Aysa Beg, s’est réfugié en Turquie après la fondation de la République populaire de Chine en 1949.

Le 19 septembre 2004 a été fondé à Washington le « Gouvernement en exil du Turkestan oriental », de régime parlementaire, dont le Premier ministre est Anwar Yusuf. Une constitution a été proclamée, et traduite en turc, anglais, chinois et japonais.

La communauté musulmane ouïgoure est présentée par les autorités chinoises comme une des principales menaces potentielles sur la sécurité des Jeux olympiques de Pékin. Sa responsabilité est mise en cause dans l'attaque d'un poste de police le 4 août 2008 dans la province du Xinjiang, attaque qui a fait 16 morts[6].

En juillet 2009, de violentes émeutes eurent lieu, les Ouïghours s'attaquant aux Hans, avant d'être eux-mêmes sujets à une violente répression du pouvoir fédéral[7].

Des atteintes systématiques portées à la langue, au patrimoine ou aux traditions religieuses des Ouïghours ont pour conséquence de réduire leur culture à un folklore.

Démographie

Lors du recensement de 1990, 7 214 431 Ouïgours vivaient en République populaire de Chine, 99,73% dans la région autonome de Xinjiang, 5 739 dans le Hunan et 2 021 à Pékin. Lors du recensement de 2000, ils étaient 8 399 393[8].

Environ 300 000 Ouïgours vivent au Kazakhstan (ils y sont appelés les Turcs-Ili), d'autres en Mongolie, en Turquie, en Afghanistan et dans des pays d'Asie centrale.

Enfin, des Ouïgours ont aussi émigré en Allemagne, au Pakistan, en Indonésie, en Australie, à Taïwan et en Arabie saoudite.

Culture

Article détaillé : Musique ouïghoure.

Galerie

Notes et références

Voir aussi

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Ouvrages de référence

  • "Voyage au pays des Ouïghours" de Sylvie Lasserre, paru aux Editons Cartouche, mai 2010. (ISBN 978-2915842593)
  • "Ma Chine. Route de la Soie, Tibet, Hongkong à vélo", de François Picard (2008, éditions Artisans-Voyageurs). L'auteur y raconte ses rencontres avec les Ouïghours et décrypte les problématiques régionales.

Liens internes

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Ouïghours de Wikipédia en français (auteurs)

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