- Maquis de l'Ain et du Haut-Jura
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Les maquis de l'Ain et du Haut-Jura sont des groupes de résistants français ayant opéré et s'étant cachés dans les montagnes et forêts du Bugey et du Haut-Jura.
Sommaire
Histoire
Prélude
Lors de l'occupation de la France par l'Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale, la France est découpée en deux parties soumises à deux législations. Entre les mois de juin 1940 et novembre 1942, le département de l'Ain est inclus dans la zone libre soumise au Régime de Vichy[1] avec pour seul exception le Pays de Gex qui fait partie de la zone interdite. Des lois sont alors mises en place dès le 4 octobre 1940 pour placer les « les étrangers de race juive » dans des camps d'internement français. Les persécutions étant plus nombreuses vers la fin de l'année 1942, une part de la population décide de porter secours aux victimes et forme les premiers groupes de résistance civile[1]. De plus, après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord et dès le 14 décembre 1943 les Allemands offrent de brutales offensives sous forme de représailles, d'exécutions et de rafles[1].
Dès 1941, des élèves du lycée Lalande à Bourg-en-Bresse décident de s'unir pour s'opposer au Régime de Vichy[a 1]. En octobre, ils créent alors un groupe de six personnes dont les actions sont la distribution de tracts et journaux clandestins[a 2]. D'autres élèves rejoignent le groupe qui compte jusqu'à trente membres à la fin de l'année. Le mouvement s'élargit grâce aux internes qui créent également des groupes dans leur communes d'origine Pont-de-Vaux, Nantua, Bellegarde-sur-Valserine, Oyonnax et Belley. Le groupe acquiert le nom des Forces unies de la jeunesse en novembre 1942.
Dans un même temps, l'occupant met en place le service du travail obligatoire, couramment abrégé STO, et qui consiste à envoyer des travailleurs français en Allemagne pour participer à l'effort de guerre allemand. À partir de la fin de l'année 1943, l'envoi ne se fait plus sous la forme de volontariat, donc pour y échapper, une partie des réfractaires décide de former les Unités combattantes du maquis[a 3]. La topographie du département de l'Ain, situé en partie dans le massif du Jura permet la création de camps de maquis dans les montagnes et la pratique de la guérilla. Par ailleurs, la Bresse et la Dombes sont constituées de plaines et sont donc des lieux stratégiques pour effectuer les opérations aériennes de la Royal Air Force[a 4]. Le département est également situé à la frontière avec la Suisse permettant de s'évader et de créer des réseaux de renseignements.
Fin 1941, Henri Romans-Petit est engagé dans le réseau Espoir à Saint-Étienne. Lors de la fête de Noël, un résistant indépendant Marcel Demia, maraîcher-horticulteur de la commune d'Ambérieu-en-Bugey s'y rend pour visiter ses parents. Les deux hommes se rencontrent et échangent leurs points de vue sur la situation. Leur engagement commun incite Henri Romans-Petit à découvrir l'organisation de la Résistance dans le département de l'Ain[a 5]. Marcel Demia lui parle des jeunes réfractaires qu'il a placé dans des fermes isolées et des difficultés qu'il rencontre dans son organisation. Henri Romans-Petit arrive dans l'Ain en 1942[a 6] et commence à aider les réfractaires du STO à s'héberger. À partir de 1943, il crée une école de cadres près de Montgriffon, c'est la première structure de la région destinée à former les maquisards. Il devient rapidement le meneur de l'organisation du maquis et organise les différents camps en limitant le nombre d'occupant à soixante hommes[a 5].
Mise en place des camps
Organisation
Dans un premier temps, le capitaine Henri Romans-Petit rassemble une vingtaine de personnes réfractaires au STO et dont les conditions de vie sont les plus difficiles. Il craint un découragement de leur part et les placent dans la ferme des Gorges, suivant les conseils de Marius Chavant, adjoint au maire de la commune de Montgriffon[a 7], pour l'avantage de son emplacement géographique favorable à la mise en place de stratégies d'attaques[a 8]. C'est une ferme abandonnée et isolée, le hameau le plus proche est celui de Résinand. Elle est située au fond d'un ravin à proximité immédiate d'un grand pré en pente et adjacente à un ruisseau[a 9]. Manquant de moyens financiers pour l'achat de nourriture, il laisse les autres possédant un travail se loger chez des cultivateurs ou des artisans tout en conservant leur contact[a 8].
L'école des cadres est assurée par Pierre Marcault[a 10], elle a pour but de former les différents chefs des maquis[2]. Le 14 juillet 1943, de nombreux résistants se regroupent à la ferme de Terment pour célébrer la fête nationale malgré l'interdiction du Régime de Vichy. Les premiers groupes de maquis sont ainsi constitués et les promus de l'école des cadres répartis dans différents camps à Granges, Cize, Chougeat, Corlier et le Retord[a 9]. La première action d'envergure effectuée sous la direction d'Henri Romans-Petit est la prise du dépôt d'intendance des Chantiers de la jeunesse à Artemare, où le commando prend les uniformes que les maquisards utiliseront lors du défilé du 11 novembre 1943[b 1], et l'intendance de l'Armée à Bourg-en-Bresse.
Lieux différents
Huit camps sont recensés 1943[a 11]. Le plus ancien est le camp de Chougeat ouvert en mars 1943 et qui regroupe une soixantaine de maquisards sous le commandement de Charles Bletel[a 12]. Le second date du mois de juin 1943 à Cize. Il est situé en haut d'une falaise à proximité du barrage de Cize-Bolozon. Le camp Verduraz est formé par le capitaine Henri Romans-Petit en juillet 1943 à la ferme de Terment et abrite environ quarante-cinq hommes. Vers la moitié du mois d'août un camp est créé dans la région de Bellegarde. Il s'agit du camp de Morez qui compte environ quarante hommes à sa création. L'affluence croissante de ses membres nécessite l'ouverture du camp des Combettes placé à environ un kilomètre de ce dernier. Une cinquantaine de personnes d'origine géographique relativement différentes s'y réunissent. Dans la région de Granges, en septembre 1943, deux groupes réfractaires étant sous la menace de répression décident d'unir leur force et de former un camp qui comptera jusqu'à soixante-dix personnes.
Deux autres camps sont formés en novembre 1943. Celui de Pré-carré est créé par Jean-Pierre De Lassus[a 13] et se situe au nord d'Hotonnes. Il compte environ cinquante personnes. Celui de Georges Bena[a 14] se situe à la ferme de Pray-Guy à Brénod. Il se distingue pour avoir accueillit jusqu'à quatre-vingt hommes tout en faisant preuve d'une très grande discipline[a 11]. Enfin, le camp Rolland est le dernier formé. D'après les études issues du cahier des effectifs maquisards sous le commandement du capitaine Henri Romans-Petit, 454 hommes sont recensés au début du mois de janvier 1944. Cependant l'homme chargé de l'établissement de ce cahier, Marius Roche[a 15] estime, d'après les chiffres transmis par Owen Denis Johnson à Londres, que le chiffre réel est de 485 maquisards[a 11].
Défilé du 11 novembre 1943
Deux cents maquisards à Oyonnax
Le 11 novembre 1943 représente le vingt-cinquième anniversaire de l'Armistice de 1918. La France, sous le gouvernement du maréchal Philippe Pétain, interdit toutes cérémonies commémoratives de la victoire des Alliés sur de l'Empire allemand[b 2]. Malgré l'interdiction, les chefs de la résistance intérieure décident le dépôt de gerbes au pieds des monuments aux morts[b 2]. Le chef des maquis de l'Ain, le capitaine Henri Romans-Petit, décide l'organisation d'un défilé pour contrer l'image de terroristes que le maréchal Pétain donnaient aux maquisards[b 1]. Le lieu du défilé est annoncé dans plusieurs villes du département de l'Ain pour tromper d'éventuelles dénonciations. La ville d'Oyonnax est choisie pour l'activité intense de l'armée secrète locale[b 3]. La manifestation est préparée par Noël Perrotot[a 16], Elie Deschamps[a 17] et Gabriel Jeanjacquot[a 18] tous trois Oyonnaxiens connaissant la ville[3]. Deux hommes sont chargés de sécuriser et neutraliser la ville, il s'agit de Henri Girousse[a 19] et Edouard Bourret[a 20] qui obtiennent le concours du commissaire de police et du capitaine de gendarmerie[3] ainsi que la neutralisation du central téléphonique[b 4].
Vers midi ce 11 novembre[b 5], environ deux cents[3] maquis de l'Ain et du Haut-Jura, aux ordres du colonel Henri Romans-Petit, prennent possession de la ville d'Oyonnax. Ils défilent jusqu'au monument aux morts, marchant au pas au son du clairon avec le drapeau français en tête[3]. Ils y déposent une gerbe en forme de croix de Lorraine portant l'inscription : « Les vainqueurs de demain à ceux de 14-18 »[b 3]. Durant le défilé, la sécurité est assurée par des maquisards masqués[b 4]. Il s'agit d'Oyonnaxiens chargés de surveiller la foule pour repérer d'éventuels miliciens, ou collaborateurs. Le masque, un tissu blanc ouvert de deux trous pour permettre la vue, et glissé sous le béret sert à dissimuler l'identité du personnage pour éviter toutes représailles sur sa famille vivant dans la commune.
Après une minute de silence et une Marseillaise entonnée avec la foule, ils repartent en chantant « Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine » rejoignant les camions qui les ramènent vers leurs camps dans la montagne[3].
Tactiques pour tromper l'occupant et conséquences du défilé
De crainte d'être repéré par l'ennemi et pour tromper d'éventuels collaborateurs, plusieurs villes comme Bourg-en-Bresse, Ambérieu-en-Bugey ou Belley sont citées pour être le lieu du défilé[4]. Oyonnax ayant été choisie, les états-majors ordonnent la dépose de gerbes portant la même inscription — « Les vainqueurs de demain à ceux de 14-18 » — sur les monuments aux morts de ces communes. À Bourg-en-Bresse, avant la levé du matin, le chef maquisard du secteur, André Levrier[a 21], et ses compagnons se rendent à proximité du socle où était posé un buste d'Edgar Quinet avant l'enlèvement par les Allemands, et mettent en place un buste de Marianne frappé des lettres « RF », pour République française, et un drapeau de la France à croix de Lorraine. Dans le même temps, un groupe se rend au monument aux morts pour y déposer la gerbe[4]. Lorsque cela est découvert, les Allemands font tout retirer.
Suite au défilé, les Allemands se rendent à Oyonnax en décembre 1943. Le maire, Paul Maréchal et son adjoint, Auguste Sonthonnax, sont fusillés le 11 décembre[b 6]. Quelques semaines plus tard, la presse anglo-saxonne diffuse l'information concernant le défilé qui, dit-on, a achevé de convaincre Winston Churchill de la nécessité d'armer la Résistance française[b 7]. Oyonnax fut récompensée de son enthousiasme par la Médaille de la Résistance qui figure sous son blason.
Débarquement de Normandie
Le 6 juin 1944, le débarquement des troupes Alliées a lieu en Normandie. En l'apprenant, les chefs des maquis de l'Ain ordonnent la mise en place de maquisards sur l'ensemble du territoire contrôlé[b 8]. Deux jours plus tard, à l'hôtel de ville de Nantua, Henri Romans-Petit annonce la nouvelle devant la population locale, et prépare un nouveau défilé dans les rues d'Oyonnax. Les troupes se rassemblent à Izernore pour apprendre à marcher au pas. Cent trente hommes forment le défilé qui a lieu le 12 juin devant une population massée en nombre[b 8].
Lieux de mémoire
Monuments et stèles
Article détaillé : Mémorial des maquis de l'Ain et de la Résistance.De nombreux monuments ont été édifiés en hommage aux maquis de l'Ain et du Haut-Jura.
Le Mémorial des maquis de l'Ain et de la Résistance est situé sur la commune de Cerdon. Sa construction est décidée par l'Association des anciens du maquis de l'Ain présidée par le colonel Henri Romans-Petit et débute le 26 juin 1949 pour une inauguration le 29 juillet 1951[a 22]. Elle est financée par l'État français, le département de l'Ain et des dons privés. Le corps d'un maquisard inconnu y est inhumé lors d'une cérémonie présidée par Gaston Monnerville le 20 mai 1954 puis un cimetière réunissant 89 maquisards est ensuite créé puis inauguré le 24 juin 1956 par le Général de Gaulle. La citation de Louis Aragon issue du dernier vers de La Chanson du franc-tireur de Louis Aragon « Où je meurs renaît la Patrie » est gravée sur le monument[5].
Musées
Article détaillé : Musée départemental d'Histoire de la Résistance et de la Déportation de l'Ain et du Haut-Jura.Le musée départemental d'Histoire de la Résistance et de la Déportation de l'Ain et du Haut-Jura est un musée situé à Nantua dont le thème est celui de la France durant la Seconde Guerre mondiale et plus spécialement l'histoire de la Résistance et des maquis de la région[6]. Il est inauguré le 12 août 1986 et est visité par plus de 9 800 visiteurs en 2008[7].
Sources
Notes et références
- L'aide aux personnes persécutées et pourchassées en France pendant la Seconde Guerre mondiale : une forme de résistance sur http://www.izieu.alma.fr/, 2008. Consulté le 10 septembre 2010 [PDF]
- Marius Roche : figure de la Résistance et homme de passion » sur http://www.voixdelain.fr/, 2010. Consulté le 11 septembre 2010 Corinne Garay, «
- Édouard Croisy, La Résistance dans l'Ain, Bourg-en-Bresse, 1973, 32 p., p. 13
- Édouard Croisy, La Résistance dans l'Ain, Bourg-en-Bresse, 1973, 32 p., p. 14
- Le monument à la mémoire des Maquis de l’Ain au Val d’Enfer à Cerdon sur http://www.portraits-monuments-ain.fr/. Consulté le 4 février 2011
- Musée d'histoire de la Résistance et de la Déportation de l'Ain et du Haut-Jura sur http://www.maquisdelain.org/. Consulté le 4 février 2011
- Fréquentation des musée en France en 2008 sur http://www.culture.gouv.fr/. Consulté le 4 février 2011 [PDF]
- Références issues de http://www.maquisdelain.org/
- Le lycée Lalande : la naissance des FUJP en 1941. Consulté le 9 septembre 2010
- La naissance des F.U.J.. Consulté le 9 septembre 2010
- Naissance du Maquis. Consulté le 9 septembre 2010
- Maquis de l'Ain et du Haut-Jura. Consulté le 9 septembre 2010
- Les Maquis de l'Ain s'organisent. Consulté le 9 septembre 2010
- Henri Petit dit Romans. Consulté le 9 septembre 2010
- Marius Chavant. Consulté le 11 septembre 2010
- Le camp de la ferme des Gorges. Consulté le 11 septembre 2010
- L'école des cadres et leur formation. Consulté le 11 septembre 2010
- Pierre Marcault. Consulté le 11 septembre 2010
- Le profil des camps fin 1943. Consulté le 11 septembre 2010
- Charles Bletel. Consulté le 11 septembre 2010
- Jean-Pierre De Lassus. Consulté le 11 septembre 2010
- Jean-Pierre De Lassus. Consulté le 11 septembre 2010
- Marius Roche. Consulté le 11 septembre 2010
- Noël Perrotot. Consulté le 10 septembre 2010
- Elie Deschamps. Consulté le 10 septembre 2010
- Gabriel Jeanjacquot. Consulté le 10 septembre 2010
- Henri Girousse. Consulté le 10 septembre 2010
- Henri Girousse. Consulté le 10 septembre 2010
- André Levrier. Consulté le 10 septembre 2010
- Mémorial des maquis de l'Ain et de la Résistance. Consulté le 4 février 2011
Bibliographie
: Ouvrage utilisé comme source pour la rédaction de cet article
- Paul Maubourg, Les mauvais souvenirs : Mémoires d'un orphelin de guerre d'Oyonnax, Oyonnax, 2007, 152 p. (ISBN 2-9520740-2-5)
- p. 38
- p. 37
- p. 39
- p. 40
- p. 30
- p. 43
- p. 42
- p. 47
Voir aussi
Articles connexes
- Résistance intérieure française
- Musée départemental d'Histoire de la Résistance et de la Déportation de l'Ain et du Haut-Jura
- Le camp Didier, maquis du 4e secteur de l'armée secrète du département du Rhône, basé dans l'Ain
- Massacre de Dortan
Liens externes
Catégories :- Maquis
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- Histoire du XXe siècle dans l'Ain
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