- Les 13 paradis des frères de la côte
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Les 13 paradis des Frères de la côte sont des implantations de boucaniers, aux XVIe et XVIIe siècles, qui occupent des terres et des îles ceinturant la mer des Caraïbes.
Corsaires, pirates et boucaniers, trois activités complémentaires
Les Frères de la côte rassemblent ces trois activités, celle de corsaire leur donnant une couverture plus ou moins légale et authentifiée, et celle de pirate permettant une activité assez régulière pour permettre de vivre durablement sur place, pour peu qu'elle soit complétée par un troisième statut, celui de boucanier, protégé des raids par l'appartenance à cette communauté où se retrouvent Français, Britannique (souvent d'origine écossaise) et Hollandais. Les sources documentaires sont beaucoup plus riches au XVIIe siècle et commencent avec l'anonyme de Carpentras, dont les écrits montrent que la présence européenne non-espagnole aux Antilles était importante, bien avant les établissements officiels des années 1620.
Une économie diversifiée
Les implantations servent de relais pour la course (attaque de navires) mais aussi de zones d'exportations de produits essentiellement tropicaux.
- prostitution mais aussi vie sociale normalisée, avec présence de femmes blanches et surtout indiennes ;
- approvisionnement en eau douce ;
- fourniture de services et matériel pour les réparations ;
- fourniture de viande boucanée, facilement stockable et exportable en Europe et dans les province d'Amérique du Nord, qui fournissent quant à elles du poisson sec ;
- fourniture de légumes et fruits frais ou séchés, exploitation des bois de teinture et de l'acajou ;
- culture du cacao, encore rare, car considéré comme un produit des Indiens ou contrôlés par les Espagnols du Honduras et du Guatemala ;
- culture du tabac, avec ou sans les Indiens, sur de petites plantations, telles que beaucoup la pratiquaient sur d'autres îles avant d'être chassés par la spéculation immobilière causée par l'arrivée des grandes plantations sucrières.
Treize implantations qui font le tour complet des Caraïbes
- La baie de Campeche (à l'ouest du Yucatan espagnol), où vivent plusieurs camps de coupeurs de bois de teinture (le Campêche), utilisé pour donner la couleur noire, très demandée à l'époque.
- L'île de Roatán, (proche de la côte du Honduras), où des Indiens se sont croisés avec des nègres marrons dès le XVIe siècle, et qui accueille jusqu'à 5 000 boucaniers avant que leur chef Henry Morgan ne soit nommé en 1672 dans l'administration de la Jamaïque, où il acquiert deux plantations et renie son passé de pirate, allant jusqu'à attaquer le chirurgien et corsaire Alexandre-Olivier Exquemelin qui le met en scène dans son livre autobiographique[1].
- La côte de Bélize, qui fait face à Roatán, dans l'État anglophone actuel du même nom, où se réfugient les boucaniers à leur expulsion de Roatán et où ils sont ensuite regroupés. Accompagné de bûcherons écossais[2], le capitaine Peter Wallace, lieutenant de Walter Raleigh s'était dès 1634 installé dans la mangrove impénétrable de Bélize, là où sera bâtie Bélize City[3]. Ils exploitent le bois d'acajou.
- Les toutes petites Îles de la Providence. Dès 1602, le corsaire hollandais Abraham Blauveldt (en) ou Bleeveldt, s'était installé en face, sur la côte du Nicaragua, près de la ville de Bluefields. L'éditeur et marchand Nathaniel Butler, un ancien de la Compagnie de Virginie y fonde la Compagnie des îles de la Providence. Ils obtiennent le droit d'attaquer les Espagnols en 1636, sont vaincus en 1641, par eux mais les îles restent un repaire de boucaniers.
- La côte des Mosquitos qui leur fait face sur la côte de l'actuel Nicaragua, où ils se réfugient en 1641 après l'attaque espagnole et où les Indiens Mosquitos parlent encore un créole anglophone.
- L'Île de la Nouvelle-Providence, capitale des corsaires anglophones des Bahamas au début du XVIIIe siècle. Le gouverneur des Bahamas Robert Clarke se verra privé en 1684 de son mandat par le roi Charles II d'Angleterre, qui veut créer une zone de tranquillité favorable au développement du sucre et au commerce triangulaire à la Jamaïque dont Henry Morgan est nommé gouverneur général la même année.
- Les îles San Blas, où vivent liés les pirates du Panama, les corsaires huguenots et les indiens Kunas.
- L'île de Curaçao, où échouent les tentatives de plantations pour cause de sol pauvre et qui devient plaque tournante et entrepôt des trafics hollandais.
- L'Île-à-Vache, sur la côte sud de Saint-Domingue, utilisée dès le XVIe siècle par les corsaires huguenots comme Jacques de Sores et Jean Leclerc.
- Port-Royal de la Jamaïque, plaque tournante d'un large repaire de flibustiers jusqu'à ce que l'un d'eux, Henry Morgan, ne se rallie à Londres en 1672. La ville sera rayée de la carte par le séisme de 1696, qui pousse les Anglais à construire le port de Kingston dans un autre endroit.
- L'Île de la Tortue, proche de la côte nord-ouest de Saint-Domingue, où des exilés de l'Île Saint-Christophe s'installent dans les années 1630, en particulier François Levasseur, l'un des officiers huguenots ayant servi sous Pierre Belain d'Esnambuc.
- À Saint-Thomas, petite-île à l'extrême-est de Porto Rico, le gouverneur Adolphe Esmit ancien flibustier accueille et protège ses anciens compagnons frères de la côte dont le pirate français Paul Hamelin et l'anglais John Coxon.
- L'île d'Anguilla, située un peu plus loin, au nord-est des petites Îles Sous-le-Vent, nid de corsaires et excellent entrepôt pour le recel des prises.
Les Îles au Vent et la Barbade, seules zones épargnées
Située à l'extrême-est des Caraïbes, très peuplée dès 1630 à la Barbade, et vite expurgée de ses indiens, regroupés à la Dominique et à Saint-Vincent, la partie la plus proche de l'Europe et la plus éloignée du trafic espagnol est peu prisée des frères de la Côte.
Une orientation religieuse majoritairement protestante
Par leurs origines, les frères de la côte viennent plutôt des huguenots, des gueux de mer hollandais, des puritains, protestants non-conformistes d'Angleterre ou des presbytériens écossais. Les catholiques seront ensuite beaucoup plus nombreux dans les implantations de culture sucrière, testées avec succès à la Barbade dès 1641, puis aux Antilles françaises en 1654, à la Jamaïque en 1670, et à Saint-Domingue vers 1685, les grandes exploitations sucrières nécessitant un certain ordre social, religieux et militaire, avec le départ des indiens et la mise au pas des flibustiers.
Les catholiques de Saint-Christophe ont été très tôt exilés à Montserrat, tandis que la plupart des habitants de la Barbade sont des catholiques irlandais, arrivés dans les années 1640 pendant lesquelles la guerre civile a appauvri l'île et succédé, dans la sphère des Caraïbes, à la politique d'expropriation dites "des plantations", en Irlande, qui avait provoqué un afflux d'immigrants.
Les autres repaires de pirates
- Les îles de Tortola, Virgin Gorda et Jost Van Dyke, dans les îles vierges accueillent dans les années 1660des pirates hollandais, dont celui qui a donné son nom à l'île Joost van Dyk (en) est demeuré le plus célèbre.
- L'Archipel Juan Fernández au large de Santiago du Chili, où le pirate écossais Alexandre Selkirk, compagnon de William Dampier et du capitaine Thomas Stradling, passa seul quatre ans, avant de revenir en 1705 à Londres et d'inspirer à Daniel Defoe son Robinson Crusoé de 1719, premier roman en langue anglaise, puis son Histoire générale des plus fameux pirates de 1724.
- l'île d'Eleuthera, au centre de l'Archipel des Bahamas, voisine de celle de la Nouvelle-Providence.
- Le rendez-vous de la Caye Mujeres, sur la côte nord-est du Yucatán, à l'actuelle Isla Mujeres
- Le Rendez-vous de l'île d'Or, à 100 kilomètres au sud des îles San Blas, sur l'isthme de Panamá, où les pirates se retrouvent chaque année de 1680 à 1684 pour gagner le Pacifique avec l'aide des indiens Kunas et attaquer les cités espagnoles du Pacifique[4].
- Cumaná sur la côte vénézuélienne, tout près de Margarita (île) et de Tobago, contrôlé dès 1595 par des contrebandiers zélandais armés à Middelbourg par Balthasar De Moucheron[5]. De 1599 à 1605, plus de cent bâtiments néerlandais y visitèrent chaque année les salines de Punta d'Araya.
Liens internes
Liens externes
Notes et références
- Histoire de la Flibuste T1 d'Alexandre-Olivier Exquemelin
- http://books.google.fr/books?id=x1xLN2DjpuMC&pg=PA253&lpg=PA253&dq=%22Peter+Wallace%22+b%C3%A9lize&source=bl&ots=L-KIBs4Z6b&sig=fpyTImHrkqIhcpMfu0Hln4hME-A&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=5&ct=result
- http://www.google.fr/books?id=Y-rDB1iuKD4C&pg=PA34&dq=%22John+Coxon%22+pirate&lr=&ei=Qb58Sb-4BYKEzgSxxunJBA#PPA34,M1
- Les Caraïbes au temps des flibustiers, par Baul Butel, page 143
- http://membre.oricom.ca/yarl/Livre/1F/104.html
Sources
- Paul Butel, historien des Antilles et auteur du livre Les Caraïbes au temps des flibustiers, page 148.
- Alexandre Olivier Oexmelin Histoire des aventuriers flibustiers qui se sont signalez dans les Indes, contenant ce qu'ils ont fait de plus remarquables depuis vingt années. A Paris, chez Jacques Le Febvre (2 volumes, 1686).
- La Coupe d'or (The cup of gold), première œuvre romancée de l'auteur, est un roman historique de John Steinbeck paru en 1929, basé sur la vie d'Henry Morgan.
- Récits de Alexandre-Olivier Exquemelin (1678)
- Récits de Basil Ringrose (1685)
- Récits de Lionel Wafer (1695)
- Récits de William Dampier
- Récits de Raveneau de Lussan
Catégories :- Piraterie dans l'océan Atlantique
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