Piraterie dans les caraïbes

Piraterie dans les caraïbes

Piraterie dans les Caraïbes

Drapeau pirate à la tête de mort de Jack Rackham.

La grande époque de la piraterie dans les Caraïbes commence aux alentours de 1520 et s'étend jusqu'aux années 1720. La période la plus faste pour les pirates se situe entre 1640 et 1680. La "capitale" des flibustiers est alors la Tortue.

Carte de l'Amérique centrale et des Caraïbes [(en) pdf détaillé ].

Sommaire

Le contexte

Contextes économique et politique

La piraterie dans la mer des Caraïbes est une conséquence du jeu des grandes nations. Les Caraïbes étaient au centre du commerce triangulaire au XVIe siècle.

Le traité de Tordesillas (1494) partage le Nouveau Monde entre les Espagnols et les Portugais le long d'une ligne Nord-Sud située à 370 lieues (1770 km) à l'Ouest des îles du Cap-Vert. Ceci donnait à l'Espagne le contrôle des Amériques, une position qu'elle renforça avec l'obtention d'un décret papal. Le continent autour des Caraïbes était alors appelé Nouvelle Espagne. Les premiers ports furent Carthagène, Panama, Santiago, Porto Bello et Saint-Domingue.

Économiquement, les Espagnols exploitaient les mines de la Nouvelle Espagne et du Pérou pour en retirer d'importantes quantités de lingots d'argent. Pour le reste, il s'agissait essentiellement de commerce de peaux, car les Espagnols préféraient l'élevage aux plantations.

Les cargaisons d'argent attirèrent les pirates et en temps de guerre, les corsaires français tant dans la Caraïbe qu'à travers l'Atlantique, jusqu'à Séville. Pour éviter cela, à partir de 1560, les Espagnols adoptèrent le système du convoi : « la flota ». Ce convoi rassemblait de très nombreux vaisseaux marchands ainsi que des navires de guerre en nombre afin de contrer toute attaque pirate. La flottille, chaque année, prenait le départ de Séville (et plus tard de Cadix), prenant en charge passagers, troupes et marchandises de l'Ancien monde pour les colonies du Nouveau Monde. D'une certaine manière, ces cargaisons du trajet aller ne servaient que de lest car le but principal était de ramener un an de production d'argent et de pièces de monnaie en Europe. Ce voyage de retour était une cible de choix pour les pirates, ils suivaient discrètement la flottille et attaquaient les navires qui prenaient du retard sur les autres. La route classique des Caraïbes commençait dans les Petites Antilles près de la Nouvelle Espagne, puis vers le nord et à travers le canal du Yucatan (entre le Mexique et Cuba) afin de pouvoir profiter des grands vents de l'ouest (les westerlies) pour revenir en Europe.

Les attaques de corsaires au XVIe siècle ont précédé celles des pirates et leur ont ouvert la voie. La France est le premier pays à envoyer des corsaires pour contrer l'Espagne. Fleury et Leclerc étaient redoutés des Espagnols: en 1522, Fleury arraisonne le convoi rempli d'or que Cortez envoyait en Espagne. Ces Français étaient munis de lettres de course du roi et soutenus par des armateurs, comme le Dieppois Jean Ango.

Il faudra attendre un demi-siècle pour que d'autres pays se joignent au mouvement. L'Angleterre, en froid avec l'Espagne à partir des années soixante du XVIème siècle, les Provinces-Unies, en rébellion contre l'Espagne depuis 1566, étaient décidées à remettre en cause l'exclusivité ibérique sur le Nouveau Monde.

Sous les petits-fils de François Ier, surtout Charles IX, les tentatives de colonisation furent principalement le fait des huguenots (protestants), comme Villegaignon au Brésil, et au sud des actuels États-Unis, d'où peut-être le nom de "Caroline". Les Français furent les premiers non-Espagnols à posséder une colonie dans les Caraïbes, en l'occurrence à St. Augustine (Floride), bien que son existence ait été de courte durée. Aidés par leurs gouvernements respectifs, les marchands et les colons anglais, français et hollandais ignorèrent le traité pour envahir le territoire espagnol : « Pas de paix au-delà du méridien ». Les Espagnols n'avaient pas les moyens d'une présence militaire suffisante pour contrôler la zone ou pour imposer leurs lois commerciales.

Ceci mena à une contrebande permanente à la colonisation espagnole en temps de paix et en temps de guerre, à la guerre de course dans toutes les Caraïbes. Certains voyaient les fins des hostilités avec regret et continuant leurs attaques, devinrent pirates.

Dans les années 1620, après le début de la guerre de Trente Ans (1618-1648), la présence espagnole dans les Caraïbes déclina rapidement. Les Espagnols devinrent de plus en plus dépendants du travail des esclaves africains et ne maintinrent qu'une faible présence militaire. Pendant ce temps, d'autres pays commencèrent à établir des colonies sur les territoires libérés par l'Espagne.

Une colonie établie sur l'île de New Providence devint rapidement un refuge pour les pirates. D'autres suivent et forment les Les 13 paradis des frères de la côte.

La Barbade fut la première colonie anglaise vraiment viable, pour la culture du tabac. La culture du sucre s'y implante en 1643, puis gagne la Martinique en 1654 et la Jamaïque en 1672. Alors que les nombreux petits planteurs de tabac sont souvent alliés des pirates, les grandes plantations de sucre nécessitent de déboiser, investir, et importer des esclaves. Charles François d’Angennes, marquis de Maintenon, pour les flibustiers français, et Henry Morgan pour les flibustiers anglais sont alors "achetés" par les pouvoirs royaux pour chasser les flibustiers et les inciter à cultiver le sucre.

Tandis que la guerre continuait en Europe, vers la fin du XVIIe siècle, la situation dans les Caraïbes s'était stabilisée. Les colonies étaient plus importantes et les effets économiques défavorables de la piraterie plus apparents. L'Angleterre dont la présence était devenue beaucoup plus importante, stationna un escadron naval à Port Royal (Jamaïque) dès les années 1680. Les actes de piraterie devinrent plus rares et la chasse aux pirates fut plus intense, bien que l'Espagne ait établi une garde côtière (Costa Guarda) corsaire.

Contexte sociologique

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la condition de marin était la plus dure qui soit. Le métier était physiquement très éprouvant, l'espace de vie très réduit et nauséabond et la nourriture très insuffisante. Le métier de marin recelait en outre un grand nombre de dangers : les accidents de manœuvre, les tempêtes, les maladies, la malnutrition, la perte des vivres ou de l'eau potable constituaient autant d'occasions pour un marin de passer de vie à trépas.

Les jeunes qui avaient subi un enrôlement de force (ce que l'on nommait la presse, une spécialité britannique) n'avaient pas choisi de monter à bord et d'endurer toutes les peines que cela représentait. Ils devaient pourtant servir dans un système où ils ne possédaient presque aucun droit. Une discipline de fer qui comprenait notamment des châtiments corporels et qui pouvait aller jusqu'à la peine de mort s'appliquait à eux. Les marins occupaient l'une des positions les plus basses de l'échelle sociale alors même que leur activité permettait aux armateurs et négociants d'engranger des bénéfices qui pouvaient être confortables.

La faiblesse des structures de pouvoir institutionnelles et sociales dans les Indes occidentales laissait le champ à la piraterie. La plupart des équipages pirates ont eu une carrière de moins d'un an, il s'agissait d'hommes qui n'avaient rien à perdre, se sachant condamnés à mort en cas de capture ce qui les rendait particulièrement redoutables au combat.

Stratégie

Les pirates employaient de nombreuses stratégies pour s'emparer de navires ou villes.

Généralement, ils préféraient les petites embarcations légères, rapides et manœuvrables aux lourds galions marchands ou bâtiments militaires fortement pourvus en canons. Ainsi, les pirates embarquaient peu de canons car le but n'était pas d'endommager le navire convoité mais plutôt un maximum d'hommes afin de mener des attaques éclair et de pouvoir disparaitre aussi vite avec le butin. Risquant la mort en cas de capture, les pirates se révélaient être de redoutables combattants. Les pirates pouvaient approcher leur proie en feignant d'être des marchands en péril et endormir la méfiance de l'équipage visé pour pouvoir s'approcher sans craindre le feu des canons marchands. Les pirates assez proches du navire visé hissaient alors le pavillon noir, s'amarraient à la proie pour éviter qu'elle ne s'enfuie et la prenaient d'abordage.

Cependant, les pirates étaient capables de réunir de véritables armées et flottes pour s'attaquer à de puissantes villes comme Carthagène (Cartagena de Indias en Colombie) où les Espagnols entreposaient l'or du nouveau-monde pendant un an. Ainsi L'Olonnais met à sac les villes de Maracaïbo et Gibraltar. N'obéissant pas à une stratégie concertée, agissant en petites unités, le pirate était donc imprévisible et constituait une menace pour des puissances autrement plus fortes que lui.

Les flibustiers

Article détaillé : Flibustier.

Flibustier vient du néerlandais vrijbuiters (littéralement « libre faiseur de butin »), qui donna le français flibustier et l'anglais freebooter. Ce mot désigne les pirates sévissant dans la mer des Caraïbes à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle.

Dans les équipages pirates le capitaine était élu et l'équipage pouvait voter son remplacement. Le capitaine devait être un chef et un combattant : dans une attaque, tous s'attendent à ce qu'il se batte au coté de ses hommes et non pas qu'il donne des ordres à distance. Les gains étaient divisés en part égales, et si les officiers recevaient un nombre plus élevé de parts, c'est qu'ils prenaient plus de risques ou possédaient des compétences particulières. Les équipages naviguaient souvent sans salaire, leurs captures s'accumulant au cours des mois avant d'être réparties. Ils avaient, pendant quelque temps, mis au point un système garantissant une compensation en argent, or ou esclaves pour les blessures reçues pendant une bataille. Il arrivait quelquefois que les pirates libèrent les esclaves quand ils capturaient un bateau négrier car hors-la-loi, ils ne pouvaient se rendre dans un port pour les revendre. Une part non négligeable des équipages pirates était constitué d'esclaves libérés, en fuite ou plus ou moins enrôlés de force. Les pirates forçaient parfois des spécialistes, des charpentiers de marine par exemple, à naviguer avec eux.

Pour les Européens de la fin du XVIIe siècle, les flibustiers représentaient l’image de l’aventure elle-même. Desperados de tout acabit, aventuriers sans foi ni loi, mais qui obéissent à un code d’honneur qui leur est propre, «les flibustiers sont les chasseurs des mers.» Ils portent des noms évocateurs et épiques, que leur vaut leur courage et leur férocité : Alexandre, surnommé Bras de fer ; Pierre le Grand ; Roche Brasileiro, dit le Brésilien ou le Roc; Daniel Monbars, dit L'exterminateur; Morgan le Gallois ; le capitaine Mautauban ; François L'Olonnais dit le cruel ou L'Olonois[1].

Les boucaniers

Article détaillé : Boucanier.

La dénomination de boucanier était spécifique aux Caraïbes. Ils sont apparus vers 1630 et se sont maintenus jusqu'à la fin de la période de piraterie aux environs de 1730. Les premiers boucaniers étaient souvent des évadés des colonies. À l'origine coureurs de bois sur l'île d'Hispaniola (actuellement Saint-Domingue et Haïti), ils chassaient les bœufs sauvages. La viande était préparée à la manière indigène, c'est-à-dire séchée et fumée sur une sorte de grill en bois : le boucan (barbacoa en espagnol, d'après barbicoa en langue indienne arawak, qui donne barbecue). D'où les termes boucaner et boucanier. Cette viande ainsi conservée permettait de faire du trafic avec des navires de passage ou des colonies isolées. Après avoir été chassés d'Hispaniola par les Espagnols, les boucaniers trouvèrent refuge sur l'île de la Tortue (Tortuga en espagnol), à l'époque possession française, située au nord-ouest d'Hispaniola, à partir de 1663. Ils opéraient avec le soutien partiel des colonies non-espagnoles et leur activité est demeurée légale ou partiellement légale jusque dans les années 1700.

Obligés de survivre avec peu de ressources, ils étaient habiles en construction navale, en navigation et en chasse. On les considérait comme des combattants féroces et ils étaient réputés experts dans l'utilisation de fusils à silex (inventé en 1615). Toutefois, le fonctionnement de ces armes était si incertain que leur utilisation en combat n'était pas très courante avant 1670. Ils furent engagés dans des expéditions à terre organisées par des pirates comme Henry Morgan.

Une grande solidarité régnait entre eux et les décisions étaient prises en commun pour le profit de la communauté. Ceci est en partie à l'origine des règles démocratiques en vigueur à bord des navires pirates.

À la manière des boucaniers, des communautés de bûcherons s'étaient établies au Honduras pour abattre et vendre des bois précieux au nez et à la barbe des Espagnols. Avec les boucaniers et les flibustiers, ils constituaient la communauté des Frères la Côte et non "Frères de la Côte" comme on voit toujours non dans les textes mais dans les romans[2]. On passait facilement d'une profession à l'autre ce qui explique que le terme boucanier est souvent synonyme à tort de pirate.

Remarque : la confusion provient également de l'anglais ou le terme employé pour désigner les pirates des caraïbes est bucaneer ou éventuellement freebooter, tandis que le terme filibuster désigne des aventuriers mercenaires anglo-américains du XIXe siècle engagés dans des actions de colonisation sauvage avec l'intention de renverser le gouvernement en place (la colonisation du Texas par exemple).

La fin de l'âge de la piraterie

Le déclin de la piraterie dans les Caraïbes s'est fait en parallèle avec le déclin de l'utilisation des mercenaires en Europe et l'augmentation de la taille des armées nationales, à la fin de la guerre de Trente Ans. Plus le pouvoir des États s'est étendu, plus les armées ont été codifiées et contrôlées par le pouvoir central. Les marines nationales ont été étendues, leur nouvelle mission comprenant la lutte contre la piraterie. L'élimination de la piraterie dans les eaux européennes s'est étendue aux Caraïbes dans les années 1700, à l'Afrique occidentale et à l'Amérique du Nord avant 1710, et avant 1720, même l'Océan Indien était devenu un endroit inhospitalier pour les pirates.

Deux hommes ont joué un rôle important dans ce processus dès les années 1676 à 1678 : Charles François d’Angennes, marquis de Maintenon, pour les flibustiers français, et Henry Morgan pour les flibustiers anglais. Morgan est arrêté en 1672. Il achète sa liberté et une retraite dorée de gouverneur de la Jamaïque contre une renonciation à son statut de flibustier. Dès lors, les flibustiers perdent leur principale base qu'était la Jamaïque. Quatre ans plus tard, les français font de même avec Charles François d’Angennes, qui désarme plusieurs flibustiers au nom du Roi et devient le plus riche planteur de sucre de la Martinique.

Notes

  1. Voir : HAZARD, Paul, La crise de la conscience européenne 1680-1715, Paris, Fayard, (1935), 1968, p. 339-340
  2. Les manuscrits retrouvés dans de vieilles malles peuvent-ils encore être authentiques ? Le cas des Cahiers de Le Golif, dit Borgnefesse, capitaine de la flibuste

Voir aussi

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