- Jules Saliège
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Jules Saliège
Portrait de Jules Saliège. Source : SGA/DMPABiographie Naissance 24 février 1870
à Mauriac (France)Ordination
sacerdotale21 septembre 1895 Décès 4 novembre 1956
à Toulouse (France)Évêque de l'Église catholique Consécration
épiscopale6 janvier 1926 par
Mgr Paul LecoeurÉvêque de Gap Du 29 octobre 1925 au 6 décembre 1928 Gabriel de Llobet Camille Pic Archevêque de Toulouse Du 6 décembre 1928 au 5 novembre 1956 (décès) Jean-Augustin Germain Gabriel-Marie Garrone Cardinal de l'Église catholique Créé
cardinal18 février 1946 par le
pape Pie XIITitre cardinalice Cardinal-prêtre
de S. Pudenziana« À l'ombre de la Croix »
(« Sub umbra illius »)(en) Notice sur catholic-hierarchy.org modifier Jules-Géraud Saliège, né à Mauriac au lieu-dit Crouzit Haut le 24 février 1870 et mort place Dupuy à Toulouse le 4 novembre 1956, est un homme d'Église, évêque, puis archevêque de Toulouse et cardinal, particulièrement connu pour ses prises de position pendant l'Occupation, où il dénonça les déportations de Juifs, le STO ou les exactions nazies. Sans avoir jamais rejoint la Résistance proprement dite, il fut reconnu « compagnon de la Libération » par le général de Gaulle. Il a reçu la distinction de « Juste parmi les nations ». Sa devise : « À l'ombre de la Croix. »
Sommaire
Biographie
L'archevêque de Toulouse
Ordonné prêtre en 1895, il devient supérieur du Grand Séminaire de Saint-Flour dès 1897, fonction qu'il abandonne en 1914 pour devenir aumônier militaire. À la fin de la guerre, il est nommé évêque de Gap, puis devient archevêque de Toulouse en 1928. Arrivant après des prélats d'allure aristocratiques, affecté d'une maladie (paralysie du bulbe rachidien) qui le handicape fortement à l'oral, son caractère et ses méthodes abruptes choquent une partie de son entourage, mais permet le développement de l'action catholique. Selon l'historien Germain Sicard, Jules Saliège était « hanté par la déchristianisation..., la baisse de la moralité, la recherche du plaisir et de la vie facile. » Il est élu mainteneur de l'Académie des Jeux floraux en 1932. Il a des rapports protocolaires corrects avec la municipalité socialiste de Toulouse mais ne s'engage politiquement pas particulièrement avant la guerre.
Du soutien à Pétain à la condamnation de la déportation
Il condamne assez tôt l'antisémitisme. Dès le 12 avril 1933, donc peu de temps après l'arrivée d'Hitler à la chancellerie en janvier de la même année, il prend la parole dans une réunion au Théâtre du Capitole pour la défense des juifs menacés par la montée du nazisme : « Non seulement, déclare-t-il, je me sens frappé par les coups qui tombent sur les persécutés, mais encore mes tressaillements sont d’autant plus douloureux que se trouve méconnu et bafoué, non pas un idéal confus, une idée froide et abstraite, mais cet être vivant, personnel, dont le souffle a traversé et porte toute l’histoire d’Israël : Jéhovah, celui que j’appelle le bon Dieu, le Juste par excellence. […] Comment voulez-vous que je ne me sente pas lié à Israël comme la branche au tronc qui l’a porté !…»
En 1936 sa maladie commence à le handicaper gravement pour parler en public. En juin 1937 paraît pour la première fois dans la Semaine catholique de Toulouse un bref article anonyme intitulé Menus propos. Très vite, on sait que Mgr Saliège en est l’auteur. Écrits d'une plume élégante et incisive, ces Menus propos paraîtront chaque semaine pendant dix ans et aborderont avec une extraordinaire liberté de ton les sujets les plus variés de l'actualité. Ils seront republiés en sept minces cahiers thématiques en 1947 (Éditions l’Équipe, Toulouse). On y trouve exprimée dans toutes ses facettes la profondeur et l'originalité de sa personnalité.
Le 19 février 1939, avec son ami Bruno de Solages (1895-1983), recteur de l'Institut catholique de Toulouse, il rappelle avec fermeté que l'Église condamne le racisme, erreur dont le pape Pie XI a montré en 1937 dans l'encyclique Mit brennender Sorge qu'elle est fondamentalement contraire aux enseignements de l'Évangile.
La région de Toulouse est un centre important des réfugiés lors de la débâcle (Léon Blum y est arrêté). L'église contribue à l'effort de réception des civils et le cardinal reçoit en 1940 le Maréchal Pétain à Toulouse, affirmant son respect pour le Régime de Vichy contrairement à Mgr de Solages qui n'hésitait pas dès 1940 à proclamer qu'il préférait une France victorieuse même conduite par Léon Blum et les Francs-Maçons à une France vaincue gouvernée par le Maréchal Pétain.[réf. nécessaire]
Dès mars 1941, Mgr Saliège agit pour aider matériellement les détenus (majoritairement étrangers) des camps de Noé et du Récébédou.
Repéré à Londres comme un des archevêques qui s'oppose aux Allemands et à la collaboration, il reçoit une lettre du général de Gaulle[1] qui lui demande comme à d'autres prélats un geste montrant un certain désalignement de l'Église sur les autorités de la France collaborationniste.
Une condamnation sans ambiguïté des persécutions antisémites
Le 23 août 1942, il ordonne la lecture dans toutes les paroisses de son diocèse d'une lettre pastorale intitulée Et clamor Jerusalem ascendit.
« LETTRE DE S.E. MONSEIGNEUR SALIEGE ARCHEVEQUE DE TOULOUSE SUR LA PERSONNE HUMAINE
Mes très chers Frères,
Il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits, tiennent à la nature de l’homme. Ils viennent de Dieu. On peut les violer. Il n’est au pouvoir d’aucun mortel de les supprimer.
Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle.
Pourquoi le droit d’asile dans nos églises n’existe-t-il plus ?
Pourquoi sommes-nous des vaincus ?
Seigneur ayez pitié de nous.
Notre-Dame, priez pour la France.
Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos Frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier.
France, patrie bien aimée France qui porte dans la conscience de tous tes enfants la tradition du respect de la personne humaine. France chevaleresque et généreuse, je n’en doute pas, tu n’es pas responsable de ces horreurs.
Recevez mes chers Frères, l’assurance de mon respectueux dévouement.
Jules-Géraud Saliège
Archevêque de Toulouse
13 août 1942
À lire dimanche prochain, sans commentaire. »
Pierre Laval, sous prétexte que les Allemands risquent de remettre en cause l'autonomie relative de la zone non occupée, fait interdire sa publication par arrêté préfectoral, mais la lecture de cette lettre continue d'être faite dans d'autres paroisses de France, puis diffusée par le Vatican et sur les ondes de la B.B.C. à Londres (le 31 août avec la voix de Maurice Schumann et le 9 septembre avec celle de Jean Marin). Les Français pouvaient relire le texte dans La Semaine Catholique. Le chef du gouvernement convoque le secrétaire de la nonciature du Vatican pour demander, mais en vain, la mise à la retraite de Mgr Saliège. Plusieurs des pairs de Saliège, comme Mgr Auvity à Mende, bloquent la diffusion de sa lettre pastorale dans leur diocèse, pour obéir à l'interdiction du gouvernement. En revanche, Mgr Pierre-Marie Théas, à Montauban fait, lui aussi, diffuser des instructions à lire dans toutes ses paroisses pour condamner l'antisémitisme, ou encore, plus tard, au printemps 1943, contre l'institution du Service du travail obligatoire à laquelle s'oppose également Jules Géraud Saliège.Son attitude d'opposition aux persécutions racistes est assez isolée dans un épiscopat français qui reste largement pétainiste. Seuls cinq évêques sur plus d'une centaine ont protesté publiquement contre les rafles antisémites; parmi eux, toutefois le poids du cardinal Gerlier, primat des Gaules, ou de Mgr Delay à Marseille le protègent d'une répression immédiate. le gouvernement craint qu'une telle position ne trouve des échos chez beaucoup de catholiques suivant en cela la doctrine officielle de l'Église qui avait proclamé avant la guerre que le racisme et le régime nazi sont profondément en opposition avec le christianisme.
Une action risquée
Avec Mgr Bruno de Solages, l'archevêque de Toulouse contribue à protéger de nombreux juifs et proscrits, les place dans des lieux sûrs aux alentours de Toulouse. En 1943, un certain nombre de prêtres de l'Église catholique s'efforcent demandent aux curés de leurs paroisses de fournir de faux certificats de baptême. Mobilisant diverses congrégations et réseaux, l'aide apportée s'amplifie, dans le diocèse de Toulouse comme en bien d'autres endroits : filières d'évasion, passages en Espagne par des circuits pyrénéens, documents d'identité, cartes de textile, faux certificats de baptême, camouflage des jeunes dans les écoles catholiques et les couvents. À Montauban, ce sont les Bénédictines de Mas-Grenier, les sœurs d'Auvillar, de l'Institut Jeanne d'Arc, l'Institut Familial, le Petit séminaire, le Refuge. Le capucin Dom Marie-Benoît (Pierre Péteul) réussit à sauver environ 4 000 personnes.
Même s'il protège les proscrits, Mgr Saliège prend plusieurs fois position pour condamner les actes d'agression contre les forces d'occupation allemandes, considérant, selon la tradition de l'Église, que l'Armistice qui a été signé doit être respecté, et que par ailleurs, les populations civiles ne doivent pas intervenir dans les guerres. D'autres prélats agirent surtout par motivation humaniste et par devoir de charité, sans vouloir manifester leur opposition au gouvernement de Vichy ni à l'occupant.
C'est son action de protection des juifs qui convainc la Gestapo finalement de l'arrêter le 9 juin 1944, comme à l'été 1944 elle déporte à Dachau Mgr Piguet le très pétainiste évêque de Clermont-Ferrand, hostile à la Résistance durant toute l'Occupation, pour son action charitable en faveur des juifs pourchassés (qui reçut le titre de « Juste parmi les nations » à titre posthume en 2001). Jules Saliège ne doit son salut qu'à son état de santé, une paralysie du bulbe rachidien, et à son âge, ainsi qu'à la protestation vigoureuse de la religieuse qui se trouvait auprès de lui. L'officier allemand chargé de son arrestation se retira en bafouillant qu'il allait demander de nouvelles instructions, et ne revint jamais. D'après le témoignage d'un résistant, Charles d'Aragon, Mgr Saliège manifesta du dépit de voir s'éloigner de lui la palme du martyre.
Un symbole moral à la Libération
À la Libération, son autorité morale et son action lui valent la reconnaissance du général de Gaulle, qui le fait compagnon de la Libération. L'archevêque profite de son statut pour s'élever contre les injustices et les violences commises à la fin de la guerre par les partisans:
« On tue l'homme qui déplaît. On tue l'homme qui n'a pas des opinions conformes. On tue sans jugement; on tue avec jugement. On tue en dénonçant; on tue en calomniant. On tue en jetant dans la rue, par la radio, par la presse des paroles de haine (...) Tous les terroristes sont inhumains et condamnés par le monde chrétien. »
Après la Libération, Mgr Saliège devient cardinal lors du consistoire du 18 février 1946, et compagnon de la Libération (décret du 7 août 1945). Le préfet de la résistance, Pierre Bertaux, reçut à Toulouse le nonce Roncalli qui lui signifia d'abord que le pape Pie XII refusait la création d'un cardinal que son handicap empêcherait de se déplacer selon les formes à Rome, « le pape et nul autre ne pouvant remettre la barrette » de cardinal. Les autorités du gouvernement provisoire (ainsi sans doute que le nonce) firent savoir qu'il s'agissait d'une erreur majeure pour l'image de l'Église dans la France de la Libération. Le pape envoya le nonce à Toulouse pour remettre le chapeau de cardinal à l'archevêque. Dans son discours, le préfet souligna avec malice sa satisfaction de voir que c'était le nonce « lui et nul autre » qui créait cardinal Jules Saliège.
Jules Saliège reçoit le titre de « Juste parmi les nations » par le mémorial de Yad Vashem, au nom d'Israël. Plusieurs lieux de la région toulousaine portent son nom. On recense ainsi un square à Toulouse, près de la cathédrale Saint-Étienne, un lycée post-baccalauréat (Prépas et BTS) à Balma, un espace culturel à Baziège.
Notes et références
- lettre conservée au musée de la résistance de Toulouse
Bibliographie
- Un évêque français sous l'occupation, extraits des messages de S. Exc. Mgr Saliège, archevêque de Toulouse, Éditions ouvrières, Paris, 1945.
- Jean-Louis Clément, Monseigneur Saliège, archevêque de Toulouse 1929-1956, Beauchesne, 1994.
- Cardinal Saliège, Menus propos, préface de Pierre Escudé, Éditions Arfuyen, Paris-Orbey, 2010.
Voir aussi
Liens externes
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