Ivanhoé

Ivanhoé
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Ivanhoé
ou le Retour du croisé
Le Noir fainéant (le roi Richard) dans la cellule de l'ermite (frère Tuck)
Le Noir fainéant (le roi Richard) dans la cellule de l'ermite (frère Tuck)

Auteur Walter Scott
Genre roman historique
Version originale
Titre original Ivanhoe; A Romance
Éditeur original Archibald Constable and Co. (Édimbourg)
• Hurst, Robinson, and Co. (Londres)
Langue originale anglais
Pays d'origine Drapeau d'Écosse Écosse
Lieu de parution original Édimbourg
Date de parution originale 18 décembre 1819
Version française
Traducteur « par le traducteur des Contes de mon hôte » (Auguste-Jean-Baptiste Defauconpret)
Lieu de parution Paris
Éditeur H. Nicolle
Date de parution 1820
Type de média in-12
Série Waverley Novels
Chronologie
Rob Roy
Kenilworth

Ivanhoé (« Ivanhoe » en anglais), paru en décembre 1819, est le premier roman de l'écrivain écossais Walter Scott consacré au Moyen Âge. Il fait partie des Waverley Novels.

Sommaire

Intrigue

Au XIIe siècle, Cédric de Rotherwood, dit le Saxon, un thane (ou vavasseur, pour les Normands) nostalgique de l'Angleterre saxonne vaincue en 1066, rêve de rétablir sur le trône de l'Angleterre un monarque autochtone en la personne d'Athelstane de Coningsburgh, un voisin, descendant des derniers rois saxons. Dans ce but, il envisage de l'unir avec sa pupille, Lady Rowena de Hargottstandstede, princesse saxonne descendant du roi Alfred. Toutefois, cette dernière est amoureuse et aimée du fils de Cédric, Wilfrid. Renié et déshérité par son père, Wilfrid s'est mis au service de Richard Cœur de Lion, qui lui a accordé en fief le manoir d'Ivanhoé, et l'a accompagné en Terre Sainte, pour participer à la croisade.

L'histoire commence en 1194. Wilfrid d'Ivanhoé rentre secrètement dans son pays et prend part à un tournoi à Ashby sous le nom de Chevalier Déshérité (Desdichado en espagnol), où il affronte Brian de Bois-Guilbert, normand et chevalier du Temple.

Pendant l'absence de son frère aîné, le prince Jean tente de s'emparer du trône. Pour cela, il tente de constituer un parti : le tournoi doit favoriser ses projets. Toutefois, ses chevaliers sont battus, lors des deux journées de combat, par Ivanhoé et Richard, l'un et l'autre masqués.

Opposé à Bois-Guilbert et ses alliés normands, Reginald Front-de-Bœuf (auquel le prince Jean a donné le fief d'Ivanhoé), Maurice de Bracy et Philippe de Malvoisin, le chevalier doit se battre, aidé par Robin des Bois, pour sauver Rebecca, fière beauté juive aux talents médicinaux, fille du marchand Isaac d'York, et permettre à Richard de retrouver son trône.

L'esprit du roman

Ivanhoé est sous-titré : A Romance, d'après un mot français archaïque désignant les œuvres écrites en langue romane, ou vulgaire (par opposition au latin). Œuvre de fiction à distinguer du roman (novel), cette forme littéraire, propre à l'épopée fabuleuse ou au conte, renvoie à une forme qui ne respecte pas exactement la vraisemblance, laissant la place à la théâtralité et au surnaturel[1].

Analyse

Jusqu’ici, Scott a produit des romans historiques consacrés à l’Écosse et situés dans un passé récent (XVIIIe siècle, ou fin du XVIIe), passé dont il a une connaissance privilégiée par tous les récits qui ont marqué son enfance[2]. Un même thème parcourt ces premiers livres : pourquoi et comment la bourgeoisie et le protestantisme ont réussi à triompher de l’aristocratie catholique, et à fondre l’Écosse dans la Grande-Bretagne. Ce vaste et douloureux mouvement d’union aboutit en 1822 à la première venue à Édimbourg d’un souverain protestant de la maison de Hanovre, événement dont Scott, artisan zélé de la réconciliation, est le grand ordonnateur[3].

Dans l’introduction de 1830 à Ivanhoé, Scott explique qu’il s’était senti à l’étroit dans son costume d’écrivain régionaliste et qu’il avait voulu prouver — à lui-même et à tous — qu’il était capable d’en sortir[4]. On peut néanmoins retrouver dans Ivanhoé les thèmes scottiens récurrents : une classe sociale prend la place de l’autre, un peuple domine l’autre, c’est le verdict de l’Histoire, il ne sert à rien de cultiver des rancœurs, il faut au contraire œuvrer à la « réconciliation » entre antagonistes d’hier. Réconciliation que Scott a coutume de sceller en fin de livre par un mariage symbolisant l’« union » du peuple britannique[5] : ici, le mariage d’Ivanhoé, compagnon d’un roi normand, et de Rowena, descendante d’un roi saxon.

En situant son roman hors d’Écosse, en renonçant à la description des mœurs d’une « région rude et sauvage[6] », en s’extrayant des complications politiques, claniques et religieuses d’un pays lointain, en se passant de dialogues en scots, l’auteur conquiert un public plus large[7]. Dans Ivanhoé, l’Histoire devient compréhensible par tout un chacun : l’époque féodale est simplifiée, les mécanismes sont mis à nu, les conflits sont transparents et se cristallisent autour d’un personnage central, la leçon est plus claire encore que dans Waverley[7].

On a pu reprocher à Scott des sources peu solides : par exemple, l’hostilité entre Saxons et Normands à la fin du XIIe siècle n’est pas historiquement attestée[8]. Mais l’auteur prévient qu’il ne cherche qu’à donner une couleur de l’époque : s’attachant à ce que rien ne nuise à la vraisemblance historique, il se réserve une liberté dans le choix des détails[9].

L’accueil critique est excellent. Les seules réserves concernent l’insipidité de Rowena et la résurrection incongrue d’Athelstane[10]. Traduit en de nombreuses langues, le livre lance la vogue de Scott dans toute l’Europe et impose le roman historique comme un phénomène international[10].

Il s’agit de l’œuvre la plus populaire de Scott, peut-être — en données corrigées — du record mondial des ventes de roman[7]. Avec Ivanhoé, Scott « crée à l’intérieur de son système romanesque un genre nouveau, aux conséquences aussi importantes que celles qu’eut Waverley[11] ».

Néanmoins, si les romans que Scott a écrits avant 1819 ont inspiré les grands romanciers du XIXe siècle (Pouchkine, Mérimée, Balzac, Hugo, Manzoni), Ivanhoé a plutôt inspiré la littérature populaire[11]. Et une partie de la critique reproche à l’auteur d’avoir abandonné l’histoire récente de l’Écosse[12], dont il avait une connaissance intime, pour faire appel à l’imagination plus qu’à la sensibilité, pour se lancer dans « de grandes reconstitutions en carton-pâte d’un passé insaisissable et trop complaisamment pittoresque », pour « tout un tintamarre de duels, de combats, de chevauchées, de cliquetis de hallebardes et de grincements de chaînes rouillées » ne relevant, selon certains, que de préoccupations d’ordre commercial[13]. Taine notamment reproche à Scott de s’aventurer dans un passé trop lointain, et d’en donner une peinture où seuls les costumes et les décors sont exacts ; où actions, discours et sentiments sont modernes[14]. « Tous les deux cents ans, dit Taine, chez les hommes, la proportion des images et des idées, le ressort des passions, le degré de la réflexion, l’espèce des inclinations changent[15]. » Or, Scott travaille vite et le plus lucrativement possible. Il n’a donc pas le temps d’entreprendre la difficile quête de « la structure des âmes barbares[15] », ni le souci de montrer une vérité « atroce et sale[16] ».

Remarques

  • Le roman offre, pour l'époque, un portrait très favorable des Juifs et dénonce largement l'antijudaïsme à l'œuvre au Moyen Âge. Le portrait magnifique de Rebecca est inspiré, selon W. S. Crockett, auteur d'un ouvrage (The Scott Originals, 1912) consacré aux personnages réels ayant servi de modèle à Scott, de Rebecca Graetz (1781-1869), jeune juive de Philadelphie dont Washington Irving l'avait entretenu, lors de son séjour à Abbotsford ; c'était une amie intime de la fiancée de l'écrivain américain, Mathilda Hoffman. Très belle, Rebecca Graetz ne se maria jamais, se consacrant à des œuvres de bienfaisance[17].
  • Dans le chapitre VIII, Scott cite trois vers de Coleridge extraits d'un court poème, le Tombeau du chevalier, composé en 1817 et publié peu avant sa mort. James Gillman, médecin, ami et biographe de Coleridge, avait cité ces vers, alors inédits, à Scott, qui était de passage à Londres. Il put ainsi identifier l'auteur anonyme d'Ivanhoé, en les découvrant dans le roman[18].
  • Le siège du château de Châlus en Limousin, où est mort en 1199 Richard Coeur de Lion, a fourni à Walter Scott le canevas du siège du château de Front-de-Boeuf.
  • Alexandre Dumas a signé une traduction française de ce roman. En fait, elle est due à Marie de Fernand, maîtresse et collaboratrice de Dumas[19].

Influence

  • Thackeray a écrit une suite intitulée Rowena et Rébecca (1850), qui exploite la veine sentimentale du roman de Scott.
  • Le titre de l'un des sonnets des Chimères de Nerval, El Desdichado, vient du nom sous lequel Ivanhoé participe au tournoi d'Ashby, dans les premiers chapitres du roman.
  • Le prénom de la seconde épouse du narrateur de Ligeia, conte d'Edgar Allan Poe, est inspiré de Lady Rowena, l'un des principaux personnages du roman.
  • Pierre Efratas est également l'auteur d'une suite intitulée Le Destin d'Ivanhoé (2003), qui se passe sous le règne de Jean.
  • Le jeu vidéo Defender of the Crown réintroduit plusieurs éléments du roman dont le héros Ivanhoé, au moment du choix du héros à diriger, ainsi qu'une partie de l'intrigue.

Adaptations

Cette trame romanesque fut de très nombreuses fois portée à l'écran dès 1913. La plus célèbre est un film de 1952 avec Robert Taylor et Elizabeth Taylor. Elle fit également l'objet d'une série télévisée britannique avec Roger Moore, parmi les premières diffusées en France.

Voir aussi

Article connexe

Liens externes

Notes et références

  1. Henri Suhamy, « Notice d'Ivanhoé », dans Walter Scott, Ivanhoé et autres romans, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2007, p. 1477.
  2. Hippolyte Taine, Histoire de la littérature anglaise, Hachette, 1866-1878, t. IV, liv. IV, chap. I, sec. IV, p. 295 et 296.
  3. James MacCearney, « Préface » de Walter Scott, Redgauntlet : histoire du XVIIIe siècle, Privat/Le Rocher, coll. « Motifs », 2007, t. I, p. 18 et 19.
  4. Introduction de 1830, (en) « Introduction to Ivanhoe », sur ebookmall-ebooks.com.
  5. Michel Crouzet, préface de Walter Scott, Waverley, Rob Roy, La Fiancée de Lammermoor, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1981, p. 30.
  6. Walter Scott, Le Cœur du Mid-Lothian : la prison d’Édimbourg, coll. « Folio classique », Gallimard, 1998, p. 628.
  7. a, b et c Henri Suhamy, Sir Walter Scott, Fallois, 1993, p. 311.
  8. Valentino Bompiani, Le Nouveau Dictionnaire des œuvres, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1994, t. III, p. 3681.
  9. Dédicace d’Ivanhoé, (en) « Dedicatory Epistle to the Rev. Dr Dryasdust, F.A.S. », sur ebookmall-ebooks.com.
  10. a et b (en) « Ivanhoe », sur walterscott.lib.ed.ac.uk.
  11. a et b Henri Suhamy, op. cit., p. 300.
  12. « Le génie de Scott s’exprime surtout dans ses romans écossais ». James MacCearney, op. cit., t. I, p. 10.
  13. Henri Suhamy, op. cit., p. 301.
  14. Hippolyte Taine, op. cit., p. 299.
  15. a et b Hippolyte Taine, op. cit., p. 301.
  16. Hippolyte Taine, op. cit., p. 300.
  17. Note n° 13 du chapitre VII du roman Ivanhoé, in Walter Scott, Ivanhoé et autres romans, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2007, p. 1513.
  18. Note n° 5 du chapitre VIII du roman Ivanhoé, in Walter Scott, Ivanhoé et autres romans, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2007, p. 1515.
  19. Walter Scott, Ivanhoé et autres romans, présentation, notes, et traduction de Sylvère Monod, Jean-Yves Tadié et Henri Suhamy, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2007, 1631 pages, p. 1498.

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