Redgauntlet

Redgauntlet
Redgauntlet
histoire du dix-huitième siècle
Auteur « the Author of Waverley » (Walter Scott)
Genre roman historique
Version originale
Titre original Redgauntlet: A Tale of the Eighteenth Century
Éditeur original Archibald Constable and Co., Édimbourg
Hurst, Robinson and Co., Londres
Langue originale anglais
Pays d'origine Drapeau d'Écosse Écosse
Lieu de parution original Édimbourg, Londres
Date de parution originale 14 juin 1824
Version française
Traducteur « le traducteur des romans historiques de Sir Walter Scott » (Auguste-Jean-Baptiste Defauconpret)
Lieu de parution Paris
Éditeur Charles Gosselin
Date de parution 1824
Type de média 4 vol. in-12
Série Waverley Novels
Chronologie
Les Eaux de Saint-Ronan
Woodstock

Redgauntlet est un roman historique de Walter Scott, publié en 1824.

Laction est située en 1766, principalement dans le comté de Dumfries (Écosse) et dans le Cumberland (Angleterre), cest-à-dire « sur les frontières », les deux nations sont séparées par le golfe de Solway, trafiquent « des espèces de diables amphibies, qui ne vivent ni sur terre ni dans leau, qui ne sont ni anglais ni écossais », et qui échappent aux lois.

Sommaire

Contexte historique

Depuis 1707, lÉcosse est unie à lAngleterre en un royaume de Grande-Bretagne. Les Stuarts ont été chassés du pouvoir. Les rébellions jacobites de 1715 et de 1745 ont été écrasées. Après une sauvage répression, le pardon général a été accordé. Lacte de 1748 a aboli le vasselage et les juridictions héréditaires[1]. Le jacobitisme est en déclin. Le gouvernement ferme à présent les yeux sur la survivance de quelques proscrits qui nont pas obtenu leur grâce[2].

Certaines provinces sont mécontentesprincipalement de ladministration —, ce qui peut encourager les jacobites à recommencer leurs intrigues[3]. Mais, juge lun des personnages du roman, les conspirateurs ne rallieront pas les mécontents : « toutes ces émeutes, tous ces tapages » nont aucun rapport avec leur cause. Et une nouvelle entreprise jacobite serait « la meilleure manière de rétablir lunion dans tout le royaume[4] ».

Le 1er janvier 1766, le prétendant Jacques François Stuart meurt à Rome. Un dernier complot pour soutenir le nouveau prétendant, Charles Édouard, est déjoué à Londres, en 1767.

Cest lultime soubresaut jacobite quévoque Walter Scott à travers une trame totalement fictive, quil situe en 1766[5]. Le livre sinspire dune visite de Charles Édouard à Londres, en 1750[6]. Et Scott peut avoir eu vent dautres visites de Charles Édouard en Grande-Bretagne, en 1761 et en 1763. George III fut informé de cette dernière. Voulant éviter de faire du prétendant un martyr, il aurait ordonné de ne pas linquiéter[7].

Résumé

Darsie Latimer, étudiant en droit à Édimbourg, est en Angleterre, pays vers lequel se tournent tous ses vœux, « avec tous les préjugés de lorgueil national ». Orphelin de mère, il a été conduit en Écosse à lâge de six ans. Il ignore qui est son père, position affligeante « dans un pays ou grands et petits sont généalogistes de profession ». Son tuteur lui annonce une immense fortune, qui lui appartiendra quand il aura 25 ans. Dici , il doit éviter de visiter lAngleterre, comme denquêter sur sa famille.

drapeau rouge comportant un carré blanc au centre
Drapeau jacobite.

Alors quil fait du tourisme dans le comté de Dumfries, tout près de lAngleterre, il est enlevé par un personnage mystérieux. Son ami Alan Fairford, apprenant la nouvelle, se lance à son secours. Après bien des intrigues, Darsie découvre que son ravisseur, Herries de Birrenswork, de son vrai nom sir Hugues Redgauntlet, est son oncle. Darsie fait également la connaissance de sa sœur, Lilias. Il découvre par ailleurs que plusieurs jacobites éminents et le prétendant Charles Édouard Stuart sont réunis dans un cabaret du Cumberland, dans le but dorganiser une révolte. Hugues Redgauntlet est à lorigine de ce nouveau complot jacobite, et il veut que Darsie, fils de son frère aîné et chef légitime de la famille, le rejoigne.

Lors de la réunion, Hugues Redgauntlet se rend compte que les conspirateurs sont très réticents à se lancer dans laventure. Soit prudence légitime, soit prétexte, ils font valoir quils soupçonnent la maîtresse du prétendant despionner pour le compte du gouvernement de Londres. Sa présence menace la réussite de lentreprise. Cette femme doit être renvoyée. Charles Édouard refuse, considérant que ses partisans nont pas de condition à mettre à leur ralliement.

Interrompant les discussions, Colin Campbell, lieutenant-général des forces régulières, apparaît soudain. Car le complot a été éventé par le gouvernement. Le roi George III veut bien pardonner aux conspirateurs, sils renoncent à leurs projets.

Charles Édouard repart en exil, tandis que ses partisans, trop heureux de sen sortir à si bon compte, se dispersent. Hugues Redgauntlet, comprenant que la cause jacobite est définitivement perdue, accompagne Charles Édouard dans son exil. Darsie, qui est demeuré fidèle à la cause hanovrienne, est présenté à George III, tandis quAlan épouse Lilias.

Lhistoire de Willie le voyageur

Le roman est écrit sous des formes variées : correspondance, journal, narration classique, confession du capitaine Nanty Ewart. Un moment très fort est le conte narré par Willie le voyageur. Cest une histoire de fantômes, dont la péripétie la plus impressionnante est la rencontre du grand-père de Willie, Steenie Steenson, avec le fantôme de son propriétaire, Robert Redgauntlet (larrière-grand-père de Darsie). Tous les événements surnaturels ont certes des explications raisonnables. Mais Willie les rejette avec véhémence. Lhistoire de Willie le voyageur est le plus célèbre des contes de Walter Scott[8].

Personnages

Le livre compte environ 120 personnages.

  • Darsie Latimer approche de ses 21 ans. Protestant, il nest « pas très pur du vieux levain de lépiscopat ». Hanovrien, il aime cependant à entendre les histoires des Highlanders sur les temps de trouble. Il montre peu dinclination pour la carrière dhomme de loi. Paresseux, de caractère instable, mais dhumeur joviale, agréable compagnon, espiègle, extravagant. Peu de solidité, inconstant, étourdi. Bon et généreux. « Brave garçon, quoique fort léger », selon le père dAlan. Une envie désordonnée de courir après les aventures et les situations romanesques. Se laisse entraîner, sans réfléchir, par le premier venu.
  • Alan Fairford de Clinkdollar, écuyer-avocat, ami de Darsie. Ses qualités sont moins vives et moins brillantes que celles de son ami. Plus réaliste et plus solide que Darsie. Sérieux, solennel et grave. Rigide et réservé. « Jeune sophiste sec et enfumé », de son propre aveu. « Fat ignare et pédant », selon Herries. Prudent, énergique, sensé, généreux, ferme, calme. Il est privé du patronage personnel dont jouissent les jeunes aristocrates, protégés par les alliances de leurs familles. Il sait donc quil lui faut acquérir par de longs efforts les avantages que possèdent les autres « comme par droit de naissance ». Mais, dans une situation dramatique, il nhésite pas une seconde à faire passer lamitié avant sa carrière.
  • Saunders (Alexandre) Fairford, père dAlan, writer to the signet[9]. Whig, hanovrien et presbytérien. Il a combattu du côté hanovrien lors de la rébellion jacobite de 1745. Cependant, il a des clients et des relations daffaires dans les familles des deux partis. Aussi adopte-t-il un compromis de langage pour satisfaire tout le monde : dune personne mêlée à « laffaire » de 1745, il dit quelle sest « absentée » à une certaine époque.
  • William Crosbie, prévôt de Dumfries. Prétend avoir porté les armes contre les jacobites. Affirme abhorrer le papisme et tenir à lÉglise réformée. Magnifiques et nombreuses déclarations de zèle pour les principes de la révolution. Prononce de beaux discours contre le prétendant, ainsi quen faveur du roi George et du gouvernement établi. Mais ses ennemis affirment quils noserait rien avancer de tout cela dans la chambre à coucher conjugale. Prudent, il ne tient pas à mécontenter les jacobites. Nul nayant jamais pu découvrir sil est whig ou tory, il a été nommé trois fois prévôt.
  • Jenny Crosbie, épouse du prévôt. « Proche parente » (cousine au quatrième degré) de Herries. Elle a deffrayants sourcils, porte la culotte dans le ménage, impose à son mari des vues jacobites, tout en affectant en société un air de profonde soumission.
  • Herries, de Birrenswork, ou le laird des lacs. Darsie nest jamais à court dadjectifs pour le définir : triste, sévère, sombre, fier, menaçant, terrible, froid, mélancolique, hautain, dédaigneux, brusque, farouche, sauvage, silencieux, soucieux, grave, taciturne. Dominateur. Méprisant. Arrogant. Alan le trouve désagréable et impoli. Il est en réalité sir Hugues, laird de Redgauntlet, et loncle de Darsie. Tory. Mêlé à « laffaire » de 1745, il a été proscrit et na pas obtenu sa grâce. Sobstine dans des intrigues politiques que tout le monde considère comme désespérées. Téméraire, passionné, déterminé, « âme puissante », il possède « une confiance absolue dans sa force et son énergie supérieures ». Cest « un enthousiaste politique du genre le plus dangereux ». Il considère ses neveux comme « Redgauntlet à moitié » : leur métal a « perdu sa force et sa dureté », puisque leur mère nest pas une Redgauntlet.
  • Cristal Nixon, valet décurie et homme de confiance de Herries. Tory, matérialiste. Renfrogné, misanthrope. Paraît dune fidélité à toute épreuve.
  • La Mante Verte, nièce de Herries, fine, hardie, résolue, calme dans le danger. Il sagit de Lilias Redgauntlet, la sœur de Darsie. Dopinions libérales : elle éprouve une inclination à devenir whig et protestante.
  • Joshua Geddes, de Mont Sharon, quaker. Franc, calme, bienveillant, cordial, humain, jamais à court de réponse, un peu vain. Selon Herries, il est en réalité un grave et avare hypocrite, cupide, fanfaron et lâche. Plus de vivacité que nen veulent laisser paraître ses démonstrations de patience : il na pas réussi à dompter entièrement un naturel fougueux.
  • Willie Steenson, ou Willie le Voyageur, ménétrier ambulant, aveugle.
  • Peter Peebles. Plaideur égaré depuis vingt ans dans un labyrinthe de procédures. A perdu dans les cours de justice « son temps, sa fortune et sa raison ». Sexprime en termes de prétoire. Devenu un pathétique « vieil épouvantail », il pourrait exciter une certaine sympathie. Mais il ne peut faire oublier quil a été un propriétaire cruel. Égoïste forcené, il se comporte en parasite dune noire ingratitude, insolent et désagréable.
  • Matthieu Foxley de Foxley Hall, dans le Cumberland, juge de paix ignare, stupide et poltron.
  • Maître Nicolas Faggot (Nick), Anglais, clerc de Foxley. Ayant un assez joli emploi dans le comté, il se croit tenu à montrer du zèle pour le gouvernement. Vénal et pleutre.
  • Pate Maxwell, de Summertrees, surnommé Tête-en-Péril pour avoir échappé à la potence. Vieux gentilhomme campagnard, « jacobite aussi noir que le vieux levain peut les faire ». Il est sarcastique, ce qui désigne un homme mécontent. Prétentieux, fanfaron, bavard, arrogant, mais aimable convive, joyeux compagnon. Ami du jacobite Henry Redgauntlet qui fut exécuté à Carlisle. Herries le traite parfois dimbécile, mais le consulte néanmoins. Élevé pour le barreau, il na jamais pris la robe, car il a refusé de prêter serment. Se montre donc très méprisant vis-à-vis des hommes de loi dextraction plébéienne, quil appelle « les nouveaux parvenus, les nouveaux seigneurs ».
  • Peter MacAlpin, vieil horloger jacobite de Dumfries, porté sur la bouteille. A fait jouer au carillon dÉdimbourg, un 10 juin[10], lhymne jacobite Over the water to Charlie.
  • Tom Trumbull, dit Tam Turnpenny (« grippe-sou »), « homme très respectable », « jouissant dune certaine considération dans le monde », vieux trafiquant dAnnan, dévot démonstratif, donneur de leçons et, en parallèle, ivrogne. Spécialisé dans lexportation du whisky, quil met à la mode en Angleterre. Selon le capitaine Nanty Ewart, cest un « diable sordide et hypocrite » qui boit toujours aux frais dautrui, qui croit commettre un péché quand il lui faut payer ce quil a bu, et qui a « le plus clair des profits sans courir aucun risque ».
  • Nanty (Antony) Ewart, contrebandier et proscrit, capitaine du brick Jenny la Sauteuse, (la Sainte Geneviève, de son vrai nom), ancien pirate. Ivrogne haut en couleurs, débordant dune jolie verve. Fils dun ministre presbytérien, il a fait des études avant de sombrer dans lalcool : il a une « poignée de latin » et une « petite pincée de grec ». Lit Salluste dans le texte, cite la Bible, Juvénal et Virgile. Il napprécie guère les jacobites, ni ceux qui font « la contrebande de papisme ». Aime le roi George, « mais pas assez pour payer les droits de douane ».
  • Jess Cantrips, fille aux yeux noirs, bien dégourdie. Abandonnée par Nanty, elle tombe dans la prostitution et lescroquerie. Déportée aux colonies.
  • Le père Crackenthorp (Joe), Anglais du Cumberland, trafiquant et cabaretier, « le plus jovial compagnon qui soit au monde », « un gentilhomme, des pieds à la tête ». Dans les meilleurs termes avec les autorités, avec les contrebandiers et avec les conspirateurs jacobites. Ne boit que du rhum, jamais de whisky.
  • Séraphine Arthuret, de Fairladies, vieille fille charitable, « damnée papiste[11] » dun esprit un peu étroit, fortement entraînée vers une dévotion superstitieuse.
  • Angélique Arthuret, sœur cadette de Séraphine, vieille fille comme elle.
  • Dick (Richard), jardinier des sœurs Arthuret. Garçon hardi et causeur. Feint de se rendre en pèlerinage, pour échapper au travail.
  • Ambroise, vieux domestique des sœurs Arthuret, « moitié médecin, moitié aumônier, moitié sommelier » — et tout à fait gouverneur des âmes, le père confesseur étant souvent absent.
  • Le révérend père Bonaventure, solennel, majestueux, sérieux, triste. Il sagit en réalité de Charles Édouard Stuart, figure historique déjà croisée dans Waverley. Autoritaire, condescendant, voire méprisant, inflexible. Dans lintroduction, Scott évoque léclatant Charles Édouard de 1745, vaillant, infatigable, remportant trois batailles sur des forces régulières[12]. Il na rien à voir avec cet homme vieilli avant lâge, imbu de son importance, buté dune façon si prévisible quil offre à des partisans irrésolus un prétexte pour se défiler[13].
  • La maîtresse de Charles Édouard. Scott ne la nomme pas dans le récit, mais il dit sinspirer de Clementina Walkinshaw[14]. Beauté fière et superbe, aucune modestie. Les conspirateurs la présentent comme une espionne, pensionnée du gouvernement hanovrien, ayant une sœur à la cour « de lélecteur de Hanovre » (le roi George III). La pression que les conspirateurs exercent à son sujet sur le prétendant a un fondement historique : un certain MacNamara avait été dépêché à Paris pour obtenir de Charles Édouard la mise au couvent de la suspecte[15].
  • Colin Campbell le Noir, lieutenant-général de larmée régulière.

Personnages de lhistoire de Willie le Voyageur

  • Sir Robert Redgauntlet de Redgauntlet.
  • Steenie Stenson, grand-père de Willie le Voyageur.
  • Le vieux Dougal MacCallum, sommelier.
  • Lawrie Lapraik, voisin et créancier de Steenie, un fin matois, whig ou tory suivant le côté d vient le vent.
  • Le major Weir (du nom dun sorcier brûlé à Édimbourg), singe de sir Robert.
  • Sir John, fils de sir Robert.
  • Le vieil Hutcheon.
  • La mère Tibbie Faw, grande diablesse de femme tenant un petit cabaret solitaire, à lentrée du bois de Pitmurkie.
  • Un cavalier étranger.
  • Fantômes de seigneurs sanguinaires.
  • Fantômes de leurs exécuteurs de basses œuvres.

Analyse

En 1824, avec Redgauntlet, Scott délaisse un moment lexotisme et le passé lointain (Ivanhoé, Kenilworth, Quentin Durward) pour revenir à linspiration de ses débuts romanesques : lÉcosse du XVIIIe siècle, veine qui aurait fourni, selon certains, le meilleur de sa production[16]. On parle parfois de « cycle jacobite[17] », dune trilogie qui réunirait Rob Roy (évoquant la rébellion jacobite de 1715), Waverley (évoquant la rébellion jacobite de 1745) et Redgaunlet (sinspirant des derniers complots jacobites).

Le livre contiendrait des références autobiographiques. Le père dAlan évoquerait le père de l'auteur, et les personnages dAlan et de Darsie seraient deux facettes du propre caractère de Scott[18], à la fois homme de loi réaliste et poète rêveur.

Thèmes principaux

Respect des lois

Le respect des lois est au centre de ce livre qui défend vivement la bourgeoisie. Le récit fait apparaître que les survivances du passé ne permettent pas toujours dassurer la protection des biens et des personnes : le prévôt de Dumfries ne voulant pas mécontenter les gentilshommes campagnards (catholiques et jacobites), la pêcherie des quakers est détruite sans que les coupables soient inquiétés ; Darsie est enlevé par un proscrit sans que des recherches soient entreprises ; un plaideur fou obtient dun juge de paix fantoche un mandat damener contre son avocat... Toutes ces anomalies appartiennent à un temps révolu, au temps de la noblesse, la force primait sur le droit, la justice était confiée à des incompétents. Les hommes de loi issus de la bourgeoisie, tel Alan, incarnent le présent[19]. Ils sont pour défendre « la liberté et le droit de propriété ».

Changement de société

« Scott est un fils des Lumières », dit James MacCearney. Il a appris chez David Hume, chez Adam Ferguson et chez Adam Smith[20]. Et ses romans historiques ont pour objet de démontrer comment une société passe dun état de civilisation à un autre. Dans Redgauntlet, on trouve bien entendu le thème scottien récurrent dune catégorie sociale réaliste, qui prend le pas sur des féodaux égarés dans des valeurs désuètes (honneur, bravoure), armes inadaptées à ce combat dun type nouveau. Les vertus chevaleresques sont mortes avec Charles Édouard, dit Scott[21].

Courage civil

Le thème du courage est souvent évoqué[22]. Par opposition au courage militaire (exalté dans les rêveries romanesques de Darsie), le courage civil est vigoureusement défendu par lavocat Alan[23] et par le quaker Joshua Geddes[24].

Destin

Une discussion sur le libre-arbitre (« la liberté des Anglais ») et la prédestination oppose Darsie à son oncle[25].

Comme dans une tragédie grecque, le destin semble punir les Redgauntlet dun crime commis par un aïeul : cette famille nembrasse que des causes qui vont échouer[26]. Les Redgauntlet sont résolus, ils luttent vigoureusement, ils font preuve du courage le plus désespéré, mais ils ne peuvent jamais avancer dun seul pas[27].

De même un conspirateur, désespéré de lopiniâtreté du prétendant, va jusquà soupçonner la famille Stuart de subir quelque vengeance de Dieu (parole qui aurait été réellement adressée au prétendant par MacNamara[28]).

Grande cause perdue

On trouve dans le livre de Scott « le thème cher entre tous au romantisme, le chant funèbre dune grande cause perdue[29] ».

Fantômes du passé

Des critiques interprètent lhistoire de Willie le Voyageur comme une parabole renvoyant au roman. Steenie serait Darsie. Le cavalier étranger (en qui certains voient le diable[30]) serait le mystérieux cavalier qui sauve Darsie de la noyade. Le refus dobéir à un ordre déraisonnable venu doutre-tombe (jouer dune cornemuse rougie à blanc) correspondrait au refus de Darsie de venger la mort de son père en adhérant à une cause perdue davance. Scott semble nous dire que les fantômes du passé sont à respecter, mais que nous ne devons pas pousser trop loin la dévotion. Nous devons savoir garder notre libre-arbitre[31].

Réconciliation

Le livre est écrit deux ans après la première visite dun souverain de la maison de Hanovre à Édimbourg. Scott, grand ordonnateur de cette venue, est aussi dans ses romans « le pacificateur ». Sil répète, livre après livre, quil convient de se soumettre aux verdicts de lHistoire, il prend soin de respecter les vaincus. Dans Redgauntlet, il donne à lépopée stuart « une dignité sereine et solennelle quelle était loin davoir dans les faits ». Il apprivoise les démons du passé, « qui sont aussi ceux de nos passions, car quest-ce que le progrès, pour lhomme des Lumières quil était, sinon la subordination des pulsions humaines à lempire de la raison[32] ? »

Influence

La réunion des nobles conspirateurs prépare celle que Balzac met en scène dans les Chouans. Le récit du capitaine Nanty Ewart et la terrible figure de Herries annoncent Le Maître de Ballantrae de Stevenson.

Adaptations

  • En 1830, Alfred de Musset tire de lhistoire de Willie le voyageur une pièce de théâtre, La Quittance du diable, qui ne peut être représentée, en raison des troubles révolutionnaires. Elle est jouée à Avignon, au Théâtre des Roues à Aubes, en 1998[30],[33] ; puis représentée en Touraine, en 2008, par le Théâtre de lAnte[34].
  • Le roman lui-même connaît différentes adaptations théâtrales ou musicales outre-Manche, mais aussi en France.
    • Le Revenant, opéra, musique de Gornis[29], donné en 1834 à lOpéra-Comique de Paris.
    • Redgauntlet, opéra français, donné en 1843, paroles et musique de Paul Foucher et Jules Alboise de Pujol[30].

Notes et références

  1. Walter Scott, Redgauntlet : histoire du XVIIIe siècle, coll. « Motifs », Privat/Le Rocher, 2007, t. II, p. 268.
  2. T. II, p. 54.
  3. T. II, p. 9 et 267.
  4. T. II, p. 165-167.
  5. Darsie Latimer, personnage en 1745, va sur ses 21 ans. T. II, p. 232, 243 et 247. De plus, Charles Édouard est présenté comme le prétendant (« le roi », disent les jacobites), ce quil nest devenu quà la mort de son père, le 1er janvier 1766.
  6. Walter Scott, « Introduction », op. cit, t. I, p. 28.
  7. (en) « Redgauntlet », Walter Scott, Edinburgh University Library.
  8. Henri Suhamy, Sir Walter Scott, Fallois, 1993, p. 352.
  9. Writer to his majestys signet ou writer-signet : « écrivain du sceau de sa majesté », sorte de procureur ou davoué à la cour de justice, à Édimbourg. Équivalent du procureur du roi dans la France de lAncien Régime. Il a plus de privilèges que le simple writer (avoué en première instance). Ladvocat plaide seulement. Albert Montémont, in Walter Scott, op. cit., p. 191.
  10. Jacques François Édouard Stuart, dit « le Vieux Prétendant », est le 10 juin 1688.
  11. T. II, p. 175.
  12. Walter Scott, « Introduction », op. cit, t. I, p. 21 et 22.
  13. Id.,p. 31.
  14. Id.,p. 29.
  15. Id., p. 29 et 30.
  16. « Le génie de Scott sexprime surtout dans ses romans écossais. » James MacCearney, « Préface » de Walter Scott, op. cit., t. I, p. 10. Voir aussi Robert Louis Stevenson, « Rosa Quo Locorum », Essais sur lart de la fiction, Payot & Rivages, 2007, p. 85 et 86. Voir aussi Laffont, Bompiani, Le Nouveau Dictionnaire des auteurs de tous les temps et de tous les pays, coll. « Bouquins », Robert Laffont, 2002, t. III, p. 2920.
  17. Henri Suhamy, op. cit., p. 349. James MacCearney, ibid., parle de « romans jacobites ».
  18. Henri Suhamy, op. cit., p. 350.
  19. Henri Suhamy, op. cit., p. 350 et 351.
  20. James MacCearney, id., p. 16.
  21. Walter Scott, « Introduction », op. cit, t. I, p. 35.
  22. T. I, p. 67, 73 et 74.
  23. T. I, p. 67 et 111.
  24. T. I, p. 131 et 355.
  25. T. II, p. 21-23.
  26. T. II, p. 18 et 19.
  27. T. II, p. 245.
  28. Walter Scott, « Introduction », op. cit, t. I, p. 30. MacNamara est lémissaire chargé par les jacobites dobtenir de Charles Édouard la mise au couvent de Clementina Walkinshaw.
  29. a et b James MacCearney, id., p. 9.
  30. a, b et c (en) « Wandering Willies Tale (Characters) », Answers.com.
  31. Henri Suhamy, op. cit., p. 351-353. Il cite Edgar Johnson.
  32. James MacCearney, id., p. 19.
  33. La quittance du diable, passion-theatre.org.
  34. La Quittance du Diable, 18 avril 2008, Théâtre de lAnte.

Article connexe



Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Redgauntlet de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем написать курсовую

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Redgauntlet — infobox Book | name = Redgauntlet author = Sir Walter Scott cover artist = country = United Kingdom language = English series = Waverley Novels genre = Historical novel publisher = Archibald Constable and Co. release date = June 1824 media type …   Wikipedia

  • REDGAUNTLET —    an enthusiastic Jacobite character in Sir Walter Scott s novel of the name, distinguished by a horse shoe vein on his brow, which would swell up black when he was in anger …   The Nuttall Encyclopaedia

  • Walter Scott — Pour les articles homonymes, voir Walter Scott (homonymie) et Scott. Walter Scott …   Wikipédia en Français

  • Sir Walter Scott — Walter Scott Pour les articles homonymes, voir Walter Scott (homonymie) et Scott. Walter Scott …   Wikipédia en Français

  • Walter Scott — 1822. Porträt von Henry Raeburn Sir Walter Scott, 1. Baronet von Abbotsford (* 15. August 1771 in Edinburgh; † 21. September 1832 in Abbotsford), schottischer Dichter und Schriftsteller, war einer der nicht nur in Europa meistgelesenen Autoren… …   Deutsch Wikipedia

  • Sir Walter Scott — Walter Scott 1822. Porträt von Henry Raeburn Sir Walter Scott (* 15. August 1771 in Edinburgh; † 21. September 1832 in Abbotsford) war ein europaweit bekannter schottischer Schriftsteller, der Historienromane schrieb …   Deutsch Wikipedia

  • Guy Mannering — astrologue nouvelle écossaise Auteur « the Author of Waverley » (Walter Scott) Genre roman Version originale Titre original Guy Mannering or The Astrologer Éditeur original • Longman …   Wikipédia en Français

  • Les Fiancés (Scott) — Cet article concerne un roman de Walter Scott. Pour celui d Alessandro Manzoni, voir Les Fiancés. Le Connétable de Chester ou les Fiancés Auteur Walter Scott Genre roman historique …   Wikipédia en Français

  • Sir Robert Grierson, 1st Baronet — (1657 29 December 1733), was a Scottish baronet. Grierson was born at the farm of Barquhar, the son of William Grierson (c. 1626 after 6th December, 1665), of the farm of Barquhar, Dumfriesshire, Scotland, and his wife, Margaret Douglas (b. c.… …   Wikipedia

  • Devil's Beef Tub — The Devil s Beef Tub. The Devil s Beef Tub is a deep, dramatic hollow in the hills north of the Scottish town of Moffat. The 500 foot (150 m) deep hollow is formed by four hills, Great Hill (1527 ft, 465 m), Peat Knowe, Annanhead… …   Wikipedia

Share the article and excerpts

Direct link
https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/1418204 Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”